Séries | SEVERANCE S01 – 15,5/20 | ACHARNÉS S01 – 14/20 | YOUR HONOR S02 – 13/20

Chroniques

SEVERANCE S01 (AppleTV+) – 15,5/20

Il aura fallu que je m’y mette à deux fois pour vraiment me lancer dans Severance. Mais un conseil, ne vous laisser pas décourager par l’étrangeté et la froide distance du premier épisode, commencez le second et vous ne pourrez plus vous arrêter. Les créateurs de la série explorent brillamment le principe de dissociation et développent des personnages double au départ mystérieux mais qui prennent de plus en plus d’épaisseur. La mise en scène capitalise adroitement sur l’univers visuel singulier de la série, sorte de cauchemar aseptisé, dont les décors d’un blanc éblouissant contrastent avec ce qu’on imagine les noirs desseins qui entourent l’activité de l’entreprise.
Cette intrigante fable psychologique aux portées philosophiques (peut-on vraiment dissocier le corps et l’esprit ?) évolue progressivement en un thriller redoutable et addictif dont le final suspendu donne très envie de voir la suite. Mieux encore, il laisse présager que ses auteurs savent ce qu’ils font et où ils vont (ce qui n’est pas l’évidence à prime abord). Hype justifiée.

ACHARNÉS S01 (Netflix) – 14/20

Deux personnages à cran s’accrochent au volant de leur voiture et vont tout mettre en œuvre pour se pourrir réciproquement la vie.
Acharnés étire son concept aussi loin qu’il le peut, la quête du malheur de l’autre devenant pour chacun une obsession. Mais c’est tout autant un exutoire à leurs propres frustrations. Car ça a beau être une comédie à l’humour noir, elle s’avère être aussi le miroir de notre mode de vie moderne. Gaguesque sur la forme, très bien rythmée pour soutenir un humour féroce, Acharnés est bien plus profonde qu’il n’y parait et tire vers le drama existentialiste (in a good way). Elle rend compte des grandes solitudes contemporaines ou de la charge mentale qui les accompagnent, renforcées par le déracinement culture de ses personnages, la plupart appartenant à la communauté asiatique de LA.
L’hilarante Amy Wong (regardez ses spectacles sur Netflix) et le fascinant Steven Yeung crèvent l’écran.

YOUR HONOR S02 (Canal+) – 13/20

Pourquoi faire une seconde saison, alors que la première fermait solidement la plupart de ses arcs narratifs ? OK Bryan Cranston est une bonne raison à lui seul, mais la série navigue un peu à vue au départ, donnant l’impression de ne pas trop savoir où elle veut aller. Et puis en se recentrant sur ses personnages, notamment la famille Baxter, le récit se densifie. Grâce à quelques twists bien sentis l’intrigue devient très prenante, reprenant des éléments de la saison 1 tout en y ajoutant de nouveaux.
Très Honorable.

Cinéma | LES ÂMES SŒURS – 8/20

De André Téchiné
Avec Benjamin Voisin, Noémie Merlant, Audrey Dana

Chronique : Le dernier drame du vétéran André Téchiné explore les méandres de la mémoire et la complexité des liens fraternels. Avec un point de départ intéressant, que nous reste-t-il de nous, de notre vécu, lorsque l’on ne se souvient plus de rien ?
On devine en effet un tabou, un non-dit dans la relation qui lie ce frère et cette sœur.
Le réalisateur se donne beaucoup de mal pour entretenir artificiellement un mystère qui n’en est pas vraiment un, on devine rapidement que le second sujet du film après l’amnésie sera l’inceste.
Mais comme si l’un anesthésiait l’autre, aucun des deux n’est vraiment adressé. Les Âmes Sœurs bavarde mais ne raconte rien, désincarné et étrangement construit. Il y a quelque chose de malsain qui parcoure le film, mais c’est comme si c’était malgré lui. Téchiné ne s’en empare pas, ne joue pas sur ce malaise. On ne sent jamais le trouble. Sa mise en scène naturaliste n’apporte pas grand-chose si ce n’est d’étirer inutilement le récit dans le temps et d’étouffer toute émotion.
Quelque chose ne prend pas dans la relation entre Jeanne et David. Et le casting n’est pas à blâmer, Noémie Merlant est exceptionnelle, expressive et nuancée, et Benjamin Voisin intense bien qu’inégal dans sa prestation. Non, c’est plutôt la construction abrupte du récit et le manque de développement du scénario et des personnages qui pêchent.
En sortant on se dit que vu le peu qu’il avait à nous dire, Téchiné aurait pu faire tenir son film en 30 minutes.

Synopsis : David, lieutenant des forces françaises engagées au Mali, est grièvement blessé dans une explosion.
Rapatrié en France, il souffre d’amnésie et commence une longue convalescence sous le regard dévoué de sa sœur Jeanne.
Dans la maison familiale des Pyrénées, entre montagnes et lacs, Jeanne tente de raviver sa mémoire, mais David ne parait pas soucieux de se réconcilier avec celui qu’il était.

Cinéma | LES TROIS MOUSQUETAIRES: D’ARTAGNAN – 12/20

De Martin Bourboulon
Avec François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris, Eva Green

Chronique : En adaptant à nouveau un monument de la littérature française et en redonnant vie à des héros ancrés dans l’inconscient collectif, Pathé et le réalisateur Martin Bourboulon entendent raviver l’attrait du public pour les grandes fresques d’aventure populaires et remettre au goût du jour le genre très franchouillard du film de cape et d’épée. L’ambition est assumée, les gros moyens déployés sont visibles à l’écran et au générique, D’Artagnan pouvant se targuer d’un casting clinquant et hétéroclite.
Le résultat quant à lui est honorable. La mise en scène est rythmée, dynamique, parfois frénétique, quitte à perdre en lisibilité. Les combats et les poursuites sont certes correctement chorégraphiés, mais en cherchant à se rapprocher au plus près des protagonistes et en abusant un peu trop de la caméra à l’épaule pour des plans séquences questionnables, ces scènes sont souvent brouillonnes, d’autant plus qu’elles se passent la plupart du temps dans l’obscurité ou sous la pluie. En revanche, la qualité des décors et des costumes est irréprochable, la reconstitution est à la hauteur de la promesse de grand spectacle du projet, tout comme la musique, opératique à souhait.
La principale faiblesse de D’Artagnan réside en ses dialogues, qui ne parviennent pas à faire le lien entre film d’époque et promesse de modernité. Malgré un humour parfois efficace, le style ampoulé qui singe plus qu’il ne reproduit le vieux français est maladroit (on est loin d’Edmond Rostand) et jure avec la contemporanéité des acteurs, frôlant l’anachronisme.
Malgré ce défaut, le premier volet du diptyque est riche en rebondissements, respectant en cela l’œuvre de Dumas et son essence feuilletonesque. Il capte par ailleurs de manière assez pédagogique le contexte historique, les tensions entre la France et l’Angleterre et entre catholiques et protestants.
Globalement Les Trois Mousquetaires, D’Artagnan remplit pleinement son objectif de divertissement haut de gamme. Assez, en tout cas, pour donner envie de voir la suite, qui sera portée principalement par Eva Green, déjà parfaitement à l’aise dans les habits de la machiavélique Milady.

Synopsis : Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.

Cinéma | JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES – 16,5/20

De Jeanne Herry
Avec Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti, Miou-Miou, Gilles Lelouche, Suliane Ibrahim

Chronique : Après Pupille, drame bouleversant sur la parentalité, Jeanne Herry s’intéresse dans son nouveau film à la justice restaurative, un procédé qui permet de mettre en contact victimes et délinquants et d’amorcer un dialogue qui doit aider les premières à surmonter leurs traumas et les seconds à prendre conscience des conséquences de leurs actes.
D’une finesse d’écriture exceptionnelle, Je verrai Toujours vos Visages atteint une justesse quasi documentaire. Malgré le quasi-huis-clos imposé par son sujet, le film trouve son rythme et son dynamisme dans les émotions qui parcourent les visages et les liens qui se tissent entre les personnages. Il ne souffre d’aucun temps mort ni faible, et fait preuve d’une remarquable fluidité narrative. Malgré la dureté des histoires, malgré la détresse des victimes, Herry parvient à imposer des moments de respirations, parfois drôles ou tendres, toujours vrais. Elle ne craint pas de prendre son temps, d’installer des silences pour mieux faire émerger les mots, mieux faire exister la parole, tout ce qui est au cœur du film et du processus. La véracité des témoignages et des confrontations est sidérante, renforçant le message central du film, la nécessité du dialogue pour faire société. Sans angélisme, en repoussant le pathos tant que possible, mais avec optimisme et espoir, Je verrai Toujours vos Visages met en exergue la résilience et la possibilité, si ce n’est de pardon, de réparation.
Au-delà de la réalisation toute en maitrise de Herry, si le film fonctionne si bien, si on croit tant à chacune des scènes qui s’offre à nous, c’est aussi et surtout grâce à la densité et à l’homogénéité extraordinaire du casting. Une seule fausse note pourrait briser l’authenticité générale du long métrage, mais tous les acteurs font preuve d’une interprétation à fleur de peau, d’un naturel magistral. Difficile de faire ressortir des performances en particulier, mais Suliane Ibrahim (fulgurante découverte de La Nuée l’année dernière), Adèle Exarchopoulos ou Gilles Lelouche impressionnent particulièrement.
Cette troupe de comédiens exceptionnels compose le cœur vibrant de Je Verrai toujours vos Visages, film choral d’une qualité rare et grosse bouffée d’humanité.

Synopsis : Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel.
Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l’arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative.
Sur leur parcours, il y a de la colère et de l’espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la réparation…