VICE-VERSA – 17/20

Vice VersaRéalisé par Pete Docter
Avec Amy Poehler, Bill Hader, Mindy Kaling

Avis : Lorsque Pixar présente un nouveau long métrage, l’attente qui le précède est toujours chargée d’une émotion et d’une excitation particulière. Parce qu’il s’agit à chaque fois d’une expérience unique, une entreprise créative audacieuse qui parvient miraculeusement à combiner le pur divertissement dans ce qu’il a de plus noble et un regard souvent d’une sidérante acuité sur ce qui motive et provoque les émotions et régit les rapports humains. Qu’ils soient métaphoriquement incarnés par des jouets, qu’ils narrent une des plus belles histoires d’amour au cinéma entre deux robots muets ou qu’ils nous bouleversent à travers l’amitié d’un vieux monsieur et d’un jeune scout, les films Pixar aspirent toujours à une certaine vérité, quel que soit la singularité de son sujet de départ. Mais depuis quelques années, l’esprit Pixar semblait s’être un peu perdu dans une logique hollywoodienne de sequels qui lui correspondait moins (Cars, Monstres Academy). Si ces œuvres restaient au-dessus des standards du genre, on se demandait si le studio était encore capable de produire des chefs-d’œuvre immédiats comme Wall-E, Toy Story ou Là Haut.
Vice-Versa offre une réponse magistrale. Concept d’une complexité qu’on imagine terrifiante pour une major américaine, le film de Pet Docter s’avère d’une lisibilité déconcertante malgré son ambition démesurée. Le projet ? Personnifier les changements d’humeur d’une petite fille, Riley, à la sortie de l’enfance à travers les cinq émotions primaires qui habitent son cortex. C’est ici que le miracle se produit, lorsque ces cinq humeurs colorées, Joie, Tristesse, Colère, Dégoût et Peur, deviennent les personnages principaux du film sans pour autant que l’on perde le lien émotionnel avec Riley. Au contraire, les actions de chacune des émotions, casting par ailleurs parfait, nous rend la petite fille d’autant plus attachante. L’interaction entre le cerveau de Riley et ses motivations dans le monde réel est d’une fluidité et d’une simplicité étourdissante. C’est là toute la force de Pixar, rendre évident un postulat des plus complexes.
Mais cette prouesse d’écriture n’aurait pas tant de valeur si, comme d’habitude avec le studio à la lampe, elle ne permettait pas au film de toucher à une universalité qui amuse ou bouleverse, mais possède invariablement une imparable puissance évocatrice, qu’on repense avec nostalgie à la fin de son enfance ou que l’on voit grandir ses enfants.
La manière dont sont imaginés les décisions de Riley et comment nos 5 émotions les construisent déborde d’intelligence et d’esprit. Parce que c’est souvent extrêmement drôle (notamment lorsque Docter fantasme sur les improbables mécanismes psychologiques qui régentent nos actions ou lorsqu’il s’égare dans d’autres cerveaux) mais aussi d’une très grande finesse dans la manière d’installer une morale pas si guillerette, selon laquelle la vie est faite de bons et de mauvais moments, et qu’elle ne vaut que parce que les deux co-existent. Ainsi lorsque Joie comprend qu’elle ne peut rien sans Tristesse, qu’elle ne sera pas capable de permettre à Riley de grandir seule, c’est tout con, tout simple, mais ça sonne comme une évidence et provoque des émotions terrassantes.
Devant l’habilité de conteur de Pete Docter, on en oublierait presque la virtuosité technique de Vice-Versa, aussi bien dans ses textures que dans la fluidité de ses mouvements. La mise en scène à la fois rythmée et efficace exploite avec élégance l’onirisme du propos pour donner au film des allures de grand film d’aventures.
C’est un peu tout ça à la fois, Vice-Versa, un trip comico-psychologique, une road movie trépidant, un buddy movie en huis clos, un film intimiste sur les rapports familiaux. C’est un peu tout ça, et totalement à part.
Oui, revoilà Pixar.

Synopsis : Au Quartier Général, le centre de contrôle situé dans la tête de la petite Riley, 11 ans, cinq Émotions sont au travail. À leur tête, Joie, débordante d’optimisme et de bonne humeur, veille à ce que Riley soit heureuse. Peur se charge de la sécurité, Colère s’assure que la justice règne, et Dégoût empêche Riley de se faire empoisonner la vie – au sens propre comme au figuré. Quant à Tristesse, elle n’est pas très sûre de son rôle. Les autres non plus, d’ailleurs… Lorsque la famille de Riley emménage dans une grande ville, avec tout ce que cela peut avoir d’effrayant, les Émotions ont fort à faire pour guider la jeune fille durant cette difficile transition. Mais quand Joie et Tristesse se perdent accidentellement dans les recoins les plus éloignés de l’esprit de Riley, emportant avec elles certains souvenirs essentiels, Peur, Colère et Dégoût sont bien obligés de prendre le relais. Joie et Tristesse vont devoir s’aventurer dans des endroits très inhabituels comme la Mémoire à long terme, le Pays de l’Imagination, la Pensée Abstraite, ou la Production des Rêves, pour tenter de retrouver le chemin du Quartier Général afin que Riley puisse passer ce cap et avancer dans la vie…

UNE SECONDE MÈRE – 13,5/20

Une seconde mèreRéalisé par Anna Muylaert
Avec Regina Casé, Michel Joelsas, Camila Márdila

Avis : Une seconde mère est un beau portrait de femme, drôle et chaleureux, léger mais également éclairant sur la société brésilienne et ses inégalités sociales et géographiques.
Le film de Anna Muylaert stigmatise une certaine bourgeoisie bienpensante dont les aspirations humanistes volent en éclat lorsqu’un élément extérieur vient perturber leur quotidien. A l’opposé, Val, l’héroïne de l’histoire au service d’une même famille depuis des années, n’a jusque-là pas l’audace ni surtout l’idée de sortir de son rôle. Son dévouement et l’affection qu’elle porte au fils de la famille lui suffisent pour accepter une condition qu’elle ne penserait même pas à remettre en cause. Mais l’apparition de sa fille dont elle avait dû se séparer pour travailler, va remettre en question l’ordre établi et les convictions les plus profondes de chacun. Très symboliquement, c’est une nouvelle génération de jeunes brésiliens (la fille de Val, Fabinho) qui va être le déclencheur du changement.
Une seconde mère livre donc un instantanée du Brésil et diffuse l’idée d’une société de classe profondément installée qui se trouverait à la croisée de chemins, à un instant où les cartes peuvent être rebattues. Mais cette petite révolution que l’on distingue tout juste se fait sans drame, comme une simple prise de conscience.
Si les personnages ne sont pas forcément tous bien dégrossis et se posent en archétypes (la mère riche et insensible, le père fatigué et frustrée, le fils pourri gâté), ils font partie de la vision de la réalisatrice que l’on devine sincère, et apportent beaucoup à la légèreté et à l’humour du film, sans pour autant dénaturer le message.
Au cœur de ce petit théâtre, Val, interprétée avec fougue et exaltation par Regina Casé, prend beaucoup de place. Sans doute un peu trop pour laisser vraiment exister les autres protagonistes. Mais malgré ses excès et son exubérance, on ne peut qu’être charmé et touché par son enthousiasme et la bonté qui se dégage d’elle. Elle est le pilier humain du film, elle est de tous les plans, mise en valeur par une mise en scène simple qui à défaut d’être d’une grande subtilité donne de la lisibilité au propos de la réalisatrice. Sans être revendicateur, Une seconde mère une porte en lui une dimension sociale évidente et l’espoir de profonds changements.
Avec ses imperfections, mais un charme indéniable.

Synopsis : Depuis plusieurs années, Val travaille avec dévouement pour une famille aisée de Sao Paulo, devenant une seconde mère pour le fils. L’irruption de Jessica, sa fille qu’elle n’a pas pu élever, va bouleverser le quotidien tranquille de la maisonnée…

JURASSIC WORLD – 13,5/20

Jurassic WorldRéalisé par Colin Trevorrow
Avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Nick Robinson

Avis : Projet crassement opportuniste ou entreprise hommage aux aspirations plus nobles, la résurrection des bébêtes de Jurassic Park laissait pour le moins perplexe.
Il s’avère que ce nouvel épisode est clairement un film fan, un plaisir pas si coupable, respectueux de la saga originelle et absolument lucide sur le matériel dont il dispose.
Colin Trevorrow est parfaitement conscient qu’il est impossible de recréer l’émerveillement qu’a pu représenter la première rencontre avec les dinos de Spielberg. Ce moment iconique de cinéma, sur la musique légendaire de John Williams, aura profondément marqué toute une génération d’ados il y a 20 ans de ça.
Le scénario s’en amuse d’ailleurs lorsqu’il fait dire au personnage de Bryce Dallas Howard que plus personne n’est impressionné par les dinosaures aujourd’hui, qu’il faut voir plus grand, plus féroce, plus violent. Le réalisateur, dans un élan méta désinhibé, applique le principe au pied de la lettre. Jurassic World n’est donc pas une réinvention du parc préhistorique, mais plus un tribut déférent et libéré, qui applique sciemment les codes du blockbuster contemporain à la recette originale en n’hésitant pas à aller dans la surenchère. Parce que c’est ce que le public réclame. Comme de nouvelles bestioles dans le parc. La boucle est bouclée. Jurassic World traite ainsi avec une tendre ironie des excès de notre société consumériste et en particulier cette course au gigantisme qui touche Hollywood, sans oublier de reprendre le discours premier sur les dangers des apprentis sorciers trafiquant la nature. On ne sera pas étonné que la morale de l’histoire demeure au final : « on vous aura prévenu ».
Mais Jurassic World reste avant tout un formidable divertissement. Passer une introduction décevante (mais comment ne pas souffrir la comparaison avec celle de Jurassic Park, premier du nom), la découverte des attractions (le rendu du parc est fascinant de réalisme) intrigue et immerge peu à peu le spectateur dans le récit pour le happer totalement quand la machine commence à dérailler.
Du rythme, des références amusantes aux premiers opus, une bonne dose d’humour, de bonnes vieilles frousses à l’ancienne (ça saigne !), des effets spéciaux irréprochables, tous les ingrédients se lient joliment pour offrir une très recommandable renaissance au monde créé par Spielberg. Le charisme et l’aisance du duo Chris Pratt – Bryce Dallas Howard, aussi bien dans l’action que dans la comédie, confèrent également une caution non négligeable au projet et Trevorrow apporte sa touche par une mise en scène qui peut se montrer inventive, comme avec l’utilisation des caméras embarquées lors d’une traque haletante.
Jurassic World se déguste comme une bonne vieille madeleine de notre enfance qui aurait récemment changé de recette. Mais une nouvelle recette qui serait un peu plus qu’un simple coup marketing. Oui, elle a du goût cette madeleine.

Synopsis : L’Indominus Rex, un dinosaure génétiquement modifié, pure création de la scientifique Claire Dearing, sème la terreur dans le fameux parc d’attraction. Les espoirs de mettre fin à cette menace reptilienne se portent alors sur le dresseur de raptors Owen Grady et sa cool attitude.