MON BÉBÉ – 13/20

Mon Bébé : AfficheDe Lisa Azuelos
Avec Sandrine Kiberlain, Thaïs Alessandrin, Victor Belmondo

Chronique : 10 années plus tard, Lisa Azuelos offre une sorte de sequel à LOL, sa chronique adolescente devenue culte sur la jeunesse dorée parisienne (elle-même simili-suite méta de la Boum).
Plus mûr, plus travaillé sur la forme, plus profond sur le fond, Mon Bébé prend le parti de déplacer le point de vue du côté de la mère de famille, alors que son dernier enfant quitte le nid familial. Le pitch, simple, et son traitement, parfois simpliste, a surtout pour objectif totalement assumé d’offrir à Sandrine Kiberlain un rôle à la mesure de son immense talent comique. Et elle embrasse ce personnage de jeune mère quinqua un peu déphasée avec délectation, faisant preuve d’une justesse délicieuse dans le tempo. Elle s’approprie des dialogues qui lui siéent à merveille, excelle aussi bien dans la mauvaise foi que dans l’affection la plus pure.
Elle dévore l’écran et l’espace, mais plus portée par une forme d’insouciance que d’égoïsme, laissant de la place aux autres personnages, ses enfants notamment, globalement très bien interprétés.
Le propos reste assez léger et empreint d’une certaine futilité, (hormis la scène très forte de la séparation) les enjeux sont limités, mais c’est très agréable, Lisa Azuelos soignant sa mise en scène, jouant sur la chronologie avec clarté et poésie.
Bercé par la jolie musique de Yaël Naim, Mon Bébé navigue sans niaiserie entre fantaisie et tendresse. Et c’est bien.

Synopsis : Héloïse est mère de trois enfants. Jade, sa « petite dernière », vient d’avoir dix-huit ans et va bientôt quitter le nid pour continuer ses études au Canada.
Au fur et à mesure que le couperet du baccalauréat et du départ de Jade se rapproche, et dans le stress que cela représente, Héloïse se remémore leurs souvenirs partagés, ceux d’une tendre et fusionnelle relation mère-fille, et anticipe ce départ en jouant les apprenties cinéastes avec son IPhone, de peur que certains souvenirs ne lui échappent…
Elle veut tellement profiter de ces derniers moments ensemble, qu’elle en oublierait presque de vivre le présent, dans la joie et la complicité qu’elle a toujours su créer avec sa fille, « son bébé ».

MA VIE AVEC JOHN F. DONOVAN – 12/20

Ma vie avec John F. Donovan : AfficheDe Xavier Dolan
Avec Kit Harington, Jacob Tremblay, Susan Sarandon

Chronique : Xavier Dolan laisse rarement indifférent. On aime ou pas son style, mais on ne peut pas lui retirer la sincérité de son cinéma ni son engagement total et sans concession. Il est tout aussi difficile de nier ce talent peu commun qui lui permet d’allier sophistication et émotion brute. Ça peut parfois sembler excessif ou passer pour de l’arrogance, mais il assume surtout une vision sûre et éclairée de son art. Personnellement j’aime beaucoup.
Ma Vie avec John F. Donovan Premier est son premier film en langue anglaise. Un film au parcours extrêmement compliqué, un destin de film maudit. Pourtant, il s’avère très personnel, un film somme des obsessions du cinéastes, qui plus est nourries par la culture pop des années 90.
On y retrouve des thématiques chères à Dolan, comme l’acceptation de soi et de son identité sexuelle, la crainte du jugement des autres (le réalisateur n’a jamais caché avoir besoin de se sentir aimé et de savoir son travail apprécié), et évidemment son crédo, l’amour maternel, inconditionnel et dévorant. Sans doute enrichi par l’expérience de sa renommée précoce, Dolan tente d’englober toutes ces thématiques dans une chronique intimiste sur les affres de la célébrité et les dérives du show business.
Tout y est donc. Mais ça ne prend pas complétement. Sans doute le cinéaste avait-il justement trop à dire, trop à montrer (on parle d’une version de 4h).
C’est comme si, trop occupé à trouver une cohérence à son script, un fil conducteur convaincant à son récit, il en a négligé son style. Bien sûr Ma Vie avec F. Donovan est truffé de fulgurances, de moments de cinéma purs (la boîte, la salle de bain). Bien sûr, la musique est parfaitement accordée à sa mise en scène. Mais son talent, évident, se noie dans un script dont il ne se sort pas, ou de manière forcée. Peut-être aurait-il pu d’avantage jouer sur le mystère ou l’ellipse (cette correspondance a-t-elle seulement existée ?). Sans doute aurait-il dû se défaire de cette structure figée que lui impose l’exercice de l’interview filmée et qui sied bien mal à son style viscéral et le plus fréquemment basé sur le mouvement.
Mais une chose reste immuable dans le cinéma de Dolan, c’est son amour pour les comédiens et son don évident pour la direction d’acteurs. Il gère parfaitement le phénomène Jacob Tremblay, magnifie Portman et Sarandon en figures maternelles. Même Jon Snow convainc largement.
Mais ce n’est simplement pas suffisant, en particulier au regard des hauts standards auxquels Xavier Dolan nous avait habitué.
Ma vie avec John F. Donovan est loin d’être une catastrophe, mais laisse un sentiment d’inaccompli.

Synopsis : Dix ans après la mort d’une vedette de la télévision américaine, un jeune acteur se remémore la correspondance jadis entretenue avec cet homme, de même que l’impact que ces lettres ont eu sur leurs vies respectives.

CAPTAIN MARVEL – 11,5/20

Captain Marvel : AfficheDe Anna Boden, Ryan Fleck
Avec Brie Larson, Samuel L. Jackson, Jude Law

Chronique : Le nouvel épisode du MCU était attendu à plus d’un titre. Captain Marvel introduit en effet la super-héroïne supposée être la plus puissante des comics, mais surtout c’est UNE super-héroïne. Pour la première fois, un personnage féminin occupe seule le haut de l’affiche d’une superproduction Marvel. Et son traitement est plutôt intéressant. Vers/Carol Danvers n’a pas de love interest ni d’amourette, elle se construit et se découvre seul et se définit par sa capacité à s’émanciper de l’emprise de ses mentors masculins. C’est un personnage fort et déterminé et pas seulement grâce à ses pouvoirs. Les efforts du scénario pour en faire une héroïne féministe pour ce qu’elle est et non pour ses combats sont louables.
Malheureusement le résultat n’est pas à la hauteur des attentes. La faute à une réalisation fade et sans personnalité, particulièrement dans une première partie ringarde et confuse, qui flirte avec le pire de la SF des années 90. Pour peu, on se croirait dans un vieux Star Trek. Les années 90 justement, le film n’en fait qu’un gimmick comique et musical. Il lance quelques clins d’œil, mais aucune référence historique ou culturelle qui assiérait l’originalité du projet (on se retrouve vite dans un building intemporel).
Le scénario expédie aussi l’origin story au profit de l’action, en balançant quelques flash-backs sans saveur pour appuyer les interrogations de Vers sur son passé. Et en dépit d’une durée de plus de deux heures, le scénario développe peu les personnages secondaires, préférant se concentrer sur une intrigue spatiale peu emballante. On s’ennuie poliment, ce qui est d’autant plus dommage que Captain Marvel aurait pu faire preuve de plus d’audace, étant chronologiquement antérieur aux autres films du MCU, et donc moins dans l’obligation d’y faire référence.
Reste la belle dynamique insufflée par le duo Brie Larson / Samuel L. Jackson qui font preuve d’une évidente complicité. L’actrice, plus habituée aux productions indépendantes, se fond avec une épatante facilité dans le costume flamboyant de la super-héroïne, lui conférant son authenticité et sa détermination. Son charisme naturel devrait lui offrir un blanc-seing pour rejoindre les autres Avengers. S’il est à mon sens l’un des plus faibles opus du MCU, Captain Marvel joue son rôle d’honnête divertissement pour faire patienter les fans jusqu’au grand final qui s’annonce. Parce qu’au fond, on attend que ça, non?

Synopsis : Captain Marvel raconte l’histoire de Carol Danvers qui va devenir l’une des super-héroïnes les plus puissantes de l’univers lorsque la Terre se révèle l’enjeu d’une guerre galactique entre deux races extraterrestres.

MARIE STUART, REINE D’ÉCOSSE -12,5/20

Marie Stuart, Reine d'Ecosse : AfficheDe Josie Rourke
Avec Saoirse Ronan, Margot Robbie

Chronique : Drame historique à la fois précis et romanesque, Marie Stuart déploie un sens aigu de la reconstitution tout en dressant un double portrait de femmes à poigne particulièrement habité.
Majestueuse dans ses plans extérieurs capturant l’immensité des plateaux écossais, plus rugueuse lorsqu’elle se concentre sur une vie de château finalement assez spartiate ou sur la brutalité de combats éclairs et sanglant, la mise en scène de Josie Rourke semble retranscrire l’époque assez fidèlement
Mais le film se distingue surtout par la manière dont il appréhende les jeux de pouvoirs, la malice des complots politiques, les trahisons, le poids du dénigrement public et des rumeurs sur l’opinion public. On reconnait dans la fictionnalisation des faits la patte de Beau Williamson, créateur de House of Cards. Finalement, les choses n’ont pas tellement changé…
Au-delà d’un réel intérêt historique, même romancé, Marie Stuart, Reine d’Ecosse offre aussi et surtout une très pertinente peinture féministe, mettant en scène l’affrontement de deux souveraines qui refusent de se soumettre aux hommes qui dirigent le monde. Leur rivalité est toute aussi frappante que leur tacite complicité, et il y a dans leur manière de correspondre une mutuelle compréhension, quelque chose qui les lient irrémédiablement. Leur statut, mais aussi leur façon de faire front et d’exprimer rage et détermination face à un pouvoir phallocrate les rapproche plus qu’elle ne les oppose. L’unique scène de confrontation, intense et humaine, est en ce sens explicite.
Marie Stuart est également marquée par la présence lumineuse de Saoirse Ronan, solaire et déterminée face à son tragique destin, fascinante en figure féministe libre et rebelle. Actrice intuitive et envoûtante, dont le talent discret a déjà largement éclaboussé le cinéma indépendant américain (Brooklyn, Lady Bird, Grand Budapest Hotel…), elle suit les pas des Scarlett Johansson ou Jennifer Lawrence. On lui (nous) souhaite simplement de ne pas succomber trop vite aux sirènes des films super-héroïques et de réserver encore un moment son talent au cinéma d’auteur…

Synopsis : Le destin tumultueux de la charismatique Marie Stuart. Épouse du Roi de France à 16 ans, elle se retrouve veuve à 18 ans et refuse de se remarier conformément à la tradition. Au lieu de cela elle repart dans son Écosse natale réclamer le trône qui lui revient de droit. Mais la poigne d’Élisabeth Iʳᵉ s’étend aussi bien sur l’Angleterre que l’Écosse. Les deux jeunes reines ne tardent pas à devenir de véritables sœurs ennemies et, entre peur et fascination réciproques, se battent pour la couronne d’Angleterre. Rivales aussi bien en pouvoir qu’en amour, toutes deux régnant sur un monde dirigé par des hommes, elles doivent impérativement statuer entre les liens du mariage ou leur indépendance. Mais Marie menace la souveraineté d’Elisabeth. Leurs deux cours sont minées par la trahison, la conspiration et la révolte qui mettent en péril leurs deux trônes et menacent de changer le cours de l’Histoire.

CELLE QUE VOUS CROYEZ – 12/20

Celle que vous croyez : AfficheDe Safy Nebbou
Avec Juliette Binoche, François Civil, Nicole Garcia

Chronique : Celle Que Vous Croyez joue de manière un peu désordonnée sur le mélange des genres, associant thriller et drame intimiste. Safy Nebbou construit étrangement son récit, avec la volonté plus ou moins assumée de perdre son spectateur entre le réel et le fictif, le présent et le passé, la réalité et le fantasme. La réalisation est basique, basculant entre les séances de Claire chez sa psy et scènes de flash-back, mais le procédé finit par fonctionner, laissant le doute s’immiscer sur ce qui s’est réellement passé depuis que Claire a créé Clara. Le film exploite bien la maladive ultra-connexion de notre société, le pouvoir nocif des réseaux sociaux, l’emprise du virtuel et la peur panique du réel, tout en mettant en avant l’impunité et la puissance qu’ils peuvent conférer. Claire s’y perd, s’y épanouit, s’étourdit jusqu’à se confondre avec Clara. Et jusqu’à ce que sa vie et ses mensonges la rattrapent.
La manière dont Claire se prend à son propre piège n’est pas follement original, le coup de foudre virtuel pas totalement crédible, mais l’intrigue mène à une conclusion satisfaisante, dotée d’un twist efficace.
L’intérêt majeur de Celle que Vous Croyez réside cependant surtout dans le portrait de Claire, que Juliette Binoche incarne pleinement et férocement. Elle est magnifique, même lorsqu’elle n’y croit plus elle-même. Il n’y a pas tant de rôles de femmes de 50 ans si complexes et entiers au cinéma, faisant face à leurs désirs, leurs envies et leurs frustrations. Celle Que Vous Croyez démontre que ce sont parmi les plus intéressants.

Synopsis : Pour épier son amant Ludo, Claire Millaud, 50 ans, crée un faux profil sur les réseaux sociaux et devient Clara une magnifique jeune femme de 24 ans. Alex, l’ami de Ludo, est immédiatement séduit. Claire, prisonnière de son avatar, tombe éperdument amoureuse de lui. Si tout se joue dans le virtuel, les sentiments sont bien réels. Une histoire vertigineuse où réalité et mensonge se confondent.