DUNKERQUE – 15/20

Dunkerque : AfficheDe Christopher Nolan
Avec Fionn Whitehead, Mark Rylance, Tom Hardy

Chronique : En s’aventurant sur le terrain balisé de la fresque historique, c’est un virage inattendu que prend la filmographie de Christopher Nolan. Loin des concepts souvent fascinants mais alambiqués de ces précédentes réalisations, il se frotte pour la première fois à une histoire on ne peut plus ancrée dans le réel, la débâcle des troupes anglaises encerclées par les allemands à Dunkerque au début de la seconde guerre mondiale. Son récit est celui d’un intense survival plus que d’un combat épique. Il n’a pas le souffle héroïque des grands films de guerre comme par exemple Il faut sauver le soldat Ryan (Spielberg) ou Mémoire de nos Pères (Eastwood), mais se singularise par une exploration en profondeur de la psyché humaine face à une situation de péril extrême. En suivant trois lieux pour autant de personnages clés, Nolan offre au spectateur un exercice âpre, aride, une expérience sensorielle majeure et anxiogène au possible. Contrairement à ses œuvres précédentes, le propos est direct, sans surinterprétation possible. A peine la narration éclatée est-elle parfois déroutante (voit-on plusieurs fois la même scène de différents points de vue ?).
Mais le réalisateur cherche moins l’esbroufe que l’efficacité et une certaine vérité. Sa mise en scène s’en fait moins pompière, moins baroque, mais pas moins impressionnante. Son génie formel est toujours affûté et délivre des plans d’une nervosité extrême et d’une urgence tétanisante. La musique est omniprésente, parfois assourdissante, comme pour faire contrepoids aux bruits des bombes et des fusils.
La virtuosité de Nolan s’exprime par ailleurs magistralement lors de plans aériens monumentaux. Et si Dunkerque impressionne par l’accomplissement de sa mise en scène, il épate tout autant par la précision de la reconstitution historique, mettant formidablement en lumière cet épisode méconnu de la 2nde guerre mondiale.
Une légère limite, le refus quasi systématique de Nolan de regarder la mort en face. Pas de sang, pas de corps abîmés, l’horreur sale de la guerre est cachée, masquée, atténuant forcément la portée testimoniale du film. Pas suffisant cependant pour enlever à Dunkerque son statut de grand film de survie et pour réfréner nos envies d’applaudir des deux mains cette lecture inédite du film de guerre.

Synopsis : Le récit de la fameuse évacuation des troupes alliées de Dunkerque en mai 1940

SPIDER-MAN : HOMECOMING – 14/20

Spider-Man: Homecoming : AfficheDe Jon Watts
Avec Tom Holland, Michael Keaton, Robert Downey Jr.

Chronique : Un nouveau Spider-man ? Sérieusement ? Hé bien oui. Et très sérieusement même.
Profitant de l’extraordinaire rayonnement pop du Marvel Cinematic Univers, Sony s’est allié avec la Maison des idées pour rebooter une 3ème fois son joyau et ressusciter
une licence qui battait clairement de l’aile.
La filiation avec les autres productions Marvel est évidente. Humour omniprésent, storytelling maitrisée, légèreté de ton, rythme enlevé, Homecoming marche sur les traces de la joyeuse naïveté de Thor et de la jouissive désinvolture d’Ant-man. Et surtout, c’est une nouvelle fois un sans-faute au niveau du casting.
Tom Holland est le Peter Parker parfait, ni plus ni moins. Drôle, impertinent, maladroit, charmant, il est tout ce qu’on peut attendre de l’ado qui commence à appréhender ses pouvoirs.
Contrairement aux incarnations passées du héros, Parker n’est pas torturé par sa condition, il est contraire exalté par ses nouvelles capacités, ce qui offre une approche rafraichissante du tisseur. On revient du coup à l’essence même de Spider-man, le gamin du coin qui à force de vouloir prouver et toujours bien faire finit par provoquer catastrophes sur catastrophes.
Sa relation avec son mentor Tony Star, est en ce sens très réussie, puisqu’elle met en lumière le décalage entre ce que Peter s’imagine être et ce qui lui reste à accomplir.
Un peu comme tous les ados finalement, qui s’imaginent en adulte responsable avant même d’avoir du poil au menton. Car Homecoming est aussi, et avant tout, un coming of age movie. Le choix narratif de ne pas revenir à l’origin story (la piqûre d’araignée et la mort de l’oncle Ben ne sont que suggérés) laisse tout le temps nécessaire pour développer ce pan plus pragmatique du scénario. La vie au lycée, les cours, les concours, les soirées, le sport, le bal de fin d’année… et bien sûr les amours. Ce sont pour Peter des motifs d’angoisse tout aussi effrayant qu’affronter le Vautour, surtout lorsqu’il s’agit d’aborder son crush. Une petite bande d’acteurs particulièrement doués et complémentaires entourent Tom Holland dans ses pérégrination lycéenne et forment un petit groupe brandissant fièrement l’étendard de la diversité qu’on a très envie de revoir.
C’est sans doute sur ce point que Homecoming se distingue des autres titres du MCU, son ancrage dans le réel, très réussi. Ce réalisme est à l’image du bad guy incarné par Michael Keaton, dont les motivations sont pour une fois parfaitement claires et compréhensibles. Le Vautour est le fruit d’une classe moyenne laissée pour compte – ça c’est pour la (légère) pique sociale – et la conséquence des actes des super-héros, puisque directement lié à la destruction de New-York dans le premier Avengers. L’inégalable Loki mis à part, c’est dans doute l’un des méchants Marvel les mieux construits et les plus convaincants depuis le lancement du MCU.
Si les scènes d’action sont franchement laborieuses, on est gré à Jon Watts de nous épargner une nouvelle scène de « destruction porn » en guise de combat final. Comme pour le reste de ce Spider-man : Homecoming, la dimension humaine prime sur la dimension héroïque.
Si la nécessité d’inscrire le film dans la timeline du MCU amoindrit forcément sa portée émotionnelle et tasse ses enjeux, le scénario n’est pas avare de surprises. Certes, on n’atteint ni la virtuosité de la mise en scène ni le lyrisme romantique des (deux premiers) films de Sam raimi, mais Spiderman est bel et bien de retour. Il faudra sans doute attendre un peu pour explorer ses traumas et lui conférer plus de profondeur, mais il a encore le temps de découvrir que de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités…
En attendant, il est fun et cool, et s’installe assez légitimement parmi les réussites du MCU.
To be continued…

Synopsis : Après ses spectaculaires débuts dans Captain America : Civil War, le jeune Peter Parker découvre peu à peu sa nouvelle identité, celle de Spider-Man, le super-héros lanceur de toile. Galvanisé par son expérience avec les Avengers, Peter rentre chez lui auprès de sa tante May, sous l’œil attentif de son nouveau mentor, Tony Stark. Il s’efforce de reprendre sa vie d’avant, mais au fond de lui, Peter rêve de se prouver qu’il est plus que le sympathique super héros du quartier. L’apparition d’un nouvel ennemi, le Vautour, va mettre en danger tout ce qui compte pour lui…

LE CAIRE CONFIDENTIEL – 13/20

Le Caire Confidentiel : AfficheDe Tarik Saleh
Avec Fares Fares, Mari Malek, Yasser Ali Maher

Chronique : Polar poisseux se déroulant dans la touffeur du Caire à l’aube du printemps arabe, Le Caire Confidentiel vaut plus pour la photographie de la capitale égyptienne à la veille d’un moment historique, que pour son intrigue policière, un peu confuse et pas forcément captivante. Là où le film excelle, c’est dans l’installation d’une atmosphère crasseuse et trouble et la peinture d’une ville baignant dans une corruption généralisée. Le héros mène comme il le peut son enquête, naviguant dans un espace de non-droit qui finira par le dépasser. Mais le rôle de chacun dans le drame au cœur du récit est plus difficile à cerner, ce qui affaiblit sa portée. C’est formellement très réussi mais la mécanique narrative est poussive pour un thriller. Si la mise en scène, rêche et nerveuse accentue l’impression d’urgence et de menace pour qui ne rentre pas dans le rang, La Caire Confidentiel peine à emballer.
Reste le remarquable instantanée d’une cité aux prises à une injustice sociale aux mécanismes complexes et surtout, une œuvre à l’assourdissante résonnance politique.

Synopsis : Le Caire, janvier 2011, quelques jours avant le début de la révolution. Une jeune chanteuse est assassinée dans une chambre d’un des grands hôtels de la ville. Noureddine, inspecteur revêche chargé de l’enquête, réalise au fil de ses investigations que les coupables pourraient bien être liés à la garde rapprochée du président Moubarak.

EMBRASSE-MOI ! – 12/20

Embrasse-moi ! : AfficheDe Océanerosemarie, Cyprien Vial
Avec Océanerosemarie, Alice Pol, Grégory Montel

Avis : Une comédie romantique portée par des filles, voilà qui ne court pas les rues. Et c’est doublement bien, d’abord parce que le film offre une rare visibilité à ma communauté lesbienne tout en s’exonérant de la pesante question du coming out, et ensuite parce que c’est enlevé et naïvement léger. Certes, le film reprend les codes parmi les plus éculés de la romcom, péchant parfois par excès et manquant parfois de surprise, mais l’ensemble reste vif et entrainant, l’histoire d’amour fonctionne, et autour du couple gravite une galerie de personnages bien campés à l’énergie communicative. Parmi eux, quel bonheur de retrouver Laure Calamy (Dix pour cent), absolument irrésistible en ex un poil psychopathe. Elle bouffe l’écran à chaque apparition et vole chaque scène dans lesquelles elle apparaît.
On est plus dans le téléfilm que dans la grande œuvre cinématographique, mais Embrasse-moi dispose d’un joli capital sympathie.

Synopsis : Océanerosemarie déborde de vie, d’amis et surtout d’ex-petites amies. Mais elle vient de rencontrer Cécile, la « cette-fois-c’est-vraiment-la-bonne » femme de sa vie ! Même si elle ne lui a pas vraiment demandé son avis… Il est temps pour Océanerosemarie de grandir un peu pour réussir à la conquérir. En sera-t-elle seulement capable ?

120 BATTEMENTS PAR MINUTE – 16/20

120 battements par minute : AfficheDe Robin Campillo
Avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel

Chronique : Robin Campillo avait fortement marqué les esprits avec son précédent film, Eastern Boy, délivrant des scènes clé d’une rare intensité (ce cambriolage…). 120 battements par minute est parcouru par la même puissance formelle, tout en confirmant une cohérence dans la narration jamais mise en défaut. L’intelligence dans la construction du récit évite tout temps morts, permet d’alterner envolées lyriques contenues (mais terrassantes) et considérations plus triviales lorsqu’il s’agit de raconter l’action d’Act Up.
Car 120 BPM est porté par un sujet à la fois profondément militant et en même temps hautement romanesque. Une grande histoire de lutte et de combat, rageuse, précieuse, de celles qui changent le monde, mais aussi une histoire à hauteur d’hommes, traversée par la peur, l’effroi, l’espoir et la colère. Et l’amour.
Campillo trouve un équilibre miraculeux entre la photographie quasi-documentaire de l’activisme d’Act up et les destins personnels et tragiques de ses membres. La manière dont l’histoire d’amour s’immisce subrepticement dans le grand récit est un modèle de subtilité et de clairvoyance. Il donne corps à un propos qui pourrait être didactique. Mais l’incarnation du combat par de jeunes acteurs tous formidables est exemplaire et innerve le film d’une vitalité électrisante.
La mise en scène viscérale mais jamais ostentatoire de Campillo permet de capter l’essence et l’énergie d’un groupe en mouvement, de l’excitation et l’euphorie des combats menés collectivement, aux inévitables divergences de points de vue et luttes intestines. Le réalisateur excelle dans les scènes d’ensemble, que ce soit lors des AGs de l’association, ou des actions qu’elle mènera dans la rue ou dans les bureaux d’un laboratoire. Son remarquable sens du climax, déjà frappant dans Eastern Boys, s’y exprime pleinement, que ce soit dans l’utilisation de la musique ou dans la manière toujours très pertinente dont il filme ses personnages, n’hésitant pas à rester longuement sur le visage d’un acteur alors que le chaos règne autour de lui. Mais si le talent du réalisateur s’exprime pleinement lors des scènes chorales, il est tout aussi convaincant dans la façon dont il aborde les scènes plus intimes, filmant le sexe avec une infinie pudeur, souvent couplées avec des passages de lutte, comme pour ne jamais totalement séparer les deux. Car toujours la mort menace, car toujours le temps presse.
120 battements par minute pourrait s’imaginer comme l’héritier français de grandes œuvres américaines sur l’émergence du SIDA, (Harvey Milk, la pièce Angels in America ou plus récemment la série When We Rise). Mais il a sa propre singularité, celle du quotidien d’un mouvement mu par la colère et l’urgence. Un mouvement dont l’action parfois radicale a permis de donner une visibilité à ceux que la société refusait de voir. Et de sauver des vies.
Robin Campillo lui rend un hommage vibrant, vivant et bouleversant. La colère est toujours là, mais elle est paradoxalement apaisée. 120 battements par minute est tout aussi militant que romanesque et véhicule l’idée forte que le combat n’est jamais terminé. Et ceci dans un geste de cinéma aussi beau que poignant.

Synopsis : Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale.
Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.