Cinéma | BLACK WIDOW – 13,5/20

De Cate Shortland
Avec Scarlett Johansson, Florence Pugh, Rachel Weisz

Chronique : Si Black Widow ne répond à aucune sorte de nécessité dans le récit inextinguible du MCU – d’autant plus qu’il s’agit d’un retour en arrière, le film se situant après Civil War – il était temps malgré tout pour Marvel, de rendre hommage au personnage de Natasha Romanoff et à son interprète.
Et ils ont bien fait les choses. Black Widow est un film d’action bien troussé et efficace, prenant, qui offre à l’héroïne une jolie back story, jouant sur les ressorts de la famille dysfonctionnelle et de la sororité. Le mélange d’humour et de castagne est réussi et pertinent, et l’ajout d’une pointe d’émotion passe très bien.
Comme souvent chez Marvel, l’atout numéro un de leurs blockbusters est son casting. Black Widow ne déroge pas à la règle et se situe même plutôt dans le haut du panier.
Evidemment, Scarlett est Scarlett (donc parfaite), mais elle trouve en Florence Pugh une successeuse idéale. La jeune femme, impressionnante dans The Young Lady et vue dans Les filles du Docteur March et surtout Midsommar, est une actrice d’exception qui ne devrait pas tarder à devenir incontournable dans le MCU. A leur côté, Rachel Weiss est toujours aussi lumineuse et même David Harbour, est convaincant (et ça me fait mal d’écrire ça).
Avec cet adieu réussi à une figure historique des Avengers, Marvel lance tout en douceur sa phase 4 sur grand écran. Parfait pour patienter jusqu’à Spider-man : No Way Home.

Synopsis : Natasha Romanoff, alias Black Widow, voit resurgir la part la plus sombre de son passé pour faire face à une redoutable conspiration liée à sa vie d’autrefois. Poursuivie par une force qui ne reculera devant rien pour l’abattre, Natasha doit renouer avec ses activités d’espionne et avec des liens qui furent brisés, bien avant qu’elle ne rejoigne les Avengers.

Cinéma | KAAMELOTT, PREMIER VOLET – 13/20

De Alexandre Astier
Avec Alexandre Astier, Lionnel Astier, Alain Chaba

Chronique (sans spoil) : Il est de retour et c’est pas dommage. C’est peu dire que les fans (et j’en suis) attendaient la suite des aventures du roi Arthur et leur déclinaison sur grand écran. Parce qu’un clifhanger qui reste 10 ans en suspens, c’est long, c’est même très long. KV1 va donc enfin nous éclairer sur ce qui s’est passé après qu’Arthur ait abandonné son Royaume.
Il est évident que vous vivrez cette expérience différemment que vous soyez ou non un adepte de la série. Parce que l’univers qu’Astier a construit joue sa propre petite musique, qu’une oreille avertie appréciera bien plus qu’un novice. Une gouaille, des tronches, une rythmique, des dialogues au cordeau, des répliques cultes, un langage qui lui est propre. Elle résonne (au sens propre) dès les premières minutes de KV1, comme pour nous rassurer. On est en terrain connu. Et effectivement, le film ne perd rien du sel et de la singularité qui rendent la série si spéciale. Mais il ne se débarrasse pas pour autant de certaines scories.
KV1 est bien Kaamelott, en version pimpée par un budget de blockbuster. A son crédit, une intrigue qui tient solidement sur ses deux piliers, l’humour et le romanesque. L’intrigue est tenue, répond aux questions que la fin de la série posait et avance sereinement, sans trop de détours (hormis de mystérieux flash-back – pour l’instant- sans intérêt). Elle nous permet surtout de retrouver des personnages qu’on adore, et avec eux les gimmicks, les punchlines astieriennes et quelques grands numéros d’acteurs. Astier se met d’ailleurs très volontiers en retrait pour permettre à sa troupe de briller. Pour le meilleur (Chabat, De Caunes, Clavier – he oui ! et les petits nouveaux Galienne et Cornillac) et le pire (très mauvaise idée de faire jouer ses enfants). La profusion des personnages et la nécessité de faire avancer l’histoire crée d’ailleurs quelques frustrations, on n’a pas assez de Dame Séli, de Léodagan, de Merlin, de Belt ou de Guethenoc (mais le peu qu’ils nous offrent constituent de petits bonbons).
Là où le bât blesse, c’est sur la dimension épique qu’on était en droit d’attendre du passage au long métrage. On ne peut pas dire que Kaamelott Premier Volet soit du grand cinéma. Certes, la ligne costume a visiblement été bien gonflée (Lancelot en phallus décalotté ou les burgondes en mode Ru Paul, ma foi pourquoi pas), mais la mise en scène reste sommaire et manque clairement de souffle, d’ampleur, ou simplement d’idées. Si la première partie et ses paysages splendides donne l’illusion de bond qualitatif, on retrouve vite le côté bricolage de la série une fois qu’Arthur a regagné Kaamelott. Le final est en ce sens un peu riquiqui. Sans parler du fait qu’on nous a vendu de l’Heroic Fantasy qu’on devine juste subrepticement dans les dernières minutes.
Kaamelott Premier Volet n’est pas une déception, on rit franchement, le film montre du cœur et l’histoire avance comme elle se doit. Mais on n’est pas transporté non plus…
Reste qu’en démiurge absolu, Alexandre Astier a mine de rien créé une saga unique en son genre, transcendant les mediums et les formats, s’étalant sur une vingtaine d’année et fidélisant au fil du temps une communauté aussi vaste qu’investie. Ce n’est pas Avengers, ce n’est pas Harry Potter, c’est Kaamelott et c’est déjà très bien.
Et évidemment, j’attends déjà KV2

Synopsis : Le tyrannique Lancelot-du-Lac et ses mercenaires saxons font régner la terreur sur le royaume de Logres. Les Dieux, insultés par cette cruelle dictature, provoquent le retour d’Arthur Pendragon et l’avènement de la résistance. Arthur parviendra-t-il à fédérer les clans rebelles, renverser son rival, reprendre Kaamelott et restaurer la paix sur l’île de Bretagne ?

Cinéma | DÉSIGNÉ COUPABLE – 14/20

De Kevin Macdonald
Avec Tahar Rahim, Jodie Foster, Shailene Woodley

Chronique : « Ceci est une histoire vraie ». En choisissant soigneusement les 5 mots qui ouvrent le film, les préférant au plus courant « Tiré d’une histoire vraie », Kevin Mcdonald laisse peu de place au doute sur l’agenda politique de Désigné Coupable.
A travers l’histoire de Mohamedou Ould Slahi, c’est un réquisitoire en bonne et due forme contre la politique américaine post 11 septembre que mène le réalisateur écossais. Il pointe plus particulièrement du doigt l’opacité du fonctionnement de Guantánamo, n’hésitant pas à le présenter comme un centre de détention bafouant allégrement le droit international.
La démonstration est aussi passionnante qu’éloquente. Basé sur les écrits de Mohamedou transmis à son avocate durant sa détention, Désigné Coupable rend compte à la fois de la détermination aveugle du gouvernement Bush à trouver coûte que coûte des coupables à présenter aux américains et des traitements extrêmes (torture physique et psychologique, chantage…) endurés par les prisonniers pour leur soutirer des aveux au mépris des règles les plus élémentaires des droits de l’homme.
Sobre dans sa mise en scène, tout juste passe-t-il au format 4/3 pour explorer les flash-backs, Désigné Coupable se démarque grâce à l’incroyable richesse du témoignage de Mohamedou et l’interprétation exceptionnelle de Jodie Foster et Tahar Rahim. Le délicat jeu d’équilibre entre défiance et confiance qui se met en place entre le prévenu et l’avocate est un modèle de précision et d’humanité. Rahim impressionne autant dans ses nuances que par son investissement physique. Sa filmographie française souffrait déjà de peu de fautes de goût, sa carrière américaine, après The Looming Tower ou le Serpent, prend le même chemin. Ses nominations aux Golden Globes et aux Baftas sonnent plus comme un commencement qu’une consécration.
Désigné Coupable s’élève ainsi un peu au-dessus de son statut de film dossier, s’efforçant de rester le plus fidèle au témoignage de Mohamedou pour offrir à ce premier regard cinématographique sur cette page récente et peu glorieuse des Etats-Unis toute sa légitimité.

Synopsis : Capturé par le gouvernement américain, Mohamedou Ould Slahi est détenu depuis des années à Guantánamo, sans jugement ni inculpation. À bout de forces, il se découvre deux alliées inattendues : l’avocate Nancy Hollander et sa collaboratrice Teri Duncan. Avec ténacité, les deux femmes vont affronter l’implacable système au nom d’une justice équitable. Leur plaidoyer polémique, ainsi que les preuves découvertes par le redoutable procureur militaire, le lieutenant-colonel Stuart Couch, finiront par démasquer une conspiration aussi vaste que scandaleuse. L’incroyable histoire vraie d’un combat acharné pour la survie et les droits d’un homme.

Cinéma | SANS UN BRUIT 2 – 14/20

De John Krasinski
Avec Emily Blunt, John Krasinski, Cillian Murphy

Chronique : Sans un Bruit (le premier) avait rencontré un succès surprise mais parfaitement mérité.
Sa suite continue d’explorer son concept malin et anxiogène (tu fais du bruit, tu meurs), et se révèle très aboutie. Le travail sur le son est toujours aussi précis et immersif et la mise en scène de John Krasinski s’étoffe encore un peu plus, livrant des instants d’angoisse irrespirables et de grands moments de bravoure.
Le réalisateur parvient notamment à créer une tension folle en faisant se répondre deux scènes se déroulant à des kilomètres l’une de l’autre mais exposant ses personnages à des dangers aussi létaux dans les deux cas. Scotchant. Car la force de ce qui peut maintenant être considéré comme une licence, c’est le soin apporté à ses personnages, à la dynamique qui s’installe entre eux. Comment rester une famille dans un monde post-apocalyptique où la mort guette partout, tout le temps ?
Il est en ce sens intéressant de voir comment le scénario modifie le point de vue du premier opus en faisant des enfants les moteurs de l’intrigue, exposant de manière très concrète la nécessité pour eux de grandir plus vite, de prendre rapidement des responsabilités d’adulte. La jeune actrice sourde Millicent Simmonds s’avère ainsi être la vraie star de Sans un bruit 2.
Une suite efficace, c’est le moins que l’on puisse dire.

Synopsis : Après les événements mortels survenus dans sa maison, la famille Abbot doit faire face au danger du monde extérieur. Pour survivre, ils doivent se battre en silence. Forcés à s’aventurer en terrain inconnu, ils réalisent que les créatures qui attaquent au moindre son ne sont pas la seule menace qui se dresse sur leur chemin.

Cinéma | ANNETTE – 16/20

De Leos Carax
Avec Adam Driver, Marion Cotillard, Simon Helberg

Chronique : Ma dernière (et unique) expérience du cinéma de Leos Carax était jusqu’à présent Holy Motors, un souvenir en tout point détestable.
Mais Annette m’a littéralement happé. Dès sa formidable introduction très brechtienne, l’appréhension s’est envolée. Sur l’hymne entêtant « So may we start » des Sparks, que vous aurez très longtemps dans la tête, les acteurs, équipes techniques, musiciens, Carax lui-même, se mettent en ordre de marche pour nous raconter l’histoire de Ann, Henry et leur petite fille si spéciale, Annette.
L’étrangeté et la flamboyance de cet aparté préliminaire n’est qu’un avant-goût d’une mise en scène affolante, outrancière, gavée de cinoche et de moments étourdissants mêlant théâtre, opéra et musique rock.
Mais ces effets ne sont pas vains, ils se télescopent pour raconter avec cohérence ce conte lugubre, une histoire d’amour, d’abus et d’égo. Des sujets aussi intemporels (la passion, la jalousie, la mort), que contemporain (la woke culture, #metoo, les affres de la célébrité), que Carax peut traiter avec la hauteur que lui permet ce format distancié.
On doit cette richesse au lyrisme de la partition musicale des Sparks, à la maestria de Carax mais également au charisme des comédiens qui interprètent le couple maudit. Cotillard et Driver sont des acteurs fascinants, protéiformes, des stars de cinéma au sens noble, icônes idéales pour incarner Ann et Henry. En revanche, ce ne sont pas de très grands chanteurs, ce qui constitue un écueil qu’on peut difficilement ne pas évoquer. Le film n’est donc pas sans défaut, il est sans doute un peu trop long aussi (les passages de one man de Henry) et les dialogues chantés ne sont vraiment pas ma tasse de thé (doux euphémisme).
Mais rien qui ne puisse vraiment entacher l’expérience sensitive unique qu’est Annette, ni effacer le sentiment d’avoir vu (et entendu) un gros morceau de cinéma, pensé et exécuté comme tel. C’est suffisamment rare pour que ce soit vraiment marquant.

Synopsis : Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.

Cinéma | MINARI – 14/20

De Lee Isaac Chung
Avec Steven Yeun, Ye-Ri Han, Yuh-Jung Youn

Chronique : Chronique d’une famille d’immigrés coréens dans l’Amérique Reaganienne, Minari est un portrait d’une infinie délicatesse, intime et généreux.
Il y est question d’intégration, d’espoirs déçus et de la confrontation du rêve américain à la réalité. Surtout, Minari traduit avec beaucoup de justesse les aspirations contraires de chacun des membres de cette famille et des trois générations qui la composent.
Les parents souhaitent offrir à leurs enfants une meilleure vie que la leur, mais leurs visions s’opposent diamétralement. Lui souhaite bâtir quelque chose de ses propres mains, trouver l’indépendance à travers cette exploitation agricole alors que elle aurait préféré la sécurité et la praticité de la ville. Les enfants quant à eux ne connaissent que les Etats-Unis et semblent rejeter leur pays d’origine, repoussant leur grand-mère qui débarque de Corée sans que cette dernière ne s’en formalise plus que ça. Au contraire, elle en joue, taquine son petit-fils, jure, se passionne pour le catch à la TV. L’actrice Yuh-Jung Youn qui interprète cette mamie drôle et impertinente a obtenu pour cette délicieuse interprétation un Oscar du meilleur second rôle bien mérité. La relation qu’elle tisse avec ce petit gars qu’elle ne connaissait pas (le jeune acteur est lui aussi excellent) est très touchante et sert de fil rouge au film, comme un symbole du choc culturel qui peut sévir au sein d’une famille déracinée.
Minari ne paie pas de mine, mais enchaine de très beaux moments graciles, servi par une mise en scène d’une allure folle. Un film profond et élégant.

Synopsis : Une famille américaine d’origine sud-coréenne s’installe dans l’Arkansas où le père de famille veut devenir fermier. Son petit garçon devra s’habituer à cette nouvelle vie et à la présence d’une grand-mère coréenne qu’il ne connaissait pas.

Cinéma | TEDDY – 13/20

De Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma
Avec Anthony Bajon, Christine Gautier

Chronique : Teddy confirme une fois de plus la vitalité du cinéma de genre français. Mêlant comédie, teen movie et fantastique, le film des frères Boukherma est un Ovni barré, mix improbable entre Bruno Dumont et John Landis. Il revisite le mythe du loup-garou dans la campagne française contemporaine, le résultat est à la fois déroutant et stimulant.
Démarrant comme une chronique adolescente franchement drôle, Teddy vire progressivement vers l’horreur et le gore avec méthode, sans pâtir des changements de ton pourtant risqués.
Si l’on ressent souvent le manque de moyen et quelques trous d’airs au niveau du rythme et de la mise en scène, le film impose une petite musique qui lui est propre grâce à des dialogues très réussis et des personnages secondaires pittoresques savoureux (on adore la maréchaussée).
Teddy prend parfois le risque de tomber à côté mais parvient à garder une cohérence d’ensemble et sa crédibilité lorsqu’il il gagne en gravité dans une dernière partie très gore.
En ado déclassé amoureux lycanthrope, Anthony Bajon est exceptionnel. Un débit mitraillette et un regard intense, à la fois verbeux et physiquement investi, il dévore l’écran
Une proposition peu commune, c’est peu dire, entre humour et horreur sanglant, qui ne vous laissera pas indifférent.

Synopsis : Dans les Pyrénées, un loup attise la colère des villageois. Teddy, 19 ans, sans diplôme, vit avec son oncle adoptif et travaille dans un salon de massage. Sa petite amie Rebecca passe bientôt son bac, promise à un avenir radieux. Pour eux, c’est un été ordinaire qui s’annonce. Mais un soir de pleine lune, Teddy est griffé par une bête inconnue. Les semaines qui suivent, il est pris de curieuses pulsions animales…