Séries | THE BEAR S02 – 16/20 | KILLER COASTER S01 – 14,5/20 | THE AFTERPARTY S02 – 14/20

THE BEAR S02 (Disney+) – 16/20

Nouvelle saison virtuose pour The Bear, d’autant plus prenante qu’on a maintenant apprivoisé les personnages et qu’on s’en est fortement entiché.
Chaque épisode allie adrénaline et gastronomie avec gourmandise et l’idée du compte à rebours jusqu’à l’ouverture du restaurant est particulièrement habile pour accentuer le sentiment d’urgence.
Après l’épisode plan séquence de l’année dernière, les réalisateurs réalisent un nouveau tour de force avec un épisode en flash-back qui revient sur un repas de Noël virant au réjouissant jeu de massacre. Cette saison convie aussi de nombreux guests, ce qui pourrait être un artifice inutile s’ils n’étaient pas interprétés par des acteurs d’exception. On valide donc. Fortement.

KILLER COASTER S01 (Prime Video) – 14,5/20

Mais en voilà une bonne surprise ! Avec sa direction artistique léchée qui reprend les codes esthétiques des années 90 (et pas les plus classes) et ceux des slashers des années 2000 (hello Scream), Killer Coaster séduit par son originalité et la solidité du projet. Prime Video a mis les moyens pour appuyer l’inventivité de la mise en scène, très poussée pour une série française. Et c’est drôle, vraiment. L’écriture sert parfaitement ses trois comédiennes naturellement complices et leur offre des répliques souvent hilarantes. Mention à Audrey, irrésistible. Elles sont bien accompagnées par Alex Lutz, génial en rôle secondaire. Mais Killer Coaster a beau être très drôle, ce n’est pas pour autant une parodie. L’intrigue est bien ficelée et remplit son contrat horrifique (il y des meurtres horribles et de l’hémoglobine) tout en développant des personnages attachants. On se prend vraiment au jeu, attendant la suite après chaque twist, autant dure qu’elle se binge-watche volontiers. Oui, la bonne surprise de la rentrée !

THE AFTERPARTY S02 (AppleTV+) – 14/20

Cette nouvelle saison adopte le même procédé narratif que la précédente. Un meurtre, une enquête, un point de vue par épisode et un genre cinématographique pour l’illustrer (polar, télénovelas, Hitchcock…)
Si l’humour l’emporte d’abord sur l’enquête, elle reprend progressivement le dessus avec une intrigue qui tient la route et un dénouement très satisfaisant. Portée par un excellent casting et l’hilarante Tiffany Haddish, cette deuxième saison et toujours aussi drôle et bien troussée. Désormais une valeur sûre pour Apple.

Cinéma | L’ÉTÉ DERNIER – 13,5/20

De Catherine Breillat
Avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin

Chronique : On sort un peu hébétés du dernier film de Catherine Breillat, avec le sentiment toujours troublant de ne pas savoir totalement quoi en penser. L’Été Dernier s’appréciera sans doute différemment qu’on croit ou non à cette liaison entre un ado et sa belle-mère, et aux risques insensés (personnels et professionnels) que cette dernière prend en entretenant cette relation incestueuse.
On a de quoi être dubitatifs, mais on lui donne petit à petit du crédit au fur et à mesure qu’on apprend à mieux connaitre les personnages, leurs motivations et les ressources mentales de chacun pour faire face à l’inévitable révélation.
La mise en scène de Catherine Breillat excelle quand il s’agit de filmer les prémisses du désir et sa consommation, pour saisir le trouble, le danger puis les intimidations dans les regards et les gestes. Elle joue de plans brillamment construits pour faire planner la menace du scandale en intégrant parfois discrètement le personnage de Theo au second plan par un reflet ou un objet.
Le personnage de Anne trouble et choque. On n’est pas habitués à croiser sur nos écrans une telle figure féminine, se jouant de la moralité et prête à tout pour préserver son confort bourgeois. Le rôle pourrait être intimidant, mais Léa Drucker s’en saisit avec subtilités et autorité. Qu’elle soit une grande actrice, c’est un fait, mais ce qu’elle accomplit ici est assez prodigieux, bien épaulée par le charme enjôleur du juvénile Samuel Kircher.
Un conte passionnel amoral assurément, mais brillamment dérangeant.

Synopsis : Anne, avocate renommée, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs filles de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.

Cinéma | LE LIVRE DES SOLUTIONS – 14/20

De Michel Gondry
Avec Pierre Niney, Blanche Gardin

Chronique : Dans Le Livre des Solutions, Michel Gondry se raconte avec un humour et une sincérité désarmante, ne cachant rien de l’enfer qu’il fait vivre à son entourage sur un plateau de tournage.
Son dernier film est une plongée aussi drôle que terrifiante dans un processus créatif entravé par la maladie mentale. En pleine crise maniaque, Marc (le double fictionnel de Gondry), multiplie les demandes fantasques et déborde d’idées farfelues pour terminer son film (ou passer au suivant). Et s’énerve lorsqu’il n’obtient pas gain de cause ou estime ne pas être suffisamment pris au sérieux. Le Livre des Solutions éclaire autant sur son modus operandi que sur la bipolarité, une maladie égoïste qui frustre et isole le malade, le détourne de toute empathie envers ceux qu’il blesse. L’excuse est une épreuve ou un moyen pour arriver à d’autres fins. Gondry met par conséquent en lumière la patience extrême dont fait preuve l’entourage de Marc, qui accepte ce comportement toxique autant par affection pour lui que par foi en son pouvoir créatif (excellentes Blanche Gardin, toute en retenue, et Françoise Lebrun, en grande tante compréhensive). Ce dilemme est aussi à l’origine des passages les plus drôles (et brutaux) du film.
Paradoxalement, Le livre des Solutions est sans doute un des films les moins poétiques de Gondry, probablement parce qu’il expose l’envers du décor et révèle d’où le réalisateur tire cet onirisme. Un peu comme s’il expliquait un tour de magie. Il déborde de tendresse (il faut bien tout ça pour contrecarrer l’épuisante hyperactivité de Marc), mais sa mise en scène est beaucoup plus brute que d’ordinaire, volontairement ancrée dans le réel. Même ses bricolages qui caractérisent tant son cinéma se heurtent à la réalité du monde, aussi inventifs soient-ils (au hasard, le camiontage).
On assiste cependant à de grands moments, comme lorsque Marc parvient à amener tout le monde dans son absurdie lors de l’enregistrement de la musique de son film. Et Pierre Niney est le choix parfait pour l’incarner. Paré d’un timing comique imparable, d’une douceur naturelle qui atténue les colères de son personnage, il parvient à humaniser Marc sans l’excuser
Si on peut lui reprocher d’avoir du mal à conserver un rythme soutenu et de tourner un peu en rond, Le livre des Solution est un autoportrait réjouissant, parfois malaisant, courageux et impudique, qui offre un éclairage nouveau et fascinant sur la filmographie de Gondry.

Synopsis : Marc s’enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes pour finir son film chez sa tante Denise. Sur place, sa créativité se manifeste par un million d’idées qui le plongent dans un drôle de chaos. Marc se lance alors dans l’écriture du Livre des Solutions, un guide de conseils pratiques qui pourrait bien être la solution à tous ses problèmes…

Cinéma | TONI EN FAMILLE – 14/20

De Nathan Ambrosioni
Avec Camille Cottin, Léa Lopez, Thomas Gioria

Chronique : A la lecture du synopsis, on aurait pu craindre un mélo familial un peu plombant, triste et larmoyant, le calvaire d’une mère courage élevant seule ses cinq enfants. Toni en Famille est tout l’inverse
C’est tendre et joyeux, frais et bienveillant, un réjouissant portrait de famille tout en délicatesse.
Il bénéficie surtout d’une qualité d’écriture remarquable, légère et piquante qui offre des dialogues subtils à des acteurs formidables de naturel. Camile Cottin, à qui la réussite du film doit beaucoup, y est solaire et spontanée dans la peau de cette femme fermement décidée à s’ouvrir de nouvelles portes, mais chacun des jeunes comédiens incarnant ses cinq enfants apporte quelque chose de spécial à son personnage et a une histoire propre à défendre.
Le film capture avec beaucoup de justesse le questionnement et le mal-être adolescent, le rapport à la figure maternelle ou les mécanismes qui régissent une fratrie nombreuse. Ils sont tous attachants et émouvants à leur manière.

Toni en famille est le film sourire de la rentrée

Synopsis : Antonia, dite Toni, élève seule ses cinq enfants. Un job à plein temps. Elle chante aussi le soir, dans des bars, car il faut bien nourrir sa famille. Toni a du talent. Elle a enregistré un single qui a cartonné. Mais ça, c’était il y a 20 ans. Aujourd’hui ses deux aînés s’apprêtent à rejoindre l’université. Alors Toni s’interroge : que fera-t-elle quand toute sa progéniture aura quitté le foyer ? A 43 ans, est-il encore temps de reprendre sa vie en main ?

Séries | PEAKY BLINDERS Intégrale – 17/20 | HEARTSTOPPER S02 – 14/20

PEAKY BLINDERS Intégrale (Netflix) – 17/20

Il était une fois à Birmingham… Joyau de la BBC, Peaky Blinders a, saison après saison, glané ses galons de série culte et s’est imposé comme un modèle de savoir-faire british.
Son showrunner Steven Knight convoque Sergio Leonne, De Palma et Scorsese dans une mise en scène et une direction artistique d’une rare sophistication.
L’ambition créative et narrative s’affiche à chaque plan, révélant un travail d’orfèvre sur la lumière et la photographie. La reconstitution d’époque est évidemment splendide mais c’est la bande-son et les chansons qui la composent, rock, opératiques, brutales et formidablement anachroniques qui conforte l’impression d’être en présence d’un show TV d’excellence.
Le destin des Shelby et des Peaky Blinders est parsemé de drames, de trahisons, d’alliances et de coups-bas, mais prédomine toujours le sentiment d’appartenance à un clan. Des destins passionnants, parfois difficiles à appréhender, mais qui s’intègrent monde complexes au cœur duquel ils se débattent. Peaky Blinders offre à ses puissants personnages un récit dense et d’une folle intensité, incarné impérialement par Cillian Murphy qui trouvait enfin un premier rôle à la hauteur de son talent.
Les dernières saisons vibrent comme autant de requiems, sombres et inéluctables.
Un classique, définitivement


HEARTSTOPPER S02 (Netflix) – 14/20

Série pour ado la plus queer et inclusive que vous pourrez trouver sur vos écrans de streaming, Heartstopper est un heureux paradoxe. C’est terriblement culcul et en même temps remarquablement pédagogique quand il s’agit de présenter les minorités LGBTQ+. La série continue de tendrement suivre ce groupe de lycéens gays, bis, lesbiennes, trans ou asexuels qui construisent autour d’eux une safe place pour affronter le monde. Une mignonnerie queer incontournable.

Cinéma | ANATOMIE D’UNE CHUTE – 17/20

De Justine Triet
Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner

Chronique : Film de procès impressionnant et remarquable Palme d’Or, Anatomie d’une Chute mêle l’ambigüité de l’intime et la puissance documentaire à travers un dispositif hybride d’une foudroyante intelligence.
Dans une mise en scène à la fois rigoureuse et discrètement inventive, Justine Triet fait se répondre les plaidoiries, les souvenirs et le temps d’après. Elle joue sur les sons et des dialogues d’une infini justesse et tire avantage de chacun des décors que sa caméra investit, des grands espaces montagneux au huis clos des prétoires.
Il n’y a jamais rien de superflu dans son montage ni dans son scénario, d’une épure parfaite, se concentrant aussi bien sur l’essentiel que l’accessoire, indispensable à la compréhension globale de cette affaire complexe.
Car Anatomie d’une chute porte très bien son titre. Il s’attelle à comprendre comment cet homme est tombé du haut de son chalet tout autant qu’à disséquer la décomposition d’un couple.
Par le biais du procès, on entre dans son intimité et on décortique son parcours, les choix de vie qui éloignent, les intérêts contradictoires, le ressentiment, la jalousie et un drame comme point de bascule. Le regard intense et souvent indéchiffrable de Sandra nous guide dans ce voyage presque impudique. Un personnage fascinant et troublant (campé magistralement par Sandra Hüller) qui traverse son procès avec une constance étonnante dans l’affirmation de sa liberté, et ce malgré les assauts à la limite de la misogynie et de la biphobie d’un avocat général horripilant (Antoine Reinartz, épatant).
Mais la clé du film réside tout autant dans les mots et les silences de Daniel, le fils dont l’accident qui l’a privé de la vue semble avoir accéléré la maturité.
Justine Triet s’appuie sur ses personnages denses et son écriture précise pour construire patiemment son brillant puzzle judirico-psychologique. Et livrer une palme qui fascine, interroge et secoue.

Synopsis : Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.