Série | THE WHITE LOTUS S01 (OCS) – 15/20

Notre furieuse (et inattendue) addiction de l’été.
Happés dès les premières minutes par le voile de mystère qui plane autour du White Lotus, vous ne voudrez/pourrez pas quitter Hawaï, son hôtel de luxe et sa clientèle pleine aux as avant d’avoir eu le fin mot de l’histoire… Parce que vous voudrez savoir…. Au-delà de ses paysages splendides, sa somptueuse photographie et cette musique entêtante que vous ne pourrez plus vous sortir de la tête (une drogue cette BO), The White Lotus installe en très peu de temps des personnages aussi détestables que fascinants, dont les névroses sont aussi bien dissimulées que leurs sourires de façades sont éclatants.
Les dialogues sont caustiques, les réparties assassines, The White Lotus est une comédie satirique jubilatoire qui rebondit avec malice et acidité sur les sujets de société actuels sans jamais chercher à s’en excuser.
Légèrement déconcertante car on ne sait pas vraiment où elle veut aller, la série nous maintient cependant en permanence concernés grâce à l’excentricité de ses personnages, que ce soit le personnel ou les clients, tous génialement construits et interprétés. Mention pour Jennifer Coolidge, qui livre sans doute les meilleurs moments de la série.
Commencez, vous ne vous pourrez plus vous arrêter !

Cinéma | LA LOI DE TÉHÉRAN – 16/20

De Saeed Roustayi
Avec Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh, Houman Kiai

Chronique : La Loi de Téhéran est un polar intense et nerveux qui frappe par l’ampleur de sa mise en scène et sa maitrise formelle. La virtuosité avec laquelle le réalisateur enchaine les séquences complexes et jongle avec une armée de figurants est assez bluffante. Peu de productions ont aujourd’hui une telle ambition (elle a même un peu déserté un cinéma américain accroc aux effets spéciaux). D’une course-poursuite haletante dans les rues de la ville et son dénouement choquant, aux mouvements de foule impressionnants lors d’une descente de flics dans un terrain vague, en passant par les vas et vient d’un groupe de détenus hagards de plus en plus dense, Saeed Roustayi nous immerge dans un Téhéran bouillant et au bord du chaos.
Mais La Loi de Téhéran n’est pas qu’une démonstration technique, c’est aussi un scenario aussi limpide que déroutant, basé sur un constat récent mais méconnu, la prolifération et les ravages du crack en Iran, dont la fabrication et le trafic sont désormais passibles de la peine de mort. Sa structure surprend, dans la mesure où le film opère un changement de point de vue inattendu à mi-parcours. L’enquête, au développement aussi tendu qu’haletant, laissera ainsi la place à une chronique sociale, brossant un portrait édifiant de la société iranienne.
Naviguant avec talent entre polar et drame, La Loi de Téhéran est aussi impressionnant à l’image qu’accrocheur narrativement, tout en faisant un état des lieux alarmant du pays.
Indéniablement l’un des films les plus marquants de cette année 2021.

Synopsis : En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n’ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé. Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d’une traque de plusieurs années, Samad, flic obstiné aux méthodes expéditives, met enfin la main sur le parrain de la drogue Nasser K. Alors qu’il pensait l’affaire classée, la confrontation avec le cerveau du réseau va prendre une toute autre tournure…

Cinéma | FREE GUY – 10/20

De Shawn Levy
Avec Ryan Reynolds, Jodie Comer

Chronique : Ne répondant à aucune sorte de logique, Free Guy déroule tête baissée son improbable pitch, tentant tant bien que mal de maintenir un fil conducteur à grand coup d’effets spéciaux et de surenchère numérique peu convaincante. En vain, car le concept de départ explose dès les premières scènes, saboté par une accumulation d’incohérences et de non-sens.
L’idée n’était pourtant pas mauvaise et porteuse d’un potentiel dramatique au moins aussi fort que ses évidentes promesses de comédie. Comment une intelligence artificielle qui aurait atteint une conscience émotionnelle proche de celle d’un humain gère-t-elle la découverte de sa non-existence ?
Dans Free Guy, par-dessus la jambe, et fissa (même si le film est bien trop long). Jamais il n’atteint le soupçon d’émotion auquel on aurait pu avoir droit, hormis lorsqu’il se concentre sur ses personnages réel.
Le film est sauvé (et assez largement, admettons-le) par le génie comique et l’autodérision de Ryan Reynolds ainsi que quelques caméos sympathiques.
Mais pour ceux qui s’attendait un Truman Show 2.0, passez votre chemin, on est à des années lumière du mélange de cynisme et d’humanité que dégageait le film de PeterWeir.

Synopsis : Un employé de banque, découvrant un jour qu’il n’est en fait qu’un personnage d’arrière-plan dans un jeu vidéo en ligne, décide de devenir le héros de sa propre histoire, quitte à la réécrire. Evoluant désormais dans un monde qui ne connaît pas de limites, il va tout mettre en œuvre pour le sauver à sa manière, avant qu’il ne soit trop tard…

Cinéma | MILLA – 15/20

De Shannon Murphy (IV)
Avec Eliza Scanlen, Toby Wallace, Essie Davis

Chronique : Avec son récit chapitré, Milla se regarde comme on lit un (très) bon bouquin. Il faut un peu de temps pour rentrer dans l’histoire et se familiariser avec les personnages, mais quand tout est bien mis en place, c’est comme si on faisait partie du décor. La réalisatrice parvient à créer une proximité quasi miraculeuse entre son spectateur et ses personnages complexes, parfois malaimables, dont on découvre progressivement les failles, les traumas et dont on devine au fil des chapitres les causes de leurs disfonctionnements
En un mot, on s’attache.
En fil rouge, une très belle histoire d’amour qui au départ a pourtant tout du tire-larmes putassier, la rencontre entre une jeune fille cancéreuse et un junkie SDF. Et pourtant… Sans misérabilisme ni angélisme, mais avec un sens aigu de la mise en scène, la réalisatrice nous happe et nous conduit avec une infinie délicatesse jusqu’à son final déchirant et lumineux.
Elle ponctue son histoire de moments suspendus, en fait surgir des tableaux magnifiques éclairés par les rayons du soleil le jour et des néons multicolores la nuit. Une superbe scène de fête entêtante jouera un rôle pivot dans le récit alors qu’il sera clos par une scène magnifique sur la plage.
Shannon Murphy place sa caméra à distance, elle prend de la hauteur comme pour renforcer la pudeur avec laquelle elle traite la maladie de Milla, toujours présente mais jamais le sujet premier du film. Il faut également reconnaitre que la réalisatrice peut compter sur des comédiens de grand talent, dont Eliza Scanlen qui insuffle merveilleusement toute sa fragilité et son opiniâtreté à Milla. C’est vraiment une actrice spéciale, qui ne ressemble à aucune autre. Une perle dont la singularité nous épatait déjà dans la série Sharp Objects ou l’excellent Filles du Docteur March.
Avec Milla, elle n’est pas étrangère au fait qu’on finisse le film les larmes aux yeux (aux joues même) et un léger sourire aux lèvres.

Synopsis : Milla n’est pas une adolescente comme les autres et quand elle tombe amoureuse pour la première fois, c’est toute sa vie et celle de son entourage qui s’en retrouvent bouleversées.

Séries | THE HANDMAID’S TALE S04 | LOKI S01 | ATYPICAL S04 | SWEET TOOTH S01

THE HANDMAID TALE S04 (OCS) – 13/20

June poursuit son épopée vengeresse au cœur d’une dystopie toujours aussi brutale et The handmaid’s Tale écrit dans sa chair et de son sang son violent pamphlet féministe.
Les premiers épisodes donnent une impression de redite. Mâchoire serrée, regard hagard ou halluciné, June n’est plus tout à fait elle-même. Elle affronte une fois de plus l’horreur, l’ultra-violence. A l’image, on est proche de la torture porn.
Mais c’est au moment où la lassitude nous gagne que résonne At Last d’Etta James et ENFIN, les murs de Gilead s’écartent. L’histoire peut prendre un nouveau tour et enfin changer de point de vue.
De plus la série peut toujours compter sur un esthétisme sophistiqué, des plans ultra travaillés au niveau des angles de caméra et de la lumière. C’est un poil complaisant, mais c’est beau, indéniablement. Et a priori, la vengeance de June ne fait que débuter…


LOKI S01 (Disney+) – 13/20

Le personnage le plus intéressant du MCU obtient enfin son propre show. Loki est au cœur de la série la plus ambitieuse de Marvel jusqu’à présent qui, si elle débouche sur une révolution en termes de narration du célèbre univers partagé, aura mis du temps à déployer toute sa mesure (ça s’emballe à partir de l’épisode 4).
Le personnage s’affadit un peu au fil des épisodes et la série n’embrasse que partiellement sa complexité. La faute à des arcs bavards qui s’étirent inutilement et des concepts bien abscons pour les non-initiés.
Loki est de surcroit chiche en action et un peu cheap au niveau des effets spéciaux, même si l’esthétique de la TVA qui fait référence à l’identité visuelle des enseignes des années 80 qui se projetaient dans le 21ème siècle est intéressante et originale.
Mais si quelque chose fonctionne parfaitement, ce sont bien les duos que forme Loki avec Mobius et Sylvie (Lady Loki). A la fois drôles et intelligents, ils aident à appréhender plus ludiquement la masse d’information que la série délivre.
Car Loki fout un beau bordel dans le MCU alors que la phase 4 est à peine amorcée.
On a vraiment hâte de voir les impacts que la série aura sur les prochains projets.


ATYPICAL S04 (Netflix) – 15/20

Le final de la série doudou est à la hauteur des trois précédentes, mettant un peu plus l’accent sur le personnage de Casey et nous épargnant les dramas des parents. Elle évite ainsi le piège de la répétition, d’autant plus que Sam expérimente la fac et la colloc, confrontant son handicap à sa nouvelle vie d’adulte.
Une série avec un cœur gros comme ça (le notre est un peu serré à l’idée de leur dire au revoir).


SWEET TOOTH S01 (Netflix) – 14/20

Série fantastique bien plus dure qu’elle n’y parait (et qui résonne assez fortement avec le réel), Sweet tooth ne cesse de nous surprendre au fil des épisodes et nous accroche à son intrigue au fur et à mesure que son univers s’étend.
Le décalage entre la cruauté de ce nouveau monde et la bienveillance qui entoure Gus fait tout le sel de la série. Imaginée pour tenir de nombreuses saisons (la série est tirée d’un comic bien plus sombre parait-il), on attend impatiemment la suite.

Cinéma | THE SUICIDE SQUAD – 13,5/20

De James Gunn
Avec Margot Robbie, Viola Davis, Joel Kinnaman

Chronique : On efface tout et on recommence.
Entre les mains de James Gunn (les Gardiens de la Galaxie), la réunion à l’écran des pires super-vilains de la planète prend enfin de l’épaisseur.
C’est simple, The Suicide Squad (de Gunn) réussit à peu près tout ce que Suicide Squad (de Ayer – vous suivez ?) ratait.
Oublié le montage MTV sans queue ni tête, Gunn met en scène cette mission suicide avec style et quelques idées bien pensées. Et cette fois-ci au service de son histoire et de ses personnages.
Car il y une histoire (qui sans rien révolutionner, se tient – malgré un final aussi barré qu’hallucinant), et des personnages au background travaillé qui établissent entre eux de véritables interactions. Mais surtout ce sont de vrais bad guys, plus ou moins tordus, mais pas dans l’entre-deux. Ça flingue, ça tue, ça éviscère sans remords. Hormis Harley Quinn, toujours aussi exaspérante mais heureusement moins centrale dans l’intrigue, le reste de Task Force X, fait preuve d’une belle cohésion et d’une jolie dynamique de groupe dans leur démence psychopathe.
Et comme Gunn ne se fixe pas de limite (ou que Warner ne lui en a miraculeusement pas donné), on ne sait jamais qui peut y passer à la scène suivante. On retrouve l’esprit de bande et l’humour des gardiens en (bien) plus déglingué ainsi qu’une excellente bande son très bien intégrée au récit (pas juste pour faire genre).
Oui, c’est trash, le réalisateur ne lésine pas sur une violence très graphique, parfois un peu trop prononcée, mais qui démontre que The Suicide Squad assume joyeusement sa classification Rated R (la plus restrictive aux US). Et cette impression de violence gratuite est vite contrebalancée par l’humour omniprésent, les dialogues décalés et le rythme général soutenu du film, d’autant plus que cette outrance est au service du projet global du réalisateur.
Et faire revenir la grande Viola Davis n’était pas la moins mauvaise idée de ce nouveau Suicide Squad. Elle incarne toujours la charismatique Amanda Waller, mais cette fois-ci dans une version bien moins lisse et plus travaillée.
Comme on vous le disait, le jour et la nuit avec l’abominable version de 2016.

Synopsis : Bienvenue à Belle Reve, la prison dotée du taux de mortalité le plus élevé des États-Unis d’Amérique. Là où sont détenus les pires super-vilains, qui feront tout pour en sortir – y compris rejoindre la super secrète et la super louche Task Force X. La mission mortelle du jour ? Assemblez une belle collection d’escrocs. Armez-les lourdement et jetez-les sur l’île lointaine et bourrée d’ennemis de Corto Maltese.

Cinéma | TITANE – 08/20

De Julia Ducournau
Avec Vincent Lindon, Agathe Rousselle

Chronique : Palme d’Or surprise du dernier Festival de Cannes, Titane a pour lui une singularité et une radicalité qui marquent autant qu’ils clivent. Malgré les influences assumées aux cinémas de Cronenberg et Gaspar Noé, Julia Ducournau impose un style assez unique, mélange malaisant d’érotisme SM et de fantastique gore que l’on est peu habitué à voir sur grand écran. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a des idées et qu’elle sait les traduire à l’image. La première scène, long plan séquence vibrant dans lequel la caméra se ballade entre carrosseries de voitures, stripteaseuses en transe et badauds fascinés en est la première et imposante démonstration. La jeune réalisatrice fait preuve d’une incontestable virtuosité pour mettre en scène son rodéo macabre qu’elle éclaire d’une photographie très travaillée principalement basée sur des lumières artificielles, et qu’elle accompagne d’excellent morceaux musicaux.
Le problème c’est que tout ce talent ne sert pas une histoire.
Avec un pitch aussi absurde, on peut à peu près tout se permettre, ce qui crée une vraie liberté formelle mais une impasse narrative. Surtout, le personnage principal n’est pas un personnage. C’est une idée, un concept. Sans âme, sans construction psychologique. Alexia est un outil pour évoquer le deuil, le trouble du genre, mais qu’on ne peut pas prendre au sérieux car on ne nous donne aucune clé pour comprendre ses aspirations (sans doute n’y en a-t-il pas) ni ses pulsions meurtrières.
Dans le même ordre d’idée, le croisement des deux histoires (celle d’Alexia et celle de Vincent) est tirée par les cheveux. Et on ne parle pas de sa grossesse, fil rouge monstrueux mais tout aussi absurde.
Titane est un objet provocateur, un conte dérangeant fait de chair, de sang, de tôle et d’huile de vidange qui se repaît d’une violence infernale, parfois grotesque, souvent gratuite.
Car c’est le style qui impose ses besoins au récit, et non l’inverse, ce qui est problématique pour donner de la consistance à cette histoire qui part dans tous les sens sans vraiment chercher à raconter quoi que ce soit.
Est-ce que j’ai aimé Titane ? Non.
Mais quand même, c’est quelque chose…

Synopsis : Après une série de crimes inexpliqués, un père retrouve son fils disparu depuis 10 ans. Titane : Métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs.