LATE NIGHT – 13/20

Late Night : AfficheDe Nisha Ganatra
Avec Emma Thompson, Mindy Kaling, John Lithgow

Chronique : D’un pitch on ne peut plus classique, la scénariste, humoriste et actrice Mindy Kaling tire une jolie fable moderne, pertinente et plus maline qu’il n’y paraît.
Late Night raconte le crépuscule d’un talk show historique qui n’a pas vu le monde évoluer et de sa présentatrice « très vieille et très blanche », autoritaire et solitaire, déconnectée de son public, peu aidée par des auteurs en pilote automatique depuis des années.
Le récit de sa rencontre avec une jeune auteure issue des minorités qui va bousculer cet univers machiste et lui ouvrir les yeux a tout du cliché. L’aigreur, la prise de conscience, la rédemption… tout semble écrit d’avance. Quelque part, ça l’est un peu, mais…
Mais Mindy Kalling et sa réalisatrice Nisha Ganatra parviennent à subtilement contourner les chausse-trappes et les lieux-communs sur des sujets qui peuvent devenir rapidement soit bien-pensant soit casse gueule. En vrac le racisme, l’âgisme, la toxicité masculine, le népotisme et évidemment et principalement le féminisme. Ces sujets sont traités avec suffisamment d’ironie et de recul (et d’humour) qu’ils évitent la démagogie, parviennent à faire passer des messages sans manichéisme et en relevant souvent que tout n’est pas toujours aussi simple qu’un gros titre dans un journal.
Cela se traduit aussi dans l’évolution du personnage de Katherine Newbury, qui ne devient pas un ange du jour au lendemain mais opère sa transformation dans un but au départ très égoïste (et qui le restera en partie).
Une comédie charmante, avec de l’esprit, qui à défaut d’une mise en scène inspirée (la réalisatrice vient du petit écran et ça se voit), bénéficie d’une écriture fine et toute en vivacité et se reposant sur l’éclectisme d’une distribution impeccable (on adore John Early de Search Party) où rayonne Emma Thomson, jamais plus investie dans un rôle que quand elle peut faire passer un message qui lui tient à cœur. Petit coup de cœur.

Synopsis : Une célèbre présentatrice de « late show » sur le déclin est contrainte d’embaucher une femme d’origine indienne, Molly, au sein de son équipe d’auteurs.
Ces deux femmes que tout oppose, leur culture et leur génération, vont faire des étincelles et revitaliser l’émission.

ONCE UPON A TIME IN HOLLYWOOD – 15/20

Once Upon a Time… in Hollywood : AfficheDe Quentin Tarantino
Avec Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, Margot Robbie

Chronique : Le triumviat à la barre de Once Upon a Time in Hollywood (OUATIH) a de quoi faire saliver. L’un des réalisateurs américains les plus créatifs de ces 30 dernières années met en scènes les deux dernières icônes d’une industrie en pleine mutation. C’est à la fois intriguant et éminemment excitant. Car Pitt et DiCaprio représentent une espèce à part, en voie d’extinction, celles des légendes vivantes, des stars qui brillent aussi bien par la qualité de leur filmographie que par leur belle gueule, et dont on admire autant la longévité qu’on scrute leur vie privée.
Et c’est un peu de ça dont il s’agit dans OUATIH, d’un autre moment de basculement, plus ancien, que Tarantino a vécu enfant et qu’il retranscrit, riche de son expérience et d’un savoir cinématographique et sériel encyclopédique, tel qu’il l’a fantasmé et ressenti.
Il signe ainsi une œuvre riche, débordante, aux multiples références (qu’on sera loin de toutes saisir), un hommage déférent à une période charnière d’Hollywood, la fin de l’âge d’or et des illusions.
Le plus frappant et le plus déroutant est sans doute que Tarantino délaisse assez largement son style outrancier et baroque, sa violence souvent burlesque et ses dialogues cinglants, un style dans lequel il s’est un peu complaît dans son dernier film (le très moyen et un peu facile les 8 Salopards). Son Il était une fois baigne dans une certaine mélancolie (mais sans nostalgie) et se teinte d’une lumière crépusculaire en écho à la carrière déclinante de ses héros. Bien plus que le fait divers en fil rouge (l’assassinat de Sharon Tate par les adeptes de Charles Manson), c’est bien ça le cœur de OUATI, la fin d’une ère et l’heure de la remise en question pour ceux qui en furent les héros. Et on aime tout autant. Ironique et tendre, jamais moqueur, Tarantino déclare sa flemme aux seconds couteaux, aux artisans d’un cinéma d’un autre temps.
Il s’appuie sur une structure étrange, vaguement chronologique, mélangeant volontairement et avec virtuosité fiction et réel. Le montage est simple, cadencé par une BO d’époque évidemment parfaite mais une fois n’est pas coutume, assez discrète. Le réalisateur alterne entre ses deux arcs narratifs sans grands effets de mises en scène autre que la justesse et une belle assurance. L’impressionnante et minutieuse reconstitution du Los Angeles de 1969 traduit son obsession du détail.
Dans son récit, il brouille la frontière entre ce qui a existé, ce qu’il a imaginé d’alors et ce qu’il crée pour nous aujourd’hui. Une mise en abîme à la fois amusante et pertinente. Ainsi Margot Robbie regarde un film avec Sharon Tate, la vraie. Di Caprio joue du pistolet dans unes série télé décalque de Au nom de la loi et tourne le pilote de Lancer, une série ayant réellement existé, mais sous la direction de … Tarantino. Une boucle maline et ludique.
C’est parfois lent, mais jamais ennuyeux, toujours enthousiasmant, porté à la fois par l’inventivité et la maîtrise formelle de QT, son goût du détail, la performance bigger than life de Di Caprio (grandiose) et celle tout en mystère et en charisme de Brad Pitt.
Une fois n’est pas coutume pour le réalisateur Pulp Fiction, il délivre peu de scènes immédiatement iconiques pour leur flamboyance, mais offre des moments amenés à devenir culte pour l’intimité qu’elles capturent ou la tension qu’elles créent ( Rick dans sa caravane puis sur le plateau de tournage, Cliff en visite chez Mason, Tate au cinéma)
Tout nous amène au final, une haletante pirouette aussi violente que douce-amère, comme pour marquer un peu plus la singularité du 9ème (et avant-dernier ?) film de QT.
Once Upon a Time n’est pas un Tarantino comme les autre. Once upon a Time est un excellent Tarantino.

Synopsis : En 1969, la star de télévision Rick Dalton et le cascadeur Cliff Booth, sa doublure de longue date, poursuivent leurs carrières au sein d’une industrie qu’ils ne reconnaissent plus.