Cinéma | WEST SIDE STORY – 14/20

De Steven Spielberg
Avec Ansel Elgort, Rachel Zegler, Ariana DeBose

Chronique : Cette nouvelle adaptation cinématographique de West Side Story est annoncée comme plus fidèle à la pièce de Broadway qu’au film de Robert Wise. N’ayant qu’un lointain souvenir de ce dernier, je ne me risquerais à aucune comparaison.
En revanche, ce qui saute aux yeux lorsqu’on découvre la variation de Spielberg, c’est qu’il a su en faire le matériau de l’une de ses plus belles mises en scène. Sans aucun doute la plus flamboyante. Son bonheur d’enfin réaliser une comédie musicale transpire dans chacune des scènes que sa caméra capture avec une rare virtuosité.
Un sens aigu du détail, un agencement de plans millimétré, un jeu d’ombres et de lumières harmonieux, une photographie renversante, toutes ces qualités cumulées contribuent à donner à cette version sa personnalité et à renforcer sa capacité à émerveiller.
Surtout, par son mouvement perpétuel et ses chorégraphies étourdissantes pensées pour le grand écran, Spielberg ne tombe pas dans l’écueil des comédies musicales qui restent coincées entre les quatre murs d’un théâtre (poke l’horrible Les Mis’ de Hooper). S’il convoque l’imagerie de Broadway et l’esthétique des années 50, il les fait sortir du cadre et propose une authentique expérience cinématographique.
Spielberg reprend donc à son compte cette histoire d’amour tragique et universelle, relecture de Roméo & Juliette entre gangs ennemis d’un New York en mutation. Il choisit pour cela de conserver le livret original sans actualiser les dialogues ni les chansons.
C’est un choix assumé, qui débouche néanmoins sur un ensemble parfois répétitif, des mélodies un peu datées et une durée d’ensemble trop élevée.
Si certains y voit malgré tout une manière de parler de notre époque, il est assez difficile de rapprocher le New-York des années 50 à nos années 2020. Oui le racisme et la défiance entre communautés est un thème malheureusement intemporel et universel, mais l’affrontement des Jets et des Sharks est profondément ancré dans son époque. Et c’est très bien ainsi. S’il souhaitait parler de la période que nous traversons actuellement, il y a 1000 histoires à raconter pour créer une nouvelle comédie musicales.
Spielberg cherche cependant maladroitement à moderniser le récit à la marge.
Sa tentative d’inclusivité, aussi louable soit-elle, est contre-productive. L’ajout prétexte d’un personnage trans sans relief est presque insultant pour la communauté (l’acteur non binaire qui l’interprète semble d’ailleurs perdu sur ce qu’iel doit jouer et comment le jouer). On est aussi perplexe devant le choix du réalisateur de ne pas traduire l’espagnol (je n’en comprends pas un mot pour ma part). Si des scénaristes s’échinent à écrire des dialogues c’est pour qu’on les comprenne. Et je n’ai pas l’impression de manquer de respect aux iraniens quand je regarde Un Héros avec des sous-titres… Cette petite pointe de démagogie et de politiquement correct contraste pour le moins avec son choix de casting. Et là, il faut qu’on parle de Ansel Elgort qui a tout du miscast. Au-delà du fait que ses airs de premier communiant, sa démarche nonchalante et la fadeur de son interprétation en font un Tony transparent qu’on n’imagine jamais en chef de gang, sa présence a surtout été une épine dans le pied de la production pendant toute la promotion du film suite aux accusations d’agressions sexuelles sur mineure dont il est accusé. Compliqué de vendre un film quand il faut cacher l’acteur principal… Il faut sans doute chercher par là l’échec commerciale du film.
C’est un vrai gâchis, car artistiquement, c’est une réussite éclatante. Malgré ses quelques défauts, la mise en scène éblouissante de Steven Spielberg réussit haut la main à donner une nouvelle jeunesse à ce classique dont il conserve l’essence tout en évitant le crime de lèse-majesté.

Synopsis : WEST SIDE STORY raconte l’histoire légendaire d’un amour naissant sur fond de rixes entre bandes rivales dans le New York de 1957.

Cinéma | SPIDER-MAN : NO WAY HOME – 14,5/20

De Jon Watts
Avec Tom Holland, Zendaya, Benedict Cumberbatch

Chronique : Difficile de faire la part des choses entre les qualités intrinsèques du film et le bonheur quasi extatique que nous procure le fan service délicieusement délivré par Spider-man : No Way Home. Et il est tout aussi compliqué de parler du film sans le spoiler a minima. Je ne révèlerai rien de précis mais si vous souhaitez découvrir le film totalement vierge, je vous conseille de ne pas lire ma chronique avant de l’avoir vu. Ça vaut franchement le coup de ne rien savoir.

L’attente autour de Spider-man No Way Home dépasse largement et sans doute déraisonnablement celle d’un film de super-héros lambda. Parce qu’il promet d’aller titiller nos souvenirs les plus marquants de l’homme-araignée et de jouer ostensiblement sur notre fibre nostalgique. Parce qu’il annonce également des bouleversements majeurs pour le futur de l’univers Marvel. Ces promesses sont-elles tenues ? En grande partie, oui. No Way Home est tout ce qu’on pouvait attendre d’un tel film évènement, avec ses défauts, ses surprises étourdissantes et de belles satisfactions.
S’il n’est pas un grand réalisateur, Jon Watts est néanmoins un bon faiseur qui sait délivrer ce qu’il faut d’action et d’effets spéciaux. Une mise en scène spectaculaire mais assez quelconque et parfaitement soluble dans l’esthétique calibrée du MCU. Sa trilogie a par conséquent moins de caractère que celle de Sam Raimi ou que du diptyque Amazing de Marc Webb.
En revanche, on peut mettre à son crédit d’avoir installé un Peter Parker sensiblement différent des itérations précédentes avec Homecoming et Far From Home, un Peter ancré dans un quotidien de lycéen entouré de ses amis (les parenthèses Avengers mises à part). Il parachève ici sa mue en le rapprochant du personnage des comics, l’éloignant de l’encombrante présence de Iron Man..
Annoncé à grand renfort de communication comme le Endgame du Spider-man Universe, on pouvait craindre que No Way Home soit écrasé par les multiples références aux sagas précédentes et se perde dans une multiplication d’arcs narratifs qui éclipseraient le Peter de Tom Holland. Ce n’est pas le cas, son personnage est bien au cœur du récit et c’est son histoire, son évolution et ses conflits intérieurs qui alimentent constamment No Way Home, qui s’apparente donc plutôt à un anti-Avengers. Spider-man n’est pas là pour sauver le monde, mais pour faire le bien autour de lui et protéger ses proches tout en jonglant avec ses deux identités.
Le retour aux sources du personnage est le carburant de No Way Home, qui se révèle être une lettre d’amour au personnage.
Le retour annoncé des bad guys ayant affronté les Spider-man de Garfield et Maguire est soigné et satisfaisant. En revanche l’humour un peu potache du MCU ne fonctionne pas vraiment avec ces vieilles icônes, et le rythme peine à prendre dans une première heure un peu désinvolte et laborieuse.
Et puis un évènement inattendu va totalement relancer le récit, bouleverser le spectateur et faire entrer No Way Home dans une autre dimension. Les deux derniers tiers sont intenses, multipliant les rebondissements avec de l’action, mais surtout du cœur et des larmes.
Le film nous emporte alors dans un tourbillon d’émotions et de nostalgie et se drape d’une noirceur inédite. On ne s’y attendait pas forcément…
La complicité construite depuis trois films entre Tom Holland, Zendaya et Jacob Batalon est désormais un moteur émotionnel fort de la saga. No Way Home permet à Holland d’embrasser enfin la complexité du personnage. L’acteur signe son interprétation du tisseur la plus aboutie et le couple qu’il forme avec Zendaya prend de l’épaisseur pour s’avérer des plus touchants.
Cette profusion aurait pu être indigeste mais la grande réussite de Watts est de parvenir à contenir ce récit gargantuesque en tissant un lien solide entre les différentes générations présentes à l’écran tout en se projetant vers l’avenir. Oui, No Way Home délivre son lot de scènes iconiques, parfois bouleversantes, et de références méta, oui nos âmes de gosses sont rassasiées et non, on ne veut surtout pas bouder ce plaisir un peu simplet qui provoque la chair de poule. Et si les scènes post génériques ont peu d’intérêt, la conclusion de cette trilogie est parfaite et laisse entrevoir un futur aussi incertain que passionnant pour Spider-man.
Malgré ses défauts, qu’un tel film ait pu voir le jour en dépit de la pandémie et de la garde partagée du personnage parfois compliquée entre Sony et Marvel s’apparente autant à un tour de force qu’à un petit miracle. Au regard des réactions hystériques des fans aux quatre coins du monde, cela valait la peine.

Synopsis : Pour la première fois dans son histoire cinématographique, Spider-Man, le héros sympa du quartier est démasqué et ne peut désormais plus séparer sa vie normale de ses lourdes responsabilités de super-héros. Quand il demande de l’aide à Doctor Strange, les enjeux deviennent encore plus dangereux, le forçant à découvrir ce qu’être Spider-Man signifie véritablement.

Séries | SUCCESSION S03 – 16/20 | SCENES FROM A MARRIAGE – 15/20 | MYTHO S02 – 13/20

SUCCESSION S03 (OCS) – 16/20

La guerre des Roy est déclarée ! Plus shakespearienne que jamais, la meilleure série actuelle parvient à maintenir sur la durée l’exceptionnelle qualité de sa saison 2. Une fois le choc du précédent final digéré, on retrouve les jeux d’alliance, les trahisons et mesquineries sur fond de menace de procès et de fusion. On assiste avec délectation aux petits arrangements et aux bassesses mis en œuvre pour garder la face, on savoure les regards en coin, les coups larvés.
Plus que jamais, les personnages ont du mal à camoufler leur vulnérabilité. Un roi sur le déclin, trahi par un corps fatigué et défaillant (Brian Cox, impérial). Des enfants qui jouent aux puissants tout en souffrant du syndrome de l’imposteur et malmenés par le vice de leur patriarche.
Ils sont si seuls, si tristes, si pathétiques, mais ne font rien pour qu’on les plaigne vraiment. Soulignons une nouvelle fois les performances magistrales de acteurs composant cette fratrie difonctionnelle (avec une tendresse particulière pour la manière dont Kieran Culkin s’empare du langage fleuri de Roman Roy). On est toujours autant envoutés par les variations opératiques de son thème musical, scotchés par l’élégance et le luxe des décors qui jure avec le langage de charretier employé par les personnages.
Cette saison 3 mijote doucement, les ingrédients sont ajoutés progressivement pour exploser dans un final exceptionnel de cruauté. Quelle grande série.

SCENES FROM A MARRIAGE (Mini-Série OCS) – 15/20

Dans un quasi huis-clos, un couple s’aime, se déchire et se sépare. Une mise en scène élégante et moderne suit lors de longs plans séquence la déliquescence d’un mariage. Nous sommes les témoins, presque voyeurs, de ces longs échanges entre Mira et Jonathan, on entre dans leur intimité et on observe, fascinés, comment leur relation va bien pouvoir évoluer.
L’alchimie fusionnelle entre Jessica Chastain et Oscar Isaac confère une vérité, une véracité à ce thriller domestique singulier, impression renforcée par les introductions « backstage » de chaque épisode qui lui donne un côté brechtien, floutant la frontière entre fiction et réalité.
Une étonnante et passionnante expérience immersive servie par deux acteurs exceptionnels.

MYTHO S02 (Netflix) – 13/20

Si la série ne peut plus s’appuyer sur son pitch accrocheur de départ puisque le secret de Elvira est désormais connu de tous, les scénaristes ont su trouver de nouveaux leviers pour renouveler l’intérêt, à travers notamment le mystère qui plane autour de Lorenzo. Toujours soutenue par d’excellents acteurs et une écriture maitrisée, cette saison 2 creuse des personnages aussi agaçants qu’attachants. Un vrai plaisir de retrouver cette famille un peu barrée.

Cinéma | UNE FEMME DU MONDE – 13/20

De Cécile Ducrocq
Avec Laure Calamy, Nissim Renard

Chronique : Dans Une Femme du Monde, Laure Calamy rayonne dans la peau de Marie, prostituée assumant fièrement son statut et qui veut offrir à la fois une bonne éducation et un avenir à son fils. De tous les plans, elle vampirisme l’écran par son charme, son naturel, son bagout et son charisme. Elle a ce « je-ne-sais-quoi » qui la crédibilise immédiatement dans n’importe quelle situation. Qu’elle se démène pour trouver l’argent qui lui manque, qu’elle affronte crânement le regard des autres en refusant de se poser en victime ou qu’elle finisse par craquer face aux obstacles qui se dressent devant elle, elle est toujours d’une épatante justesse qu’il s’agisse d’exprimer la force ou la fragilité. Quelle mue spectaculaire depuis Noémie dans Dix pour Cent (qui n’était déjà plus tout à fait le même personnage à la fin de la série) !
Son énergie et la sincérité de son interprétation sont l’atout principal de ce film dans le fond assez simple, mais qui offre un éclairage rare sur le monde des travailleuses du sexe et leur invisibilité. Outre le poids du jugement sociale, Marie doit gérer la relation conflictuelle qui la lie à son fils. Si elle a appris à revendiquer un métier forcément controversé, c’est légitimement plus compliqué pour Adrien qui entre à peine dans l’âge adulte… Entre tendresse, colère et incompréhension, cette relation cabossée est le fil rouge d’un film qui sait la plupart du temps se tenir à bonne distance du pathos. Dommage qu’il cède un peu sur la fin à un misérabilisme qu’il avait jusque là réussit à éviter. Mais Laure Calamy est immense.

Synopsis : A Strasbourg, Marie se prostitue depuis 20 ans. Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Et un fils, Adrien, 17 ans. Pour assurer son avenir, Marie veut lui payer des études. Il lui faut de l’argent, vite

Cinéma | MADRES PARALELAS – 14,5/20

De Pedro Almodóvar
Avec Penélope Cruz, Milena Smit, Israel Elejalde

Chronique : Pedro Almodovar signe avec Madres Paralelas un drame intense parcouru par de nombreux thèmes récurrents dans son cinéma. Il est ainsi beaucoup question de la figure maternelle, les deux héroïnes se projetant avec plus ou moins d’inquiétude dans leur futur de mère célibataire.
Mais aussi de filiation, avec en écho aux histoires de Janis et Ana une intrigue secondaire qui voit des descendantes de victimes du franquisme se battre pour obtenir des autorités l’autorisation d’extraire d’une fosse commune les dépouilles de leurs aïeux pour leur offrir des sépultures décentes. Marqueur essentiel du cinéma d’Almodovar, l’exploration des genres et des sexualités est évidemment présente mais le cinéaste ne semble plus éprouver le besoin d’en faire une provocation. C’est comme s’il estimait (espérait) que le boulot était fait et que la société avait intégré ces bouleversements.
Madres Paralelas est riche de toutes ces thématiques et déroule une intrigue mêlant exquisément mélodrame et thriller psychologique. Grâce à des ellipses, des sauts dans le temps et des non-dits, le cinéaste installe un mystère, un suspense de plus en plus prenant. Une réalisation discrète et sobre mais joliment pimentée par sa science du cadre habille parfaitement ce mélo passionnant et rend surtout justice à sa divine direction d’actrices. Sa muse, Penelope Cruz, n’est jamais meilleure que lorsqu’il la dirige. Elle trouve ici un de ses plus beaux rôle. Vibrante, sincère, tourmentée. Elle est bouleversante en somme. A ses côtés, Minela Smit, nouvelle venue à l’étrange beauté androgyne, se révèle instantanément convaincante dans l’univers d’Almodovar.
Cette chronique féminine se double d’un regard accusateur sur le passé franquiste et du devoir de mémoire d’un pays meurtri. L’alliance du passé et du présent, de l’individuel et du collectif suscite in fine une vive émotion.
Moins flamboyant sans doute que ses films de jeunesse mais tout aussi passionnant, Madres Paralelas s’inscrit dans la veine plus apaisée, plus introspective des dernieres œuvre d’Almodovar comme Douleur et Gloire ou Julieta. Et c’est toujours aussi fort.

Synopsis : Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d’hôpital sur le point d’accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d’âge mûr, n’a aucun regret et durant les heures qui précèdent l’accouchement, elle est folle de joie. Ana en revanche, est une adolescente effrayée, pleine de remords et traumatisée. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu’elles marchent telles des somnambules dans le couloir de l’hôpital. Les quelques mots qu’elles échangent pendant ces heures vont créer un lien très étroit entre elles, que le hasard se chargera de compliquer d’une manière qui changera leur vie à toutes les deux.

Séries | SEX EDUCATION S03 – 15/20 | L’OPÉRA S01 – 14/20 | THE MORNING SHOW S02 – 12,5/20

SEX EDUCATION S03 (Netflix) – 15/20

Une saison 3 qui continue à creuser la relation des ados au sexe avec un mélange de culot et de bienveillance toujours aussi miraculeux, ne reculant devant aucun tabou. Les personnages sont également de plus en plus attachants, certains rôles secondaires se révèlent être de vraies bombes d’émotions (Adam et Ruby). Elle se renouvelle parfaitement bien tout en gardant son sel.
C’est aussi la série la plus body positive du petit écran, le naturel qu’elle dégage fait un bien fou. Confirmation qu’on aurait adoré voir ce genre de programme quand on avait 16 ans (mais y’avait que 6 chaines…)

L’OPERA S01 – (OCS) – 14/20

Si le premier épisode peine à convaincre, un peu lourdaud dans son exposition, cela vaut la peine de rester un peu plus longtemps. Les personnages prennent en effet rapidement plus de relief, et on accroche à ce soap chic, ce soap opéra (vous l’avez ?), qui nous immerge dans le quotidien de cette école de l’excellence. Se télescopent alors ambitions personnelles et vision collective dans un contexte sociale brûlant de réforme du statut des danseurs étoile, un moment charnière pour l’institution et son futur. Le scénario pousse parfois le bouchon un peu loin quand il s’agit de plonger ses personnages dans des situations de crise, mais rend bien compte des sacrifices qu’exigent la formation, ses ravages sur les corps et cette lutte permanente pour la reconnaissance. On n’est vraiment pas contre une saison 2, avec beaucoup de Suzy Bemba, la révélation de la série, jeune actrice de caractère au jeu subtil. Et de Personnaz aussi, qui est excelle en directeur arrogant et fragile.
Une belle surprise pour peu qu’on lui laisse le temps.


THE MORNING SHOW S02 (APPLETV+) – 12,5/20

Entre le covid, le traitement de la cancel culture et les conséquences du drame de la première saison, le show ne sait plus trop bien sur quel pied danser. Si elle reste profondément féministe, cette saison 2 semble un peu plus confuse dans ses combats, multiplie les sous-intrigues inégales (Reese Witherspoon est particulièrement mal servie) et n’atteint jamais la justesse, l’émotion et la colère rentrée de l’excellente première saison.
Si elle se rattrape sur la fin, elle n’échappe pas au syndrome de la deuxième saison superflue. Ceci dit, ses actrices restent son meilleur atout, surtout avec l’apport de Julia Margulies.

Cinéma (Netflix) | THE POWER OF THE DOG – 12,5/20

De Jane Campion
Avec Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst, Jesse Plemons

Chronique : Pour son grand retour au cinéma après 12 ans d’absence, Jane Campion filme un western lancinant tout en violence rentrée et en sensualité larvée. En reproduisant les plaines immenses et arides du Montana, elle offre à son drame un cadre absolument splendide, qu’elle magnifie par une photographie ocre et poussiéreuse. Ces paysages impressionnants de l’ouest américain servent de décor à son histoire de cow-boys frustrés, coincés par l’injonction de virilité qui s’impose à eux.
Sa mise en scène élégante et raffinée capture les tourments intérieurs de Phil, tyran mu par une masculinité toxique qu’il exprime comme système de défense à l’encontre de son frère qu’il passe son temps à humilier (fat guy), de sa nouvelle belle-sœur qui développe une peur viscérale à son encontre, du fils chétif et maniéré de cette dernière qu’il traite de pédale ou encore de ses employés au ranch.
Mais cette apparente brutalité va être peu à peu déconstruite. On le découvre hanté par la mort d’un mentor qui était sans doute un peu plus que ça… Campion navigue avec grâce entre violence et sensualité pour montre la métamorphose intime de Phil dont le jeune Peter est le catalyseur et qui trouvera son acmé dans une dernière scène déchirante où suintent discrètement des sentiments refoulés depuis toujours. Le personnage de Phil est d’une incroyable complexité, fascinant par son ambiguïté et incarné avec toutes les nuances possibles par un Benedict Cumberbatch exceptionnel.
Alors qu’est-ce qui fait que je n’ai pas accroché plus que ça ?
La lenteur de la narration couplée avec de nombreuses ellipses empêche de réellement cerner les personnages qui gravitent autour de Phil et de comprendre leur maturation, qui est aussi une des clés du récit, et par conséquent sa propre évolution. C’est vrai pour son rapprochement avec Peter, mais encore plus pour la déchéance de Rose, pourtant interprétée avec passion par Kirsten Dunst, ou encore le personnage tragiquement neutre du frère.
The Power of Dog, malgré son incontestable réussite formelle, m’a ainsi un peu laissé sur le bord de la route…

Synopsis: Originaires du Montana, les frères Phil et George Burbank sont diamétralement opposés. Autant Phil est raffiné, brillant et cruel – autant George est flegmatique, méticuleux et bienveillant. À eux deux, ils sont à la tête du plus gros ranch de la vallée du Montana. Une région, loin de la modernité galopante du XXème siècle, où les hommes assument toujours leur virilité et où l’on vénère la figure de Bronco Henry, le plus grand cow-boy que Phil ait jamais rencontré. Lorsque George épouse en secret Rose, une jeune veuve, Phil, ivre de colère, se met en tête d’anéantir celle-ci. Il cherche alors à atteindre Rose en se servant de son fils Peter, garçon sensible et efféminé, comme d’un pion dans sa stratégie sadique et sans merci…

Cinéma | LES CHOSES HUMAINES – 13/20

De Yvan Attal
Avec Ben Attal, Suzanne Jouannet, Charlotte Gainsbourg

Chronique : Yvan Attal adapte le roman de Karine Tuilde et s’empare du sujet brûlant des violences faites aux femmes et de la notion de consentement. Il l’aborde sous plusieurs angles, sans emphase dramatique, tentant d’être le plus neutre possible en jonglant entre la validation de la parole des victimes et de leur souffrance et la prise en compte des versions contradictoires qui défendent l’accusé. C’est parfois maladroit, mais il parvient à susciter le questionnement et la réflexion.
Après avoir exposé les heures qui ont précédé puis celles qui ont suivi les faits selon les deux points de vue, le film se transforme en film de prétoire et nous en jurés, avec tout ce que cela implique d’inconfort. Sans grands effets, avec simplicité et en ne reposant quasi uniquement que sur les déclarations des uns et des autres.
On ne saura rien sur ce qui s’est passé dans cette cabane. Attal père fait le choix de ne jamais prendre parti même si on devine au moment du verdict son intime conviction. Ce peut-être vu comme une limite au film, mais il réussit néanmoins à élargir les conséquences du procès au delà de la victime et de l’agresseur présumé, rendant compte de son impact sur leur entourage et exposant un certain déterminisme social.
Le récit est prenant malgré ses défauts, parmi lesquels une adaptation trop littérale, trop écrite, qui donne parfois l’impression de récitation et d’un manque de naturel.
Par principe, je n’ai rien contre les « fils de », mais l’interprétation de Ben Attal est trop fragile pour ne pas penser qu’il prend la place d’un vrai acteur. Sa mère (Charlotte Gainsbourg) est en revanche parfaite, mais c’est Benjamin Laverhne qui (encore une fois) épate le plus en avocat commis d’office.
Au final, Attal parvient globalement à éviter les pièges d’un sujet bien casse gueule et d’un positionnement risqué. Ce n’était pas gagné.

Synopsis : Un jeune homme est accusé d’avoir violé une jeune femme. Qui est ce jeune homme et qui est cette jeune femme ? Est-il coupable ou est-il innocent ? Est-elle victime ou uniquement dans un désir de vengeance, comme l’affirme l’accusé ? Les deux jeunes protagonistes et leurs proches vont voir leur vie, leurs convictions et leurs certitudes voler en éclat mais… N’y a-t-il qu’une seule vérité ?

Cinéma | UN HÉROS – 17/20

De Asghar Farhadi
Avec Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Sahar Goldust

Chronique : Asghar Farhadi confirme avec Un Héros son statut de maître du thriller social. De retour en Iran après l’expérience espagnole Nobody Knows, il livre une fable moderne et incisive sur le rapport à la notoriété.
Le Héros du film, c’est Rahim, cet homme emprisonné pour une dette non réglée qui, lors d’une permission de deux jours, tente de prouver sa bonne foi et obtenir sa rédemption. Si on ne cerne pas tous les enjeux immédiatement (une des marques de fabrique de l’écriture de Farhadi), on devine les zones d’ombre, les non-dits. Alors que Rahim réalise un geste en apparence purement altruiste, son passé va le rattraper et il va être pris dans un engrenage inattendu et délétère que les médias et les réseaux sociaux vont exacerber. Leur influence assez récente en Iran est parfaitement exploitée par le réalisateur qui s’en sert pour accentuer la suspicion sur le comportement de Rahim et faire monter la tension générale.
Ce n’est pas une surprise lorsqu’on connaît le travail de Farhadi, mais la narration est d’une précision redoutable, la moindre action ayant de lourdes conséquences sur les suivantes. On est happés par le récit, accrochés au besoin de savoir ce qui va se passer ensuite, de découvrir les petits secrets qui se cachent derrière ce qu’on vient d’observer alors que le doute plane sur qui et quoi croire.
Car tout passe par des personnages minutieusement travaillés et d’une formidable richesse. Leur traitement n’est jamais manichéen. Personne n’a jamais vraiment tort ou tout à fait raison. Ils sont simplement humains, vrais, mus par des intérêts personnels et la volonté de protéger leurs proches, parfois avec naïveté ou une certaine mauvaise foi. La somme de tous ces intérêts contraires crée un contexte explosif propice à faire ressortir des vieilles rancœurs.
La mise en scène est en cela d’une précision d’orfèvre. Faradhi filme ce qu’il faut, comme il faut, quand il le faut, le temps qu’il le faut. Ses plans sont construits comme des tableaux, ses scènes de groupe sont maitrisées à l’extrême. Et toujours au service de son histoire, sans jamais être ostentatoires.
Amir Jadidi prête à Rahim son regard doux et fiévreux et traduit admirablement la confusion et les contradictions de ce héros déchu qui se trouve malgré lui pris au piège d’une spirale infernale.
Il est le visage de ce conte moral saisissant et limpide au suspense implacable.
Un Héros est aussi la démonstration de l’épatante constance d’un cinéaste délivrant tel un métronome des masterclass tous les deux ans. S’il lui manquait certaines cases à cocher pour obtenir la Palme d’Or à Cannes cette année, son Grand prix du jury en a quand même furieusement la couleur.

Synopsis : Rahim est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…