SILS MARIA – 14,5/20

Sils MariaRéalisé par Olivier Assayas
Avec Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz

Synopsis : À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena…

Avis : Sils Maria est une fascinante variation sur la création et l’incarnation. Il fourmille de réflexions sur le processus créatif et l’appropriation d’une œuvre, sur le statut d’interprète, les droits qu’on acquiert lorsqu’on entre dans la peau d’un personnage, ce qu’on cède, ce qu’on lui donne. Il aborde par conséquent les questions de l’ego chez les acteurs, la perception de ses propres performances, leur rapport au temps qui passe et la question du legs et de la transmission.
Mais Sils Maria est avant tout un formidable film d’actrices. En refusant de tomber dans la caricature et en se concentrant sur le travail de Maria pour prendre possession d’un rôle avec lequel elle entretient une relation confuse et contradictoire, Assayas offre un matériel en or pour une actrice de l’envergure de Juliette Binoche, à la fois sophistiquée et terrienne. Elle traduit idéalement les états changeants (qui peuvent aller jusqu’à la mauvaise foi) de l’artiste. Une attitude qui se révèle déstabilisante pour son assistante, qui l’aide à appréhender le rôle. La relation entre Maria et Valentine, si elle est une évidente mise en abîme de la pièce que prépare Maria, ne se complaît heureusement pas dans l’ambiguïté sexuelle qu’il aurait été tentant de surexploiter. Il n’y a pas réellement de jeu de pouvoir entre les deux femmes, mais de dépendance certainement. Un besoin l’une de l’autre que l’on devine renforcé par une complicité sincère, mais que la promiscuité dans ce chalet exacerbe sans doute trop.
Binoche et Stewart livre à la caméra une performance rare, une composition à deux d’un naturel et d’une justesse tel qu’il est impossible de les dissocier. L’héroïne de Twilight est dans la lignée de ses puissantes interprétions de Welcome to the Riley, Into the Wild, The Runaways ou Sur la route, avec une pointe de maturité en plus. Oui, c’est une excellente actrice. Et courageuse, quand on connait son histoire.
Olivier Assayas filme cet intrigant jeu de miroirs sur l’art du comédien dans un magnifique et enivrant décor montagneux, avec sensibilité et tact, tout en nuances. Troublant, souvent, brillant tout autant.

LES COMBATTANTS – 15/20

Les CombattantsRéalisé par Thomas Cailley
Avec Adèle Haenel, Kevin Azaïs, William Lebghil

Avis : Entre ses potes et l’entreprise familiale, l’été d’Arnaud s’annonce tranquille…
Tranquille jusqu’à sa rencontre avec Madeleine, aussi belle que cassante, bloc de muscles tendus et de prophéties catastrophiques. Il ne s’attend à rien ; elle se prépare au pire.
Jusqu’où la suivre alors qu’elle ne lui a rien demandé ?
C’est une histoire d’amour. Ou une histoire de survie. Ou les deux.

Synopsis : Comédie social enlevée et étonnante, Les combattants a tout bon dans sa volonté de présenter la perte de repère de la jeunesse actuelle sans sombrer dans le catastrophisme ou le misérabilisme. En faisant planer la menace d’une fin du monde proche, Thomas Cailley distille une pointe de fantastique dans son cinéma très réaliste, symbolisant la peur de l’avenir pour une génération qui se prend en pleine tronche la crise économique. Le personnage de Madeleine en est le symbole, butée, brute et déterminée, un peu gauche aussi. Sa rencontre avec le très terre à terre Arnaud, tout aussi paumé, loin de la désorienter, la conforte dans sa volonté de se préparer au pire, emportant le jeune homme dans ses élans paranoïaques (ou n’est-il mu que par le sentiment amoureux ?). Toujours est-il que cette chronique adolescente est transpercée par une sorte d’évidence, une fraîcheur désarmante et une intelligence de ton qui lui permet de prendre de la hauteur. S’il traite d’un sujet lourd, les maux qui pèse sur notre société actuelle comme l’individualisme forcené, la perte de confiance et de perspective de sa jeunesse, Les Combattants le fait avec style et beaucoup, beaucoup d’humour. Un humour reposant principalement sur des dialogues parfaitement écrits, vifs et naturels.
La réalisation discrète mais très précise, insuffle une légèreté communicative, un lâcher-prise salutaire. Le découpage est redoutable, chaque plan, chaque scène semblent réfléchis, ne laissant la place à aucune baisse de rythme. La musique electro-pop qui l’accompagne (et que n’aurait pas renié un Xavier Dolan), entêtante et électrisante, joue aussi beaucoup dans le fait qu’on ne peut que foncer tête baissée dans le périple d’Arnaud et Madeleine. D’autant plus qu’une jolie complicité lie les personnages, magnifiée par l’éclatant alchimie entre les deux jeunes acteurs. Adèle Hanael est irrésistible de drôlerie dans son entêtement survivaliste et Kevin Azaïs est particulièrement touchant en amoureux maladroit, sans pour autant que cela passe pour de la niaiserie, l’acteur trouvant une parfait équilibre dans son jeu. La sincérité qui se dégage de leur couple est désarmante, la justesse de ton des deux acteurs fascinante.
Une vraie belle proposition de cinoche, originale et revigorante.

LES GARDIENS DE LA GALAXIE – 13,5/20

Les Gardiens de la GalaxieRéalisé par James Gunn (II)
Avec Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista

Synopsis : Peter Quill est un aventurier traqué par tous les chasseurs de primes pour avoir volé un mystérieux globe convoité par le puissant Ronan, dont les agissements menacent l’univers tout entier. Lorsqu’il découvre le véritable pouvoir de ce globe et la menace qui pèse sur la galaxie, il conclut une alliance fragile avec quatre aliens disparates : Rocket, un raton laveur fin tireur, Groot, un humanoïde semblable à un arbre, l’énigmatique et mortelle Gamora, et Drax le Destructeur, qui ne rêve que de vengeance. En les ralliant à sa cause, il les convainc de livrer un ultime combat aussi désespéré soit-il pour sauver ce qui peut encore l’être …

Avis : Mais c’est quoi ce machin avec un raton laveur armé jusqu’aux dents et un arbre qui parle ? Si le projet des Gardiens avaient tout de la bonne blague sur le papier, il faut reconnaître le savoir-faire et l’audace de Marvel Studios pour le transformer en une franche réussite, inégal mais globalement assez jubilatoire. L’esprit irrévérencieux de James Gunn, habitué aux budgets minuscules, ne se dissout miraculeusement pas dans l’univers partagé Marvel même s’il est parfois parasité par les codes parfois envahissants du genre (en particulier des scènes de baston et de destruction interminables).
Les dernières bandes annonces donnaient de sérieux indices sur le ton du film, que son visionnage confirme. Les Gardiens de la Galaxie sont furieusement cools.
Certes, on sent que le budget est moindre que sur les autres productions Marvel (certains décors et maquillages font clairement cheap), le scénario est quelconque et paresseux par moments, la réalisation parfois hésitante (que c’est sombre !) le bad guy est tout pourri et certaines scènes trainent en longueurs, mais on s’en moque un peu finalement. Les Gardiens n’est sans doute pas le meilleur Marvel, il manque de fond et de background, mais le plus fun, indéniablement.
L’idée géniale du film est d’avoir fait du walkman de Peter l’élément clé de l’intrigue. Il donne le ton et rythme le récit qui se déroule sur une bande son 70s/80s plus ou moins de bon goût, mais utilisée toujours à bon escient et franchement réjouissante. Le décalage musical est un écrin parfait pour présenter des personnages barrés, limite wtf, mais immédiatement charismatiques. Des anti-héros amochés et balançant entre la cupidité, le narcissisme, le cynisme et la psychopathie, et dont le regroupement crée une jolie émulation. Leur interaction est le principal moteur de l’humour qui parcourt le film, grâce à des dialogues souvent deuxième (ou troisième) degré assez savoureux.
Les acteurs (ou les voix) sont à ce titre particulièrement bien castés. Zoe Saldana confirme qu’elle peut être autre chose qu’une belle plante verte et est sans doute le personnage le plus couillu du film. Raccoon et Groot sont certainement ce qu’on a fait de mieux jusqu’à maintenant en image de synthèse et Chris Pratt se révèle être d’une coolitude rayonnante, rivalisant sans problème avec les héros les plus marquants de l’imagerie pop hollywoodienne comme Indy ou Han Solo. Une star (lord) est née.
Malgré ses nombreux défauts, Les Gardiens de la Galaxie renouvelle donc brillamment et sans complexe le genre du Space Opera, alliant parfaitement un humour potache (mais aux différents niveaux de lecture), et un récit cohérent et hautement divertissant, tout en présentant un nouvel univers qui ne demande qu’à être développé. Et qu’on ne demande qu’à découvrir plus avant.
Fun, cool & badass, ils nous plaisent ces Gardiens.

LA PLANÈTE DES SINGES : L’AFFRONTEMENT – 14/20

La Planète des singes : l'affrontementRéalisé par Matt Reeves
Avec Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman

Synopsis : Une nation de plus en plus nombreuse de singes évolués, dirigée par César, est menacée par un groupe d’humains qui a survécu au virus dévastateur qui s’est répandu dix ans plus tôt. Ils parviennent à une trêve fragile, mais de courte durée : les deux camps sont sur le point de se livrer une guerre qui décidera de l’espèce dominante sur Terre.

Avis : La Planète des Singes, les Origines avait été une excellente surprise, un drame d’anticipation bourré d’empathie et étonnamment poignant, prouvant qu’Hollywood pouvait aussi recycler ses classiques avec intelligence. Confié à Matt Reeves (le formidable Cloverfield, Laisse-moi entrer) L’Affrontement s’inscrit dans la continuité, se reposant d’abord sur une histoire forte et des personnages solides avant d’impressionner par ces effets visuels. Situé 10 ans après le premier épisode, il montre une population humaine décimée par un virus et les singes s’organiser autour de César, son leader.
L’affrontement est le récit d’un changement de monde profond et brutal, de deux civilisations qui se croisent, une déclinante et luttant pour sa survie et un autre qui évolue vers une société consciente et moderne. Et lorsque le contexte « politique » est aussi instable, mouvant et brûlant, la guerre devient inévitable. Ce choc est d’autant plus intéressant que le scénario se concentre sur une période intermédiaire de l’évolution des singes. La parole en est encore à ses balbutiements, mais on pressent que le moment sera bientôt venu où ils communiqueront et agiront comme des hommes. La symbolique est forte lorsqu’ils prennent les armes…
Episode charnière dans la genèse du monde dirigé par les primates que l’on découvre dans le film original, L’Affrontement se distingue par un refus absolu du manichéisme, chaque camp ayant pour motivations première l’intérêt général, que des ambitions personnelles ou des rancœurs tenaces vont mettre à mal. Le soin apporté à la construction des personnages donne du corps et du cœur à l’histoire. La fascinante incarnation de César par Andy Serkis en performance capture en fait un monstre de charisme, au regard désarmant d’humanité. Plus généralement, on atteint un niveau d’excellence technique assez remarquable, mais toujours au service d’un scénario habile et sophistiqué, quoique un peu plus mécanique que son prédécesseur.
S’il cède un peu à une regrettable surenchère dans sa dernière partie, La Planète des Singes : L’Affrontement reste une très belle réussite, un film de guerre épique à la puissance émotionnelle intacte.

NEW YORK MELODY – 12/20

New York MelodyRéalisé par John Carney
Avec Keira Knightley, Mark Ruffalo, James Corden

Synopsis : Gretta et son petit ami viennent de débarquer à NYC. La ville est d’autant plus magique pour les deux anglais qu’on leur propose de venir y vivre pleinement leur passion : la musique. Le rêve va se briser et l’idylle voler en éclat quand, aveuglé par la gloire naissante, il va la plaquer pour une carrière solo et… une attachée de presse.
Ses valises prêtes et son billet de retour pour Londres en poche, elle décide de passer une dernière nuit à New York avec son meilleur pote. Ce dernier l’emmène dans un pub, la pousse sur scène et la force à chanter. Dans la salle un producteur s’adonne à sa plus dangereuse passion : l’alcool. Revenu de tout, du succès et de sa gloire passée, amer, rancunier, il a perdu le fil de sa vie,… Et soudain il entend cette voix, découvre cette grâce, ce talent brut et authentique… Une rencontre enchantée qui pourrait finir en chansons…

Avis : Positif, enjoué et au final assez plaisant à défaut d’être très crédible, New York Melody se regarde comme une agréable ballade musicale, sucrée et entraînante.
Si John Carney avait su cerner avec plus de simplicité les méandres de la création musical dans son précédent film, Once, il propose malgré tout ici des idées de mise en scène malines, malheureusement parfois gâtées par un trop plein de bons sentiments.
L’histoire de Gretta et de ce projet fou d’enregistrement en plein air est bien évidemment hautement improbable, mais on se laisse malgré tout séduire par de jolis moments distillés ça et là. Keira Knightley a un très intéressant petit brin de voix, mis en valeur par des mélodies pop folk très écoutables.
Le charme difficilement résistible de l’actrice et de Mark Ruffalo joue beaucoup pour apporter à NEW Melody un indéniable capital sympathie. Même Adam Levine n’est pas totalement insupportable.
Un feel good movie estival tout à fait recommandable donc.