LES ADOPTES – 12,5/20

Les AdoptésRéalisé par Mélanie Laurent
Avec Mélanie Laurent, Denis Ménochet, Marie Denarnaud

Synopsis : Une famille de femmes que la vie a souvent bousculée mais qui est parvenue avec le temps à apprivoiser les tumultes. Les hommes ont peu de place dans cette vie et naturellement quand l’une d’entre elle tombe amoureuse tout vacille. L’équilibre est à redéfinir et tout le monde s’y emploie tant bien que mal. Mais le destin ne les laissera souffler que peu de temps avant d’imposer une autre réalité. La famille devra alors tout réapprendre. La mécanique de l’adoption devra à nouveau se mettre en marche forçant chacun à prendre une nouvelle place…

Avis : Les Adoptés est sur-écrit, sur-interprété,  sur-réalisé… Souvent maniéré, parfois naïf…. Un peu too much, en somme. Mais Mélanie Laurent porte en elle une telle sincérité qu’on peut lui pardonner pas mal de choses… Malgré ses nombreux défauts, le film atteint une émotion qui ressemble à sa réalisatrice. Si elle peut agacer par son ambition et sa ferme intention de ne pas s’imposer de limites, on ne peut pas lui enlever une vraie cohérence, une honnêteté non feinte et oui, un sérieux talent. Car si elle n’évite pas certaines scories d’un premier film, comme vouloir trop en montrer, trop appuyer les situations, elle affirme un style, son style, avec autorité. De très beaux plans éthérés, une narration maîtrisée, une direction assumée, un choix de musique très sûr et bien employé, autant de signes qui légitiment l’actrice dans sa volonté de passer derrière la caméra. Ces qualités, et c’est bien l’essentiel, lui permettent d’offrir une vision très juste du manque affectif, sous toutes ses formes, amical, passionnel, fraternel…
Malgré ses maladresses, les Adoptés portent les promesses d’une réalisatrice atypique en devenir. Ce premier film imparfait mais touchant, en est une.
Un premier film de Mélanie Laurent. Oui, c’est évident.

LA FEMME DU Vème – 11/20

La Femme du VèmeRéalisé par Pawel Pawlikowski

Avec Kristin Scott Thomas, Ethan Hawke, Joanna Kulig

Synopsis : Tom Ricks, romancier américain, la quarantaine, vient à Paris dans l’espoir de renouer avec sa fille. Mais rien ne se passe comme prévu : démuni, logé dans un hôtel miteux, il se retrouve contraint de travailler comme gardien de nuit. Alors qu’il croit toucher le fond, Margit, sensuelle et mystérieuse, fait irruption dans sa vie. Leur relation passionnée déclenche une série d’évènements inexplicables, comme si une force obscure prenait le contrôle de sa vie.

Avis : S’inspirant très librement d’un roman de Douglas Kennedy, Pawlikowski laisse de côté le côté thriller du bouquin pour faire de son film un voyage mystérieux et poisseux dans la pysché de son héros. Pour peu qu’on accepte de n’avoir aucune clé pour le comprendre, aucune indication sur son passé apparemment très lourd, on peut se laisser embarquer dans cette univers glauque et vaporeuse. Mais le choix d’un récit si elliptique rend au bout du compte très complexe l’adhésion du spectateur jusqu’à un final tout aussi flou. Et il l’est d’autant plus si on n’a pas lu le roman. Cet angle assez minimaliste sacrifie aussi les rôles secondaires, notamment celui de la mystérieuse Margit, interprétée par Kristin Scott Thomas, qui bénéficie de trop peu de présence à l’écran pour réellement pouvoir  construire ce qui aurait du être la clé de voute de la descente aux enfers du héros. Dommage.

TOUTES NOS ENVIES – 14,5/20

Toutes nos enviesRéalisé par Philippe Lioret

Avec Vincent Lindon, Marie Gillain, Amandine Dewasmes

Synopsis : Claire, Jeune juge au tribunal de Lyon, rencontre Stéphane, juge chevronné et désenchanté, qu’elle entraîne dans son combat contre le surendettement. Quelque chose naît entre eux, où se mêlent la révolte et les sentiments, et surtout l’urgence de les vivre

Avis : Après les bouleversants Je vais bien, ne t’en fais pas et Welcome, Lioret creuse la veine socio-humaniste de son cinéma avec son nouveau film, le très émouvant Toutes nos envies. Encore plus casse-gueule que la rencontre d’un riche tétraplégique et d’un jeune caïd des cité (cf. le formidable Intouchables), le réalisateur adapte le roman de Carrère qui mêle sur-endettement et tumeur au cerveau incurable. Dit comme ça, ça peut paraître indigeste… Mais en plaçant, comme dans ses précédents films, l’humain au centre de son histoire, il réalise une nouvelle fois le tour de force de nous interpeller et de nous émouvoir, sans jamais avoir recours au pathos gratuit ni au chantage émotionnel. Faisant preuve de la même délicatesse, de la même pudeur, il filme ses personnages avec une empathie désarmante et communicative. Dans leurs combats, dans leur fragilité, dans leurs contradictions également. Ancrés dans une réalité sociale âpre et violente, ils nous touchent au cœur, grâce à la réalisation sobre et d’une remarquable justesse de Lioret (on pardonnera l’analogie un peu facile avec le monde du rugby qui débouche sur une (la) scène dispensable du film).
Mais Toutes nos envies est aussi l’histoire d’une renaissance, celle de Marie Gillain, qui bouffe littéralement l’écran avec une étonnante maturité. Le duo de justiciers qu’elle compose avec Vincent Lindon, un habitué au cinéma du réalisateur, complice et tendre, fonctionne parfaitement.
Avec Toutes nos envies, Lioret poursuit la construction d’une œuvre puissante et sensible, qui fait mouche à chaque film. Une belle et incontestable confirmation.

CONTAGION – 12/20

ContagionRéalisé par Steven Soderbergh
Avec Marion Cotillard, Matt Damon, Laurence Fishburne

Synopsis : Une pandémie dévastatrice explose à l’échelle du globe… Au Centre de Prévention et de Contrôle des Maladies, des équipes se mobilisent pour tenter de décrypter le génome du mystérieux virus, qui ne cesse de muter. Le Sous-Directeur Cheever, confronté à un vent de panique collective, est obligé d’exposer la vie d’une jeune et courageuse doctoresse. Tandis que les grands groupes pharmaceutiques se livrent une bataille acharnée pour la mise au point d’un vaccin, le Dr. Leonora Orantes, de l’OMS, s’efforce de remonter aux sources du fléau. Les cas mortels se multiplient, jusqu’à mettre en péril les fondements de la société, et un blogueur militant suscite une panique aussi dangereuse que le virus en déclarant qu’on « cache la vérité » à la population…

Avis : Clinique et parfaitement anxiogène, Contagion se regarde comme un reportage totalement flippant, parce que réaliste. La première partie du film sur la propagation du virus et particulièrement bien menée par Soderbergh, prenante et montant progressivement en tension et en paranoïa. Malheureusement, une fois le climax passé, le film retombe un peu comme un soufflé, car si le réalisateur refuse assez intelligemment d’énoncer clairement les responsabilités entre autorités politiques, militaires et multinationales pharmaceutiques, laissant le spectateur se faire son propre avis et évitant un final convenu ou moralisateur, il semble embarrassé par la foule de personnages qu’il a introduit dans son récit. Trop nombreux, trop peu présent à l’écran (exception faite de celui de Matt Damon), ils manquent clairement d’épaisseur et de complexité (le personnage de Cotillard semble sacrifié par exemple – sacrilège). Mais est-il vraiment possible de donner du relief à chacun en 1h46? Sans doute pas. Ce qui nous amène à la réflexion que Contagion aurait fait une formidable mini-série TV…

Ah oui, dernier point. La musique est top. On découvre en regardant le générique qu’elle est de Cliff Martinez. Oui, le même que celle de Drive. CQFD.

INTOUCHABLES – 15,5/20

IntouchablesRéalisé par Eric Toledano, Olivier Nakache
Avec François Cluzet, Omar Sy, Anne Le Ny

Synopsis : A la suite d’un accident de parapente, Philippe, riche aristocrate, engage comme aide à domicile Driss, un jeune de banlieue tout juste sorti de prison. Bref la personne la moins adaptée pour le job. Ensemble ils vont faire cohabiter Vivaldi et Earth Wind and Fire, le verbe et la vanne, les costumes et les bas de survêtement… Deux univers vont se télescoper, s’apprivoiser, pour donner naissance à une amitié aussi dingue, drôle et forte qu’inattendue, une relation unique qui fera des étincelles et qui les rendra… Intouchables.

Avis : Et si Nakache et Toledano avaient trouvé la recette du Feel Good Movie français parfait? Après deux comédies chorales plutôt réussies mais assez inégales formellement (Nos jours heureux et Tellement Proches), ils livrent une comédie douce amère d’une précision et d’une sensibilité rare.
Inspirés, les réalisateurs réussissent l’admirable mélange entre un humour impertinent, un style élégant et une franche émotion. Évitant le piège de la complaisance et de la démagogie, jamais très loin quand le sujet d’un film porte sur le handicap, ils donnent à leur intrigue un rythme redoutable, entre vannes imparables et discrets rapprochements entre les deux personnages principaux. Ils racontent cette rencontre improbable en prenant le temps d’installer leurs personnages et en s’affranchissant intelligemment des codes parfois pesants et artificiels du genre (choc des cultures/apprivoisement/clash/réconciliation). Construit autour d’un scénario limpide, Intouchables se déroule sans artifice, avec un liant et un naturel remarquable. Le film est d’autant plus prenant qu’il est soutenu par une bande-originale cohérente et ultra-efficace, omniprésente et paradoxalement assez discrète, puisqu’elle accompagne sans les pervertir tout aussi bien les purs moments d’émotion que les scènes de comédie.
Au-delà de ses qualités intrinsèques, Intouchables doit aussi sa réussite, et pour beaucoup, à l’alchimie qui se dégage du couple Omar Sy/ François Cluzet, magistraux tous les deux. Si Cluzet confirme qu’il est depuis quelques années l’un des interprètes les plus complets et les plus intéressants du cinéma français (merci Canet et Ne le dis à personne), Omar Sy est une vraie révélation. Leur duo, toujours juste, dans le ton, impose rythme, véracité et densité aux dialogues et aux situations . Autour d’eux gravitent des acteurs loin de jouer les faire-valoir, comme la géniale Anne Le Ny ou Audrey Fleurot, qui finissent de donner au film sa belle homogénéité.
Intouchables touche donc juste, à la fois extrêmement drôle, fin et émouvant. Un film qui fait du bien en somme…
A voir, évidemment…