CAPTAIN AMERICA : LE SOLDAT DE L’HIVER – 13/20

Captain America, le soldat de l'hiverRéalisé par Anthony Russo, Joe Russo
Avec Chris Evans, Scarlett Johansson, Sebastian Stan

Synopsis : Après les événements cataclysmiques de New York de The Avengers, Steve Rogers aka Captain America vit tranquillement à Washington, D.C. et essaye de s’adapter au monde moderne. Mais quand un collègue du S.H.I.E.L.D. est attaqué, Steve se retrouve impliqué dans un réseau d’intrigues qui met le monde en danger. S’associant à Black Widow, Captain America lutte pour dénoncer une conspiration grandissante, tout en repoussant des tueurs professionnels envoyés pour le faire taire. Quand l’étendue du plan maléfique est révélée, Captain America et Black Widow sollicite l’aide d’un nouvel allié, le Faucon. Cependant, ils se retrouvent bientôt face à un inattendu et redoutable ennemi – le Soldat de l’Hiver.

Avis : Action, destruction et du fun, beaucoup de fun, le cocktail Marvel est une nouvelle fois d’une redoutable efficacité pour susciter l’adhésion des fans et convaincre le plus grand nombre. Du divertissement haut de gamme en somme, pas avare de grosses bastons (impressionnante scène d’ascenseur) et de bons mots, misant aussi bien sur le spectaculaire que sur une solide (bien qu’attendue) story-telling. Il faut reconnaitre aux studios Marvel la louable attention d’associer à chacun de ses super-héros un genre cinématographique propre pour éviter les redites. Pour l’instant, ça fonctionne plutôt très bien. De la comédie d’action avec Iron man, au fantastique avec Thor, en passant par le Space Opera pour les futurs Gardiens de la Galaxie, chaque licence se construit autour d’une identité bien à elle, qu’Avengers avait miraculeusement réussi à associer. Captain America : Le soldat de l’hiver lorgne quand à lui du côté du thriller politique et conspirationniste, misant plus sur les rebondissements, les surprises s et le suspense que sur la nature même de son héros, toujours un peu effacé quoiqu’on en dise.
Certes, le complot en lui-même n’est pas des plus subtiles et on ne peut pas dire que le scénario soit d’une grande originalité, mais on se laisse emporter par le rythme fracassant de l’enquête. Car oui, ça détruit, ça explose, ça défonce, ça casse, ça démolit à tout va, on est bousculé jusqu’à l’épuisement, certains diront même jusqu’à l’écœurement. Mais ça fait parti du cahier des charges, et on ne peut qu’admettre que c’est impeccablement fait. On aurait bien aimé que soit détaillé plus en profondeur les conflits intérieurs qui agitent le cerveau de Steve Rogers, projeté dans une époque qui n’est pas la sienne et qui doit faire face à des enjeux politiques plus complexes que ceux qu’il a pu connaître à son époque. Mais n’en demandons pas trop, on s’amuse quand même beaucoup, la dose d’humour (froid) étant royalement administrée par l’affolante Scarlett Johansson, dont la Veuve Noire est enfin au premier plan. La chasse à l’homme est trépidante et livre son lot de moments de bravoure.
Si l’univers plus dense de Thor (le poids familial, l’affrontement de deux mondes…) me séduit d’avantage, la mission est une nouvelle fois réussie pour le Marvel-verse, qui pose clairement dans Le Soldat de l’hiver les bases de son Avengers 2. Qu’on attend donc avec curiosité et un brin d’impatience.

SITUATION AMOUREUSE : C’EST COMPLIQUÉ – 12/20

Situation amoureuse : C'est compliquéRéalisé par Manu Payet, Rodolphe Lauga
Avec Manu Payet, Anaïs Demoustier, Emmanuelle Chriqui

Synopsis : À trente ans, Ben est sur le point d’épouser Juliette. Sa petite vie tranquille et sans danger va basculer lorsqu’il retombe sur la personne qu’il a secrètement le plus envie de revoir : Vanessa, la bombe du lycée qui ne l’avait jamais regardé. Elle est de retour à Paris et ne connaît, aujourd’hui, que lui…

Avis : Situation amoureuse : C’est compliqué confirme la belle vitalité de la jeune garde de la comédie française, après les belles surprises de ces derniers mois (20 ans d’écarts, les Kairas, Radiostars). Clairement influencée par la comédie indé US, des films d’Apatow aux romcom générationnelles comme 500 jours plus tard (à qui on pense beaucoup), ces comédies allient rigueur, bon humeur et style décomplexé, sans jamais virer dans le n’importe quoi. Manu Payet, à la fois devant et derrière la caméra démontre une belle qualité d’écriture, soignant les dialogues et dessinant des personnages solides, même lorsqu’ils apparaissent peu à l’écran, et signe une comédie pleine de fraîcheur. Sans avoir la prétention de vouloir révolutionner le genre, on ne peut que louer l’attention apportée au scénario qui parvient à trouver un entre-deux crédible entre humour et romance. Les comédiens, tous investis et concernés servent parfaitement le film, avec une mention particulière au débonnaire Jean-François Cayrey, qui bouffe toutes les scènes dans lesquelles on le voit, parfait en pote lourdaud. On notera également une bande originale inattaquable.
Mais Situation amoureuse n’arrive pas tout à fait à la hauteur de ces prédécesseurs, souffrant de longueurs et de situations qui s’éternisent, comme si les auteurs s’étaient un peu trop écoutés écrire. A mi-chemin, ça commence à sérieusement patiner et la jolie petite musique s’enraye. Tout est plus compliqué, les dialogues moins tranchants, le rythme plus laborieux et certaines scènes inutiles. Et on finit par se demander quand ça va se terminer.
Indéniablement sympathique mais clairement limité.

HER – 16/20

HerRéalisé par Spike Jonze
Avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams

Synopsis : Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de ‘Samantha’, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…

Avis : Avec une sensibilité folle, Her dépasse largement le cadre du film concept et s’impose comme un petit bijou de comédie romantique d’anticipation à l’intelligence émotionnelle fulgurante. Spike Jonze installe rapidement son futur singulier dans un Los Angeles épuré, aseptisé, mais immédiatement crédible. On est d’emblée placé dans une réalité, ou du moins une possibilité de demain, fin équilibre entre notre présent et les fantasmes des romans de science-fiction. Si bien qu’on oublie très vite le cadre pour se concentrer sur les personnages, et en particulier Theodore, jeune homme marqué par son récent divorce et qui vient de faire l’acquisition du système d’exploitation à l’intelligence artificielle surpuissante, le premier à pouvoir développer des sentiments. Dont l’amour.
Ce qui est remarquable dans Her, c’est l’évidence avec laquelle la relation entre Theodore et Samantha (l’OS) se noue. Parce que le scénario développe toutes les étapes d’une histoire d’amour classique, la rencontre, la séduction, la passion, le doute, la jalousie… Et qu’il ne fait pas du cas de Theodore un cas unique, mais un fait sociétal, une révolution comme une nouvelle étape dans la prise de pouvoir des réseaux sociaux, qui emporte tout le monde. Au passage, il n’est pas interdit d’y voir un écho à notre société actuelle, et une critique à peine voilée de l’individualisme galopant et de la tentation du tout virtuel qui conduit inévitablement à l’isolement social. En optant pour une mise en scène lumineuse, discrète mais audacieuse, Spike Jonze fixe le cadre idéal à sa romance, jouant aussi habilement des flash back, images furtives d’un passé heureux qui viennent se superposer aux échanges entre Théodore et Samantha.
Mais le sujet principal reste cette étonnante et déroutante histoire d’amour. Elle empreinte finalement aux codes classiques des grandes amours impossibles, entre deux individus issus de mondes différents, dont la passion est rattrapée par la réalité de leur condition. La grande réussite de Spike Jonze est de nous y faire adhérer alors qu’il a lui-même créé ce qui sépare les amants. Et il est pourtant aller très loin, puisque l’un des deux n’a aucune réalité physique. Si on marche dans la combine, c’est aussi parce que le réalisateur peut compter sur un interprète en état de grâce, qui traduit avec un naturel confondant toutes les couleurs du sentiment amoureux. Délaissant ses interprétations outrancières et un ton plaintif et geignard qui ont souvent parasité ses précédents rôles (Two Lovers, The immigrant…), Joaquin Phoenix fait dans la mesure et livre une prestation à la fois rayonnante et bouleversante. Mais l’idée de génie de Her est d’avoir confié la voix off de Samantha à Scarlett Johansson qui nous fait chavirer dès les premiers mots qu’elle prononce. Comment ne pas en tomber immédiatement amoureux ? La sensualité qui s’en dégage, mais aussi sa familiarité, sa proximité, happent et nous fascinent, et démontre s’il en était besoin quelle actrice majuscule elle est, au-delà de son physique affolant.
Love story troublante, Her séduit autant qu’il envoûte et émeut. Une formidable digression hors des sentiers battus qui rassure sur la capacité d’Hollywood à se réinventer et surprendre.

LE CROCODILE DU BOTSWANGA – 12/20

Le Crocodile du BotswangaRéalisé par Fabrice Eboué, Lionel Steketee
Avec Thomas Ngijol, Fabrice Eboué, Claudia Tagbo

Synopsis : Leslie Konda, jeune footballeur français talentueux, repéré à son adolescence par Didier, un agent de faible envergure qui a su le prendre sous sa coupe, vient de signer son premier contrat d’attaquant dans un grand club espagnol. Dans le même temps, sa notoriété grandissante et ses origines du Botswanga, petit état pauvre d’Afrique centrale, lui valent une invitation par le Président de la République en personne : Bobo Babimbi, un passionné de football, fraîchement installé au pouvoir après un coup d’état militaire. Leslie se rend donc pour la première fois dans le pays de ses ancêtres accompagné par Didier pour être décoré par le Président Bobo qui s’avère rapidement, malgré ses grands discours humanistes, être un dictateur mégalomane et paranoïaque sous l’influence néfaste de son épouse. À peine ont-ils débarqué que Bobo conclut un deal crapuleux avec Didier : faire pression sur son joueur afin que celui-ci joue pour l’équipe nationale : les Crocodiles du Botswanga…

Avis : Dans la lignée de leur premier film Case Départ, Fabrice Eboué et Thomas Ngijol poursuivent dans la veine provocatrice et politiquement incorrecte qui avait joliment surpris il y a deux ans. Après l’esclavagisme, ils abordent un nouveau sujet casse gueule, les régimes militaires totalitaires africains et le passé colonialiste de la France.
Les répliques visent souvent juste, on rit beaucoup devant l’énergie déployée par le duo (trio devrait on dire, Claudia Tagbo en wanabee Kate Middleton est géniale) et certains gags sont très réussis (d’autres tombent assez largement à côté, mais c’est le jeu).
Ces indéniables qualités n’élève cependant pas Le Crocodile du Botswanga au niveau de son prédécesseur, la faute à un scénario qui a du mal à tenir la longueur, quelques lourdeurs et des redites dans la mécanique comique. Le film a tendance à s’épuiser et le rythme à s’essouffler. La mise en scène manque par ailleurs cruellement d’ambition alors que Case Départ étonnait malgré le peu de moyens disponibles.
On n’en tiendra cependant pas rigueur aux deux comédiens qui nous offrent une franche rigolade.
Et ça, ça ne se refuse pas.

DANS L’OMBRE DE MARY – 13/20

Dans l'ombre de Mary - La promesse de Walt DisneyRéalisé par John Lee Hancock
Avec Tom Hanks, Emma Thompson, Paul Giamatti

Synopsis : Lorsque les filles de Walt Disney le supplient d’adapter au cinéma leur livre préféré, “Mary Poppins”, celui-ci leur fait une promesse… qu’il mettra vingt ans à tenir !
Dans sa quête pour obtenir les droits d’adaptation du roman, Walt Disney va se heurter à l’auteure, Pamela Lyndon Travers, femme têtue et inflexible qui n’a aucunement l’intention de laisser son héroïne bien aimée se faire malmener par la machine hollywoodienne. Mais quand les ventes du livre commencent à se raréfier et que l’argent vient à manquer, elle accepte à contrecoeur de se rendre à Los Angeles pour entendre ce que Disney a imaginé…
Au cours de deux semaines intenses en 1961, Walt Disney va se démener pour convaincre la romancière. Armé de ses story-boards bourrés d’imagination et des chansons pleines d’entrain composées par les talentueux frères Sherman, il jette toutes ses forces dans l’offensive, mais l’ombrageuse auteure ne cède pas. Impuissant, il voit peu à peu le projet lui échapper…
Ce n’est qu’en cherchant dans le passé de P.L. Travers, et plus particulièrement dans son enfance, qu’il va découvrir la vérité sur les fantômes qui la hantent. Ensemble, ils finiront par créer l’un des films les plus inoubliables de l’histoire du 7ème art…

Avis : Redécouvrir une œuvre à travers l’histoire de sa génèse a quelque chose d’assez exaltant. Cela permet d’une part de regarder le dit chef-d’œuvre d’un œil nouveau (ou du moins de donner envie de le revoir riche de ce nouvel éclairage) et de deux de s’immerger dans le processus créatif des ses auteurs d’où a surgit le classique vénéré. Dans l’ombre de Mary raconte donc la fabrication douloureuse de Mary Poppins pas les studios Disney. Douloureuse parce qu’il aura fallu 20 ans et une situation financière devenue précaire pour que la romancière P.L. Travers accepte de rencontrer Walt Disney pour lui céder les droits d’adaptation cinématographique de son héroïne. Douloureuse aussi parce Travers, qui a un droit de regard sur le scénario, n’aura de cesse de refuser toute proposition des auteurs du script, toute idée qui s’éloignerait de l’histoire originale. Douloureuse surtout parce que l’histoire de Mary Poppins fait écho pour son auteure à un passé traumatisant, sombre, qu’elle ne veut pas voir traduire avec légèreté à l’écran.

C’est ce trouble, cette introspection forcée du personnage de P.L. Travers qui est le plus intéressant dans le projet. L’affrontement avec Disney est amusant mais n’est pas le cœur du film. D’ailleurs, le mogul hollywoodien est traité assez superficiellement et n’apparait que comme un personnage secondaire. On attendra donc pour le biopic polémique qui viendra couvrir les nombreuses zones d’ombre du bonhomme.

L’Ombre de Mary est surtout un très beau portrait de femme qui se révèle au fur et à mesure que ses traumas émergent et que la matérialisation de sa Mary lui apporte un semblant de paix intérieur. Si la réalisation est assez quelconque, elle reste plaisante, souvent drôle et sait mettre en valeur les moments forts du récit, comme les premières notes des chansons mythiques du film, où les scènes de flashback mettant en lumière la relation entre la fillette et son père.

Il fallait toute l’intelligence et la finesse de jeu d’Emma Thomson pour traduire ce mélange de détermination et d’appréhension, d’austérité et de fragilité. Elle emporte aisément l’adhésion et finit par provoquer une émotion assez inattendue dans les dernières minutes.

On pense à Neverland, excellent film sur la genèse de Peter Pan, qui savait également allier la fantaisie et l’imaginaire à une réalité bien plus grave.

Si l’ensemble manque un peu d’aspérités, Dans l’Ombre de Mary est un bien jolie histoire, faisant écho à nos souvenirs d’enfants sans les abîmer. Supercalifragilisticexpidélilicieux en quelque sorte.

DIPLOMATIE – 13,5/20

DiplomatieRéalisé par Volker Schlöndorff
Avec André Dussollier, Niels Arestrup

Synopsis : La nuit du 24 au 25 août 1944. Le sort de Paris est entre les mains du Général Von Choltitz, Gouverneur du Grand Paris, qui se prépare, sur ordre d’Hitler, à faire sauter la capitale. Issu d’une longue lignée de militaires prussiens, le général n’a jamais eu d’hésitation quand il fallait obéir aux ordres. C’est tout cela qui préoccupe le consul suédois Nordling lorsqu’il gravit l’escalier secret qui le conduit à la suite du Général à l’hôtel Meurice. Les ponts sur la Seine et les principaux monuments de Paris Le Louvre, Notre-Dame, la Tour Eiffel … – sont minés et prêts à exploser. Utilisant toutes les armes de la diplomatie, le consul va essayer de convaincre le général de ne pas exécuter l’ordre de destruction.

Avis : Avec cette adaptation de la pièce à succès Diplomatie, Volker Schlöndorff réussit habilement à contourner l’écueil du théâtre filmé en parvenant à étendre son film au-delà du simple huis clos du bureau où se déroule le terrible affrontement qui devra décider du sort de Paris. Des scènes d’archives, quelques reconstitutions, des plans des bâtiments parisiens amoureusement distillés, autant de parenthèses pour mieux se concentrer sur la magistrale joute verbale entre le militaire allemand et le diplomate français. Captivant, précis, leurs échanges se savourent et on apprécie cette digression fictionnelle sur un fait pas forcément avéré mais d’une puissance évocatrice imparable.
Un cadre parfait pour les deux monstres de charismes que sont Dussolier et Arestrup, impressionnants, qui se délectent de ces dialogues remarquablement écrits, naviguant entre bon sens et ambiguïté, l’humain et le politique, évitant tant que possible le manichéisme.
Une leçon de jeu.

THE GRAND BUDAPEST HOTEL – 16/20

The Grand Budapest HotelRéalisé par Wes Anderson
Avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham

Synopsis : Le film retrace les aventures de Gustave H, l’homme aux clés d’or d’un célèbre hôtel européen de l’entre-deux-guerres et du garçon d’étage Zéro Moustafa, son allié le plus fidèle.
La recherche d’un tableau volé, oeuvre inestimable datant de la Renaissance et un conflit autour d’un important héritage familial forment la trame de cette histoire au coeur de la vieille Europe en pleine mutation.

Avis : The Grand Budapest Hotel porte incontestablement les gênes du cinéma de Wes Anderson. Mais s’il a pu parfois se perdre un peu en privilégiant le style à l’histoire (le minion mais assez oubliable Moonrise Kingdom), le réalisateur américain atteint ici un équilibre quasi parfait entre virtuosité esthétique et excellence narrative.
Le conte fantasque qu’il nous présente, cette aventure rythmée aux rebondissements réjouissants, se prête remarquablement bien à son univers chamarré et coloré. Multiplication de travellings ingénieux, voix off bien en place, jeu d’acteurs théâtral basé sur les cassures de tons et de rythme, le réalisateur pose très vite son empreinte si singulière sur le film. Enchaînant les plans alliant à la fois sophistication et beauté, Anderson nous plonge dans des décors d’une richesse graphique inouïe, avec un souci du détail impressionnant. On se trouve dans une sorte théâtre de marionnettes baroques dans lequel évoluent des personnages hauts en couleur et savoureusement croqués. Les tableaux se succèdent avec fluidité, s’appuyant également sur une écriture précise et élégante, souvent très drôle.
La réalisation inventive et bouillonnante d’Anderson nous emmène ailleurs, dans un pays imaginaire symbole d’une Europe lointaine. Le contraste entre l’hôtel défraichi marqué par la laideur des années 80 et le faste et la somptuosité de ses plus belles années, renforcé par le passage au format 4/3, est particulièrement réussi. Cette structure en flash back ajoute une profondeur inédite au propos du réalisateur. On sent poindre une certaine mélancolie, une nostalgie qui, si elle n’est jamais appuyée, apporte ce qu’il faut d’émotion, comme pour témoigner de la violence du temps qui passe.
L’histoire du Grand Budapest Hotel est teintée d’une poésie burlesque irrésistible personnifiée par son concierge Monsieur Gustave, gigolo classieux et raffiné au verbe exagérément poli et révérencieux. Le dandiesque Ralph Fiennes excelle dans le costume de Monsieur Gustave et est pour beaucoup dans la cohérence globale du film. Il est entouré d’un fascinant bestiaire d’acteurs tous aussi talentueux les uns que les autres qui s’amusent visiblement beaucoup à incarner ces personnages décalés.

Oui, The Grand Budapest Hotel est un total ravissement, Darling.