THE DARK KNIGHT RISES – 11/20

The Dark Knight RisesRéalisé par Christopher Nolan

Avec Christian Bale, Gary Oldman, Tom Hardy, Anna Hathaway, Joseph Gordon-Levitt, Marion Cotillard

Synopsis : Il y a huit ans, Batman a disparu dans la nuit : lui qui était un héros est alors devenu un fugitif. S’accusant de la mort du procureur-adjoint Harvey Dent, le Chevalier Noir a tout sacrifié au nom de ce que le commissaire Gordon et lui-même considéraient être une noble cause. Et leurs actions conjointes se sont avérées efficaces pour un temps puisque la criminalité a été éradiquée à Gotham City grâce à l’arsenal de lois répressif initié par Dent.
Mais c’est un chat – aux intentions obscures – aussi rusé que voleur qui va tout bouleverser. À moins que ce ne soit l’arrivée à Gotham de Bane, terroriste masqué, qui compte bien arracher Bruce à l’exil qu’il s’est imposé. Pourtant, même si ce dernier est prêt à endosser de nouveau la cape et le casque du Chevalier Noir, Batman n’est peut-être plus de taille à affronter Bane…

Avis : Enfin, The Dark Knight Rises… Dire que je l’attendais, ce final en apothéose, tient du doux euphémisme. Trop sans doute. Trop sûrement…
Ne nous méprenons pas, ce troisième volet toise encore de très haut la plupart des films de super-héros. Mais The Dark Knight, en réinventant radicalement le genre avait mis la barre tellement haut…
Sa suite en guise d’épilogue ne parvient malheureusement jamais à rééditer la miraculeuse alchimie du spectaculaire et de l’intime, du blockbuster et du film indépendant. Et souffre trop souvent de la comparaison. C’est injuste, mais c’est le jeu…
Oui, Christopher Nolan reste le réalisateur virtuose, insolemment doué et exigeant qui transcende ses sujets, un génie capable d’offrir avec la même constance et la même force des scènes d’action dantesques et des dialogues intelligents et captivants. Tout en faisant le moins possible appel aux effets numériques.
The Dark Knight Rises ne déroge pas à la règle et n’est pas avare de scènes de bravoure mémorables et de passages iconiques s’inscrivant dans un univers sombre et urbain, portés par des dialogues finement écrits, à part quelques malheureux dérapages niaiseux.
Après le terrorisme aveugle et mégalomaniaque du Joker, Nolan trouve en Bane un nouveau bad guy parfaitement cohérent, mercenaire brutal et nihiliste, miroir d’un Gotham au bord de l’implosion, rongé par ses inégalités et où les laissés pour compte de plus en plus nombreux sont prêts à s’enflammer pour un leader charismatique qui porterait leur espoir, aussi dangereux soit-il. Le film livre d’ailleurs un message comme un avertissement à peine masqué à notre société soumise aux dérèglements financiers et à la loi des marchés.
L’imagerie de guerre civile et de révolution, avec ces rues dévastées, ces affrontements fratricides et ses tribunaux improvisés aux jugements lapidaires, est d’une efficacité redoutable.
L’idée de retrouver un Bruce Wayne retiré de la vie publique, mélancolique et brisé est tout aussi enthousiasmante et son entêtement à ne pas reconnaitre qu’il n’est plus le héros qu’il a été est remarquablement bien traité.
L’évolution du personnage de Wayne permet d’ailleurs à Christian Bale de reprendre la main sur la saga. Il offre une prestation d’une grande richesse, alliance de tristesse et de détermination.
Tous les ingrédients semblent réunis pour un nouveau choc.
Alors pourquoi cette fois ci, ça ne prend pas ?
Si The Dark Knight fonctionnait si bien, c’est que malgré la densité du scénario (blanchiment d’argent sale, lutte anti-corruption…), toutes les pièces du récit était étroitement liées et l’intrigue se déroulait avec une limpidité incroyable. Les connexions entre le Joker, la mafia locale, Dent et Batman se nouaient naturellement pour créer un film total, laissant une place prépondérante à l’affrontement fascinant entre Batman et sa Nemesis balafrée.

Certes, TDKR offre un vilain moins psychotique mais tout aussi intéressant, dont la brutalité et la violence sommaire sème un chaos irréversible et confronte Bruce Wayne à sa dimension de simple mortel. Seulement il n’est pas seul, et doit composer avec une voleuse experte (Anne Hataway, convaincante Catwoman), un jeune flic idéaliste (formidable Joseph Gordon Levitt) et une écolo membre du CA de Wayne Entreprise (Marion Cotillard, toujours très bien malgré un rôle particulièrement casse-gueule).
Là où son prédécesseur se focalisait sur un duel épique et parfois pervers, TDKR peine à faire cohabiter toutes les intrigues qu’il explore. Les interactions entre les personnages s’en ressentent, apparaissant poussives et parfois artificielles. On regrettera particulièrement qu’après une introduction réussie, le personnage de Selina Kyle / Catwoman finisse par se contenter de jouer les utilités.
Parce qu’il faut faire avancer les nombreux arcs narratifs, les personnages n’ont pas le temps d’être profondément creusés et encore moins leurs rapports les uns aux autres. Nolan semble donc renoncer à ce qui faisait la force de ces films précédents, un scénario en béton, malin et souvent surprenant, dans lequel la frontière entre le bien et le mal est généralement très tenue.
Or the TDKR n’échappe pas à un certain manichéisme et manque étonnamment de nuances, les bons sentiments que le réalisateur nous avait jusqu’à là épargnés, affleurent jusque dans un final grandguignolesque et bâclé, bien que répondant à un certain nombre d’interrogations des fans du comic book. Peut-être paie-t-il par là une trop grande fidélité au matériel de base, renonçant partiellement à l’utra-réalisme si caractéristique de sa filmographie et de sa propre vision du chevalier noir…
Les scènes, aussi efficaces et monstrueuses soient-elles, semblent s’enchainer artificiellement et le scénario n’est pas exempt d’incohérences et de lourdeurs. Résultat, le film manque du souffle épique derrière lequel il semble courir en permanence. Autre conséquence, l’émotion qui était en permanence sous-jacente dans les premiers volets parait ici forcée, à part quelques rares scènes avec Albert (bouleversant Michael Caine).

Ces dernières heures dans l’immersion de l’univers du Batman ont un petit goût d’inachevé… Malgré des personnages aux destins individuellement fascinants et un traitement toujours aussi personnel et ambitieux, l’épopée échoue à offrir le film total que l’on pouvait espérer.
Donc oui, la déception est à la hauteur de l’attente irraisonnée et déraisonnable que je pouvais avoir de ce Dark Knight Rises…
Et de réaliser que Nolan, à l’image de son héros, n’est finalement qu’un homme… (ou disons, allez, un demi-dieu).
Peut-être n’est-ce pas une mauvaise nouvelle qu’il revienne à des projets originaux où son génie créatif pourra de nouveau opérer en toute liberté. Nul doute que le carton commercial programmé de TDKR devrait lui en donner les moyens.
Dois-je dire que j’ai déjà très hâte de voir ce qu’il en fera ?

STARBUCK – 3/20

StarbuckRéalisé par Ken Scott
Avec Patrick Huard, Julie Le Breton, Antoine Bertrand

Synopsis : Alors qu’il s’apprête à être père, David Wosniak, éternel adolescent de 42 ans, découvre être le géniteur anonyme de 533 enfants déterminés à le retrouver.

Avis : Faits divers incroyable à la richesse cinématographique inouïe, Starbuck voit son beau potentiel massacré par un traitement d’une naïveté et d’une bêtise effrayante.
Ça dégouline en permanence de bons sentiments, à en donner la nausée…Passe encore la réalisation basique et sans saveur, mais le scénario est tellement prévisible et lénifiant qu’il en devient presque comique malgré lui. Aucun cliché ne nous est épargné.
Les personnages sont binaires, sans aucune nuance, avec moins de psychologie que dans le moindre soap opera. Le défilé des «enfants» est symptomatique de la légèreté et de l’incroyable niaiserie du film. Ce père biologique serait donc une espèce d’ange gardien pour sa progéniture. Soit. Donc du coup, tous ses rejetons sont doués, beaux et/ou sympas. Ah oui, dans le lot, il y a quand même un handicapé. C’est d’ailleurs son préféré. Sinon on rate la scène émotion, bien sûr. Je vous épargne le catalogue, mais sachez que le bonhomme a aussi le pouvoir de soigner l’addiction à l’héroïne en quelques semaines . Il y a aussi un homo dans le lot (c’est statistique), et évidemment il passe de mec en mec (4 dans la journée quand même).
Bien évidemment, le fameux Starbuck en a fait de conneries, à commencer par alimenter tout le Québec de sa semence, c’est un glandeur patenté et irresponsable sans argent. Mais en fait il a un cœur gros comme ça, et c’est parce qu’il ne pense qu’aux autres qu’il est dans cette situation…
Pas aidés par des dialogues exaspérants, les acteurs surjouent et rivalisent facilement avec les meilleures productions AB de notre enfance. La palme revenant à l’acteur principal, constamment dans l’outrance et l’exagération. Et on ne peut pas mettre la piètre qualité d’interprétation sur le dos de l’accent québécois, CRAZY et les films de Xavier Nolan ayant prouvé qu’un acteur pouvait exceller tout en venant de Montréal.
Ai-je besoin de préciser que Starbuck ne m’a pas décroché un sourire?
Angoissant

MAINS ARMEES – 13/20

Mains arméesRéalisé par Pierre Jolivet
Avec Roschdy Zem, Leïla Bekhti, Marc Lavoine

Synopsis : Lucas a 46 ans. Un grand flic, patron au trafic d’armes à Marseille.
Maya a 25 ans. Elle est jeune flic aux stups, à Paris.
Comme souvent, les armes croisent la drogue.
Et Lucas va croiser Maya. Pas forcément par hasard.
Flag, braquage, indics… leurs enquêtes vont s’entremêler.
Leurs vies aussi.
Parce que leur histoire a commencé bien longtemps avant leur rencontre…

Avis : Polar nerveux et dense, Mains armées porte clairement la marque de son auteur. Une vision humaine, toujours très concernée par la psychologie et l’interaction de ses personnages. Si l’enquête est menée efficacement, on s’attache plus au parcours des deux brigades auxquelles appartiennent le père et la fille, un duo de flics atypiques au centre d’une histoire de drogue et de trafic d’armes.
La réalisation est par conséquent tournée vers les acteurs, proche d’eux et traduit bien l’urgence de l’investigation. Si les deux intrigues parallèles sont un peu confuses du fait d’une accumulation de noms et d’intervenants, on s’y fait finalement assez bien, Jolivet parvenant à fluidifier son récit en évitant toute digression superflue et en imprimant un rythme soutenu et prenant. Il confirme aussi qu’il est un excellent directeur d’acteurs et de « bandes », comme il l’avait montré dans des genres différents comme La très très grande entreprise ou Zim & Co. Il dirige un casting très homogène au sein duquel Roschy Zem impose une belle autorité et où Leila Behkti prouve qu’elle peut prétendre à interpréter des rôles plus varié que ce à quoi elle était pour l’instant cantonnée.
Sans être révolutionnaire, Mains armées cumule donc deux belle qualités pour un polar, efficacité et profondeur.

LES KAIRA – 13/20

Les KaïraRéalisé par Franck Gastambide
Avec Medi Sadoun, Franck Gastambide, Jib Pocthier

Synopsis : Mousten, Abdelkrim et Momo sont trois potes d’enfance qui ont toujours vécu dans leur cité de Melun. Casquettes enfoncées sur la tête et baskets aux pieds, tous les trois ont le même problème : désespérément célibataires, ils passent leurs journées à laisser s’écouler leurs vies, sans motivation ni ambition. Jusqu’au jour où ils découvrent une annonce dans un magazine porno qui propose un casting pour devenir une « Star du X ». En galère de filles et d’argent, la quête de ce qui leur semble être alors le meilleur métier du monde va se transformer en un parcours initiatique et devenir la plus importante aventure de leurs vies.

Avis : Comédie décomplexée sur la cité, vivante et parfois même euphorisante, les Kaira tord le cou aux clichés et s’en joue avec enthousiasme et auto-dérision. Rythmé et fluide, le film séduit également par le flot de répliques bien senties, des gags maîtrisés et l’alchimie évidente entre les trois acteurs principaux. En ne tombant jamais dans l’excès ou la caricature, ils deviennent très vite sympathiques et attachants. On rie avec eux plus qu’on ne rie d’eux. A noter la délicieuse participation de François Damiens en producteur porno très à la page.
La dernière partie du film est cependant complétement ratée, sombrant dans les bons sentiments et n’allant pas au bout de ses idées. On leur pardonnera cet écueil, tant les Kaira apporte un bien agréable bol d’air frais à la comédie française, comme avait pu le faire les Beaux gosses il y a quelques années, la maitrise en moins.

HOLY MOTORS – 3/20

Holy MotorsRéalisé par Leos Carax
Avec Denis Lavant, Edith Scob, Eva Mendes

Synopsis : De l’aube à la nuit, quelques heures dans l’existence de Monsieur Oscar, un être qui voyage de vie en vie. Tour à tour grand patron, meurtrier, mendiante, créature monstrueuse, père de famille… M. Oscar semble jouer des rôles, plongeant en chacun tout entier – mais où sont les caméras ? Il est seul, uniquement accompagné de Céline, longue dame blonde aux commandes de l’immense machine qui le transporte dans Paris et autour. Tel un tueur consciencieux allant de gage en gage. À la poursuite de la beauté du geste. Du moteur de l’action. Des femmes et des fantômes de sa vie. Mais où est sa maison, sa famille, son repos ?

Avis : Prétentieux, vain, mal foutu et mal écrit, Holy Motors agace autant qu’il ennuie.
Présenté comme un flamboyant hommage au 7ème art, le film n’offre aucune proposition de cinéma, si ce n’est des redites maladroites et des effets monstrueux.
Carax étire péniblement son concept fumeux dans une réalisation plate et répétitive, nombriliste et opaque. Il balance son idée d’acteur protéiforme en n’en tirant qu’une performance bancale et hystérique de Lavant, en oubliant juste d’y ajouter un propos.
Il n’y a rien de mal à réaliser des films difficiles d’accès, où aucune explication n’est évidente, mais il faut au moins y donner un sens, un esprit, une direction vers laquelle se laisser dériver et disserter (citons Lynch). Avec Holy Motors, Carax semble juste vouloir jouer au plus malin. Il m’a perdu.
Et énervé. Avec des scènes gratuitement provocatrices (la pauvre Eva Mendes ne mérite quand même pas ça…) et de dialogues affligeants.
Et c’est long long… tellement long…
Une épreuve.
Après l’affreux Cosmopolis, il est dit que je fuirai dorénavant tout film se déroulant dans une limousine.

LA PART DES ANGES – 12,5/20

La Part des AngesRéalisé par Ken Loach
Avec Paul Brannigan, John Henshaw, Gary Maitland

Synopsis : A Glasgow, Robbie, tout jeune père de famille, est constamment rattrapé par son passé de délinquant. Il croise la route de Rhino, Albert et la jeune Mo lorsque, comme eux, il échappe de justesse à la prison mais écope d’une peine de travaux d’intérêts généraux. Henri, l’éducateur qu’on leur a assigné, devient alors leur nouveau mentor en les initiant secrètement… à l’art du whisky ! De distilleries en séances de dégustation huppées, Robbie se découvre un réel talent de dégustateur, bientôt capable d’identifier les cuvées les plus exceptionnelles, les plus chères. Avec ses trois compères, Robbie va-t-il se contenter de transformer ce don en arnaque – une étape de plus dans sa vie de petits délits et de violence ? Ou en avenir nouveau, plein de promesses ? Seuls les anges le savent…

Avis : Avec la part des Anges, Ken Loach insuffle une dose d’optimisme et de légèreté à son cinéma d’ordinaire plus dur et exigeant. On est loin du souffle épique et contestataire du Vent se lève et de Land and Freedom, de la peinture sociale sans concession de It’s a free world. Plutôt dans la veine humoristique de Looking for Eric, mais moins inventif, La part des Anges est donc à ranger dans la catégorie des œuvres mineures du réalisateur anglais. Mais mineur ne veut pas dire raté.
Après une entame un peu longuette ancrée dans ce cinéma social tout britannique, où la misère rivalise avec le peu de perspective de ses habitants, le film suit une trame «à l’américaine», où des ratés vont tenter l’impossible en montrant des capacités insoupçonnées et beaucoup de cœur, évidemment. Cette bande de pieds-nickelés (tous condamnés à des peines d’intérêts généraux), dont on regrettera qu’elle se mette en place un peu tard, est tout à fait sympathique. Et confirme que décidément, la Grande-Bretagne est une terre d’acteurs, et livre régulièrement son lot de révélations. Tout le casting, pour la plupart amateurs, est parfait, même sans qu’on ne comprenne un mot de ce qu’ils disent (quel accent scottish!)
Résolument modeste et accessible, La Part des Anges l’est aussi dans sa réalisation et son déroulé classique et linéaire. Ken Loach ne s’est pas trop foulé quoi. Le montage parfois abrupte et une musique bizarrement utilisée confirme si ce n’est une certaine paresse, du moins un peu de facilité. On retiendra cependant quelques scènes très fortes (la confrontation, la visite à la maternité…)
Amusant, sympathique, mais assez inoffensif.
Un prix du Jury à Cannes? On comprend qu’il y en ait qui l’ait eu mauvaise…