GRIMSBY – 14,5/20

Grimsby - Agent trop spécial : AfficheDe Louis Leterrier
Avec Sacha Baron Cohen, Mark Strong

Avis : Vous trouviez Deadpool trash ? Attendez donc de voir Grimsby !
L’anti-héros Marvel passerait pour un enfant de cœur à côté de Nobby. Sacha Baron Cohen va loin, mais alors très loin avec son dernier personnage. C’est d’une grossièreté sans nom, d’un mauvais gout délicieux et d’une drôlerie irrésistible ! Certaines scènes sont immédiatement cultes. On ne dévoilera rien ici, ce serait trop dommage de spoiler quoique ce soit, mais les gags plus indécents les uns que les autres se succèdent sans laisser le moindre temps mort. Ça fuse ! A peine le temps de se remettre d’une réplique terrassante de Nobby qu’il nous propose déjà une nouvelle connerie. Tout juste divulguera-t-on qu’il est question, en vrac, de fléchette empoisonnée, d’un étron mou au centre, de gouttes de sang et d’éléphants…
C’est cru, couillu, fendard, osé, mais pas seulement. Malgré l’enchainement crescendo des situations les plus barges, Grimsby parvient à éviter l’écueil du film à sketchs. Sans complaisance, ni auto-satisfaction, il suit son petit bonhomme de chemin de vilain garnement. Si Baron Cohen ne se fixe aucune limite dans l’outrance, il peut compter sur le savoir-faire de Leterrier pour donner au film les atours d’une très efficace comédie d’action. Les scènes de baston et de poursuite sont particulièrement réussies et Grimsby repose sur un scénario qui tient surprenamment bien la route. Il rend également crédible voir attachante la relation entre les deux frères, grâce notamment à de jolies scènes de flash- back. L’écriture n’est ainsi par sacrifiée sur l’autel de la grosse blague et de la provoc, Grimsby fait preuve d’un réel souci de cohérence. Pouvant compter sur du très bon pop rock briton pour habiller le tout, Grimsby réalise le mix parfait entre l’humour bordeline de Baron Cohen et les qualités d’actionner de Leterrier. Inattendu et assez jouissif.

Synopsis : Nobby Butcher n’a pas de boulot, mais cela ne l’empêche pas d’être heureux. Il a tout ce dont il peut rêver dans la vie : le foot, une petite amie géniale… et neuf gamins. Pour que son bonheur soit complet, il ne lui manque que son petit frère, Sebastian, dont il a été séparé quand ils étaient enfants. Après trente ans de recherches, Nobby retrouve finalement la trace de Sebastian à Londres. Il ignore que celui-ci est devenu le meilleur agent du MI6… Leurs retrouvailles tournent à la catastrophe, et voilà les deux frères en cavale. C’est alors qu’ils découvrent un complot visant à détruire le monde… Pour sauver l’humanité – et son frère – Nobby va devoir se lancer dans sa plus grande aventure. Pourra-t-il passer de l’état de bouffon niais à celui d’agent secret ultrasophistiqué sans faire trop de dégâts ?

THE REVENANT – 12/20

The Revenant : AfficheDe Alejandro González Iñárritu
Avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson

Avis : The Revenant est un film splendide, brutal, dantesque. Iñárritu traduit comme rarement sur grand écran toute la fureur, la rage et la violence de la nature tout en en sublimant sa beauté sauvage. Tourné en lumière naturelle dans des conditions extrêmes, l’effet est impressionnant, parfois même hypnotisant. La mise en scène magistrale du réalisateur mexicain est à la hauteur de la majesté des paysages qui défilent devant sa caméra. Elle en capte aussi bien l’intimidante immensité que son effrayante hostilité, tout en parvenant aussi à magnifier des scènes de combats rageux d’un saisissant réalisme, comme en témoigne cette introduction en plan séquence époustouflante qui vous met littéralement à genoux.
Alors pourquoi a-t-on la vague impression que The Revenant n’est pas le chef-d’œuvre qu’il aurait dû être ?
Pourtant, Di Caprio donne de sa personne, c’est le moins que l’on puisse dire. Après l’attaque de l’ours qui aura laissé Hugh Glass, son personnage, pour mort puis son abandon par ses compagnons de route, une épopée sanglante seulement guidée par sa quête de revanche commence alors. Il saigne, il boite, il rampe, il grogne, il bouffe de l’herbe, il brûle, bref il en bave. Sans que les pires crasses ne cessent de lui tomber dessus pour autant. Une succession d’épreuves et de tortures qui auraient fait passer Jack Bauer dans l’autre monde en moins de deux…. Si bien qu’arrive un moment où l’on se dit trop c’est trop et que ce petit manuel de survie en milieu hostile pousse le bouchon un peu trop loin. Paradoxalement et malgré tout ce qu’il endure, le personnage de Hugh Glass apparait désincarné et suscite peu d’empathie. Si ce Revenant ne manque pas de souffle épique, il manque de spiritualité et d’humanité. L’histoire personnelle de Glass et de son fils métis se limite à des ellipses, des incantations indiennes fiévreuses et quelques flash-back, alors qu’on devine qu’elle est primordiale dans le contexte historique de la colonisation violente des terres indiennes d’Amérique par les colons européens. Si les affrontements en eux-mêmes sont au cœur du film, leur impact psychologique sur son héros n’est traité qu’en surface, et assez benoîtement.
C’est la limite de The Revenant, grand film de réalisateur et formellement prodigieux, mais si conscient de son potentiel esthétique et du défi relevé qu’il en néglige d’approfondir son histoire. Frustrant.

Synopsis : Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.

ZOOTOPIE – 14.5/20

Zootopie : AfficheDe Byron Howard, Rich Moore

Avis : Et donc l’inspiration et la créativité ont fini par regagner les studios Disney. Au point même de contester la toute-puissance du rejeton Pixar sur le petit monde de l’animation. Eh oui.
Car si Zootopie n’a pas la complexité et l’ambition conceptuelle d’un Vice Versa, il rivalise avec les classiques plus mainstream du studio à la lampe, comme Ratatouille ou les Indestructibles. Il est surtout tellement supérieur au Voyage d’Arlo que cela devient maintenant presque impossible de distinguer un Pixar d’un Disney. Sans parler de la Reine des neiges, qui au-delà de sa bande-originale bousculait les codes des films de Princesses, cet envie de titiller la suprématie de Pixar se décelait déjà dans le trop sous-estimé Les nouveaux Héros.
Passons rapidement sur l’excellence graphique et technologique de l’animation, qui propose un rendu des matières exceptionnel (fourrures, peaux, cheveux, végétation, jungle urbaine….) et une virtuosité dans la maîtrise du mouvement et de la vitesse, et attardons nous sur son contenu, d’une richesse impressionnante.
Zootopie fourmille d’idées, de trouvailles toutes aussi inventives les unes que les autres et de personnages à la fois hauts en couleurs, attachants,  parfois effrayants pour certains. L’impression que laisse cette immense mégalopole où toutes les races d’animaux peuvent cohabiter et qui s’adapte à chacune d’elle est une véritable prouesse, car cohérente et intelligemment exploitée. La ville en elle-même est une grande réussite et un personnage à part entière de l’intrigue avec ses quartiers adaptés à ses résidents (désertique, glaciaire, tropical…) tous aussi singuliers, détaillés et aboutis les uns que les autre. Plus on découvre Zootopie, plus on se dit que ce film-là ne nous en dévoile qu’une infime partie (pas de doutes que les pontes de Disney aussi !).
Zootopie est également le premier polar made in Disney depuis Basile, et prend même des tours de buddy movie assez réussi. Le coupe lapine/renard fonctionne parfaitement et active aussi bien les ressorts comiques que dramatiques en fonction de l’avancée de l’intrigue. En revenant à l’anthropomorphisme, les studios Disney emploient aussi de nouveau le langage de la fable pour jeter un regard sur le monde dans lequel nous vivons. C’est évidemment un peu naïf et bon enfant, mais pas dépourvu d’une certaine lucidité (et forcément un peu d’espoir). Zootopie parle de préjugés, de racisme ordinaire, de la peur de l’autre, de nos petites contradictions mais aussi par opposition (et parce qu’on est chez Disney, faut pas déconner) du rapprochement des peuples, de tolérance, d’écoute et de fraternité. Le film dénonce aussi clairement ceux qui par calcul politique opposent les citoyens les uns aux autres et stigmatisent les minorités. Alors qu’un homme qui veut construire des murs aux frontières des Etats-Unis est aux portes de l’investiture Républicaine, le message n’est certainement pas innocent…
Zootopie est donc tout ça en même temps, un formidable divertissement familial, drôle, vivant et enthousiasmant, un film d’animation graphiquement irréprochable, visuellement riche et inspirant, et une fable humaniste et consciente résolument moderne.
On quitte donc Zootopie avec un grand sourire, mais aussi l’envie de très vite y revenir !

Synopsis : Zootopia est une ville qui ne ressemble à aucune autre : seuls les animaux y habitent ! On y trouve des quartiers résidentiels élégants comme le très chic Sahara Square, et d’autres moins hospitaliers comme le glacial Tundratown. Dans cette incroyable métropole, chaque espèce animale cohabite avec les autres. Qu’on soit un immense éléphant ou une minuscule souris, tout le monde a sa place à Zootopia !Lorsque Judy Hopps fait son entrée dans la police, elle découvre qu’il est bien difficile de s’imposer chez les gros durs en uniforme, surtout quand on est une adorable lapine. Bien décidée à faire ses preuves, Judy s’attaque à une épineuse affaire, même si cela l’oblige à faire équipe avec Nick Wilde, un renard à la langue bien pendue et véritable virtuose de l’arnaque …

AVE, CÉSAR! – 11/20

Ave, César! : AfficheDe Joel Coen, Ethan Coen
Avec Josh Brolin, George Clooney, Alden Ehrenreich

Avis : Sympathique plongée dans le Hollywood des années 50, Ave, César ! vaut surtout pour sa légèreté et son ton badin. Si Josh Brolin et George Clooney campent les personnages centraux du film, c’est une pléiade de stars qui sont venues faire un petit coucou dans ce qui s’avère être pour les frère Coen une gentille petite fantaisie. Scarlett Johansson, Channing Tatum, Tilda Swinton, Ralph Fiennes et bien d’autres semblent beaucoup s’amuser à enfiler leurs costumes, à réciter leurs quelques lignes de dialogues un peu surannées ou à assurer quelques pas de danse dans une très jolie reconstitution de l’âge d’or Hollywoodien.
Le problème c’est que l’intérêt du film se limite à peu près à ça…
Les frères Coen s’embourbent rapidement dans une intrigue laborieuse après l’enlèvement de la star jouée par Clooney. Les motivations de ses ravisseurs se révèlent être à la limite du grotesque et Avé César prend un tour bavard et plutôt maladroit.
Finalement, il se résumerait presque à une succession de scénettes certes agréables, mais que les frères Coen peinent à relier entre elles. Il manque un peu de profondeur pour lui donner une réelle portée et les réalisateurs passent à côté de ce qui aurait pu être une intéressante satire des premières heures des studios américain.
Une petite comédie en mode mineur pas dénuée de charme mais bien trop inoffensive.

Synopsis : La folle journée d’Eddie Mannix va nous entraîner dans les coulisses d’un grand studio Hollywoodien. Une époque où la machine à rêves turbinait sans relâche pour régaler indifféremment ses spectateurs de péplums, de comédies musicales, d’adaptations de pièces de théâtre raffinées, de westerns ou encore de ballets nautiques en tous genres

DEADPOOL – 13/20

Deadpool : AfficheDe Tim Miller
Avec Ryan Reynolds, Morena Baccarin


Avis : Alors, ce Deadpool fait-il vraiment voler en éclat les codes du film de super-héros ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le personnage en lui-même est à la hauteur du buzz qu’il a engendré depuis que l’on a appris la mise en chantier du film. Langage fleuri, insinuations graveleuses, positions scabreuses, sa grossièreté n’est pas affadi par son passage sur le grand écran. Donc oui, Deadpool est un petit évènement. Parce qu’on voit rarement un blockbuster porté par des dialogues trash, du cul, de la violence explicite et même une pointe de scatologie. En réalité, on n’a jamais vu ça (peut être Ted ?). Et les scénaristes n’y sont pas allés de main morte dans l’outrance et la provoc’. On n’est pas très loin de la surenchère et les vannes finissent par être un peu répétitives, mais Deadpool est honnêtement très drôle et culotté, bardé de vannes méta rigolotes sur Marvel, les X-men ou la propre carrière de Ryan Reynolds. L’acteur s’amuse d’ailleurs comme un petit fou dans la combinaison en lycra du super-héros. Il fait preuve à la fois d’une grande aisance et de beaucoup d’autodérision. Après le formidable The Voices de Marjane Sartapi, il confirme qu’il peut être un putain de bon acteur quand un projet lui tient à cœur.
Deadpool est donc clairement une surprenante bouffée d’air frais dans le genre très (trop) calibré des super-héros. Ceci-dit, il en respecte tout de même la structure narrative (trauma, pouvoirs, vengeance, romance), et sa portée irrévérencieuse est un amoindrie par une fin édulcorée et assez basique. Si faire tomber le fameux 4ème mur (en gros le héros s’adresse directement au public dans la salle) fonctionne les premières fois où il est utilisé, le procédé reste sous-employé. Les apartés auraient pu être plus poussées et soutenues, et Deadpool reste structurellement finalement assez classique, plus disruptif sur la forme que sur le fond. Le film peut aussi finir par devenir épuisant dans l’accumulation de vannes pas toutes d’un très haut niveau.
Sans être révolutionnaire, le succès assuré du film est malgré tout un bon signal envoyé aux studios, qui auront certainement noté avec attention que prendre des risques (mesurés) peut payer. De quoi peut-être faire bouger les curseurs et relancer un peu la créativité d’Hollywood (on peut rêver). On espère simplement qu’ils ne vont pas comprendre de travers le message envoyé par le public et se contenter de penser que le nombre d’entrées est proportionnel au nombre de fucks ajouté aux dialogues…

Synopsis : Deadpool, est l’anti-héros le plus atypique de l’univers Marvel. A l’origine, il s’appelle Wade Wilson : un ancien militaire des Forces Spéciales devenu mercenaire. Après avoir subi une expérimentation hors norme qui va accélérer ses pouvoirs de guérison, il va devenir Deadpool. Armé de ses nouvelles capacités et d’un humour noir survolté, Deadpool va traquer l’homme qui a bien failli anéantir sa vie.

ANOMALISA – 12/20

Anomalisa : AfficheDe Charlie Kaufman, Duke Johnson
Avec David Thewlis, Jennifer Jason Leigh

Avis : Quel drôle de film que cet Anomalisa. Certes, son étrangeté surprend moins lorsque l’on sait que les scénarios de Dans la peau de John Malkovitch ou Eternal Sunshine sont sortis du cerveau de son réalisateur, mais quand même, on reste un peu perplexes devant ce nouvel ovni cinématographique de Charlie Kaufman.
Anomalisa est un film d’animation en stop motion, au rendu assez exceptionnel par ailleurs, où tous les personnages ont la même tête et la même voix à part notre héros et cette fameuse anomalie, Lisa. Un héros dont on comprend rapidement qu’il traverse une violente crise existentielle qui le conduit à profiter d’un voyage d’affaire pour recontacter une femme qu’il avait lâchement abandonné des années auparavant. Au fur et à mesure, ses névroses apparaissent plus appuyées, son mal-être plus patent, jusqu’à ce qu’il rencontre Lisa, jeune femme complexée dont la voix diffère (littéralement) des autres personnages.
Pourquoi elle? Qu’a-t-elle de spécial ? Est-ce réellement elle qui est différente ou n’est ce que la perception de Michael ?
Kaufman joue de cette confusion pour faire planer sur cette rencontre une espèce de romantisme triste qui va progressivement se tordre en une paranoïa à la fois anxiogène et troublante. On croit finir par comprendre que ce monde est vu à travers le regard d’un homme sombrant peu à peu dans la folie, même si le scénario reste, volontairement ou non, assez confus sur cette question-là (ce qui n’aide pas à y adhérer totalement). Cet homme au cœur de l’histoire est mal aimable, et le film est un peu à son image. On n’est pas forcément très à l’aise face à l’imagerie robotisée de Anomalisa. L’animation est incroyablement maitrisée, mais le réalisme des sentiments et des expressions est tel qu’il en est presque effrayant. L’impression que laissent tous ces visages et ces voix identiques est à la fois très forte et en même temps un peu plombante. Il en résulte une poésie déviante dont la singularité étouffe un peu les émotions.
Anomalisa est une œuvre qui porte très bien son nom, à la fois intrigante et déstabilisante. Et qui laisse un peu circonspect…

Synopsis : Michael Stone, mari, père et auteur respecté de « Comment puis-je vous aider à les aider ? » est un homme sclérosé par la banalité de sa vie. Lors d’un voyage d’affaires à Cincinnati où il doit intervenir dans un congrès de professionnels des services clients, il entrevoit la possibilité d’échapper à son désespoir quand il rencontre Lisa, représentante de pâtisseries, qui pourrait être ou pas l’amour de sa vie…

STEVE JOBS – 15/20

Steve Jobs : AfficheDe Danny Boyle
Avec Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen

Avis : En éclatant brillamment les codes généralement très formels du biopic, ce Steve Jobs se situe d’emblée dans l’action et l’urgence. L’idée folle, mais parfaitement exécutée, de dresser le portrait du créateur d’Apple selon un triptyque qui ne couvrirait que trois courts moments de sa vie renouvelle et élève l’exercice. Grâce à la plume géniale de Sorkin, qui avait déjà réussi à transcender un sujet à la con avec Social Network, Steve Jobs s’apparente à un magistral opéra en trois actes, rythmé pas des dialogues vifs, brillants et précis et appuyés par une musique omniprésente qui crée une tension permanente et exponentielle à chaque segment.
Ce qui est remarquable dans l’écriture de Sorkin, c’est que tout en évitant à la fois l’hagiographie et le portrait à charge, le film capture avec finesse la complexité du personnage en ne montrant que trois fois 45 minutes de sa vie. On en apprend beaucoup, on le comprend un peu, on saisit surtout son caractère, sa malice, son manque d’empathie maladif qui aura certainement et paradoxalement été le moteur de ses réussites et le socle de son charisme. Malgré le « temps réel » choisi comme base narrative, les éléments les plus marquants de la vie de Jobs (principalement issus de la biographie de Walter Isaacson) sont astucieusement intégrés aux dialogues et leur donnent toute leur substance, tout en conférant au film une cohérence globale.
Si l’on ne peut que louer la virtuosité de la partition écrite par Sorkin, le travail de chef d’orchestre de Dany Boyle est tout aussi remarquable. A l’origine prévu pour Fincher (qui en aurait sans doute fait un truc dément également, sans doute plus intellectualisé), le projet est arrivé entre les mains de Boyle qui lui apporte toutes son énergie, sa folie, son sens du rythme et des coupures, ainsi qu’une certaine dimension opératique tout à fait à propos.
Si l’on devait trouver une faiblesse à l’entreprise, on peut lui reprocher un ramollissement sentimentaliste coupable dans une dernière partie qui tente maladroitement de réhabiliter Job dans rôle de père. Mais rien qui ne remette en cause la justesse de l’ensemble et le talent des interprètes, Michael Fassbender en tête, incarnation troublante de l’homme d’affaire visionnaire, regard perçant et réplique assassine. Kate Winslet excelle dans celui de sa directrice marketing et confidente de toujours, parfait contrepoids à l’extravagance de Job et émouvante réplique à ses coups de sang.
En permanence dans l’action, parcellaire mais riche, cette vision opératique du créateur de l’iPhone est à son image, audacieuse, exigeante et fascinante à bien des égards.

Synopsis : Dans les coulisses, quelques instants avant le lancement de trois produits emblématiques ayant ponctué la carrière de Steve Jobs, du Macintosh en 1984 à l’iMac en 1998, le film nous entraîne dans les rouages de la révolution numérique pour dresser un portrait intime de l’homme de génie qui y a tenu une place centrale.