MAL DE PIERRES – 13/20

Mal de Pierres : AfficheDe Nicole Garcia
Avec Marion Cotillard, Louis Garrel, Alex Brendemühl

Chronique : Mélodrame d’un grand classicisme, quasi vintage, Mal de Pierres porte très haut le pouvoir du romantisme et de la passion amoureuse. A travers une mise en scène rêche, Nicole Garcia film avec un contrôle parfois excessif le destin fiévreux de Gabrielle, sans grande fulgurance mais en délivrant çà et là quelques plans iconiques de son actrice. Et quelle actrice. Marion Cotillard incarne avec exaltation ce personnage bovarien, entier et incandescent. Cette Gabrielle, femme-enfant menée par ses désirs, têtue et abrupte dans ses relations aux autres, constitue un nouveau registre pour la comédienne (qui ne vieillit pas, c’en est terrifiant), un de plus. La précision et la justesse avec laquelle elle adapte son phrasé, très sec, et sa démarche, un peu lourde, sont effarantes (qu’après avoir vu La Môme, Un Long dimanche, De rouille et d’os, The Immigrant, Deux jours Une nuit, Mc Beth –et même Dikkenek – on puisse encore douter qu’il s’agisse de la plus grande actrice que la France est jamais eu m’interpellera toujours – je ferme la parenthèse).
Sa performance porte tant le film qu’elle a tendance à éclipser ce qui l’entoure, à commencer par ses partenaires, pas très bien servi par le peu de profondeur de leurs personnages. Son mari, touchant par moment mais dans l’ensemble assez caricatural, mais surtout l’officier incarné par Louis Garrel, particulièrement insipide et à l’opposé de la tentation charnelle qu’il est supposé incarné.
De ce fait, le scénario a beaucoup de mal à saisir la passion qui est censée gagner Gabrielle lorsqu’elle rencontre ce lieutenant. Ce qui devait être le cœur du récit en est sa principale faiblesse, avec son dénouement assez grotesque.
Mal de Pierres est ainsi un drame old school assez inégal, un peu hors du temps mais sublimé par la présence et le talent de son actrice principale, absolument et magnifiquement dévouée à son rôle.

Synopsis : Gabrielle a grandi dans la petite bourgeoisie agricole où son rêve d’une passion absolue fait scandale. A une époque où l’on destine d’abord les femmes au mariage, elle dérange, on la croit folle. Ses parents la donnent à José, un ouvrier saisonnier, chargé de faire d’elle une femme respectable. Gabrielle dit ne pas l’aimer, se voit enterrée vivante.
Lorsqu’on l’envoie en cure thermale pour soigner ses calculs rénaux, son mal de pierres, un lieutenant blessé dans la guerre d’Indochine, André Sauvage, fait renaître en elle cette urgence d’aimer. Ils fuiront ensemble, elle se le jure, et il semble répondre à son désir. Cette fois on ne lui prendra pas ce qu’elle nomme « la chose principale ». Gabrielle veut aller au bout de son rêve.

MA VIE DE COURGETTE – 14/20

Ma vie de courgette : AfficheDe Claude Barras
Avec Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud

Chronique : Ma vie de Courgette est une très jolie et triste fable, à la fois profondément touchante et ancrée dans une terrible réalité. L’univers simple et enfantin créé par Claude Barras, avec ces gamins à grosses tête et aux yeux ronds, adoucit le contexte cruel et rude de ces enfants abîmés par la vie et placés en maison d’accueil. L’animation image par image, subtile et allant à l’essentiel s’appuie sur des séquences emplies d’humilité et de vérité pour se concentrer essentiellement sur les personnages qui habitent ce monde en carton-pâte.
Ma vie de Courgette brille surtout par la délicatesse avec laquelle il raconte l’amitié qui se construit entre ses enfants, les liens qui se nouent entre eux malgré la violence de leurs vies. On reconnait la touche de Céline Sciamma (Naissance des Pieuvres, Tomboy) au scénario, dont l’acuité pour disséquer les émois de l’enfance n’est plus à prouver.
On aurait pu s’attendre à plus d’émotions, mais vu la dureté du sujet l’angle de la sobriété s’avère plus judicieux, délivrant sans grands effets ni climax émotionnel particulier une histoire lumineuse, tendre et parfois drôle.
Au final, difficile de ne pas être attendri par Courgette et ses amis particuliers. Ceux-là vraiment valent la peine d’être rencontrés.

Synopsis : Courgette n’a rien d’un légume, c’est un vaillant petit garçon. Il croit qu’il est seul au monde quand il perd sa mère. Mais c’est sans compter sur les rencontres qu’il va faire dans sa nouvelle vie au foyer pour enfants. Simon, Ahmed, Jujube, Alice et Béatrice : ils ont tous leurs histoires et elles sont aussi dures qu’ils sont tendres. Et puis il y a cette fille, Camille. Quand on a 10 ans, avoir une bande de copains, tomber amoureux, il y en a des choses à découvrir et à apprendre. Et pourquoi pas même, être heureux.

CAPTAIN FANTASTIC – 16/20

Captain Fantastic : AfficheDe Matt Ross
Avec Viggo Mortensen, Frank Langella, George Mackay

Chronique : Contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre, Captain Fantastic n’est pas un film de super-héros. Il en est même très loin. C’est en revanche une fable sociale et familiale d’une infinie finesse, un petit bijou de justesse et de sensibilité aux enjeux complexes et sujets à débat. Car il y a un réel enjeu moral au cœur du film. Peut-on soustraire ses enfants du monde dans lequel on vit, même avec les meilleures intentions du monde ? La question demeure en suspens. En les élevant dans la nature, sans contact avec le monde extérieur ou presque, selon des préceptes rejetant le capitalisme et la société de consommation, leur père agit-il pour leur bien ? Certes, ils sont sains de corps et d’esprit et ont acquis des connaissances et des capacités de raisonnement hors du commun pour des gamins de leur âge, mais à vouloir jouer la transparence et ne rien leur cacher, n’est-ce pas les rendre inapte socialement et leur faire perde l’innocence propres aux enfants ?
Avec beaucoup d’intelligence, Matt Ross n’y répond jamais tout à fait et garde une certaine neutralité. La grande force du film réside dans la mise en scène des relations entre les membres de cette famille atypique, mais surtout de leurs interactions avec le monde « réel . Les réactions des enfants (tous fascinants de fraîcheur et de naturel) diffèrent d’ailleurs en fonction de leur âge et du temps passé dans la forêt. S’ils ont tous un grand respect pour les valeurs et l’enseignement que leur inculque leur père, certains (ou certaines situations) ne se privent pas de le mettre face à ses contradictions.
Le film se scinde d’ailleurs en deux parties distinctes. La vie dans les bois, entre cours de survie, enseignement théorique et débats sociologiques, et le road movie qui les confronte au reste du monde. Soit le passage d’une cellule familiale autarcique gérée par la figure patriarcale, à l’émancipation de certains de ses membres et les conséquences de cette profonde modification.
Enlevé, dynamique et émouvant sans être larmoyant, Captain Fantastic touche juste. Son propos est d’une grande clarté, sans jamais donner de leçon. Un moment fantastique.

Synopsis : Dans les forêts reculées du nord-ouest des Etats-Unis, vivant isolé de la société, un père dévoué a consacré sa vie toute entière à faire de ses six jeunes enfants d’extraordinaires adultes.
Mais quand le destin frappe sa famille, ils doivent abandonner ce paradis qu’il avait créé pour eux. La découverte du monde extérieur va l’obliger à questionner ses méthodes d’éducation et remettre en cause tout ce qu’il leur a appris.

L’ODYSSÉE – 14/20

L'Odyssée : AfficheDe Jérôme Salle
Avec Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou

Chronique : L’ambition de l’Odyssée est à la hauteur de la stature de l’homme qu’il projette de raconter. Une icône française, une figure du 20ème siècle parmi les plus marquantes. C’est dire les pièges qui guettaient ce biopic particulièrement attendu. Parce qu’il couvre une période très large et parce qu’il s’agit de respecter l’œuvre tout en évitant de glorifier l’homme, le projet se devait d’être à la fois impressionnant sur la forme et honnête sur le fond. Mission accomplie.
L’Odyssée est une fresque dense et romanesque, loin de l’hagiographie que l’on aurait pu redouter. Le film rend hommage au visionnaire mais n’épargne par l’homme. JYC est un héros tour à tour chef de famille, explorateur, utopiste, businessman… aucune facette de sa personnalité n’est négligée, le clinquant comme les côtés sombres. Salle illustre assez finement comment le rêve de Cousteau s’est trouvé à un certain moment dépassé par la réalité.
Il s’appuie pour cela sur la relation du marin avec son fils Philippe, c’est elle qui cristallise toutes les ambigüités de JYC. D’ailleurs, L’Odyssée ne couvre par la période pendant laquelle le fils est à l’internat et se trouve éloigné de son père. Il ne raconte pas les débuts de la notoriété du commandant, et n’informe par exemple de la Palme d’or cannoise reçue pour le monde du silence que par un flash-back en coupures de presse. Le film ne reprend que lorsque Philippe retrouve son père sur le Calypso. Il sert au réalisateur de filtre pour traduire à la fois l’admiration porté à Cousteau et le ressentiment éprouvé face à un personnage parfois aveuglé par sa mégalomanie.
Le scénario est dynamique et prenant, on ne s’ennuie jamais. On est intrigués par l’évolution des relations entre le fils et son père et subjugués par les magnifiques images des grands espaces que nous offre L’Odyssée. Car le film rend fortement hommage au travail du Commandant Cousteau en restituant des paysages splendides, brillamment mis en valeur par la musique de Desplat.
Le réalisateur peut aussi compter sur des acteurs impliqués, visiblement conscients de l’ambition du projet. Si Lambert Wilson fait plus du Lambert Wilson qu’il n’incarne Cousteau, cela suffit à faire le job. Il a en tout cas la carrure du personnage et n’est jamais hors-sujet. Mais ce sont Pierre Niney, mélange de charme, de fragilité et de détermination et surtout Audrey Tautou, bluffante de sincérité gouailleuse en épouse blessée qui marquent les esprits. Avec l’Odyssée, Jérôme Salle signe donc un biopic ample et réussi, naviguant entre zones d’ombre et instants de grâce.

Synopsis : 1948. Jacques-Yves Cousteau, sa femme et ses deux fils, vivent au paradis, dans une jolie maison surplombant la mer Méditerranée. Mais Cousteau ne rêve que d’aventure. Grâce à son invention, un scaphandre autonome qui permet de respirer sous l’eau, il a découvert un nouveau monde. Désormais, ce monde, il veut l’explorer. Et pour ça, il est prêt à tout sacrifier.

MISS PEREGRINE – 11/20

Miss Peregrine et les enfants particuliers : AfficheDe Tim Burton
Avec Eva Green, Asa Butterfield, Samuel L. Jackson


Chronique : Assiste-t-on au retour du grand Tim Burton, porté disparu depuis plus de dix ans ?
Miss Peregrine possède indéniablement les ingrédients du meilleur de la filmographie du réalisateur, un mélange de joyeuse morbidité et d’humour lugubre, où les freaks trimballent un grand sourire et une touchante mélancolie, entre exubérance et émotion pure.
Des enfants aux dons particuliers protégés par un personnage aux allures gothiques dans la grande tradition Burtonienne, le poids de la transmission entre les générations, la promesse d’une intrigue maline basée sur les boucles temporelles, tout dans Miss Peregrine vise à valider le come-back de Tim Burton. On se met même à rêver qu’il retrouve l’équilibre parfait qu’il avait atteint avec Big Fish.

Malheureusement, on en est très loin. Non que Miss Peregrine soit un mauvais film. C’est un honnête divertissement, mais qui ne dépasse pas le stade du film d’aventure pour enfants, assez conventionnel. Une sorte d’Harry Potter qui se serait planté dans la création du monde imaginaire qu’il veut présenter et dénué d’émotion.
La mise en scène est travaillée, mais terriblement impersonnelle, plombée par une longue introduction très bavarde et un final assez pauvre et attendu, aux effets spéciaux dans l’ensemble ratés.
Le film ne s’élève finalement que pendant une trentaine de minutes lorsque Jacob découvre la Maison de Miss Peregrine. On retrouve même l’esprit de Burton furtivement pendant deux petites minutes lorsque deux sinistres poupées recomposées prennent vie pour s’affronter. Comme un clin d’œil que le réalisateur lancerait à son œuvre passée…
Si le scénario est en lui-même poussif, c’est surtout dans le traitement des personnages et de l’imaginaire construit autour d’eux que Burton échoue. Ils ne sont que des concepts, de vagues réminiscences des superbes marginaux ayant illuminé le filmographie de Burton. La monstruosité n’est plus le thème central mais un prétexte pour produire un film d’aventure lambda, une sorte de sous-Xmen avec des enfants. Autant dire que la dimension psychologique de chacun est rapidement évacuée, alors qu’on tenait là un formidable terreau pour évoquer le poids de la différence et le besoin de l’affirmation de soi. Bienveillante sorcière chargée de protéger les enfants, Miss Peregrine est particulièrement sous-exploitée. Incarnée par la sombre et fascinante Eva Green, elle aurait mérité de gagner en profondeur et en complexité pour dépasser l’image glacée et sans relief renvoyée par le film. Cela ressemble à un beau gâchis.
Et ne parlons pas du vilain ridicule incarné par un Samuel L. Jackson au summum du cabotinage, totalement hors-sujet.
Il faut s’y faire Tim Burton est maintenant un Yes Man. Un bon exécutant de studio qui a en plus l’avantage d’être capable de fédérer sur son nom. Mais dont la singularité et l’univers si personnel semblent s’être estompé avec les années (et les dollars accumulés.)

Synopsis : À la mort de son grand-père, Jacob découvre les indices et l’existence d’un monde mystérieux qui le mène dans un lieu magique : la Maison de Miss Peregrine pour Enfants Particuliers. Mais le mystère et le danger s’amplifient quand il apprend à connaître les résidents, leurs étranges pouvoirs … et leurs puissants ennemis. Finalement, Jacob découvre que seule sa propre « particularité » peut sauver ses nouveaux amis.

DON’T BREATHE – 14/20

Don't breathe - La maison des ténèbres : AfficheDe Fede Alvarez
Avec Stephen Lang, Jane Levy, Dylan Minnette

Chronique : Don’t Breathe. Retenez votre souffle. Plus qu’un conseil, le titre de ce petit film d’horreur diablement malin est une promesse. Et une promesse tenue à double titre. D’abord parce que Alvarez exploite à merveille le pitch un peu tordu du film. Des petits voyous sans grande envergure s’introduisent dans la maison d’un ancien militaire aveugle (et riche) qu’ils pensent inoffensif. Ils vont rapidement s’apercevoir que ce dernier est tout sauf une proie facile.  S’ils veulent survivre, ils devront se faire discrets, le moindre bruit peut leur être fatal…
Mais la promesse s’applique aussi au spectateur, littéralement plongé en apnée dès que les gamins pénètrent chez le vieil homme.
Le jeune réalisateur s’appuie sur son concept simple mais fort, sans en forcer le trait, ce qui maintient une tension constante. Des effets maitrisés (en particulier une terrifiante scène dans le noir complet) et une progression narrative efficace font de Don’t Breathe un modèle de film qui fout les jetons, tout en le singularisant des standards du genre par son refus de tout manichéisme. Home Invasion inversé, Don’t Breathe repose sur des fondements moraux questionnables et des personnages aux aspirations ambiguës, ce qui le rend particulièrement pertinent dans sa manière d’aborder la frontière entre le bien et le mal. Mais sa principale qualité reste de vous filer une sacrée frousse!
On en oublie d’autant plus facilement les faux raccords et les quelques invraisemblances qui parcourent le récit qu’on reste scotché à son siège du début à la fin et qu’on en sort rincés.
Oui, une promesse manifestement bien tenue.

Synopsis : Pour échapper à la violence de sa mère et sauver sa jeune sœur d’une existence sans avenir, Rocky est prête à tout. Avec ses amis Alex et Money, elle a déjà commis quelques cambriolages, mais rien qui leur rapporte assez pour enfin quitter Détroit. Lorsque le trio entend parler d’un aveugle qui vit en solitaire et garde chez lui une petite fortune, ils préparent ce qu’ils pensent être leur ultime coup. Mais leur victime va se révéler bien plus effrayante, et surtout bien plus dangereuse que ce à quoi ils s’attendaient…