HUNGER GAMES : LA REVOLTE (PARTIE 1) – 13/20

Hunger Games - La Révolte : Partie 1Réalisé par Francis Lawrence Avec Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Liam Hemsworth

Synopsis : Katniss Everdeen s’est réfugiée dans le District 13 après avoir détruit à jamais l’arène et les Jeux. Sous le commandement de la Présidente Coin, chef du district, et suivant les conseils de ses amis en qui elle a toute confiance, Katniss déploie ses ailes pour devenir le symbole de la rébellion. Elle va se battre pour sauver Peeta et libérer le pays tout entier, à qui son courage a redonné espoir.

Avis : La Révolte – Partie 1 marque nettement un tournant dans la saga Hunger Games. Elle laisse derrière elle les Jeux eux-mêmes pour prendre le virage de la guerre civile et marquer l’apparition des forces rebelles, œuvrant jusque-là dans l’ombre. Pour autant, elle ne perd rien de son audace et de sa puissance évocatrice, refusant de se conformer aux standards des blockbusters qui squattent les écrans des multiplexes et conservant une imagerie d’une richesse et d’une complexité si singulière qu’elle lui confère une qualité bien supérieure aux autres sagas « young adult ». La Révolte – Partie 1 repose en effet principalement sur ses personnages, ses enjeux politiques et ses dialogues. Le film propose très peu de scènes spectaculaires, limite les affrontements directs, préférant miser sur la lutte à distance, idéologique et stratégique entre le Capitole et les rebelles. Ce qui n’empêche pas la mise en scène d’être parfois d’une grande brutalité, en témoigne des scènes d’exécution sommaire d’une rare violence.

Elle questionne aussi les jeunes générations sur le poids des images et articule un fascinant jeu de miroir entre les deux ennemis sur l’art d’utiliser la propagande. Si le Capitole brandit la menace de l’explosion du pacte social en multipliant les messages sur son antenne officielle pour contenir les districts et justifier sa sanglante répression, les rebelles ont vite compris qu’ils ne pourraient lutter et résister qu’en contrant la dictature sur son propre terrain et en fédérant les peuples soumis derrière un symbole rageux et engageant. Et cela même s’ils doivent se salir les mains. La démarche visant à faire de Katniss le porte-étendard de la révolte à grand renforts de spots viraux et de vidéos enflammées est passionnante, non seulement au regard des mécanismes et du process marketing en lui-même mais aussi à travers le ressenti de l’héroïne, ses hésitations, ses doutes et finalement ses devoirs vis-à-vis de la communauté. En résultent des scènes poignantes, portées par la figure iconique de Katniss, magistralement incarnée par Jennifer Lawrence, donc le charisme bouffe l’écran.

La Révolte – Partie1 porte donc toutes les (hautes) qualités de la saga, mais n’est pas exempt de défauts. Le tic mercantile qui consiste à séparer les derniers ouvrages des succès de la littérature adolescente en deux films pour étirer au maximum son potentiel commercial se voit un peu trop. Quelques scènes sont inutilement étirées en longueurs, et les scénaristes n’ont visiblement pas trouvé comment fabriquer une fin convenable au milieu du récit. Et il y a un sérieux souci avec le gentil mais néanmoins transparent Peeta… Si Josh Hutcherson faisait bonne figure dans le premier opus, il ne vieillit pas très bien avec son rôle (n’est pas Daniel Radcliffe qui veut) et souffre clairement de la comparaison avec Lawrence et le reste du prestigieux casting (Seymour Hoffman, Juliane Moore, Woody Harrelson…)

Toujours est-il que cette introduction au grand final va plutôt dans le sens d’une confirmation que Hunger Games reste assez largement au-dessus de la mêlée. On attend la fin donc. Forcément.

RESPIRE – 14,5/20

RespireRéalisé par Mélanie Laurent
Avec Joséphine Japy, Lou de Laâge, Isabelle Carré

Synopsis : Charlie, une jeune fille de 17 ans. L’âge des potes, des émois, des convictions, des passions. Sarah, c’est la nouvelle. Belle, culottée, un parcours, un tempérament. La star immédiate, en somme. Sarah choisit Charlie.

Avis : Lorsque Mélanie Laurent lâche en interview qu’elle s’est toujours sentie plus réalisatrice qu’actrice, elle se prête bien involontairement à la moquerie et à la vindicte populaire, prompte à épingler sur la toile son manque de modestie (désormais légendaire).
Mais les railleries devraient assez nettement s’estomper parmi ceux qui ont vu ses films.
Parce que la demoiselle sait filmer. Et très bien.
A l’image de sa première réalisation, Les Adoptées, elle fait preuve d’un style assuré, maîtrisé et ambitieux, un peu à son image finalement. Illustrant son récit d’images et de plans magnifiques, notamment lors d’une escapade bucolique qui matérialisera un inquiétant point de non retour, Laurent délivre des tableaux vaporeux et signifiants. Sa mise en scène est réglée au millimètre, complexe et dense. Il se passe des choses partout, tout le temps, même en arrière-plan. Il y d’ailleurs un énorme travail sur le son, on distingue les murmures, des discussions en fond, on joue sur les volumes, le larsen, comme pour entrer dans la tête de l’héroïne. La réalisatrice capte parfaitement l’état adolescent, un état intemporel. Cette histoire se passe aujourd’hui mais pourrait se située à n’importe quelle époque.
Cette réalisation inspirée participe à créer une ambiance singulière, parfaite pour que s’y développe cette amitié perverse, toxique. Car Mélanie Laurent sait aussi raconter des histoires. Parfois avec un peu d’excès et de maladresse, mais toujours avec sincérité et une volonté d’être au plus proche du réel. L’intrigue extrêmement bien construite opère une redoutable montée en tension qui mènera vers un dénouement puissant. La réalisatrice introduit le malaise par petite touche, démontrant également un savoir-faire indéniable dans la direction d’acteurs. Elle révèle deux actrices lumineuses, aussi différentes que complémentaires, mais tous les jeunes comédiens qui gravitent autour de ce duo sont d’une grande justesse.
Si certains doutaient du talent de jeune réalisatrice, Mélanie Laurent en livre avec Respire une démonstration éclatante.

QUAND VIENT LA NUIT – 13,5/20

Quand vient la nuitRéalisé par Michael R. Roskam
Avec Tom Hardy, Noomi Rapace, James Gandolfini

Synopsis : Bob Saginowski, barman solitaire, suit d’un regard désabusé le système de blanchiment d’argent basé sur des bars-dépôts – appelés « Drop bars » – qui sévit dans les bas-fonds de Brooklyn. Avec son cousin et employeur Marv, Bob se retrouve au centre d’un braquage qui tourne mal. Il est bientôt mêlé à une enquête qui va réveiller des drames enfouis du passé…

Avis : Après l’énorme claque Bullhead, Michael R. Roskam réussit sa conversion précoce au cinéma de genre américain avec aisance, auteur d’une première expérience maîtrisée et cohérente.
Comme pour son polar rural flamand, l’intrigue semble a priori manquer d’ampleur. Substituant au trafic d’hormones bovines le blanchiment d’argent provenant de paris illégaux dans un rade de Brooklyn, le réalisateur belge confine toujours son récit dans un environnement restreint, peuplés de personnages taciturnes et mystérieux, où le climat tendu et électrique menace d’exploser à tout instant. C’est justement la force de son cinéma. Braquer sa caméra sur des individus complexes et fuyants dont les intentions ne sont jamais tout à fait claires, faire monter la tension en diffusant l’inquiétude par petites touches, jouer des faux-semblants et des non-dits et finir dans un climax suffoquant où la tension finit par éclater dans un vacarme assourdissant de violence.
Quand vient la nuit dépasse largement son statut de petit polar noir. Habilement mis en scène, il peut au départ laisser perplexe, avant que tout ne se mette brillamment en place et lève le voile sur des personnages fascinants d’ambiguïté avant de délivrer un dénouement d’une noirceur effrayante. Quand vient la nuit laisse planer une ambiance anxiogène et pesante, largement entretenue par des acteurs monstrueux de charisme. Tom Hardy campe un barman bas de plafond, dont l’apparence lisse se craquèle sous le poids de ses fautes passées. Il fait preuve d’une rage intériorisée remarquable et trouve en Matthias Schoenaerts un Némésis brusque et animal à sa hauteur. Si Noomie Rapace fait parfaitement le job en ex-junky repentie, cristallisant à merveille la relation de Bob avec ce chiot qu’il a secouru, c’est surtout la figure massive et iconique de James Gandolfini, si proche et si loin de Tony Soprano, qui hante l’écran. Sa dernière apparition ajoute à la mélancolie qui traverse le film.
Fidèle à sa vision et s’appuyant sur un casting concerné et impressionnant, Roskam confirme le talent révélé dans Bullhead (sans pour autant en atteindre la brutalité bestiale) et prouve que son art est parfaitement soluble dans la culture indé US.
Nul doute que Quand vient la Nuit convaincra d’autres pointures de venir se frotter à son cinéma.

 

’71 – 15/20

'71Réalisé par Yann Demange
Avec Jack O’Connell (II), Paul Anderson (III), Richard Dormer

Synopsis : Belfast, 1971.
Tandis que le conflit dégénère en guerre civile, Gary, jeune recrue anglaise, est envoyé sur le front.
La ville est dans une situation confuse, divisée entre protestants et catholiques.
Lors d’une patrouille dans un quartier en résistance, son unité est prise en embuscade. Gary se retrouve seul, pris au piège en territoire ennemi.
Il va devoir se battre jusqu’au bout pour essayer de revenir sain et sauf à sa base.

Avis : ’71 est une révélation. Ou plusieurs en fait. Celle d’un réalisateur, inspiré, brillant et percutant. D’un acteur, à la surface de jeu qu’on ne lui soupçonnait pas. Et d’un scénario qui démontre qu’on peut parler d’un conflit compliqué de manière simple et éclairée.
Nerveux de bout en bout, ’71 nous plonge littéralement dans les rues dévastées de Belfast aux heures les plus explosives du conflit anglo-irlandais. Des images saisissantes de guérilla urbaine accompagnent la fuite du soldat abandonné, accentuant cette impression anxiogène de no man’s land où la mort peut surgir à chaque instant. Yann Demange prend Belfast comme décor, mais on comprend bien qu’il pourrait s’agir de n’importe quel conflit civil contemporain (Afghanistan, Ukraine, Palestine…). Plus que le contexte politique, il s’attache à montrer l’impact de la guerre sur ses participants, directs ou non. Et il le fait avec un talent assez éloquent.
Sa mise en scène riche et percutante, donne du corps et du coffre aux combats, elle rend d’emblée tangible ce jeu du chat et de la souris létale, une chasse à l’homme qui ne peut se terminer que dramatiquement. Le seul petit reproche qu’on pourrait lui faire, c’est une caméra un peu trop frénétique lors des courses poursuites. Hormis cela, les plans s’enchaînent naturellement et avec fluidité, baignés dans un éclairage superbe et offrent au spectateur des images brûlantes, l’immergeant concrètement au cœur des combats.
Outre cette réalisation virtuose, ’71 se démarque par un scénario très lisible et compréhensible malgré la complexité du conflit. Les positions de chaque protagoniste sont clairement identifiées, si bien que les personnages prennent immédiatement de l’épaisseur, à travers leurs convictions, leurs traîtrises, leurs faiblesses. Demange tire le meilleur d’un point de départ somme toute classique, celui d’un individu lambda jeté dans une situation extrême sans y être vraiment préparé. Il y parvient grâce à sa mise en scène d’un réalisme saisissant, mais aussi en s’appuyant sur la performance totale de Jack O’Connel, qui dépasse la rage animal qui animait son personnage dans Les poings contre les murs. Son interprétation balaie un spectre d’émotions plus vaste, mais conserve le magnétisme inné de l’acteur. Que ce soit dans la détresse ou la fureur, la peur panique ou l’instinct de survie, son visage est en permanence habité d’une bouleversante intensité.
Le film, et plus encore son héros, baigne constamment dans une violence émanant de toute part, l’horreur étant autant subie que provoquée par chacun des clans. L’ensemble délivre une tension pétrifiante qui ne retombe que lors de brèves respirations vite balayées par des scènes choc, assénées comme autant de claques d’une brutalité inouïe.
Ce thriller inattendu est une expérience de cinéma éprouvante mais exaltante. On en sort groggys, mais convaincus et bluffés par la somme de talents qui s’en dégage.
Impressionnant de maîtrise pour un premier film, aussi bien formelle que narrative, ‘71 s’impose d’ores et déjà parmi les meilleures propositions de l’année et comme une référence du film de guérilla urbaine.
A suivre, définitivement.

INTERSTELLAR – 14,5/20

InterstellarRéalisé par Christopher Nolan
Avec Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Michael Caine

Synopsis : Le film raconte les aventures d’un groupe d’explorateurs qui utilisent une faille récemment découverte dans l’espace-temps afin de repousser les limites humaines et partir à la conquête des distances astronomiques dans un voyage interstellaire.

Avis : Christopher Nolan est de retour. Après avoir cédé de manière totalement incompréhensible aux désidératas de son studio et raté dans les grandes largeurs la conclusion de sa trilogie du Chevalier Noir, il reprend le contrôle et livre un film qui porte indéniablement son empreinte. Interstellar est un morceau de Science-Fiction massif, complexe, tortueux, mais parcouru par une émotion pure assez inédite dans son œuvre. Nolan signe un grand mélo spatial, qui projette les sentiments humains au-delà des limites de l’univers et du temps, tout en s’appuyant sur des théories scientifiques assez absconses (les trous de vers par exemple) mais parfaits contrepoids aux réflexions métaphysiques qui le jalonnent.
Ce qui frappe avec Interstellar, c’est son côté anti-spectaculaire, malgré son ambition monstrueuse. Cela en déroutera sans doute beaucoup. Interstellar n’est paradoxalement pas un film d’aventure ni un film de conquête, mais un drame terrien empreint de mélancolie et longtemps marqué par le poids de la fatalité. En son cœur se débat l’humain, en tant que somme d’individualités mais aussi en tant qu’espèce. En question, le sort de la planète, son avenir incertain, et une vision parfois désespérée du futur, mais portée par des personnages bien réels, qu’illustre principalement la vibrante relation qui lie Cooper à sa fille. La mission , trouver une alternative viable à la terre, aussi écrasante soit elle, reste mue par des sentiments humains aussi banaux que l’espoir, le courage, la peur, la trahison, le mensonge…
Nolan prend le risque de prendre son temps pour nous faire partager ce périple interstellaire. Il y brasse tant d’idées qu’il peut nous perdre par moments. Les intentions de certains personnages (celui de Matt Damon notamment), sont un peu floues, et le film est parfois inutilement bavard. Mais en plaçant la distorsion du temps au cœur de son récit et en en mesurant l’impact sur ses personnages, il affiche clairement l’ambition de son projet, offrir une SF conceptuelle mais à dimension humaine.
Si Nolan lorgne par moments vers 2001, référence clairement assumée, il construit sa propre vision, mélange de passages contemplatifs hypnotisant, où l’on se sent écrasé par l’immensité de l’espace, et de scènes plus épiques, mais distillées avec parcimonie.
L’ensemble reste assez impressionnant, d’une ampleur parfois étourdissante, mais cette mise en scène exaltante se garde d’être trop tape-à-l’œil, laissant aux personnages la place pour exister (et aux acteurs, tous parfaits, McConaughey en tête, de les défendre).

Interstellar manque certainement de clarté pour égaler l’évidence d’un Inception, la malice de Memento et la force de The Dark Knight, mais il en impose lorsqu’il s’agit de proposer une épopée spatiale à la fois cérébrale et profondément humaine. Et comme il est formellement assez ébouriffant, oui, Interstellar est au final à la hauteur de son immense ambition.

UNE NOUVELLE AMIE – 14,5/20

Une nouvelle amieRéalisé par François Ozon
Avec Romain Duris, Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz

Synopsis : À la suite du décès de sa meilleure amie, Claire fait une profonde dépression, mais une découverte surprenante au sujet du mari de son amie va lui redonner goût à la vie.

Avis : Le cinéma de François Ozon n’est jamais meilleur que lorsqu’il installe une ambiance trouble et joue sur l’ambiguïté. Formidable conteur, il trouve avec le personnage de David/Virginia de quoi alimenter la confusion qu’il sait magistralement distiller dans ses long-métrages, quel que soit le genre auquel il se mesure. Avec Une nouvelle amie, il aborde la question identitaire, mais toujours sous un angle romanesque. Il impose des personnages, solides, riches, mais jamais un point de vue. Son film est une fiction qui se pare comme souvent chez le réalisateur des atours du thriller, dont il emprunte les codes avec une élégance folle, qu’appuie une formidable bande son. S’il peut susciter le débat, il se garde de se vouloir revendicateur, s’il est engagé, c’est dans la volonté de proposer une intrigue forte qui pousse au questionnement. Il le fait avec tant d’humanité, de subtilité, qu’il ne risque pas de tomber dans le grotesque, malgré les craintes que le pitch pourrait laisser craindre.
Déroutant, déstabilisant, émouvant dès son introduction, terrassante, qui confère d’entrée à ses personnages une crédibilité indiscutable, Une Nouvelle Amie est une proposition de cinéma parfaitement réjouissante, à la fois par sa mise en scène riche, ludique, diverse et d’une indéniable maturité, que par l’audace de son scénario et l’excellence de la direction d’acteurs. Dans un rôle ô combien casse gueule, Duris n’a jamais été aussi convainquant, évitant l’outrance et traduisant merveilleusement la complexité de David, son mal-être, sans pour autant en faire une victime. Face à lui, Anaïs Demoustier fait preuve d’une justesse et d’une finesse d’interprétation tout à fait remarquable, justifiant son statut de nouvelle pépite du cinéma français.
Rappelant tantôt Hitchcock, tantôt Almodovar, Une Nouvelle Amie est finalement pleinement un film de François Ozon. Il mélange les genres avec talent, s’en empare, les tord pour leur imposer son style, atypique, exigeant et séduisant. Dans la filmographie fleuve du réalisateur, son dernier film, novateur et accrocheur, s’impose comme une réussite.

BANDE DE FILLES – 9/20

Bande de fillesRéalisé par Céline Sciamma
Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh

Synopsis : Marieme vit ses 16 ans comme une succession d’interdits. La censure du quartier, la loi des garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre avec trois filles affranchies change tout. Elles dansent, elles se battent, elles parlent fort, elles rient de tout. Marieme devient Vic et entre dans la bande, pour vivre sa jeunesse.

Avis : Bande de filles est plein de vie, bourré de bon cinéma, intelligent dans sa façon de passer de la légèreté à la violence du quotidien… Mais alors, pourquoi ça ne fonctionne pas ?
Parce que Céline Sciamma bute cette fois-ci sur un scénario bancal, assez creux, qui enfonce des portes ouvertes (pour ne pas dire dégondées). Bande de filles ne raconte pas grand-chose au final.
On comprend aisément que la réalisatrice ait pu être séduite par cette histoire d’affirmation de soi, ce parcours d’une jeune femme devant se battre pour imposer ce qu’elle est et refusant un avenir que d’autres ont tracé pour elle. Mais là où le discours avait une vraie résonance et une épaisseur dramatique tangible pour Naissance des Pieuvres et plus encore Tomboy, le personnage de Marieme semble fuir Sciamma. Sans doute parce qu’elle se reconnait moins en elle qu’en Laure, mais pas forcément. Le personnage est mal écrit, manque cruellement de direction et semble naviguer à vue. Ses changements d’humeur ou de posture brutales sont artificielles et déroutantes. On est perdu dans ce qui se veut son parcours d’apprentissage. Cela pourrait passer pour une manière de marquer la confusion du personnage, mais la construction du scénario n’est pas assez subtile pour que ça le soit. Les autres personnages gravitant autour de la jeune fille manquent tout autant au moins de background, sinon de relief, pour éviter tout à fait de sombrer dans les clichés. Le grand frère notamment, pourtant au cœur du récit, est une caricature. Les dialogues n’aident d’ailleurs pas, hésitant sans cesse entre parlé des cités et vocabulaire plus sophistiqué. Difficile d’atteindre un ensemble cohérent dans ces conditions.
Le choix d’offrir les premiers rôles à des acteurs amateurs apporte une formidable énergie, une fraîcheur salvatrice et un enthousiasme incontestable, mais ne peut empêcher le film de tomber trop souvent à côté au niveau des intentions. La réalisatrice tente de compenser ces approximations par une mise en scène chiadée, acidulée et volontaire, souvent très belle, mais pêche dans la surenchère. La musique, au demeurant remarquable, revient un peu trop souvent comme un gimmick, comme un moyen pour Sciamma d’expédier une scène qui l’embêterait…
Malgré d’excellentes intentions et de réels instants de grâce, Celine Sciamma passe à côté de sa bande de filles….