ROULEZ JEUNESSE -13,5/20

Roulez jeunesse : AfficheDe Julien Guetta
Avec Eric Judor, Laure Calamy, Brigitte Roüan

Chronique : Roulez Jeunesse se présente tout d’abord comme comédie burlesque et populaire qui déroulerait sereinement un canevas éprouvé, un gars ordinaire qui se retrouve dans une situation extraordinaire. Ici Alex, 43 ans, célibataire endurci qui se retrouve avec trois mômes qu’il ne connait pas sur les bras. Un sujet léger et un pitch idéal pour multiplier gags et quiproquos. Or contre toutes attentes Julien Guetta fait prendre à son histoire un virage surprenant vers la chronique sociale. Car oui, Roulez Jeunesse est drôle, mais pas que. Alors qu’Alex commence à s’attacher à cette fratrie inattendue, le fond du sujet prend de plus en plus d’épaisseur et révèle des enjeux plus complexes, sur la misère sociale et la distension des liens familiaux. C’est tout le talent du réalisateur et de son acteur principal que de nous saisir au milieu du gué et nous orienter avec douceur et sincérité vers une narration inattendue.
Eric Judor se révèle d’une épatante finesse dans sa manière d’appréhender son personnage. S’il conserve son ton singulier, il s’aventure dans un registre plus empathique et flirte avec la comédie dramatique, sans se renier mais en dévoilant une sensibilité qu’on ne lui connaissait pas. Plus globalement, le casting est admirablement homogène. Les gamins sont géniaux, (mention pour le jeune interprète de Kurt), et les rôles féminins (Laure Calamy, Brigitte Rouän) sont particulièrement bien défendus.
Après Problemos qu’il avait lui-même réaliser, Eric Judor confirme qu’il fait du bien à la comédie française en tentant de l’emmener sur des chemins de traverse. On le suit très volontiers.

Synopsis : Alex, 43 ans, est dépanneur automobile dans le garage que dirige d’une main de fer sa mère. Un jour, il dépanne une jeune femme et passe la nuit chez elle, mais au petit matin elle a disparu lui laissant sur les bras trois enfants.

THE GUILTY – 12,5/20

The Guilty : AfficheDe Gustav Möller
Avec Jakob Cedergren, Jakob Ulrik Lohmann, Laura Bro

Chronique : The Guilty est un film concept. Il capitalise pleinement et efficacement sur son idée de départ, un huis-clos en temps réel raconté exclusivement du point de vue d’un policier pendu au téléphone (celui du service des urgences de la police pour lequel il travaille temporairement ou son téléphone personnel). L’histoire progresse en fonction des conversations qu’il peut avoir, avec pour point de départ l’appel d’une jeune femme visiblement victime d’un enlèvement. La mise en scène de Gustav Möller est un véritable tour de force, captant l’attention très rapidement et créant en permanence un sentiment d’urgence et de danger. Sa caméra filme son héros au plus près, soulignant au passage une très grosse performance de son acteur principal Jakob Cedergren qui ne quitte jamais l’écran. Sans jamais sortir du centre d’appels, elle scrute chacune de ses réactions, ses silences, ses mots soigneusement choisis et la moindre expression qui apparaît sur son visage. Möller fait appel à l’imagination du spectateur qui n’a d’autre choix que de se créer sa propre représentation mentale des événements, n’ayant comme indices que les conversations d’Anders et ses réactions. Le travail sur le son y est particulièrement soigné et prépondérant dans la perception du spectateur. The Guilty a donc tous les atouts pour nous scotcher à notre fauteuil pendant les 1h25 que dure le film.
Mais, car il y a un mais, le réalisateur finit par se retrouver otage de son concept. Une fois le twist principal révélé (une révélation choc mais attendue), le scénario souffre pour maintenir la tension qu’il a progressivement et soigneusement installé, et le mystère ne suffit plus à masquer les grosses ficelles qu’il a jusqu’à là discrètement tirées. Le procédé, assez usant, finit lui aussi par lasser, d’autant plus que le personnage d’Anders est inutilement chargé. L’intrigue principale était suffisamment prenante pour ne pas à avoir à se disperser sur son background peu clair.
The Guilty est une indéniable réussite formelle, avec une mise en scène au service de son concept et particulièrement inspirée. Mais comme souvent lorsqu’une histoire repose sur un concept fort, celui-ci la vampirise progressivement. Reste que sa singularité, sa maîtrise formelle et sa construction originale valent franchement le détour.

Synopsis : Une femme, victime d’un kidnapping, contacte les urgences de la police. La ligne est coupée brutalement. Pour la retrouver, le policier qui a reçu l’appel ne peut compter que sur son intuition, son imagination et son téléphone.

ANT-MAN ET LA GUÊPE – 13,5/20

Ant-Man et la Guêpe : AfficheDe Peyton Reed
Avec Paul Rudd, Evangeline Lilly, Michael Peña

Chronique : Après l’épique et impressionnant film somme que fut Infinity War, Ant-man et la Guêpe était annoncé comme un Marvel mineur, un petit plaisir inconséquent avec pour seule mission de faire patienter les fans avant la conclusion tant attendue du combat des Avengers contre Thanos. C’est effectivement le cas, mais ce n’est pas pour autant péjoratif.
Les aventures de l’homme fourmi ont leur propre identité, généralement annexe aux enjeux du MCU, un décor propre assez restreint (San Francisco, si cinégénique) et forment une sorte de parenthèse modeste et fun aux atours de comédie d’action à l’ancienne, dynamique et souvent très drôle. Et Marvel est tout aussi efficace dans cette démarche, si ce n’est plus, que dans les entreprises de grande destruction planétaire.
Cette suite confirme aussi tout le bien que l’on pense de Paul Rudd, dont le timing comique fait des ravages. Son association avec Evangeline Lilly (par ailleurs première héroïne éponyme Marvel) est très convaincante. Et Michael Pena et toujours aussi hilarant. On est par ailleurs tellement content de retrouver Michelle Pfeiffer dans le monde des super-héros, quelques (petites) années après sa cultissime et inégalable incarnation de Catwoman pour Burton.
Le film de Payton Reed est aussi bien troussé en termes d’action. Il joue avec malice sur les rapports de taille et les jeux de proportions en s’amusant à faire grandir et rapetisser toutes sortes d’objets du quotidien.
Malgré un scénario un peu brouillon et d’une inutile complexité dans son approche prétendument scientifique, Ant-man Et la Guêpe apporte malgré tout son petit écot au MCU en introduisant sur la fin des notions de monde quantique et de vortex temporel dont on se doute qu’ils seront repris dans le prochain Avengers.
Ant-man fait partie de ces « petits » films Marvel, avec pour seule ambition de divertir par un peu d’action et beaucoup de fun. En cela, Ant-man et la Guêpe est aussi réussi que son aîné.

Synopsis : Après les événements survenus dans Captain America : Civil War, Scott Lang a bien du mal à concilier sa vie de super-héros et ses responsabilités de père. Mais ses réflexions sur les conséquences de ses choix tournent court lorsque Hope van Dyne et le Dr Hank Pym lui confient une nouvelle mission urgente… Scott va devoir renfiler son costume et apprendre à se battre aux côtés de La Guêpe afin de faire la lumière sur des secrets enfouis de longue date…

LES INDESTRUCTIBLES 2 – 14,5/20

Les Indestructibles 2 : AfficheDe Brad Bird

Chronique : A l’instar du premier opus en son temps, Les Indestructibles 2 se place haut la main parmi les meilleurs films d’action de l’année. Du très grand spectacle, rythmé et malin, une animation splendide, fluide, colorée et une mise en scène précise et inventive.
Le récit défile à 100 à l’heure, sans temps mort, ce qui est en soi une forme d’exploit pour un film d’animation approchant les 2 heures. Le scénario rigoureux et dans l’ère du temps confirme l’excellence de Brad Bird à la réalisation. Sa mise en scène fourmille d’idées formidables et capitalisent à merveille sur l’univers de super-héros vintage créé il y a 15 ans.
Il s’appuie toujours sur la problématique de la visibilité des minorités (les super-héros doivent-ils vivre cachés ?), mais la double d’un discours féministe puissant et souvent présenté avec humour (donc intelligemment). Car I2 n’oublie pas d’être drôle. Il l’est même souvent. Lorsqu’on retrouve Edna bien sûr, l’inénarrable styliste, mais surtout grâce à la place plus large accordée à Jack Jack, le petit dernier, dont chaque intervention est un savoureux et inépuisable mélange de mignonneté et de drôlerie. La vie d’homme au foyer de M. Indestructible, bien que sous-exploitée, est aussi en soi une source de réjouissance. Bird continue d’ailleurs d’approfondir les relations entre les membres de cette famille (extra)-ordinaire avec, on l’a dit, un focus plus marqué sur la mère et la fille. Si l’intrigue est assez classique, elle s’attache à éviter le manichéisme et à toujours donner une origine aux agissements des bad guys (dont l’identité fait peu de doute). Comme souvent chez Pixar, c’est un trauma fort dans l’enfance qui a conduit à en faire de grands vilains, la dimension humaine prime toujours.
On peut donc le dire sans risque, ces Indestructibles sont toujours aussi Super. Ils auront mis 14 ans à revenir, mais cela valait le coup d’attendre.

Synopsis : Notre famille de super-héros préférée est de retour! Cette fois c’est Hélène qui se retrouve sur le devant de la scène laissant à Bob le soin de mener à bien les mille et une missions de la vie quotidienne et de s’occuper de Violette, Flèche et de bébé Jack-Jack. C’est un changement de rythme difficile pour la famille d’autant que personne ne mesure réellement l’étendue des incroyables pouvoirs du petit dernier… Lorsqu’un nouvel ennemi fait surface, la famille et Frozone vont devoir s’allier comme jamais pour déjouer son plan machiavélique.

LOVE, SIMON – 14/20

Love, Simon : AfficheDe Greg Berlanti
Avec Nick Robinson, Jennifer Garner, Josh Duhamel

Chronique : Charmant coming of age movie bien ficelé, Love, Simon fait largement appel aux canons du genre : une pointe d’humour, de jolies trognes au casting, son lot de petits moments émotion et un montage rythmé par une bande son pop sympathiquement consensuelle. Il s’agirait d’un teen movie parmi d’autres que rien de vraiment original ne viendrait distinguer si le personnage en question, autour duquel gravite toutes les intrigues, n’était pas gay. Une première pour un film de studio mainstream, et ce n’est pas rien.
Au-delà du message positif qu’il véhicule et du traitement léger dont il bénéficie, Love, Simon n’aborde pas l’homosexualité par le prisme du drame, de la maladie ou du déclassement social, comme c’est le cas la plupart du temps. Il exprime avec simplicité le malaise d’un adolescent à la veille d’une étape fondatrice de sa vie d’adulte, d’un passage obligé, qui même au sein d’un environnement bienveillant (comme c’est le cas pour Simon) demeurera toujours un moment douloureux et profondément intime. Une démarche singulière, propre à la communauté LGBT qui est d’ailleurs astucieusement détournée dans le film lorsque le héros imagine ses amis faire leur coming-out hétérosexuel. Une démonstration par l’absurde amusante et efficace.
Au-delà de l’évidence et de la pertinence du message, Love, Simon est aussi une romcom mignonne et enlevée, qui évite tant qu’il peut les niaiseries tout en suivant une intrigue pas plus idiote que dans un film de Meg Ryan ou Julia Roberts. On se demande en effet jusqu’au dénouement qui est ce Blue qui a écrit le message qui a tout déclenché. La situation prête à de drôles de quiproquos lorsque Simon croit deviner Blue en chaque garçon qu’il croise. Elle fait partie des quelques sympathiques idées d’une mise en scène au-delà de ça très classique mais au service de son histoire.
Si sur la forme, Love, Simon est très loin de révolutionner le genre de la comédie romantique, il marque sur le fond un puissant changement de perspective. Que ce film existe, qu’il soit pour beaucoup de jeunes gens un premier contact avec l’expérience du coming-out qui ne soit ni violent, ni traumatisant comble un manque. Car c’est une évidence, de nombreuses générations d’adolescents auraient aimé découvrir Love, Simon à leurs 17 ans.

Synopsis : On mérite tous une première grande histoire d’amour. Pourtant pour le jeune Simon, c’est compliqué. Il a une vie normale, dans une famille qu’il adore, et est entouré d’amis extraordinaires, mais il garde pour lui un grand secret : personne ne sait qu’il est gay et il ne connaît pas l’identité de son premier coup de coeur, avec qui il communique en ligne. Alors que son secret est menacé d’être révélé, la vie de Simon bascule dans une aventure aussi drôle que bouleversante… Ses amis prendront alors une place essentielle pour l’aider à changer sa vie et découvrir le premier amour.

TULLY – 11,5/20

Tully : AfficheDe Jason Reitman
Avec Charlize Theron, Mackenzie Davis, Ron Livingston

Chronique : Portrait sans concession et anti-glamour d’une mère de famille au bord de l’épuisement, Tully pulvérise le fantasme de la femme parfaite façon puzzle. Dans la peau de cette femme enceinte jusqu’au cou de son troisième enfant, Charlize Theron martyrise son corps de rêve et son impeccable silhouette, offrant une performance une nouvelle fois majuscule. Au-delà de la transformation physique, elle apporte une crédibilité saisissante à son personnage. Son regard éteint, son corps meurtri par les grossesses successives, son mal-être palpable qu’elle camoufle derrière une volonté de tout bien faire, sa bienveillance auprès d’un mari gentil mais un poil fainéant, rien dans l’interprétation de Marlo ne sonne jamais faux.
Lorsqu’arrive son dernier né, elle finit par accepter la proposition de son frère de lui procurer une aide nocturne pour surmonter son baby blues. Débarque donc Tully, jeune femme pleine de vie et de bienveillance, qui semble parvenir à sortir Marlo de la dépression. Mais c’est une relation étrange qui se noue entre les deux femmes. On ne saisit pas tout à fait ce qui motive Tully. On se demande où ce scénario veut bien nous mener, jusqu’à un dénouement peu satisfaisant.
On se dit un peu « tout ça pour ça ». D’autant que le film n’est pas vraiment drôle, plutôt doux amère et mélancolique, comme nostalgique d’un passé insouciant révolu. Tully joue un peu le rôle d’un miroir grossissant pour la quadragénaire qu’est Marlo.
En jouant forcément un peu sur le caractère répétitif et redondant des tâches d’une mère au foyer, Tully peut parfois en être victime et souffrir d’un certain manque de rythme.
Privé de la légèreté qui parcourait Juno ou de la force du personnage trash interprétée par Theron dans Young Adult (déjà un peu paresseux sur le scénario), Tully interpelle peu et nous laisse au final assez indifférents.

Synopsis : Marlo, la petite quarantaine, vient d’avoir son troisième enfant. Entre son corps malmené par les grossesses qu’elle ne reconnaît plus, les nuits sans sommeil, les repas à préparer, les lessives incessantes et ses deux aînés qui ne lui laissent aucun répit, elle est au bout du rouleau.
Un soir, son frère lui propose de lui offrir, comme cadeau de naissance, une nounou de nuit. D’abord réticente, elle finit par accepter. Du jour au lendemain, sa vie va changer avec l’arrivée de Tully…

UN COUTEAU DANS LE CŒUR – 14/20

Un Couteau Dans le Coeur : AfficheDe Yann Gonzalez
Avec Vanessa Paradis, Nicolas Maury, Kate Moran

Chronique : Porn, kitch, psychédélique, un Couteau dans le cœur construit son univers cru et singulier en reprenant les codes des films fauchés et visuellement très référencés des années 70 sans pour autant les grimer.
Riche de cet héritage, Yann Gonzales n’est pas lui-même avare d’outrance, que ce soit dans sa mise en scène ou à travers la musique qui l’accompagne. Mais il le fait avec style, une certaine élégance et un talent lui permettant d’offrir d’enthousiasmante scènes d’ambiance, essentiellement lorsqu’on s’éloigne des plateaux (la boîte lesbienne, la forêt).
De ses visées très premiers degrés et décadentes à une certaine élévation onirique, Gonzales mène sa barque de manière audacieuse. Tout en respectant sincèrement son parti pris de faire d’Un Couteau dans le Cœur un thriller homoérotique, il développe avec une belle évidence les liens entre ses personnages, créant un esprit de groupe, quasiment de troupe, qui se matérialise en une forme de solidarité naturelle entre ces outcast.
Son film est cru, à part, et marqué par l’interprétation fiévreuse d’une Vanessa Paradis flirtant avec la folie. Une prestation étonnante qui, à deux ou trois écarts près, crédibilise totalement l’actrice dans cet univers underground bien éloigné de son image. Son compère Nicolas Maury, starisé par la série Dix Pour Cent, est la caution humoristique du film, et il joue ce rôle à merveille. Autour d’eux, une galerie de personnages forts et baroques, se fondant naturellement dans l’imagerie queer et burlesque qui imprègne profondément et durablement Un couteau dans le Cœur. Un film impoli, qui ose, qui choque, qui surprend. C’est bien.

Synopsis : Paris, été 1979. Anne est productrice de pornos gays au rabais. Lorsque Loïs, sa monteuse et compagne, la quitte, elle tente de la reconquérir en tournant un film plus ambitieux avec son complice de toujours, le flamboyant Archibald. Mais un de leurs acteurs est retrouvé sauvagement assassiné et Anne est entraînée dans une enquête étrange qui va bouleverser sa vie.