Série | THE CROWN S04 – 17/20

Après une saison 3 soyeuse mais un brin anecdotique dans les sujets qu’elle traitait, le joyau de Netflix revient et se pose de nouveau en majesté. Un récit accrocheur et une exécution invariablement somptueuse (cette photographie…) servent un scénario d’une formidable richesse, qui couvre à la fois l’arrivée de Diana dans la famille royale pour l’intime et celle de Thatcher au pouvoir pour le politique.
En ce sens, la série doit gérer un cap sensible dans sa narration, car elle s’empare désormais d’évènements encore frais dans la mémoire collective. Mais elle parvient encore à surprendre et à maintenir le délicat équilibre entre fresque historique et soap royal, entre faits réels et nécessité fictionnelle. Si elle tape un peu plus fort sur les membres de la couronne, et en particulier sur Charles, Prince immature, egocentrique et jaloux de la popularité de se femme, on est loin de la violence des tabloïds anglais que la famille royale endure quotidiennement. The Crown continue malgré tout à humaniser une institution rigide et à vulgariser l’image d’Elisabeth II.
La mise en scène est toujours flamboyante, ne se contentant jamais d’exposer les faits mais les faisant résonner auprès de chaque personnage. Des incarnations magnifiques, entre confirmation (Oliva Colman, Helena Bonham Carter) et révélations. La jeune Emma Corrin capture parfaitement les désillusions et le mal être de Lady Di, figure dramatique sacrificielle intensément romanesque. L’interprétation très ampoulée de Thatcher par Gillian Anderson peut faire débat, mais elle donne corps avec force et conviction à ce personnage controversé qui aura profondément transformé le Royaume-Uni. Et son jeu très expressif n’empêche par les nuances. Elle ne fait pas de la Dame de Fer un robot déshumanisé, mais ne la rend pas sympathique pour autant.
Cette quatrième saison de The Crown, la dernière avant un nouveau et ultime changement de cast, s’avère donc d’une extraordinaire densité, jouant souvent sur un fil avec les faits historiques et rompue à des exigences formelles toujours plus élevées.
Plus ROYALE que jamais.

Séries | WHY WOMEN KILL S01 – 12,5/20 | QUELQU’UN DOIT MOURIR – 6/20

WHY WOMEN KILL S01 (Salto) – 12,5/20

Le concept est amusant et plutôt bien exécuté. Trois femmes, trois époques, une même maison – trois raisons de tuer. On retrouve la patte de Mark Cherry : le mélange de fun et de drama, la petite musique Elfmanienne, et les narrateurs omniscients, la voix off de Desperate cédant sa place aux témoignages face caméra des témoins des drames.
La limite de la série est de faire tenir l’histoire de ces trois femmes en une saison là ou Desperate en a pris 8. Les scénaristes ne lésinent donc pas sur les twists et les clifhangers, quitte à faire prendre à leurs personnages des décisions stupides et à leur faire faire des choix idiots. L’effet de surprise est vite éventé, le suspense artificiel et le récit souvent agaçant mais… ça marche, et on enchaine assez naturellement les épisodes. Un guilty pleasure astucieux.

QUELQU’UN DOIT MOURIR (Mini-série Netfilx) – 6/20

Série courte et resserrée, Quelqu’un doit mourir s’empare du sujet de l’homophobie sous le régime franquiste. Elle aurait mieux fait de s’abstenir. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne brille ni par son originalité, ni par ses qualités artistiques. A part dire qu’être gay à cette époque, c’est compliqué, la série ne va pas beaucoup plus loin dans son message, se limitant à un soap familial bas de gamme aux personnages caricaturaux et globalement très mal joué. Quant à l’intrigue centrale, elle est désespérément faiblarde au regard de son potentiel dramatique et politique. A éviter.

Cinéma | ON THE ROCKS (AppleTV+) – 12,5/20

De Sophie Coppola
Avec Bill Murray, Rashida Jones, Marlon Wayans

Chronique : Chronique new-yorkaise assez anecdotique sur l’usure du couple, On the Rocks est assez loin des standards habituels de la cinéaste. L’élégance vaporeuse qui fait la singularité de sa mise en scène cède sa place à un récit plus terre à terre. Sofia Coppola a l’habitude de filmer la flânerie d’une certaine jeunesse, souvent privilégiée, et sait capter comme personne le temps qui passe, le spleen et l’ennui. C’est donc une réelle surprise de la voir se laisser aller a autant de légèreté et de flirter avec le marivaudage. Un marivaudage arty, certes (certains plans sont très beaux, assez mélancoliques, on ne se refait pas), mais qui en accepte les codes en suivant Laura dans sa quête rocambolesque de vérité. Entre enquêtes et filatures, On The Rocks prend des airs de vaudeville, amusant mais limité, porté principalement par le rôle moteur du père interprété par Bill Murray. Car si Laura passe d’un léger doute à la conviction d’être cocue, c’est en grande partie grâce ou à cause des efforts répétés de son paternel pour l’en convaincre, autant d’un point de vue financier (il est très riche), qu’en tant qu’expert (c’est un coureur de jupons invétéré).

Sans doute, et Coppola retrouve là un de ses thèmes de prédilection, ses conseils sont un moyen de chasser l’ennui et de se rattraper de ses années d’absence. Il va agir en révélateur involontaire de la perte de repères de Laura, aussi bien professionnels que personnels. On the Rocks est aussi l’occasion pour la réalisatrice de retrouver Murray 17 ans après Lost in Translation. Des retrouvailles qui valent le détour tant le flegme de l’acteur et son œil pétillant sont toujours aussi merveilleusement cinégénique et enthousiasmant. La relation père-fille qu’il crée à l’écran avec Rachida Jones (sosie vocal de Scarlett, troublant), est aussi peu conventionnelle qu’attachante.
Un film mineur dans la filmographie de Coppola, qui s’apparente plus à une réunion entre vieux amis, mais qui s’avère au final très sympathique.

Synopsis : Une jeune mère de famille reprend contact avec son extravagant playboy de père pour une aventure à travers New York.

Séries | LE JEU DE LA DAME – 15/20 | QUIZ – 14/20 | RATCHED S01 – 12/20

LE JEU DE LA DAME (Mini-Série Netflix) – 15/20

Au-delà de son affreux titre français, Le Jeu de la Dame est une série aussi passionnante que rafraîchissante. On est très vite happés par le destin d’Elizabeth Harmon, jeune orpheline prodige des échecs qui va tenter de devenir la reine d’un milieu qui n’a jamais connu que des rois.
Outre sa dimension féministe, Le jeu de la dame est aussi le portrait d’une jeune fille cabossée par la vie, quasi asociale et sujette à de nombreuses addictions. Mais la série a le bon goût de ne jamais tomber dans le pathos ou le drama facile, de ne jamais trop victimiser Beth ou de la rendre agaçante. Elle construit notamment une très jolie relation avec sa mère adoptive et des amitiés sincères avec certains des adversaires qu’elle croise sur le chemin de la gloire.
L’élégance de la reconstitution, l’inventivité de la mise en scène, en particulier lorsque Beth sous l’emprise de substances joue ses parties par avance, l’interprétation fascinante de Anya Taylor-Joy sont autant de raisons pour se laisser convaincre par cette mini-série surprise.
Même en y comprenant absolument rien aux échecs, les parties sont haletantes, en particulier la finale de Moscou, soutenu par une musique digne d’un combat des Avengers ! Echec et Mat !

QUIZ (Mini-Série Salto) – 14/20

Coup de projecteur sur la potentielle plus grosse fraude jamais organisée lors d’un jeu télévisé. Et pas n’importe lequel, le cultissime « Qui veut gagner des millions » (dont on apprend d’ailleurs qu’il est anglais et non américain). Mis en scène par l’œil expert de Stephen Frears, toujours très juste lorsqu’il s’agit de regarder dans les yeux et décortiquer les rouages politiques et sociaux de son pays, Quiz ne fait pas d’effets de manche, mais enchaîne avec fluidité trois épisodes addictifs. Une incursion réussie dans la culture populaire télévisuelle.

RATCHED S01 (Netflix) – 12/20

La nouvelle série de Ryan Murphy n’est pas bien originale et pourrait aisément composer un segment de American Horror Story, dont il reprend les codes et la matrice. Inspirée par l’histoire de l’infirmière de Vol au-dessus d’un nid de coucou, cette première saison n’a pas grand-chose à voir avec le film de Milos Forman.
Cela dit, l’esthétique vintage des 50’s, l’ambiance sonore rappelant l’univers de Hitchcock, le côté creepy de l’hospice aux airs d’Overlook dans Shining, en somme le rendu à l’écran est comme toujours chez Murphy très soigné. Mais comme dans ses productions mineures, l’intrigue offre d’abord beaucoup de promesses avant de se perdre dans des sous-intrigues trop faibles pour totalement convaincre. Le scénario doit souvent passer en force pour avancer, au détriment de ses personnages.
Mais la classe intemporelle de Sarah Paulson et l’apparition divine de Sharon Stone, malgré des dialogues parfois peu inspirés, élèvent Ratched au-dessus de la moyenne;

Séries | DIX POUR CENT – 15/20 | TED LASSO – 14/20 | THE GREAT | 14/20

DIX POUR CENT S04 (FranceTV) – 15/20

Oui, la série commençait à ronronner un peu et à tourner en rond, mais…
parce que c’est la dernière,
parce que cette saison se recentre sur ses personnages,
parce que les guests sont bons,
parce qu’il y a un vrai grand méchant, bien détestable,
parce que Laure Calamy a fait de Noemie une vrai, beau, riche personnage au fil des saisons, l’extirpant de la caricature des premiers épisodes,
parce que cette fin est satisfaisante…
parce que tout ça, ils vont nous manquer. Vraiment.

TED LASSO S01 (Apple TV+) – 14/20

Drôle de pitch… Une équipe de foot de première division anglaise fait appel à un coach de foot américain n’y panant rien à notre soccer pour éviter la relégation.
Déjà, une série sur le foot, c’est pas banal. Mais réussie, c’est une sorte d’exploit. Elle est drôle et bienveillante, extrêmement positive sans être cucul et parvient à faire cohabiter l’humour ricain et british. Et en plus les scènes de foot sont loin d’être ridicules.
Une feel good série. C’est suffisamment rare pour être applaudi.


THE GREAT S01 (StarzPlay) – 14/20

Comme dans La Favorite de Yórgos Lánthimos (j’avoue j’ai copié/collé), le scénariste Tony McNamara s’encombre peu de la réalité historique et se plait à jouer avec les anachronismes pour offrir un récit vif et moderne. Les rêves teintés de romantisme de la jeune Catherine avant son mariage avec l’empereur de Russie vont vite être balayés par la rustrerie et la violence de son époux et les pratiques barbares de sa cour. Mais fidèle à ses idéaux humanistes et féministes, elle va se jouer des intrigues de la cours et des rivalités de couloirs pour mieux amadouer son mari et planifier un coup d’état.
La production value de la série est très haute de gamme, les décors et costumes impeccables, son écriture a de l’esprit et sa mise en scène de l’élégance, même dans la restitution très sanglante de la brutalité de Pierre III, mais c’est surtout l’interprétation délicieusement mutine de Elle Fanning qui porte la série. Elle est le visage du message politique de The Great, série historique mais résolument moderne. En face d’elle, Nicholas Hoult est étonnamment convaincant en monarque tyrannique aussi puéril que sanguinaire. Leur duo fonctionne à merveille, se complexifiant au fil des épisodes.
Un ensemble très réussi
Haza !