Cinéma | UNE ANNÉE DIFFICILE – 12/20

De Eric Toledano, Olivier Nakache
Avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Noémie Merlant

Chronique : Après leur parenthèse sérielle très réussie (l’excellente En Thérapie pour Arte), Nakache et Toledano reviennent au cinéma avec une comédie sociale où ils confrontent surconsommation et décroissance. Une Année Difficile raconte comment deux paumés surendettés vont intégrer un peu par hasard (et beaucoup par intérêt) une association de défense de la planète qui entend mener des actions radicales. Un terrain idéal pour afficher malicieusement les travers de notre société, nos égoïsmes et nos petites contradictions. Malheureusement le traitement est un poil caricatural et l’analyse sociétal franchement peu subtile. Les situations sont attendues, le scénario réserve peu de surprise et enfonce des portes ouvertes. Le récit avance en pilotage automatique en suivant des personnages archétypaux dont on devine très vite le parcours. On a connu les réalisateurs plus inspirés.
Mais Une Année Difficile tient malgré tout la route parce qu’il est drôle. Et ça, il le doit à l’écriture toujours incisive du duo mais surtout au charisme, à la répartie et au charme de son savoureux trio de comédiens, Pio Marmaï, Jonathan Cohen et Noémie Merlant.
Un retour mineur mais néanmoins sympathique pour Nakache Toledano.

Synopsis : Albert et Bruno sont surendettés et en bout de course, c’est dans le chemin associatif qu’ils empruntent ensemble qu’ils croisent des jeunes militants écolos. Plus attirés par la bière et les chips gratuites que par leurs arguments, ils vont peu à peu intégrer le mouvement sans conviction…

Séries | 66-5 S01- 13/20 | SOUS CONTRÔLE S01 – 14/20 | PARLEMENT S03 – 14/20

C H R O N I Q U E S

66-5 S01 (Canal) – 13/20

Supervisée par la créatrice d’Engrenages, 66-5 est dans la même veine brute et réaliste.
Alice Izaaz interprète une jeune avocate parisienne qui va être rattrapée par son passé en cité et va devoir retourner vers l’exercice du droit pénal qu’elle s’était jurée de ne jamais pratiquer. Entre trafic de drogue, règlement de compte et infiltration policière, le piège va progressivement se refermer sur elle.
Le récit se permet trop de facilités malheureuses pour être tout à fait crédible, les flash-backs sont superflus et trop explicatifs mais le cadre est solide, appuyée par des interprètes très convaincants, Alice Izaaz en tête. A l’instar de B.R.I. plus tôt dans l’année, cette première saison pose de bonnes bases pour la suite et des enquêtes plus amples et approfondies.

SOUS CONTRÔLE S01 (ARTE) – 14/20

Malgré la modestie de sa réalisation et ses moyens limités, Sous Contrôle est une satire politique maline portée par quelques très bonnes idées. Surtout elle peut compter sur la folle énergie de l’inestimable Léa Drucker, dont la drôlerie rivalise avec l’intelligence de jeu.
Elle s’éclate comme une folle au Quai d’Orsay et nous avec.

PARLEMENT S03 (FRANCE TV) – 14/20

La série politique qui égratigne les institutions européennes avec le sourire entre dans sa 3ème saison. Toujours aussi drôle, Parlement continue de s’amuser avec les clichés et fait des jeux de pouvoir et d’influence le moteur de ses intrigues. Au-delà de son intérêt pédagogique (si si), la série ne perd pas de son potentiel comique alors que Samy gagne en expérience et rêve de Commission Européenne. Il va devoir pour cela se débattre avec son éternelle maladresse. Pour notre plus grand plaisir.

Cinéma | KILLERS OF THE FLOWER MOON – 16/20

De Martin Scorsese
Avec Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone, Robert De Niro

Chronique : Martin Scorsese revient sur nos écrans avec une fresque passionnante, instructive et dense qui convoque deux de ses grandes obsessions, les gangsters et la face sombre des fondations de l’Amérique moderne.
Killers of the Flower Moon est une immense tragédie qui se déploie inéluctablement au fil des ans, rattrapant un à un ses personnages et meurtrissant un pays pour des générations.
Le film relate des faits peu connus mais bien réels. Au début du siècles, les Indiens Osage firent fortune grâce au pétrole, menant une vie oisive et aisée avant de se faire spolier par les blancs américains de la manière la plus cynique qui soit, une élimination de masse sournoise et progressive.
Le sort réservé aux indiens et dépeint avec force et détails par Scorsese pointe du doigt le racisme et la violence systémiques sur lesquels s’est construit les Etats-Unis.
Le réalisateur octogénaire choisit de raconter cette histoire à travers les yeux d’Ernest, gamin du coin un peu bas du front de retour de France pour travailler avec son oncle, William « King » Hale riche politique au discours double. Sous ses airs de bienfaiteur philanthrope ami du peuple Osage, King est surtout obnubilé par leur fortune et ne recule devant aucune pratique mafieuse pour s’approprier l’or noir. Il incitera pour cela Ernest à se rapprocher de Mollie, une Osage, dans l’espoir qu’il puisse l’épouser et hériter à terme de ses terres si précieuses, comme le font alors beaucoup d’hommes blancs pas toujours bien attentionnés. Mais ce qu’Ernest va progressivement (mais difficilement) comprendre, c’est que l’entreprise de son oncle va encore plus loin et qu’il cherche à éliminer progressivement tous les membre de la famille de Mollie.
Ernest va alors être constamment déchiré entre l’amour sincère qu’il porte à sa femme et l’implicite allégeance faite à son oncle et à sa funeste avidité.
On ne va pas se mentir, 3h17, c’est long. Mais il faut bien tout ça pour poser les tenants et aboutissants d’un récit multiple et complexe dont la partie thriller fascine autant que sa dimension historique passionne et sa tension dramatique nous touche. Il n’y a dans Killers of the Flower Moon finalement rien de superflu. La mise en scène fluide et imposante capture un environnement électrique de cohabitation forcée et traduit la noirceur du récit, partagée entre reconstitution évidemment impeccable (costume, décors, photographie) et faux films d’époque qui garantissent une immersion totale. L’énergie qui parcourt le film est différente de celle des précédentes réalisations de Scorsese, The Irish Man mise à part. La violence brute est souvent hors champs et se déplace beaucoup dans les non-dits. Elle est assez anti-spectaculaire mais n’est pas avare en plans sidérants, que ce soit un puit de pétrole qui jaillit de terre ou un feu qui se déclare sur le domaine de King.
Scorsese peut aussi compter sur des acteurs qu’il connait désormais par cœur et pleinement investis.
Di Caprio, habité, mâchoire serrée et œil hagard, campe un personnage faible et influençable, une fois n’est pas coutume. De Niro impressionne encore en parrain paternaliste faussement humaniste, rusé et manipulateur. Il crie moins qu’à l’époque, mais n’en est pas moins charismatique. Ces deux-là entourent le miracle Lilly Gladstone, mélange de douceur et de rage, de lucidité et faux espoirs. Son regard irradie l’écran, c’est une vraie révélation.
Le cinéma de Martin Scorsese a sans doute un peu changé avec l’âge, il est plus apaisé, traversé par une énergie différente, toujours puissant mais retenu. Il est d’ailleurs peut-être d’autant plus puissant qu’il est retenu, ce qui fait émerger de lui une émotion nouvelle, un peu mélancolique.
Killers of the Flower Moon est un joyau sombre, qui brille peu mais émerveille par la finesse de son polissage. Un chef d’œuvre qu’on est heureux d’avoir pu découvrir sur grand écran grâce à la stratégie récente d’Apple de sortir ces films Originals en salle avant qu’ils ne soient disponible sur la plateforme. La firme a la pomme a bien compris que rien ne remplaçait la salle de cinéma pour valoriser une œuvre et ses cycles d’exploitation suivants. Pari hautement réussi ici.

Synopsis : Au début du XXème siècle, le pétrole a apporté la fortune au peuple Osage qui, du jour au lendemain, est devenu l’un des plus riches du monde. La richesse de ces Amérindiens attire aussitôt la convoitise de Blancs peu recommandables qui intriguent, soutirent et volent autant d’argent Osage que possible avant de recourir au meurtre…

Cinéma | LE RÈGNE ANIMAL- 15,5/20

De Thomas Cailley
Avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos

Chronique : Il y a neuf ans Thomas Cailley flirtait déjà avec le fantastique dans son formidable Les Combattants, faisant planner sur cette chronique adolescente une menace de fin du monde. Avec Le Règne Animal, il l’aborde plus frontalement et livre une œuvre hybride, entre fable surnaturelle étourdissante, thriller sociologique et drame familial poignant.
Atypique et d’une ambition rare pour du cinéma de genre français, son nouveau film épate par la puissance évocatrice d’une mise en scène qui n’a jamais peur de son sujet.
C’est d’ailleurs quand elle l’évoque droit dans les yeux qu’elle impressionne le plus, et ce dès sa scène d’introduction qui impose avec force les enjeux : l’étrange pandémie qui frappe le monde, ses conséquences dramatiques sur les familles qu’elle touche, sa gestion par un corps médical dépassé, les réactions des autorités, les peurs des populations et la tentation du rejet et des discriminations face à l’inconnu.
Les effets spéciaux sont aussi discrets que réussis, appuyés par une très belle photographie, une excellente bande-son.
Bien sûr, Le Règne Animal n’est pas sans défaut, le rythme retombe parfois lorsqu’il faut relier les points ou combler les creux. La partie teen movie est moins convaincante, tout comme la présence excessive de la gendarmerie dans l’intrigue (Adèle Exarchopoulos – qu’on adore – n’est franchement pas gâtée par son rôle, bien qu’il constitue parfois un ressort comique salutaire). Mais ces écueils sont assez vite balayés par de purs moments de grâce qui convoquent une émotion et une poésie sidérante.
Le cœur du film demeure la rapport filial et protecteur d’un père pour son fils alors qu’ils traversent une période qui s’apparente à un deuil sans en porter le nom. Ce lien, cette relation bouleversante se fond parfaitement dans le récit fantastique. A ce titre, la performance de Romain Duris, en père désorienté mais résolu est incroyable d’intensité et de vérité, tout comme celle du jeune surdoué Kircher, dont le jeu et le débit heurté offre au film fraicheur et sincérité.
Le Règne Animal touche profondément et impressionne visuellement. Thomas Cailley révèle un cinéma d’anticipation grand public ambitieux et intelligent, subtil quand il se fait drôle, qu’on pensait réserver à Hollywood.
Malgré sa rareté, le réalisateur est devenu une signature majeure du cinéma français en deux films qui auront mêlé l’audace, la rigueur, l’ambition visuelle et l’émotion. Aussi spectaculaire que précieux.

Synopsis : Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux. Alors que la région se peuple de créatures d’un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.

Séries | SEX EDUCATION S04 – 15/20 | ONE PIECE S01 – 14/20 | IRRESISITIBLE S01 – 05/20

CHRONIQUES

SEX EDUCATION S04 (Netflix) – 15/20

Un émouvant adieu aux gamins de Moordale. On s’était attaché comme rarement dans une série à ces personnages fantasques et hauts en couleur. Mais si Sex Education est toujours aussi drôle, ce final perd un peu de la légèreté qui faisait la signature du show. Il aborde des sujets bien moins triviaux et adopte un ton plus grave, comme pour marquer un peu plus dramatiquement le passage à l’âge adulte. Il est toujours question de sexe, mais ce n’est plus le principal moteur de la série. L’abandon, le deuil, la santé mentale prennent le dessus. Et elle est encore plus queer, les élèves ayant dû quitter Moordale pour un lycée à la pointe de l’inclusivité. Mais la manière dont cela est intégré à l’intrigue ne relève pas du cahier des charge, c’est fait de manière intelligente, pour alimenter de nouvelles intrigues qui ne sont jamais manichéennes, mais toujours diverses et complexes.
Après avoir retardé au maximum de lancer le dernier épisode, on abandonne donc Otis, Maeve et les autres avec un petit pincement au cœur. Ils vont nous manquer.

ONE PIECE S01 (Netflix) – 14/20

Etant totalement novice à l’univers de One Piece (et des mangas en général) son adaptation en série live est une sympathique surprise. Avec ses airs de Pirates des Caraïbes pour ado, elle trimbale un humour plutôt efficace et un solide sens de l’aventure accentué par une musique ultra-entrainante.
La direction artistique est très sûre, assumant une grande ambition visuelle que ce soit pour ses décors ou les combats. Le transfert du papier à l’écran de la dimension cartoonesque de ses personnages est réussi, ils ne sont jamais ridicules. On ira même jusqu’à dire qu’elle a du cœur cette série. Même si les derniers épisodes s’avèrent un peu répétitifs, cette première saison n’en demeure pas moins enthousiasmante.

IRRESISTIBLE S01 (Disney+) – 06/20

Laborieuse de bout en bout, Irrésistible ne trouve jamais le bon rythme et ne parvient pas à capitaliser sur son sujet, un amour physiquement (littéralement) impossible. Elle ne sait pas trop quoi en faire, force les situations, multiplie les moments gênants pour des personnages proche de la bêtise ou du ridicule (Trésor est particulièrement gratiné). La réalisation n’a aucun relief, le scénario est d’une mollesse insupportable, poussant des comédiens peu aidés par dialogues poussifs à surjouer pour compenser le manque de peps.
Le charme de Camélia Jordana est le seul intérêt de cette comédie pas drôle et pas très romantique bien fade. Irrésistible n’est simplement pas intéressante.

Cinéma | BERNADETTE -13/20

De Léa Domenach
Avec Catherine Deneuve, Denis Podalydès, Michel Vuillermoz

Chronique : Plus qu’un biopic, Bernadette est une fantaisie politique, une satire gentiment féministe (pas sûr que la vraie Bernadette l’ait vraiment été) qui revisite la présidence Chirac sur un ton pop et impertinent à travers le regard et les piques acérées de « Madame Chirac ». Le film de Léa Domenach œuvre comme un miroir déformant sur cette époque, grossissant le trait d’anecdotes ou d’histoires dont tout le monde était plus ou moins au courant. De son aversion envers Villepin à sa rancune tenace envers Sarko en passant par les infidélités de son mari et son sens politique aiguisé mais longtemps ignoré, tout est sujet à sourire dans Bernadette. Mais c’est son impressionnant relooking en « Bernie », icone populaire faisant de l’ombre à son mari, qui est le point d’orgue du film comme du passage de Bernadette Chirac à l’Elysée
Si Catherine Deneuve peut difficilement être plus éloignée physiquement de l’ex première dame de France, ce casting, aussi peu naturel soit-il, fonctionne parfaitement, la comédienne n’étant jamais meilleure que dans les comédies piquantes ou lorsqu’elle doit délivrer des bons mots avec une précision létale. Ce qu’elle faite avec un plaisir non feint. A défaut « d’être » Bernadette, Deneuve incarne parfaitement la métamorphose d’une femme effacée qui va se rebeller pour aller chercher elle-même la lumière qui lui est due, un peu comme dans Potiche. Servi par quelques dialogues très bien sentis, elle forme un duo savoureux avec Denis Podalydes et impose un charisme indéniable au film.
Un film qui manque un peu de peps par moment, mais certainement pas de piment !

Synopsis : Quand elle arrive à l’Elysée, Bernadette Chirac s’attend à obtenir enfin la place qu’elle mérite, elle qui a toujours œuvré dans l’ombre de son mari pour qu’il devienne président. Mise de côté car jugée trop ringarde, Bernadette décide alors de prendre sa revanche en devenant une figure médiatique incontournable.

Séries | ONLY MURDERS IN THE BUILDING S03 – 15/20 | JURY DUTY – 13/20 | TAPIE – 12/20

ONLY MURDERS IN THE BUILDING S03 (Disney+) – 15/20

OMITB fait doucement son petit bonhomme de chemin et impose un peu plus sa singularité dans une 3ème saisons très réussie. La série est toujours aussi ludique et amusante mais elle ne néglige jamais l’enquête en cours. Elle peut passer de la comédie au drame en une scène, enchainer les répliques assassines et les twists les plus inattendus (on a même des chansons cette saison!). La finesse de l’écriture désormais notoire attire saison après saison des guests 5 étoiles, illustré cette année par la présence au casting de Meryl Streep et Paul Ruud qui semblent beaucoup s’amuser (et nous avec !). Les personnages, anciens ou nouveaux, s’avèrent également de plus en plus touchant et leurs histoires aussi prenantes qu’attendrissantes. OMITB S3 se termine évidemment sur un cliffhanger qui nous fait piaffer d’impatience avant la saison 4, officiellement commandée.

JURY DUTY (Prime Video)- 13/20

Jury Duty est une série au concept aussi amusant que casse-gueule qui mêle documentaire et télé-réalité. On suit un faux procès où tous les participants, du juge à l’accusé en passant par les jurés sont des acteurs, sauf un, Ronald, qui pense participer à un vrai procès. Pour que le procédé fonctionne, il fallait que son casting soit réussi. Or Ronald fait preuve d’une gentillesse et d’une bienveillance à toute épreuve les 15 jours que durent les délibérations, s’impliquant à 100% pour assumer ses devoirs civiques.
Si le concept tend un peu à s’épuiser avec le temps, il offre quelques grands moments jubilatoires. Il permet aussi à James Marsden de jouer tout naturellement son propre rôle avec une bonne dose d’auto-dérision ! Jury Duty s’avère même un peu émouvant à la révélation de la supercherie, chacun exprimant une tendresse non feinte pour Ronald, dont la bonhomie aura permis de créer un vrai esprit de troupe dans le groupe. Une série-concept culottée et réussie.

TAPIE (Netflix) – 12/20

Netflix propose un biopic largement romancé de l’homme d’affaire français, un portrait bigger than life mais qui croque bien l’extravagance du personnage, bourru et roublard, son besoin de reconnaissance et sa quête de succès .Laffitte s’empare progressivement du personnage, il faut un peu de temps pour qu’il s’efface derrière l’icône mais donne sa pleine mesure à mi-parcours de manière très convaincante, traduisant parfaitement le sentiment de toute-puissance qui conduira Tapie à sa perte.
Dommage que la réalisation reste trop proprette, sans autre ambition que de retranscrire une époque. On retiendra cependant cette scène formidable dans le dernier épisode, une confrontation épique avec le procureur De Montgolfier dans la pénombre d’un bureau mal éclairé. Ce huis clos surtendu est le point culminant de la série.

Cinéma | UN MÉTIER SÉRIEUX – 14/20

De Thomas Lilti
Avec Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos

Chronique : Après avoir ausculté le monde de la médecine sur trois films et une série (l’excellente Hippocrate), Thomas Lilty s’intéresse avec Un Métier Sérieux à un autre secteur fragilisé, l’éducation nationale. Il continue de privilégier une approche humaniste, traitant son sujet et ses personnages avec tendresse et sans misérabilisme. Il ne cache rien des difficultés du métier et fait parfois poindre la colère et la résignation dans les portraits qu’il dresse de ces professeurs de collèges qui balancent entre résilience et lassitude. Mais la foi en ce qu’ils font, les espoirs qu’ils placent en leur élèves et la solidarité de cette corporation contrebalancent constamment les problèmes auxquels ils sont confrontés au quotidien.
Le scénario est construit sur des ellipses, il nous offre des bribes des vies sans les développer plus avant, mais suffisamment précises pour illustrer différentes incarnations du métier d’enseignant. Il ne pousse pas très loin les intrigues (personnelles ou professionnelles), mais fait apparaître un puissant esprit de troupe et de camaraderie. Un métier sérieux déroule sur une année leur quotidien rythmé par les crises qu’ils traversent, les erreurs qu’ils commentent, les rires qu’ils partagent et des trajectoires de vie qui se croisent. Le ton navigue ainsi entre drôlerie et gravité.
Thomas Lilty fait pour cela appel à ses acteurs fétiches dont son alter ego Vincent Lacoste (Hippocrate, Première année), Louise Bourgoin, William Lebghil ou encore François Cluzet qu’il sait diriger à la perfection et invite Adèle Exarchopoulos qui se fond admirablement dans ce film choral qui respire la sincérité et la justesse.
Un bel essai en hommage au corps enseignant.

Synopsis : C’est la rentrée. Une nouvelle année scolaire au collège qui voit se retrouver Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils sont rejoints par Benjamin, jeune professeur remplaçant sans expérience et rapidement confronté aux affres du métier. A leur contact, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.

Cinéma | LE PROCÈS GOLDMAN – 14/20

De Cédric Kahn
Avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Stéphan Guérin-Tillié

Chronique : Nouveau film de procès, genre décidemment en vogue dans le cinéma français actuellement, et nouvelle réussite, certes moins éclatante qu’Anatomie d’une chute mais qui s’impose par un parti-pris créatif bien différent. Le Procès Goldman est dans la reconstitution pure, jouant dans sa mise en scène sur un quasi-huis-clos (seules quelques apartés en cellule viennent interrompre le procès) et l’explosivité d’un procès qui a passionné la France à la fin des années 70. Cédric Kahn ne se prive d’aucun artifice pour nous plonger au cœur du prétoire et des échanges féroces entre les différents partis. Costumes et coiffures d’époque, cadrage en 4 :3, photographie granuleuse imitant les clichés d’alors, prises de parole très théâtrales des intervenants, dialogues très écrits, Le Procès Goldman répond à une mécanique bien huilée qui accroche progressivement le spectateur et rend son contenu passionnant, en particulier grâces à ses joutes verbales hautes en couleur et enlevées.
Porté par le charisme de Arieh Worthalter dans le costume de Pierre Goldman et l’investissement de Arthur Harari dans la robe de son avocat, le film de Kahn raconte aussi une époque, le fonctionnement de sa justice et de sa police, et dialogue forcément avec notre temps, donnant aussi des clefs pour l’appréhender.
Sec et radical dans sa forme, mais accrocheur dans la manière qu’il a de ressusciter une époque, Le Procès Goldman ne cherche pas faire surgir la vérité mais à donner la lecture d’un homme complexe dans un contexte politique et social qui l’est tout autant.

Synopsis : En avril 1976, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.