TOP FILMS 2018

Bientôt 2019, il est temps de débriefer l’année ciné 2018. Comme tous les ans, voici le TOP 20 de mes films préférés cette année.
Il me manque quelques chouchous de la critique (Mektoub my love, Phantom Thread…), mais il a quand même fallu faire le tri entre 72 longs métrages. Pour chacun, vous trouverez la critique que j’avais pondu en sortant de la salle. Le classement ne correspond pas forcément à la note que j’avais donné, l’impression de certains films se renforçant avec le temps, d’autres s’estompant…

Et c’est parti..

1 – CALL ME BY YOUR NAME

CALL ME BY YOUR NAME – 17/20

2 – JUSQU’A LA GARDE

JUSQU’À LA GARDE – 16,5/20

3 – COLD WAR

COLD WAR 16,5/20

4 – UNE AFFAIRE DE FAMILLE

UNE AFFAIRE DE FAMILLE – 16/20


5 – BURNING

BURNING – 15,5/20


6 – AMANDA

AMANDA – 16/20


7 – A STAR IS BORN

A STAR IS BORN – 15,5/20


8 – PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE

PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE – 16/20


9 – GUY

GUY – 15/20


10 – LES CHATOUILLES

LES CHATOUILLES – 15,5/20


11 – DOGMAN

DOGMAN – 15/20


12 – LES FRERES SISTERS

LES FRÈRES SISTERS – 15/20


13 – EVERYBODY KNOWS

EVERYBODY KNOWS – 15/20


14 – FIRST MAN

FIRST MAN – 15/20


15 – SPIDER-MAN : NEW GENERATION

SPIDER-MAN : NEW GENERATION – 15/20


16 – LES GARCONS SAUVAGES

LES GARÇONS SAUVAGES – 14,5/20


17 – LES HEURES SOMBRES

LES HEURES SOMBRES – 15/20


18 – 3 BILLBOARDS

3 BILLBOARDS – 15/20


19 – MI : FALLOUT

MISSION IMPOSSIBLE : FALLOUT – 15/20


20 – SAUVAGE

SAUVAGE – 14,5/20

HORS CATEGORIE : ROMA

ROMA – Netflix

COUPS DE COEUR :
LOVE SIMON

LOVE, SIMON – 14/20


PUPILLE

PUPILLE – 14/20


LETO

SPIDER-MAN : NEW GENERATION – 15/20


UN COUTEAU DE LE COEUR

UN COUTEAU DANS LE CŒUR – 14/20

Call Me By Your Name : AfficheJusqu’à la Garde : AfficheCold War : Affiche

UNE AFFAIRE DE FAMILLE – 16/20

Une Affaire de famille : AfficheDe Hirokazu Kore-eda
Avec Lily Franky, Sakura Andô, Mayu Matsuoka

Chronique : Lorsqu’une famille pauvre de Tokyo recueille pour la nuit une petite fille maltraitée, se pose à eux un dilemme moral, doivent-ils ou non la remettre à ses parents violents ?
L’ambiguïté de la situation et les enjeux moraux qu’elle recouvre seront le fil rouge d’Une Affaire de famille. Avec la délicatesse qui le caractérise, Kore-eda va présenter par petites touches cette famille atypique dont on ne saisit pas immédiatement la nature. Progressivement, chacun de ses membres va se dévoiler, s’identifier à travers son quotidien et sa relation aux autres, jusqu’à ce qu’on comprenne enfin comment cette famille de substitution s’est constituée. La précision et la douceur avec laquelle le réalisateur japonais filme ses acteurs et ainsi construit des personnages d’une passionnante complexité est fascinante. En dépit de ce qu’ils peuvent cacher, de leurs arrangements avec la morale, jamais ils ne sont jugés, jamais Kore-eda n’impose un point de vue. Cette bienveillance ne nie cependant jamais la réalité, elle lui permet au contraire d’évoquer la situation sociale de son pays, sans avoir à l’aborder frontalement. L’individualisme, la surconsommation, la misère affective et sexuelle des japonais est induite et se révèle au travers de ses protagonistes.
Mais surtout, Kore-eda questionne les liens du sang, interroge sur ce qui définit la famille et le statut de parents. Sans donner de réponses, mais en proposant une illustration d’une grande simplicité qui n’exclut pas une grande force évocatrice. Et beaucoup de cœur. Des sujets qu’il avait déjà magnifiquement traités dans Tel père, tel fils ou Nobody knows, avec le même sens du détail et de la minutie, se soustrayant à tout effet démonstratif. Des récits d’autant plus bouleversants qu’il les bâtit petit à petit, l’émotion gagnant en puissance au fur et à mesure que le puzzle narratif se met en place. Il signe donc avec Une Affaire de famille un nouveau chef-d’œuvre de l’intime, puissant et pudique, dont la pureté de la mise en scène justifie à elle seule sa Palme d’or.

Synopsis : Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu‘elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets…

SERIES 2018 – LE TOP 20

(au départ, je voulais faire un top 15…)

Affiche

1 – POSE S01
2 – THE HAUNTING OF HILL HOUSE S01
3 – THE AMERICANS S06 (FINAL)
4 – THE DEUCE S02
5 – THE MARVELOUS MRS MAISEL S01
6 – ACS : THE ASSASSINATION OF GIANNI VERSACE
7 – HIPPOCRATE S01
8 – HANDSMAID’S TALE S02
9 – WESTWORLD S02
10 – BETTER CALL SAUL S04
11 – SUCCESSION S01
12 – SHARP OBJECT S01
13 – THE FIRST S01
14 – THE BOLD TYPE S02
15 – COUNTERPART S01
16 – KILLING EVE S01
17 – LE BUREAU DES LEGENDES S04
18 – FUTURE MAN S01
19 – THE AFFAIR S04
20 – BODYGUARD S01

ROMA – Netflix

Roma : AfficheDe Alfonso Cuarón
Avec Yalitza Aparicio, Marina de Tavira, Nancy García

Chronique : Roma est le dernier film de Alfonso Cuarón. Alfonso Cuarón au cinéma, c’est Le fils de l’Homme, Gravity et probablement le meilleur des Harry Potter. Mais on ne pourra pas découvrir Roma, sur grand écran, il n’est disponible en France que sur Netflix. Pour ma part, ce fut donc sur mon téléviseur. Il est d’assez bonne qualité, je ne me plains pas, c’eut pu être sur ma tablette ou même dans le métro sur mon téléphone…
Donc, j’ai vu Roma. Mais même avec la meilleure volonté du monde, malgré son indéniable beauté, impossible de l’apprécier de la même manière que dans une salle obscure, d’être totalement impliqué dans l’expérience proposée par le réalisateur mexicain.
Roma demeure une œuvre de cinéma, intrinsèquement et indéniablement, mais n’ayant pu le découvrir comme telle, je ne lui appliquerai pas le système de notation que j’applique aux films que je découvre en salle. Ce qui ne m’empêche pas de partager mon avis, hein !
Roma frappe par la majesté de ses plans, des plans larges la plupart du temps, aux cadres travaillés, ciselés, quand ce ne sont pas des plans séquences d’une incroyable technicité, magnifiés par ce superbe et hypnotique noir & blanc.
Roma est beau, et son esthétique est un atout puissant, d’autant qu’il ne peut compter sur aucune musique additionnelle pour gonfler artificiellement l’impact qu’il peut avoir sur son spectateur.
Mais Roma puise aussi sa force dans la simplicité de son récit, l’évocation d’un quotidien, le poids de l’humain. Une chronique comme une carte postale d’un passé qu’on imagine très personnel.
Cuarón, évoque les petits bouleversements et les grands drames qui vont frapper une famille de classe moyenne et ses employées, en particulier Cleo, alors que la situation politique est de plus en plus instable à Mexico. Roma impose un rythme, son rythme, qui sans être lent reste peu soutenu. Il met longtemps (trop longtemps quand on est dans son canapé) pour poser les bases de son histoire, qui finit par s’emballer lorsque la petite histoire rencontre la grande. Les événements à Mexico vont provoquer des réactions en chaine qui vont impacter le destin de Cleo, mais sans combler totalement le déficit d’émotion de sa première partie, si ce n’est dans une dernière scène saisissante lors de laquelle la tension narrative rencontre enfin l’exceptionnel esthétisme de sa mise en scène.
Roma est selon son auteur et réalisateur, pleinement autobiographique. Il s’est basé sur les échanges qu’il a pu avoir avec la vraie Cleo et ses propres souvenirs (il était le cadet de la famille). On peut s’y intéresser… ou pas, mais on ne peut nier son exceptionnelle exécution formelle.

Synopsis : Ce film fait la chronique d’une année tumultueuse dans la vie d’une famille de la classe moyenne à Mexico au début des années 1970.

PUPILLE – 14/20

Pupille : AfficheDe Jeanne Herry
Avec Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche, Élodie Bouchez

Chronique : Pupille aborde de façon romancée le parcours du combattant qu’est l’adoption, présentant de manière très pertinente les nombreux intervenants de ce processus complexe, long et éprouvant.
Des futurs parents potentiels à la mère biologique, en passant par les infirmières, les psychologues, les assistantes sociales, les services d’aide à l’enfance…. Un récit romancé mais réaliste, s’appuyant sur des histoires forcément personnelles et intimes mais à la portée universelle et des personnages fouillés, construits, qui sont la vraie richesse de Pupille et créent une émotion bien réelle. Un peu comme Frédéric Tellier pour Sauver ou Périr avec Niney et Demoustier,  Jeanne Herry peut compter sur un casting solide et reconnaissable, des comédiens inspirés parmi les meilleurs du cinéma français (le désormais très crédible Gilles Lellouche, Sandrine Kiberlain, Elodie Bouchez ou Olivia Côte) pour rendre un hommage appuyé à ses professionnels de l’ombre qui changent des vies et des destins.

Synopsis : Théo est remis à l’adoption par sa mère biologique le jour de sa naissance. C’est un accouchement sous X. La mère à deux mois pour revenir sur sa décision…ou pas. Les services de l’aide sociale à l’enfance et le service adoption se mettent en mouvement. Les uns doivent s’occuper du bébé, le porter (au sens plein du terme) dans ce temps suspendu, cette phase d’incertitude. Les autres doivent trouver celle qui deviendra sa mère adoptante. Elle s’appelle Alice et cela fait dix ans qu’elle se bat pour avoir un enfant. PUPILLE est l’histoire de la rencontre entre Alice, 41 ans, et Théo, trois mois.

SAUVER OU PÉRIR – 13/20

Sauver ou périr : AfficheDe Frédéric Tellier
Avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier

Chronique : Dans un registre très réaliste, quasi documentaire, Frédéric Tellier plonge son acteur Pierre Niney dans le quotidien d’un Sapeur-Pompier sur le point de passer un examen qui lui permettra de mener sa brigade affronter les incendies. Sa première mission sera sa dernière.
Sauver ou Périr est très clairement scindé en deux parties distinctes, avant et après le drame qui défigurera Franck. La première décrit avec minutie la vie d’une caserne de pompier, l’exigence, l’investissement, le dévouement, le danger permanent et l’appréhension pour les proches. Le seconde suivra le combat, la convalescence et le désarroi d’un grand brûlé.
Dur, sans angélisme, mais en évitant tout pathos, Sauver ou Périr est bien foutu dans sa chronologie et son scénario, marquant parfaitement les étapes physique et psychologique de la reconstruction de Franck. Et si la première partie était un hommage appuyé aux pompiers, la seconde l’est tout autant vis-à-vis du corps hospitalier qui soigne aussi bien les corps que les états d’âme.
Cette deuxième braque la lumière de façon plus appuyée sur l’entourage de Franck, en particulier sa compagne pour qui la vie s’effondre également. Différemment mais tout autant. La sympathie naturelle, le charme et la bienveillance qui se dégagent d’Anaïs Demoustier rend immédiatement son personnage attachant, on souffre avec elle, on comprend sa détresse, sa solitude, sa culpabilité parfois. Et bien sûr, Niney livre une prestation majuscule. Je ne l’avais jusque-là jamais trouvé très juste dans ses partitions dramatiques, toujours un peu à côté, un peu en force (Frantz, L’Odyssée, Yves Saint Laurent), alors que son timing comique le rend irrésistible dans les comédies (20 ans d’écart, Five). Avec Sauver ou Périr, il semble avoir passer un sacré cap dans son jeu en termes de maturité. Il est plus posé, délivre toujours la bonne attention, la bonne émotion. Il est l’atout principal du long métrage.

Synopsis : Franck est Sapeur-Pompier de Paris. Il sauve des gens. Il vit dans la caserne avec sa femme qui accouche de jumelles. Il est heureux. Lors d’une intervention sur un incendie, il se sacrifie pour sauver ses hommes. A son réveil dans un centre de traitement des Grands Brûlés, il comprend que son visage a fondu dans les flammes. Il va devoir réapprendre à vivre, et accepter d’être sauvé à son tour.

ASTÉRIX ET LE SECRET DE LA POTION MAGIQUE – 13/20

Astérix - Le Secret de la Potion Magique : AfficheDe Louis Clichy, Alexandre Astier
Avec Bernard Alane, Christian Clavier, Guillaume Briat

Chronique : Si le Astérix et Cléopâtre de Chabat reste indélogeable tout en haut du classement des adaptations cinématographiques des aventures des irréductibles gaulois , le premier film en animation d’Alexandre Astier et Louis Clichy (Le Domaine des Dieux) avait montré qu’une deuxième voie (voix) était possible.
Le Secret de la Potion magique renforce cette impression, d’autant qu’il s’agit d’une histoire originale qui permet aux auteurs d’apporter une touche de modernité tout en conservant pleinement l’esprit potache et bon enfant de la bande dessiné.
Le film confirme que l’humour de Kaamelot est définitivement soluble dans l’univers de Uderzo et Gosciny. Si le scénario ne brille pas forcément par son audace (bien que l’idée de faire de Panoramix le personnage principal est bien trouvée), l’animation est aboutie et fluide, la mise en scène vive et sans temps mort et le rythme soutenu. Mais ce sont surtout les dialogues qui régalent. Les fans d’Astier savoureront ces répliques délicieuses offertes servis par un casting de voix absolument parfait et toujours dans le ton de l’auteur. On adore toujours autant Eli Semoun en troufion, Lionnel Astier en Cétautomatix et ou Serge Papagalli en Abraracourcix, on découvre François Morel en Ordralfabetix et Olivier Saladin, en sénateur Tomcrus, nouveau personnage absolument hilarant.
Il vaut mieux aimer Kaamelot pour l’apprécier à sa juste valeur, mais au-delà de ça, Le Secret de la Potion Magique s’avère un très honorable divertissement familial. Validé.

Synopsis : À la suite d’une chute lors de la cueillette du gui, le druide Panoramix décide qu’il est temps d’assurer l’avenir du village. Accompagné d’Astérix et Obélix, il entreprend de parcourir le monde gaulois à la recherche d’un jeune druide talentueux à qui transmettre le Secret de la Potion Magique…

SPIDER-MAN : NEW GENERATION – 15/20

Spider-Man : New Generation : AfficheDe Bob Persichetti, Peter Ramsey

Chronique : Et ainsi le meilleur film de super-héros de l’année est un animé. Spider-man : Into the Spider-verse (pour reprendre le titre original, bien plus parlant), est graphiquement splendide et excelle dans sa manière de rendre un hommage presque déférent au comics, tout en offrant un surprenant et salvateur rebond narratif à l’homme araignée au cinéma. Son esthétique hybride et son imagerie pop art étincelante éblouissent et ne ressemble à rien de connu. Le pari d’une animation entamée à l’ordinateur et terminée à la main est plus que payant. Elle confère à Into the Spiderverse un style novateur et singulier, réussissant allègrement le grand écart entre bulles de BDs, pointillisme et effets 3D.
Outre son style percutant, l’écriture et le parti pris scénaristique permettent de rebooster la hype autour d’un super-héros qu’on pensait exsangue. En enfilant le costume de son héros métisse Miles Morales, Spider-man se réinvente dans une aventure maline et stimulante tout en se connectant à la fois à son glorieux passé (en faisant de Peter Parker le mentor) et sans doute à son futur en convoquant des déclinaisons du tisseur geeks, féminines, ou improbables (oui, Spider-cochon). C’est fun, intelligent, vif, misant sur la diversité et la bienveillance pour véhiculer un message positif que véhicule fièrement l’imparable tagline « tout le monde peut porter le masque ».
Porté par une tracklist démente et un humour rafraîchissant, Spider-man : Into the Spider-verse est tout ce qu’un film sur l’homme-araignée doit être. Peu importe qui l’incarne, chacun doit pouvoir s’y identifier.
Le film de Peter Ramsey et Bob Persichetti s’impose peut-être bien comme sa plus fidèle et réussie adaptation au cinéma. Courez-y.

Synopsis : Spider-Man : New Generation suit les aventures de Miles Morales, un adolescent afro-américain et portoricain qui vit à Brooklyn et s’efforce de s’intégrer dans son nouveau collège à Manhattan. Mais la vie de Miles se complique quand il se fait mordre par une araignée radioactive et se découvre des super-pouvoirs : il est désormais capable d’empoisonner ses adversaires, de se camoufler, de coller littéralement aux murs et aux plafonds ; son ouïe est démultipliée… Dans le même temps, le plus redoutable cerveau criminel de la ville, le Caïd, a mis au point un accélérateur de particules nucléaires capable d’ouvrir un portail sur d’autres univers. Son invention va provoquer l’arrivée de plusieurs autres versions de Spider-Man dans le monde de Miles, dont un Peter Parker plus âgé, Spider-Gwen, Spider-Man Noir, Spider-Cochon et Peni Parker, venue d’un dessin animé japonais.

LETO – 13/20

Leto : AfficheDe Kirill Serebrennikov
Avec Roman Bilyk, Irina Starshenbaum, Teo Yoo

Chronique : Il souffle un air vibrant de liberté sur Leto, le film de Kirill Serebrennikov. Du fait de son sujet évidemment, l’émancipation par le rock d’une jeunesse soviétique, mais aussi, et peut-être surtout, à travers son style iconoclaste, débordant les cadres et cassant les codes. Ce n’est pas tant l’élégant et classieux noir et blanc qui étonne, mais plutôt les embardées lyriques et poétiques qui extraient le film de la réalité. Un personnage fantoche et énigmatique, sans doute la voix du réalisateur, apparait régulièrement pour nous rappeler que « ça n’est pas arrivé » lors de numéros musicaux fantasmés et tous exaltants. Une rébellion punk dans un train de banlieue, des usagers fredonnant The Passenger d’Iggy Pop dans un tramway blindé, une femme trompée et désespérée hurlant Perfect Day de Lou Reed sous une pluie battante, autant de passages géniaux sublimés par une brillante idée de mise en scène, des incrustations à l’image au trait blanc venant appuyer le côté pop, doux ou énervé de chacun. Cet effet revient souvent, mais il n’est pas le seul. Lorsque Serebrennikoc revient à la couleur, c’est pour diffuser des images filmées en 8mm, comme si ses personnages s’extrayaient du réel, imaginant un monde meilleur. Le film se termine sur des reconstitutions jubilatoires par les personnages des pochettes les plus célèbres de l’histoire du rock, toujours avec style. La musique est clé dans Leto, elle traverse le film, le porte, comble les vides. Elle éclaire un moment charnière de l’URSS alors que les prémisses de la perestroïka se font sentir. La censure se fait moins répressive, le pouvoir lâche un peu de lest à cette jeunesse qu’elle souhaite reconquérir tout en maîtrisant son discours. Cela donne lieu à de drôles de scènes, comme l’introduction de Leto, un concert de rock bien étrange, qu’on autorise du bout des doigts, au cours duquel on frappe à peine des mains, où l’on guette les battements de pieds à réprimer mais que tout le monde rêve de voir s’enflammer. Cet entre-deux plus permissif est le terrain de jeu libertaire idéal de Leto.
Dommage qu’un triangle amoureux dépassionné et ennuyeux vienne diluer inutilement cet élan émancipateur que porte la musique et ce mouvement punk-rock moins contraint qui cherche à sortir de l’underground sans y perdre son âme. Elle atténue la pertinence de la photographie de cette jeunesse enfin joyeuse mais consciente de ce qui est en jeu. Malgré son bel onirisme et ses trouvailles visuels, Leto s’étend inutilement en romantisme froid, et aurait mérité d’être plus resserré pour conserver l’impact qu’il est censé produire.

Synopsis : Leningrad. Un été du début des années 80. En amont de la Perestroïka, les disques de Lou Reed et de David Bowie s’échangent en contrebande, et une scène rock émerge. Mike et sa femme la belle Natacha rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique.

LES VEUVES – 12/20

Les Veuves : AfficheDe Steve McQueen (II)
Avec Viola Davis, Michelle Rodriguez, Elizabeth Debicki

Chronique : Thriller au style affirmé et racé, Les Veuves porte clairement la marque de son réalisateur, Steve McQueen (II) . Sophistication des plans (ce petit parcours en voiture avec Colin Farrel), montage acéré, caractérisation poussée des personnages, sa mise en scène est aussi riche et travaillée qu’utile au récit. On retrouve bien la maitrise formelle insolente de Hunger, Shame ou 12 Years of Slave, les précédents films du réalisateur. Si le fond des Veuves est clairement plus trivial, c’est aussi que le scénario vaut moins pour son pan « film de braquage » que pour les messages qu’il envoie et le milieu qu’il décrit. Ecrit avec l’aide de Gillian Flynn, auteure de Gone Girl et Sharp Object, Les Veuves propose sans surprise son lot de twists, mais c’est loin d’être ce qu’il réussit le mieux. Le scénario manque globalement d’originalité et si l’on apprécie l’ambiance mafieuse autour des combines politiques de Chicago, c’est surtout la caractérisation de personnages féminins et la posture féministe du film qui prévaut. Des femmes fortes, qui prennent leur destin en main, des femmes complexes et plurielles, avec leurs zones d’ombre et de violence. Ces femmes que Flynn aime à créer dans ses romans et ses scénarios d’un élan féministe qu’elle ne veut pas manichéen. McQueen l’a bien compris et met son élégante mise en scène à leur service, aidée par une distribution haut de gamme au-dessus de laquelle trône l’impressionnante (au sens propre) queen Viola Davis.

Synopsis : Chicago, de nos jours. Quatre femmes qui ne se connaissent pas. Leurs maris viennent de mourir lors d’un braquage qui a mal tourné, les laissant avec une lourde dette à rembourser. Elles n’ont rien en commun mais décident d’unir leurs forces pour terminer ce que leurs époux avaient commencé. Et prendre leur propre destin en main…