LE CAS RICHARD JEWELL – 14/20

Le Cas Richard Jewell : AfficheDe Clint Eastwood
Avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates

Chronique : Eastwood s’empare d’un fait divers retentissant datant de 1996, l’explosion d’une bombe lors des JO d’Atlanta, pour célébrer le destin d’un homme ordinaire plongé malgré lui dans un contexte extraordinaire. Un thème de prédilection pour le réalisateur, qu’il a souvent su traiter avec puissance et finesse (L’échange, Sully)
La spécificité du Cas Richard Jewell est que son héros est loin d’être immédiatement sympathique. C’est un américain moyen, zélé et ras du front, obsédé par l’ordre, au point d’agir aux limites de loi, paradoxalement. Après avoir cru profiter de son moment de gloire en découvrant l’explosif, satisfait du devoir accompli, il se voit suspecter d’avoir lui-même posé la bombe.
Eastwood décortique alors minutieusement la mécanique de l’emballement médiatique, la suspicion et les raccourcis empruntés par des autorités que la pression populaire pousse à rapidement trouver l’auteur du crime.
Jewell a alors tout du coupable idéal, répondant parfaitement au portrait du pompier pyromane. Son passé et son éviction des différents services de police, son obsession pour le respect des règles, ses frustrations passées ne plaident clairement pas en sa faveur. Or bien que l’enquête montre assez rapidement qu’il ne peut avoir posé seul la bombe, le mal est fait, les gros titres ont durablement marqué les esprits, brisant la vie de Richard (et de sa mère), à jamais associé à cet attentat.
L’amplification médiatique associée aux manquements de l’enquête construisent l’injustice, c’est ce que Eastwood tient à démontrer de manière impartiale et dépassionnée. Car Jewel n’a rien d’un personnage aimable. Son attitude passive, son extrême docilité, son intransigeance et son entêtement à appliquer sans discernement un serment qu’il n’a fait qu’à lui-même, protéger et servir, ont tout pour agacer, d’autant plus qu’il coche toute les cases du futur fervent partisan Trumpiste. Mais lorsqu’un innocent est condamné à tort, peu importe qui il est, il mérite d’être défendu. Et pour cela Clint Eastwood déroule son récit avec force et fluidité. C’est carré, limpide, efficace, on pourrait dire un peu trop même, mais c’est avant que l’émotion ne gagne, comme dans les grands Eastwood où l’exposition est longue pour mieux délivrer l’uppercut des dernières minutes (Gran Torino, L’échange, Un monde parfait…). Le Cas Richard Jewell n’atteint pas leur niveau mais s’appuie sur l’interprétation tout en maîtrise de Paul Walter Hauser qui fait gagner Richard Jewell en humanité au fur et à mesure qu’il se fait broyer par la machine médiatique et judiciaire. D’agaçant, il devient bouleversant. Hauser est bien épaulé par Sam Rockwell, dont le personnage d’avocat à la répartie facile fait un contrepoids plus léger au mutisme de Richard, et par la trop rare Olivia Wilde, qui régale en journaliste opportuniste et peu scrupuleuse. Enfin Kathy Bates incarne, une fois n’est pas coutume, une figure de pure bienveillance.
Avec Le Cas Richard Jewell, Eastwood, en vieux sage, incite à la modération et à bien regarder avant de condamner un innocent et de l’offrir à la vindicte populaire, même avec une tête de coupable. Propre.

Synopsis : En 1996, Richard Jewell fait partie de l’équipe chargée de la sécurité des Jeux d’Atlanta. Il est l’un des premiers à alerter de la présence d’une bombe et à sauver des vies. Mais il se retrouve bientôt suspecté… de terrorisme, passant du statut de héros à celui d’homme le plus détesté des Etats-Unis. Il fut innocenté trois mois plus tard par le FBI mais sa réputation ne fut jamais complètement rétablie, sa santé étant endommagée par l’expérience.

LA FILLE AU BRACELET – 14/20

La Fille au bracelet : AfficheDe Stéphane Demoustier
Avec Melissa Guers, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni

Chronique : Film de prétoire sec et immersif, La Jeune Fille au Bracelet intrigue sans pour autant user de grands effets. Stéphane Demoustier place simplement sa caméra au plus près de ses personnages. Il en tire des plans serrés qui enferment dans son cadre des visages déboussolés.
La Jeune Fille au Bracelet se décompose en deux pans. Le premier est une reconstitution très réaliste, quasi documentaire de la salle d’audience, où se succèdent interrogatoires posés et plaidoiries très professionnelles, parfois même un peu scolaires et le second,, une peinture poignante, beaucoup plus écrite, sur les conséquences du drame sur la famille de l’accusée.
Le scénario capture le désarroi de parents qui réalisent soudain combien ils méconnaissaient leur enfant, jusqu’à se demander à quel point, mais sans jamais arrêter de la soutenir. Il raconte aussi comment le couple gère différemment l’épreuve, et ce que ça implique pour eux, envers leurs enfants mais aussi l’un envers l’autre. Avec un mélange paradoxal d’incompréhension et de détermination, Roschdy Zem et Chiara Mastroianni portent le combat et le douleur de ces gens ordinaires plongés dans une situation qui les dépasse, donnant lorsqu’ils s’expriment une dimension humaine à un ensemble globalement assez clinique. Ces moments résonnent d’autant plus forts qu’ils sont rares. A l’opposé la révélation Melissa Guers qui interprété leur fille offre une performance mutique fascinante, faite d’aplomb et de fragilité. Un personnage insaisissable qui laisse le spectateur perplexe, et le fera envisager le verdict prononcé à la fin de ce film haletant et tendu selon ses propres convictions.

Synopsis : Lise, 18 ans, vit dans un quartier résidentiel sans histoire et vient d’avoir son bac. Mais depuis deux ans, Lise porte un bracelet car elle est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie.

THE GENTLEMEN – 14,5/20

The Gentlemen : AfficheDe Guy Ritchie
Avec Matthew McConaughey, Hugh Grant, Charlie Hunnam

Chronique : Guy Ritchie délaisse les films de licence aux succès capricieux (pour le moins) pour revenir à ce qu’il fait de mieux, les films chorals de gangsters anglais.
The Gentlemen est un thriller explosif et hautement réjouissant qui entremêle ses intrigues avec malice. En faisant du personnage de journaliste people roublard et véreux interprété Hugh Grant le narrateur central, il offre un généreux terrain de jeux à son imagination débordante et à son ingéniosité narrative. Au meilleur de sa forme, Grant cabotine délicieusement et nous perd dans une amusante mise en abîme qu’il se régale à pervertir.
Guy Ritchie tient une bonne histoire et sait comment la raconter, en la balisant de chausse-trappes, et de faux semblants. Toujours alerte, prenant et surprenant, le scénario, solide à défaut d’être original, est soutenu par la mise en scène inspirée et inventive de Ritchie qui parvient à ne pas tomber dans la surenchère. Il n’en fait pas trop, juste ce qu’il faut, les effets sont utilisés à propos et si l’humour est parfois daté et à la limite du politiquement correct, il fonctionne quand même très bien.
La performance de Matthew McConaughey est à l’avenant, relativement sobre mais charismatique, dominant un casting majoritairement masculin très bien servi en dialogue et situations burlesques.
Ils s’amusent beaucoup, et nous avec eux. Un rôle féminin et une actrice, Michelle Dockery (la Lady Mary de Downton, déjà génialement déjantée dans Good Behavior) émerge cependant, et s’impose au milieu de cette distribution de mâles alpha à l’ancienne. On évoquait Hugh Grant, mais tous sont parfaitement à l’aise dans leurs rôles de composition, de Charlie Hunman à Colin Farrell en passant par l’épatant Jeremy Strong (Kendal dans Succession – si vous ne suivez pas cette série, mettez-vous-y vite !)
Ça cogne, ça saigne, ça papote, ça vanne, c’est drôle et divertissant, c’est ce qu’on appelle un retour aux sources rondement mené.

Synopsis : Quand Mickey Pearson, baron de la drogue à Londres, laisse entendre qu’il pourrait se retirer du marché, il déclenche une guerre explosive : la capitale anglaise devient le théâtre de tous les chantages, complots, trahisons, corruptions et enlèvements… Dans cette jungle où l’on ne distingue plus ses alliés de ses ennemis, il n’y a de la place que pour un seul roi !

LA DERNIÈRE VIE DE SIMON – 13/20

La Dernière Vie de Simon : AfficheDe Léo Karmann
Avec Benjamin Voisin, Camille Claris, Martin Karmann

Chronique : S’il n’est pas rare que le cinéma d’auteur français se fraye un chemin vers le cinéma de genre, il est moins fréquent qu’il s’aventure dans le merveilleux. La Dernière Vie de Simon s’y engouffre à travers un conte dramatico-romantico-fantastique très influencé par le cinéma populaire américain des années 80 (ET, Big, les Goonies…) à qui il rend modestement hommage.
Les références aux cinémas de Spielberg ou Burton par exemple sont évidentes, en particulier dans la première partie du film, la plus réussie, cadencée par une musique Elfmanienne omniprésente et parcourue par une vigueur et un souffle épique surprenant.
Le jeune réalisateur (au passage fils de Sam Karmann) se distingue en parvenant à combler le manque de moyens par une mise en scène certes artisanale mais inventive, très dynamique et particulièrement chiadée, en particulier son travail sur la lumière et l’exploitation des superbes paysages bretons. Il se révèle habile pour jongler avec son concept et le changement d’apparence de Simon mais gère beaucoup moins bien le pan dramatique de son histoire. La Dernière Vie de Simon aborde maladroitement le thème de l’usurpation d’identité et souffre de personnages secondaires sous-développés, à commencer par les parents.
Et Léo Karmann finit par se faire malheureusement dépasser par son sujet, gérant de manière peu heureuse ses ultimes développements.
S’il clôt laborieusement son histoire, cela n’enlève rien aux jolies promesses de ce premier film et à l’évident talent naissant de son réalisateur.

Synopsis : Simon a 8 ans, il est orphelin. Son rêve est de trouver une famille prête à l’accueillir. Mais Simon n’est pas un enfant comme les autres, il a un pouvoir secret : il est capable de prendre l’apparence de chaque personne qu’il a déjà touchée… Et vous, qui seriez-vous si vous pouviez vous transformer ?

JOJO RABBIT – 13/20

Jojo Rabbit : AfficheDe Taika Waititi
Avec Roman Griffin Davis, Thomasin McKenzie, Scarlett Johansson

Chronique : Naviguant avec assurance entre farce satirique et conte moral, Jojo Rabbit choisit d’affronter la Bête Immonde sans férocité mais armé d’une douce absurdité tout aussi efficace. Il se met pour cela à hauteur d’enfant et observe le monde à travers les yeux d’un gamin dissertant avec un ami imaginaire un peu particulier, puisqu’il s’agit du führer lui-même.
Avec ce pitch provocateur, le film ouvre forcément le débat sur la pertinence de tourner en dérision Hitler et le régime nazi pour mieux l’attaquer. Le fait que le projet ait été confié à Taika Waititi et son humour distancié (le dernier Thor mais surtout le décalé « What we do in The Shadow », un mockumentaire irrésistible sur des vampires vivants à Wellington – Limoges en VF) donne certains gages de confiance.
Si les premières minutes laissent un peu dubitatifs, Waititi trouve progressivement son rythme et installe un ton doux-amer qui valide sa charge contre le fanatisme, l’endoctrinement et le fascisme dans ce qu’il a de plus pervers, tout en célébrant les actes de résistance aussi mineurs soient-ils.
Le réalisateur se garde bien d’aller trop loin (c’est peut-être sa limite), pour toujours conserver le point de vue de Jojo et sa perception forcément naïve et premier degré des choses. En cela la mise en scène de Taika Waititi est judicieusement ludique, jouant d’anachronisme et n’hésitant pas à faire appel à un certain lyrisme. La justesse de cette vision culmine lors d’une scène terrassante au cœur du film à laquelle on ne s’attend vraiment pas et qui vous laisse littéralement sans voix.
Jojo Rabbit n’échappe pas à quelques trous d’air et souffre de passages plus faibles, en particulier et paradoxalement lorsque le réalisateur incarne ce Hitler burlesque et bouffonnant, mais on ne peut lui retirer son indéniable étrangeté et une insouciance finalement bienvenue. Grâce à une formidable bandes d’acteurs investis (sans être en roue libre) au cœur de laquelle brille la révélation Roman Griffin Davis, Jojo Rabbit donne une vision peu commune de la 2ème Guerre Mondiale, entre horreur, poésie, douleur et fantaisie.

Synopsis : Jojo est un petit allemand solitaire. Sa vision du monde est mise à l’épreuve quand il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur grenier. Avec la seule aide de son ami aussi grotesque qu’imaginaire, Adolf Hitler, Jojo va devoir faire face à son nationalisme aveugle.