Cinéma | L’ÎLE ROUGE – 10/20

De Robin Campillo
Avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle

Chronique : Après la claque 120 Battements par Minute, Robin Campillo revient avec un récit intime et autobiographique sur son enfance à Madagascar. Un film sensuel et délicat, d’une beauté enivrante mais si personnel qu’il en devient presque excluant.
Le réalisateur tente de retranscrire à l’écran ses souvenirs. L’île Rouge est une chronique familiale à hauteur d’enfant, un film d’observation et de sensation peu conscient du climat politique ambiant alors que sonne la fin de l’empire colonial français et que le rejet de la culture française par le peuple malgache se fait de plus en plus pressant.
Comme autant de madeleines proustiennes, Campillo se remémore des instants diffus qu’il a vécu. Il allonge les scènes comme s’ils voulaient qu’on ressente ses souvenirs à sa place. Mais on reste logiquement un peu étranger à son ressenti intime. Il semble par exemple que ses longs moments à lire Fantômette l’aient beaucoup marqué. Pas certain que nous infliger en fil rouge une adaptation filmée du roman pour enfant était le meilleur moyen de nous faire revivre cet instant… Ces passages décalés sont une catastrophe pour le rythme et nous font sortir irrémédiablement du film.
Campillo parvient cependant à créer une atmosphère singulière autour de Tom et sa famille. De part les regards, les gestes, (tous les acteurs sont excellents), mais aussi la virtuosité de sa mise en scène. L’île Rouge est un très beau film, qui sait magnifier les couleurs qu’offre la nature malgache, l’ocre de la terre battue, le bleu du ciel, l’or du sable brûlant…. Campillo réussit à créer une sorte de tension qui semble nous préparer à évènement violent qui n’arrivera jamais. C’est un des choix narratifs assez radicaux du réalisateur, comme celui de n’ouvrir véritablement son histoire aux malgaches que dans la dernière demi-heure. On comprend l’idée, notamment sa portée politique, mais ça ne fonctionne pas vraiment à l’écran.
A trop vouloir coller à ses souvenirs d’enfant, Campillo délimite mal les enjeux de L’île Rouge, si bien qu’il donne l’impression de faire un film pour lui-même plutôt que pour le plus grand nombre. Il capture de beaux moments dans une superbe mise en scène mais le rendu final s’avère assez vain.

Synopsis : Début des années 70, sur une base de l’armée française à Madagascar, les militaires et leurs familles vivent les dernières illusions du colonialisme.

Séries | SUCCESSION S04 – 18/20 | THE MARVELOUS MRS MAISEL S05 – 17/20 | TED LASSO S03 – 13/20

Trois très grandes séries tirent leur révérence. Chroniques.

SUCCESSION S04 (Pass Warner/HBO) – 18/20

L’une des meilleures séries des dix dernières années s’achève en apothéose (pouvait-il en être autrement ?). Si le langage mediatico-financier et les manœuvres politiques sont toujours aussi opaques, l’intérêt de la série est ailleurs. Dans la finesse et la célérité des dialogues, dans l’impressionnante précisions des interactions entre ces népo-milliardaires, dans sa réalisation en mode quasi-documentaire qui ne rate aucune émotion, aucune intention d’un casting sensationnel (et je pèse mes mots). La série a au fil des épisodes construit sa propre grammaire, sa singulière véracité. Sa griffe. Et cette musique, baroque, opératique, signature essentielle du show.
Drame familial shakespearien dans lequel les alliances se construisent toujours autour d’un équilibre précaire entre intérêts personnels et affection fraternelle (toujours relative), Succession offre un final à la hauteur de se réputation, regorgeant de moments dantesques dont un épisode 3 monumental, déjà culte, un épisode 7 en surtension et une conclusion en apnée.
Elle a d’ores et déjà rejoint le cercle restreint des séries indispensables.

THE MARVELOUS MRS MAISEL S05 (Prime Video) – 17/20

Consciente qu’il s’agit du dernier round, The Marvelous Mrs Maisel se réinvente avec audace, restructure sa narration. La plupart des épisodes commencent ainsi par des flash-forward qui nous renseignent sur ce que deviendront Midge et ses proches 10, 15 ou 30 ans plus tard, disséminant quelques mystères à résoudre d’ici le grand final.
Toujours aussi drôle, mais plus sensible et un poil mélancolique, la série se concentre sur les parcours de ses personnages principaux et finit par nous émouvoir et nous serrer le cœur.
Une conclusion pensée, réfléchie, qui boucle parfaitement la boucle et ne néglige rien ni personne. Une très belle tournée d’adieu. Et en bonus, vous saurez d’où vient le titre The Marvelous Mrs Maisel.

TED LASSO S03 (AppleTV+ – 14/20) La série la plus feel good du moment tire sa révérence avec une troisième saison un chouille décevante. Elle fait toujours autant de bien, est toujours aussi bienveillante mais parfois à l’excès. Les histoires de chacun semblent plus écrites, les récits plus forcés moins naturels.
Certes, la série aborde des sujets importants comme la dépression, le désir d’enfant, #metoo et même l’homosexualité dans le foot, mais sans vraiment les creuser, avec un optimisme sur le genre humain qui confère à la naïveté. Kent, Tartt ou Nate s’affadissent en n’ayant quasiment plus de défauts.
Heureusement, l’écriture reste l’atout numéro un du show, drôle et émouvant. They’ll be missed.

Cinéma | L’AMOUR ET LES FORÊTS – 14/20

De Valérie Donzelli
Avec Virginie Efira, Melvil Poupaud

Chronique : Drame effrayant sur l’emprise mentale et psychologique dans le couple, l’Amour et les Forêts dissèque les mécanisme pervers et insidieux qui conduisent aux violences conjugales.
S’éloignant du naturalisme qui généralement prévaut lorsque le cinéma français aborde de tels sujets, Valérie Donzelli déploie une mise en scène diverse qui, sans aller jusqu’à la fantaisie de ses films précédents, multiplie les effets discrets mais efficaces. La romance se transforme peu à peu en un thriller inquiet et dérangeant, que Virginie Efira habite à la perfection (encore oui). L’actrice belge incarne rarement des personnages fragiles, mais elle démontre ici qu’elle a peu de limite et qu’elle peu à peu près tout jouer. Elle retranscrit à la perfection la foule de sentiments qui traverse Blanche, du bonheur insouciant des débuts aux premiers doutes, et jusqu’à la peur primale qui la gagne progressivement. Face à elle, Melvil Poupaud est absolument terrifiant en prince charmant se muant en mari surprotecteur et abuseur narcissique. Leur confrontation, électrique, tétanisante, est l’ingrédient qui donne au film son intensité.
Utile et très abouti.

Synopsis : Quand Blanche croise le chemin de Gregoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.