Série | THE HAUNTING OF BLY MANOR (Netflix) – 15/20

Après une première saison en tout point remarquable, aussi effrayante que bouleversante, la série anthologique de fantômes mélancoliques revient avec une nouvelle histoire, The Haunting of Bly Manor.
Un conte gothique innervé par la mort, l’amour et la solitude. Moins terrifiante que Hill House, Bly Manor se regarde plus comme une rêverie lugubre mais d’une beauté terrassante.
Le scénario joue sur une montée en puissance où le drame, l’humain, l’emportent sur l’horreur. La storyline est volontairement décousue et la mise en scène nous balade entre rêve et réalité, souvenirs et temps présent et soulève de nombreuses questions jusqu’à ce qu’un épisode déchirant et saisissant d’élégance nous offre les clés de la légende de Bly Manor.
Une confirmation qui fait entrer l’anthologie « The Haunting of … » dans le cercle restreint des petits bijoux des séries originales Netflix avec The Crown et Dark.

Laissez-vous hanter.

Séries | LA FLAMME – 15/20 | LE DERNIER VOL DE LA NAVETTE CHALLENGER – 15/20 | CRIMINAL S02 – 15/20

LA FLAMME S01 (MyCanal) – 15/20

Depuis combien de temps n’avait-on pas autant ri devant une série ? Jonathan Cohen use de tout son génie comique (avec ou sans dialogue) et de son autodérision pour rendre ce pastiche de télé-réalité irrésistible. Alors tout ne fonctionne pas, certaines vannes peuvent tomber à l’eau, mais il y a toujours un gag, une mimique, une réparti, une idée génialement conne qui sauve le truc dans la seconde qui suit.
Il est aussi entouré d’un impressionnant cast de guests. Les prétendantes, évidemment (cœur sur Leila Beithki) mais aussi Dedienne et Niney avec qui la connexion comique fonctionne immédiatement.
Si le show subit bien un sérieux coup de mou sur les 3 épisodes du milieu (mais on y fête la Jean-Guile quand même), il se reprend très bien sur les derniers. Et en plus c’est accrocheur comme le vrai bachelor !
Un sacré pari et une sacrée réussite.

LE DERNIER VOL DE LA NAVETTE CHALLENGER (Netflix) – 14/20

On assiste depuis quelques mois à un retour en force de la conquête spatiale dans le monde des séries (The First avec Sean Penn, L’étoffe des héros sur Disney+, Away avec Hilary Swank ou encore la formidable uchronie All of Mankind sur Apple+)
Le dernier vol de la navette Challenger n’est pas une fiction mais un passionnant docu sur l’un des plus terrible accident de l’histoire aérospatiale. De son enjeu historique (il s’agissait du premier vol embarquant une civile) aux destins de ses astronautes, il raconte avec précision, suspense et émotion ce qui a conduit à cette épouvantable catastrophe, l’explosion quelques secondes après son décollage d’une navette qui n’aurait jamais dû décoller le 28 janvier 1986. Un drame d’autant plus marquant qu’il a eu lieu en direct à la télévision, marquant les esprits de toute une génération et changeant pour longtemps la perception du public sur les voyages dans l’espace.

CRIMINAL : UK S02 (Netflix) – 15/20

Criminal exploite brillamment le concept du huis clos, chaque épisode se déroulant exclusivement dans la salle d’interrogatoire d’un poste de police. Une équipe de flics tentent d’y faire craquer leurs témoins en jouant sur tous les leviers psychologiques qu’ils peuvent activer, flirtant parfois avec la ligne rouge.
C’est souvent passionnant, extrêmement prenant et très graphique. La mise en en scène est certes sobre au regard du concept, mais très maline dans sa manière d’utiliser la vitre teintée ou les caméras. La série reçoit un nouveau « guest » par épisode, le présumé coupable, qui participe la plupart du temps à la qualité d’interprétation souvent exceptionnelle de la série. Dans cette saison 2 apparait Kit Harington, mais Criminal avait déjà accueilli Hayley Atwell ou David Tenant en saison 1.
Sachez aussi que la série est déclinée par pays. Il existe Criminal Espagne, Allemagne et même France, où l’on peut voir Nathalie Baye, Jérémy Rénier ou Sara Giraudeau sous le feu des accusations. Les standards y sont aussi haut que la version anglaise.
C’est court (3 ou 4 épisodes max), c’est sharp, c’est catchy, c’est très très bien.

Cinéma | DRUNK – 12/20

De Thomas Vinterberg
Avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Lars Ranthe

Chronique : Drunk est construit sur une idée un peu fumeuse, suivre le projet « anthropologique » de quatre amis qui décident de tester l’hypothèse selon laquelle il manquerait 0,5g d’alcool dans le sang pour être heureux. Quatre enseignants au carrefour de leur existence monotone, qui ont vu leurs rêves s’envoler, leurs projets enterrés, leurs couples se déliter et qui décident d’ajouter un peu de piment à leur vie en menant cette expérience hédoniste à défaut d’être très scientifique.
Evidemment, ça ne va pas bien se terminer. Enfin pas pour tout le monde.
Le traitement ambigu de Vinterberg sur un sujet aussi sensible que l’alcoolisme est questionnable.
Qu’il s’en serve pour faire le portrait de mâles alpha en pleine crise existentielle est problématique car on ne voit pas vraiment ce qu’il cherche à prouver. Il n’y a pas de réel point de vue ni de réel parti pris, il ménage certains de ces personnages et accable d’autres comme s’il était encombré par son sujet transgressif mais néanmoins embarrassant. A force de raccourcis faciles et de développements attendus (on voit très vite comment chacun va évoluer), il passe un peu à côté de son approche sociologique.
Reste qu’en terme de cinéma, Drunk fait très bien le boulot. L’interprétation est irréprochable (Mads Mikkelsen est immense)et la réalisation impeccable, aussi remarquable dans son approche pudique des scènes intimistes que dans l’euphorie que peut engendrer l’effet de groupe, qui plus est lorsqu’elle est bien arrosée. Assez frustrant au final.

Synopsis : Quatre amis décident de mettre en pratique la théorie d’un psychologue norvégien selon laquelle l’homme aurait dès la naissance un déficit d’alcool dans le sang. Avec une rigueur scientifique, chacun relève le défi en espérant tous que leur vie n’en sera que meilleure ! Si dans un premier temps les résultats sont encourageants, la situation devient rapidement hors de contrôle.

Cinéma | REBECCA (Netflix) – 12/20

De Ben Wheatley
Avec Lily James, Armie Hammer, Kristin Scott Thomas

Chronique : Tout honteux que je suis de n’avoir jamais vu l’adaptation de Hitchcock, je serais bien incapable de comparer la version de Ben Wheatley pour Netflix à celle du maître.
Elle est néanmoins soignée, d’un classicisme épuré et lumineux lorsqu’elle traite des débuts de la romance entre l’aristocrate et l’assistante et prenant des tours plus sombres quand le couple arrive à Manderley et rencontre la glaciale Mrs Danvers.
Petit à petit, le conte de fée vire au cauchemar pour la nouvelle Mrs. De Winter, le fantôme de Rebecca semblant n’avoir jamais quitté sa demeure et son prince charmant se révélant plus secret et tourmenté qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Sans compter sur l’animosité à peine masquée de la gouvernante à son égard.
De quoi mettre en place un thriller psychologique et paranoïaque bien anxiogène à l’esthétique gothique et balader le spectateur entre démence et réalité. Malheureusement le scénario manque clairement de subtilité et force bien trop le trait lorsqu’il s’agit d’illustrer la descente aux enfers de la jeune femme. On aurait aimé voir le venin du doute se répandre plus sournoisement, la toxicité de ce mariage précoce s’installer lentement… Les ficelles sont bien trop grosses pour cela et les révélations finissent par tomber comme des cheveux sur la soupe. Le jeu très lisse de Lily James et Armie Hammer n’aide certes pas à créer l’ambivalence qu’on était en droit d’attendre de Rebecca. Tout le trouble, l’ambiguïté et le côté malaisant de l’intrigue repose sur le personnage de Mrs Danvers et l’interprétation de Kristin Scott Thomas dont c’est le retour en majesté après deux années de pause. Elle vampirise littéralement l’écran, impose sa présence frêle et menaçante tout en apportant l’émotion qui fait par ailleurs trop souvent défaut au film. Sa beauté froide et intemporelle, sa capacité à faire passer des émotions sans dire un mot grâce à l’expressivité de son visage, son phrasé si parfaitement calé font une nouvelle fois des merveilles. Réjouissons-nous, Queen Kristin sera à l’affiche de deux nouveaux films d’ici la fin de l’année The Singing Club et 5ème Set.

Synopsis : En Angleterre, une jeune mariée s’installe dans le domaine familial de son époux, où elle est poursuivie par l’ombre obsédante de la première femme défunte de son mari.

Cinéma | LES SEPT DE CHICAGO (Netflix) – 16/20

De Aaron Sorkin
Avec Yahya Abdul-Mateen II, Sacha Baron Cohen, Joseph Gordon-Levitt

Chronique : Les Sept de Chicago est un grand film de procès, aussi prenant qu’éminemment politique.
A travers ce fait historique méconnu, Aaron Sorkin fait fortement résonner le passé récent de son pays avec les maux qui le rongent actuellement et les divisions qui menacent son unité déjà bien fragile. Avec sa virtuosité de dialoguiste, il signe un plaidoyer démocrate galvanisant pour la liberté d’expression, le droit à la contestation et le combat pour l’égalité civique.
Le film accompagne sept (en fait huit) activistes des différents courants anti-guerre au Viêt-Nam, (anarchistes, démocrates pacifistes, membre des Black Panther), lors d’un procès qui semble joué d’avance, l’administration Nixon ayant la ferme intention de leur faire endosser la responsabilité d’émeutes sanglantes ayant eu lieu en marge du congrès Démocrates de Chicago.
Les événements souvent invraisemblables qui vont émailler le procès, souvent du fait d’un juge dépassé aussi autoritaire qu’incompétent, prêteraient à rire s’ils n’étaient pas la plupart du temps révoltants.
La mise en scène est toute en dynamisme, une volonté imprimée dès son introduction, sautant souvent d’un témoignage à un autre, alternant flash-backs et intenses confrontations. Elle n’a peut-être pas le même brio que lorsque Sorkin confie ses scénarios à d’autres mains (au hasard celles de Fincher), mais elle est parfaitement adaptée à cet haletant film de prétoire. Cette histoire se prête sans aucun doute bien mieux à son sens inné des dialogues que sa première réalisation (Le Grand Jeu) aux enjeux bien peu emballants.
Et pour servir l’écriture ciselée et imparable de Sorkin, il s’est entouré d’un casting étincelant. Joseph Gordon-Levitt, Mark Rylance, Jeremy Strong, Frank Langella… chacun y joue sa partition à la perfection, même Eddie Redmayne, dépouillé son jeu affecté et presque convaincant. Mais c’est un Sacha Baron Cohen totalement investi, naviguant entre impertinence et élans humanistes qui fait la plus forte impression. Il sera amusant de retrouver son Borat dans quelques jours dans un projet cinématographique à l’opposé de celui de Sorkin mais aux intentions quasi-similaires.
Car c’est bien de la liberté d’expression, du combat contre les arrangements politiques, de la dénonciation de mensonges d’état dont Les Sept de Chicago traite avec un équilibre remarquable entre légèreté, responsabilité et engagement civique.
Des notions qui seront au cœur des prochaines élections présidentielles américaines dans quelques semaines.
Après la très vive émotion qu’il parvient à créer dans l’acte final des Sept de Chicago, Sorkin lance un appel en forme d’incantation : THE ALL WORLD WATCHING.

Synopsis : Lorsque la manifestation en marge de la convention démocrate de 1968 tourne à l’affrontement, ses organisateurs sont accusés de conspiration et d’incitation à la révolte.

Séries | EMILY IN PARIS S01 – 10/20 | NO MAN’S LAND S01 – 13,5/20

EMILY IN PARIS S01 (Netflix) – 10/20

Est-il besoin de rappeler à quel point la série aligne les clichés les plus éculés qu’ont les Américains sur les français ? La presse s’en est déjà bien chargée, mais en résumé, nous sommes selon les showrunners tous extrêmement désagréables (surtout lorsqu’on travaille), sales évidemment, obsédés sexuels (mais performant, tout n’est pas négatif), adultères et sexistes, forcément.
Ça pourrait être drôle, jouer sur la dérision, le second degré, mais c’est trop souvent vindicatif et appuyé, sans autre contrepoids qu’un Paris de carte postal, magnifique mais un poil trompeur. Le jeu des acteurs est pour le moins inégal, mais le charme et la fraîcheur de Lily Collins opère (elle sauve le truc quand même) et sa relation en forme de choc de cultures avec Philippine Leroy-Beaulieu crée quelques étincelles.
Une curiosité plus qu’un plaisir coupable.

NO MAN’S LAND S01 (Arte) – 13,5/20

Une plongée au cœur du conflit Syrien et de la lutte des combattantes kurdes contre Daesh.
No Man’s land trouve le juste équilibre entre le drame familial traité en fil rouge et sa vocation quasi-documentaire sur le quotidien des Peshmerga.
Entre la France, le Royaume-Uni et la Syrie, la série offre un œil neuf sur la radicalisation et explore les mécanismes complexes de l’engagement. Son casting international est convaincant, notamment les têtes d’affiche frenchies Felix Moati et Melanie Thierry et le rendu final très crédible. No Man’s Land confirme le savoir-faire d’Arte en matière de séries ultra-qualitatives.
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Séries | THE BOYS (S02) – 16/20 | LE MENSONGE – 14/20

THE BOYS S02 (Prime Video) – 16/20

Confortés par l’accueil reçu pour leur première saison particulièrement enthousiasmante, les super-héros de The Boys vont encore plus loin dans la trash et l’ultra violence avec une ironie et un cynisme jubilatoire. Leur origine et le contexte dans lequel ils évoluent maintenant bien posés, le script peut approfondir les personnages, leur apporter plus d’humanité ou au contraire pousser les curseurs de la monstruosité au maximum. Cette nouvelle saison voit d’ailleurs l’arrivée d’une nouvelle tête chez les Seven, StormFront, totale réussite.
L’intrigue s’égare par courts moments, mais parvient à envoyer quelques scuds bien sentis à l’industrie du rêve en fracassant le modèle de certains films de super-héros (clin d’œil appuyé à Justice League) ou en tapant sur les groupes religieux ou sectaire (on reconnait la scientologie)
Et ça continue à trancher les membres, exploser les têtes, faire gicler le sang à un rythme épatant !
Et pour ne rien gâcher le final laisse augurer d’une intrigue alléchante pour sa saison 3.
On adore, définitivement.

LE MENSONGE (FranceTV) – 14/20

En s’emparant d’un fait divers retentissant, Le Mensonge se rapproche plus d’une certaine tradition du cinéma français (au hasard L’adversaire, la Fille du RER ou plus récemment Une Intime Conviction) que des habituelles fictions télévisuelles un peu cheap. Elle en a tout du moins les qualités : équilibre et sobriété du récit, évitement du manichéisme, vision claire et objective, interprétation irréprochable. La série profite simplement de son format allongé pour approfondir les personnages et les ratés d’un système judiciaire dépassé par la complexité d’une affaire de mœurs aussi dramatique que l’affaire Iacono. Auteuil y est comme d’habitude magistral.

Série | LITTLE FIRES EVERYWHERE S01 – 14/20 (Prime Video)

Hulu's "Little Fires Everywhere" Comes to Digital Release with Bonus  Exclusive Deleted Scene

Thriller psychologique vénéneux, Little Fires Everywhere offre la sombre photographie d’une Amérique qui se consume à petit feu au milieu des années 90, gangrénée par un racisme ordinaire systémique. On y décèle évidemment la volonté des showrunners d’évoquer la situation actuelle en désignant cette période comme le terreau sur lequel s’est développé le conflit qui secoue le pays à quelques semaines d’une élection plus incertaine que jamais.

La série distille un malaise permanent, une menace constante dont on ne sait jamais vraiment d’où elle émane. De ses personnages, certainement. La rencontre sur fond de lutte des classes de la bourgeoise Elena et de l’artiste bohème Mia attise la braise, mais les autres protagonistes ne manqueront pas de jeter aussi de l’huile sur le feu.

La narration est maline, d’abord avare de révélations, elle fait fluctuer les rapports de force pour mieux nous perdre, jusqu’à ce qu’elle nous éclaire un peu grâce à un épisode pivot aux 3/4 de l’intrigue sans pour autant que la tension ne redescende. Bien au contraire, la situation devient insoutenable, les personnages montrent leur pire visage lorsque leurs petits secrets sont révélés.

Avec Reese Witherspoon au casting, on pense forcément à Big Little Lies, mais Little Fires Everywhere est plus sombre, plus radical. Si la notion de sororité donnait un peu de lumière à BLL, ici pas de respiration, c’est la guerre. L’affrontement Washington /Witherspoon tient toutes ses promesses et mérite à lui seul qu’on s’intéresse à elle(s).