Synopsis : Pendant 15 années, Juliette n’a eu aucun lien avec sa famille qui l’avait rejetée.
Alors que la vie les a violemment séparées, elle retrouve sa jeune soeur, Léa, qui l’accueille chez elle, auprès de son mari Luc, du père de celui-ci et de leurs fillettes.
Avis : Il y a longtemps que je t’aime n’est pas un grand film de cinéaste. La réalisation est la plupart du temps quelconque, certains plans même très vilains. Mais Claudel compense largement cette faiblesse formelle par une émotion à fleur de peau et une sincérité qui sonnent parfaitement juste . Et l’humain, surtout l’humain, filmé comme rarement. Il sait saisir les regards, les silences, les tensions sous-jacentes. Par de petites touches délicates, il passe de l’ambiance pesante, étouffante du début, marquée par le poids du secret à celui de la renaissance, et du "ré-apprentissage" du monde sociale et des liens familiaux (car contrairement à ce que certains critiques avancent pour éreinter le film, il ne s’agit pas d’une histoire de redemption – donc peu importe ce que Juliette a fait ou non, mais plus simplement de réinsertion et de recomposition – donc comment Juliette surmonte ses 15 ans d’enfermement).
La principale richesse du film est sans conteste l’interprétation des deux actrices principales (bien soutenues par des seconds rôle épais et convainquants). Claudel les filme au plus près, sans fard et ne rate aucune de leurs émotions. Elsa Zylberstein traduit avec fragilité une sorte de régression au retour de sa soeur, comme si elle revenait 15 ans en arrière en mettant de côté sa réussite professionelle, pour l’accueillir avec l’admiration qu’elle a toujous eu pour elle. Les questions d’adulte, ce n’est pas elle qui les pose, mais sa petite fille. Et puis il y a la reine. Kristin Scott Thomas irradie et porte le film de bout en bout. En prenant le risque d’être filmée sans maquillage, le visage creusé, meurtri, vieilli, elle rencontre sans doute le rôle qui manquait à sa carrière française, et prouve (pour ceux qui en doutaient) qu’elle est une des actrices les plus talentueuses de ces dix dernières années (la plus talentueuse à mon simple et humble avis). Elle n’a pas besoin de mots pour exprimer les sentiments les plus complexes. Un haussement de cils, un sourire esquissé, une crispation de la machoire, un mouvement de corps, suffisent à poser le difficile rôle de Juliette. Au début bête traquée, en alerte à chaque son inédit pour elle depuis 15 ans, dure et méfiante de tout et de tous, elle réapprend progressivement à accepter l’amour qu’on lui porte, réappend à sourire (d’abord des sourires de travers, crispés, et de plus en plus confiants – formidablement rendus par sa relation avec sa nièce). Et malgré ce personnage âpre, elle ne se départit pas de sa classe naturelle (qui ne dénature cependant pas le personnage, mais laisse au contraire paraître la superbe femme qu’aurait pu (du) être Juliette). Mais cette actrice, il y a longtemps que je l’aime…
Et ces yeux… Un regard qui nous hante longtemps après le générique de fin…