Synopsis : Walt Kowalski est un ancien de la guerre de Corée, un homme inflexible, amer et pétri de préjugés surannés. Après des années de travail à la chaîne, il vit replié sur lui-même, occupant ses journées à bricoler, traînasser et siroter des bières. Avant de mourir, sa femme exprima le voeu qu’il aille à confesse, mais Walt n’a rien à avouer, ni personne à qui parler. Hormis sa chienne Daisy, il ne fait confiance qu’à son M-1, toujours propre, toujours prêt à l’usage…
Ses anciens voisins ont déménagé ou sont morts depuis longtemps. Son quartier est aujourd’hui peuplé d’immigrants asiatiques qu’il méprise, et Walt ressasse ses haines, innombrables – à l’encontre de ses voisins, des ados Hmong, latinos et afro-américains "qui croient faire la loi", de ses propres enfants, devenus pour lui des étrangers. Walt tue le temps comme il peut, en attendant le grand départ, jusqu’au jour où un ado Hmong du quartier tente de lui voler sa précieuse Ford Gran Torino… Walt tient comme à la prunelle de ses yeux à cette voiture fétiche, aussi belle que le jour où il la vit sortir de la chaîne.
Lorsque le jeune et timide Thao tente de la lui voler sous la pression d’un gang, Walt fait face à la bande, et devient malgré lui le héros du quartier. Sue, la soeur aînée de Thao, insiste pour que ce dernier se rachète en travaillant pour Walt. Surmontant ses réticences, ce dernier confie au garçon des "travaux d’intérêt général" au profit du voisinage. C’est le début d’une amitié inattendue, qui changera le cours de leur vie.
Grâce à Thao et sa gentille famille, Walt va découvrir le vrai visage de ses voisins et comprendre ce qui le lie à ces exilés, contraints de fuir la violence… comme lui, qui croyait fermer la porte sur ses souvenirs aussi aisément qu’il enfermait au garage sa précieuse Gran Torino…
Avis : Gran Torino se regarde en deux temps. On a d’abord la confortable impression de voir simplement un très bon film, très bien écrit et brillamment dialogué, drôle (oui), avec des personnages remarquablement bien dessinés et puis, au fur et à mesure, on réalise qu’on est devant un GRAND film, qui prend à la gorge alors qu’on ne le voyait pas particulièrement venir. C’est que Eastwood a une classe folle, et ciselle son récit avec une infinie pudeur et une compassion douce-amère. En endossant le costume de ce vieillard acariâtre, vétéran de la guerre de Corée, dépassé par une Amérique qu’il ne reconnaît plus et dans laquelle il ne trouve plus sa place, c’est évidemment son mythe qu’il revisite (cf. les nombreux papiers écrit là dessus). Comme Eastwood réalisateur a du se réinventer, son personnage dans Gran Torino doit retrouver une place dans son quartier, désormais investi par la communauté asiatique des Hmongs et gangréné par ses gangs.
D’une grande exigence formelle, forcément, le film surprend au départ par la causticité et l’humour qu’il déploie. Eh oui, on rit beaucoup, surtout de ce personnage de vieillard usé et xénophobe. Mais ce qui pourrait paraître caricatural (la thématique du misanthrope qui s’humanise a été maintes fois rebattue), passe avec classe et finesse, parce que c’est le personnage lui-même (et non l’auteur) qui semble jouer avec cette caricature (voir les scènes d’insultes déjà cultes avec son coiffeur italien). Du coup, tout est crédible.
Et ainsi, grâce à une science de la narration géniale (littéralement), tout se met en place avec une justesse confondante. Eastwood entraine le spectateur dans une deuxième partie intense, humaine et finalement bouleversante.
On est happés, sciés et on sort la gorge nouée, alors qu’on ne s’y attendait pas…
Impressionnant.
Clint est immense, Clint est un maître, Clint est un faiseur de chefs-d’œuvre. Clint est immortel…