WELCOME – 7/10

Réalisé par Philippe Lioret
 

Welcome

 

Synopsis :Pour impressionner et reconquérir sa femme, Simon, maître nageur à la piscine de Calais, prend le risque d’aider en secret un jeune réfugié kurde qui veut traverser la Manche à la nage.

Avis : Aprés le trés beau "Je vais bien ne t’en fais pas", il était intéressant de voir ce qu’allait faire Lioret avec ce sujet engagé (et engageant). Alors oui, le ton est clairement militant, et le réalisateur fait preuve d’un vrai parti pris politique. Cela dit, il montre une nouvelle fois une grande précision dans la façon dont il raconte son histoire, se concentrant toujours sur le principal et ne laissant aucun temps mort. Le film vit au rythme de cette histoire d’amitié entre ce prof de natation et ce jeune kurde décidé à rejoindre sa petite amie en Angleterre, à la nage s’il le faut. C’est tendu, clinique presque, brut et brutal comme le décor des docks de Calais. Et comme il l’avait fait avec la lumineuse Mélanie Laurent dans "Je vais bien…", Lioret offre un rôle en or à Lindon, subtil et touchant. Mais Welcome est aussi le film d’une révélation, Firat Ayverdi. Ce gamin dégage une telle bonté, une telle honnêteté , qu’il s’impose comme une évidence. L’émotion que porte le film lui doit beaucoup, à lui, sa candeur et à son jeu fin et d’une étonnante maturité. Un acteur à suivre, assurément.

HARVEY MILK – 7,5/10

Réalisé par Gus Van Sant
Avec Sean Penn, Josh Brolin, Emile Hirsch  

Harvey Milk

Synopsis : Le film retrace les huit dernières années de la vie d’Harvey Milk. Dans les années 70, il fut le premier homme politique américain ouvertement gay à être élu à des fonctions officielles, à San Francisco en Californie. Son combat pour la tolérance et l’intégration des communautés homosexuelles lui coûta la vie. Son action a changé les mentalités, et son engagement a changé l’histoire.

Avis : Harvey Milk a la force d’un documentaire et la précision d’un drame historique majeur. Il bénéficie du mix parfait pour aboutir à ce qui peut se faire de mieux en matière de biopic. Un sujet fort, un réalisateur inspiré, des acteurs brillants et habités, bref les ingrédients idéaux pour nous offrir la vision d’un destin hors du commun.
Outre la performance de Sean Penn, sur laquelle on reviendra, ce qui marque dans la dernière œuvre de Gus Van Sant, c’est la maîtrise et la virtuosité dont il fait preuve pour mêler fiction et image d’archives. Cette science du montage (déjà largement saluée pour Elephant ou Last Days), apporte une grande cohérence au récit. Elle ajoute à la véracité et à la tension de l’intrigue, et donne tout son poids à la lutte de Milk pour la reconnaissance des droits de la communauté gay. Il est assez hallucinant de voir ces images d’une Amérique puritaine réclamant la suppression de droits fondamentaux aux gays, notamment celui de travailler, et plus généralement celui d’exister… ces images ont à peine 30 ans… C’est cependant avec une colère maitrisée et beaucoup de lucidité que Van Sant  fait passer son message, les images parlant d’elles-mêmes. Le réalisateur s’appuie sur ces aller-retour entre fiction et archives, mais aussi sur le talent de ce p*** d’acteur qu’est Sean Penn. Il incarne le personnage de Milk et endosse son combat avec une intégrité, une intensité et une sincérité qui force le respect, tout en conservant la subtilité nécessaire pour éviter l’écueil du film militant terre à terre. Et il est entouré de seconds rôles impressionnants, de James Franco à Emile Hirsh, fascinant, qui font beaucoup dans la création de la charge émotionnelle que délivre le film.
Ce film n’est pas seulement un film sur la lutte des gays pour leurs droits, mais un film sur la lutte tout court, qui rappelle que des hommes et des femmes ont mis leur vie en jeu pour faire entendre des voix jusqu’ici étouffées.
Passionnant, émouvant, brillant. Nécessaire.

GRAN TORINO – 8/10

Réalisé par Clint Eastwood

Gran Torino

 
Synopsis : Walt Kowalski est un ancien de la guerre de Corée, un homme inflexible, amer et pétri de préjugés surannés. Après des années de travail à la chaîne, il vit replié sur lui-même, occupant ses journées à bricoler, traînasser et siroter des bières. Avant de mourir, sa femme exprima le voeu qu’il aille à confesse, mais Walt n’a rien à avouer, ni personne à qui parler. Hormis sa chienne Daisy, il ne fait confiance qu’à son M-1, toujours propre, toujours prêt à l’usage…
Ses anciens voisins ont déménagé ou sont morts depuis longtemps. Son quartier est aujourd’hui peuplé d’immigrants asiatiques qu’il méprise, et Walt ressasse ses haines, innombrables – à l’encontre de ses voisins, des ados Hmong, latinos et afro-américains "qui croient faire la loi", de ses propres enfants, devenus pour lui des étrangers. Walt tue le temps comme il peut, en attendant le grand départ, jusqu’au jour où un ado Hmong du quartier tente de lui voler sa précieuse Ford Gran Torino… Walt tient comme à la prunelle de ses yeux à cette voiture fétiche, aussi belle que le jour où il la vit sortir de la chaîne.
Lorsque le jeune et timide Thao tente de la lui voler sous la pression d’un gang, Walt fait face à la bande, et devient malgré lui le héros du quartier. Sue, la soeur aînée de Thao, insiste pour que ce dernier se rachète en travaillant pour Walt. Surmontant ses réticences, ce dernier confie au garçon des "travaux d’intérêt général" au profit du voisinage. C’est le début d’une amitié inattendue, qui changera le cours de leur vie.
Grâce à Thao et sa gentille famille, Walt va découvrir le vrai visage de ses voisins et comprendre ce qui le lie à ces exilés, contraints de fuir la violence… comme lui, qui croyait fermer la porte sur ses souvenirs aussi aisément qu’il enfermait au garage sa précieuse Gran Torino…
 
Avis : Gran Torino se regarde en deux temps. On a d’abord la confortable impression de voir simplement un très bon film, très bien écrit et brillamment dialogué, drôle (oui), avec des personnages remarquablement bien dessinés et puis, au fur et à mesure, on réalise qu’on est devant un GRAND film, qui prend à la gorge alors qu’on ne le voyait pas particulièrement venir. C’est que Eastwood a une classe folle, et ciselle son récit avec une infinie pudeur et une compassion douce-amère. En endossant le costume de ce vieillard acariâtre, vétéran de la guerre de Corée, dépassé par une Amérique qu’il ne reconnaît plus et dans laquelle il ne trouve plus sa place, c’est évidemment son mythe qu’il revisite (cf. les nombreux papiers écrit là dessus). Comme Eastwood réalisateur a du se réinventer, son personnage dans Gran Torino doit retrouver une place dans son quartier, désormais investi par la communauté asiatique des Hmongs et gangréné par ses gangs.
D’une grande exigence formelle, forcément, le film surprend au départ par la causticité et l’humour qu’il déploie. Eh oui, on rit beaucoup, surtout de ce personnage de vieillard usé et xénophobe. Mais ce qui pourrait paraître caricatural (la thématique du misanthrope qui s’humanise a été maintes fois rebattue), passe avec classe et finesse, parce que c’est le personnage lui-même (et non l’auteur) qui semble jouer avec cette caricature (voir les scènes d’insultes déjà cultes avec son coiffeur italien). Du coup, tout est crédible.
Et ainsi, grâce à une science de la narration géniale (littéralement), tout se met en place avec une justesse confondante. Eastwood entraine le spectateur dans une deuxième partie intense, humaine et finalement bouleversante.
On est happés, sciés et on sort la gorge nouée, alors qu’on ne s’y attendait pas…
Impressionnant.
Clint est immense, Clint est un maître, Clint est un faiseur de chefs-d’œuvre. Clint est immortel…