BLUE JASMINE – 13/20

Blue JasmineRéalisé par Woody Allen
Avec Alec Baldwin, Cate Blanchett, Sally Hawkins

Synopsis : Alors qu’elle voit sa vie voler en éclat et son mariage avec Hal, un homme d’affaire fortuné, battre sérieusement de l’aile, Jasmine quitte son New York raffiné et mondain pour San Francisco et s’installe dans le modeste appartement de sa soeur Ginger afin de remettre de l’ordre dans sa vie.

Avis : Le dernier film de Woody Allen se regarde comme un tableau où un personnage central, Jasmine, occuperait tout l’espace, et qui requerrait une attention toute particulière pour observer ce qui se passe à l’arrière-plan. Le réalisateur New-yorkais dresse un saisissant et complexe portrait de femme, racontant sa chute sociale, scrutant son déni et dévoilant avec acidité ses névroses. D’un sujet fort de comédie, il verse subtilement dans le drame humain, dessinant avec une pointe de cynisme les bassesses de l’animal urbain. Celles de Jasmine, bien sûr, qui refuse de voir que le luxe dans lequel elle baignait avant la chute de son mari était factice et appartient au passé, mais si on regarde un peu plus loin Allen n’épargne personne, y compris la sœur de Jasmine, personnage à première vue bien plus sympathique, ni tout ceux qui gravitent dans ce microcosme San Franciscain. Tous s’embourbent dans le mensonge et la dissimulation pour une raison ou pour une autre.
Si Blue Jasmine n’a pas une ampleur folle et souffre de baisses de régime dommageables, il est à classer dans les bons crus du réalisateur. La finesse des dialogues et l’habileté des flash back qui dynamisent la mise en scène imposent les qualités cinématographique du long-métrage, mais il est surtout sublimé par la performance de Cate Blanchett qui bouffe littéralement l’écran. Si elle peut remercier Allen de lui offrir un tel rôle, il peut largement la remercier en retour de porter son film à bout de bras. Car c’est toujours une gageure de « faire » Woody, d’entrer dans la peau de « son » personnage névrosé. Peu y ont réussi, Woody Allen n’y parvient plus lui même. Il faut une sacré dose de talent pour jouer ce personnage en étant à la limite du trop sans la franchir. Indéniablement Cate Blanchett l’a, ce talent. Elle en fait là une l’indiscutable démonstration.

RUSH – 15/20

RushRéalisé par Ron Howard
Avec Chris Hemsworth, Daniel Brühl, Olivia Wilde

Synopsis : RUSH retrace le passionnant et haletant combat entre deux des plus grands rivaux que l’histoire de la Formule 1 ait jamais connus, celui de James Hunt et Niki Lauda concourant pour les illustres écuries McLaren et Ferrari. Issu de la haute bourgeoisie, charismatique et beau garçon, tout oppose le play-boy anglais James Hunt à Niki Lauda, son adversaire autrichien, réservé et méthodique. RUSH suit la vie frénétique de ces deux pilotes, sur les circuits et en dehors, et retrace la rivalité depuis leurs tout débuts.

Avis : Se lancer dans la réalisation d’un film sur la Formule 1 dans un pays peu enclin à se passionner pour le sport automobile est un projet risqué et ambitieux que Ron Howard a saisi à bras le corps. Si son pari se révèle être une réussite assez épatante, c’est qu’il a abordé son récit biographique par le prisme de l’humain plus que par celui du spectaculaire (mais si Rush n’en manque pas, loin de là). Si le film retrace des faits réels, il n’est pas pour autant un biopic classique centré sur un personnage, dans la mesure où Howard traite ses deux protagonistes avec équité et sincérité. Il ne choisit pas son camp, Il n’y a pas de bon, ni de méchant, mais deux champions aux caractères plus qu’opposés vivant et entretenant une rivalité exaltante, quasi-fraternelle. C’est cette rivalité qui est la vraie héroïne du film. Elle donne spontanément vie à deux grandes figures de cinéma, indissociables. Le beau gosse impétueux et provocateur (Chrism Hemsworth, plus charismatique que jamais), contre le champion calculateur froid et orgueilleux au physique ingrat (Daniel Brühl, nuancé et tout en détermination). Chacun se définit et se construit à travers deux éléments : l’autre et la mort. Car dans les années 70, en moyenne 2 coureurs se tuaient sur les circuits chaque année. Cette épée de Damoclès est tangible tout au long du film et conditionne le comportement des coureurs. Ce paradigme partagé par Hunt et Lauda est formidablement bien rendu par les dialogues de Peter Morgan, d’une acuité et d’une intelligence redoutable. Pas forcément étonnant lorsqu’on sait qu’il a déjà collaboré avec Ron Howard sur Frost/Nixon, fascinant jeu de dupes entre l’ancien président et son interviewer. La rivalité entre les deux pilotes est ainsi transcendée par ce scénario malin qui va droit au but en s’épargnant tout sentimentalisme.
Mais Rush tient aussi impeccablement bien la route lorsqu’il s’agit d’injecter l’adrénaline propre à la course automobile. L’effet grisant, quasi narcotique de la vitesse, de la course et de la victoire est palpable à chaque circuit. La mise en scène brillante et furieusement nerveuse de Howard atteint une intensité saisissante lors des deux moments clés du film, l’accident en Allemagne et la course du titre 1976. Allant de ses personnages aux scènes d’action, Howard livre une bombe à l’esthétisme travaillé mais pas chichiteux. S’il utilise un grain un peu épais pour obtenir une image proche des années 70, il n’appuie pas exagérément la référence temporelle et reste surtout résolument moderne dans sa façon de filmer, parfaitement soutenu par la musique idoine de Hans Zimmer.
Rush capte ainsi une part de vérité d’une époque révolue.
Furieusement inspiré. Indiscutablement humain.

LES MILLER – 14/20

Les Miller, une famille en herbeRéalisé par Rawson Marshall Thurber
Avec Jennifer Aniston, Jason Sudeikis, Will Poulter

Synopsis : David Burke est un dealer à la petite semaine qui se contente de vendre sa marchandise à des chefs cuisiniers et des mamans accompagnant leurs fils au football, mais pas à des ados car, au fond, il a quand même des principes ! Alors que tout devrait se passer au mieux pour lui, les ennuis s’accumulent… Préférant garder profil bas pour des raisons évidentes, David comprend, à son corps défendant, qu’on peut subir la pire injustice même lorsqu’on est animé des meilleures intentions : tentant de venir en aide à des jeunes du quartier, il se fait agresser par trois voyous qui lui volent sa marchandise et son argent. Il se retrouve dans une situation des plus délicates puisqu’il doit désormais rembourser son fournisseur, Brad.Afin d’éponger sa dette – et de rester en vie –, David n’a d’autre choix que de jouer dans la cour des grands en se rendant au Mexique pour ramener une importante cargaison de drogue à Brad. Réussissant à convaincre ses voisins – Rose, une strip-teaseuse cynique, Kenny, qui aimerait bien tester la marchandise et Casey, une ado débrouillarde couverte de tatouages et de piercings – de lui venir en aide, il met au point un plan censé être infaillible : avec ses complices qu’il fait passer pour sa femme et ses deux grands enfants, il met le cap sur le Mexique au volant d’un camping-car flambant neuf le jour de la fête nationale. Ce week-end risque bien d’être explosif..

Avis : Succès surprise de l’été au box-office américain, Les Miller prouve que sortir des sentiers battus est encore la meilleure recette pour attirer le public dans les salles. Enfin si c’est bien fait. Et Les Miller est vraiment bien fait.
Le pitch laissait pourtant craindre une comédie en pilote automatique, qui remplirait gentiment son quota de blagues entendues mille fois et assénerait un discours moralisateurs sur le respect de l’autre etc… Que nenni ! Après un début en douceur, le film s’emballe furieusement, explose la bienséance et délivre des répliques imparables avec une précision de métronome. Délicieusement trash, mal élevé, audacieux, politiquement très incorrect, les scénaristes ne se sont rien interdit, n’hésitant pas à franchir régulièrement la ligne rouge, heureux et satisfaits comme des gamins tout fiers de cette bonne blague que personne n’a vu venir.. Les dialogues fusent et on se demande parfois si on a bien entendu ce qu’on a entendu. Reconnaissons que c’est assez jubilatoire. On n’avait pas autant ri devant une comédie américaine depuis Mes meilleures amies. Le réalisateur exploite le potentiel comique de tous les membres de cette improbable famille recomposée et n’en laisse aucun sur le côté. Jason Sudeikis, aperçu dans Comment tuer son boss, est une révélation à l’abatage comique inattaquable et Jennifer Aniston casse enfin son image d’héroïne de romcoms bien proprettes pour s’encanailler franchement et retrouver la puissance drolatique de la Rachel de Friends. Le réalisateur a aussi la très bonne idée d’expédier les bons sentiments dans les 5 dernières minutes du film, évitant ainsi de gâcher la subversivité du projet acquise pendant 100 minutes de haute volée.
Une comédie couillue. Et drôle. Très drôle.

LES AMANTS DU TEXAS – 11/20

Les Amants du TexasRéalisé par David Lowery
Avec Rooney Mara, Casey Affleck, Ben Foster

Synopsis : Bob et Ruth s’aiment, envers et contre tout. Et surtout contre la loi. Un jour, un braquage tourne mal et les deux amants sont pris dans une fusillade. Quand Bob est emmené par la police, Ruth a tout juste le temps de lui annoncer qu’elle est enceinte. Dès lors, Bob n’aura qu’une obsession : s’échapper de prison pour rejoindre sa femme et son enfant.

Avis : Alors oui, c’est très beau. Enrobé d’une magnifique photographie, Les Amants du Texas est un très bel objet cinématographique. Lowery a indéniablement du style et un sacré talent pour mettre en image son récit. Plans vaporeux, lumière solaire, ambiance crépusculaire, montage précis, chaque scène se regarde comme un tableau.
Malheureusement, l’histoire n’est pas vraiment à la hauteur de la joliesse formelle. Déjà vu, prévisible, attendue, elle ne laisse aucune place à la surprise. Et comme le rythme est volontairement lent, on s’ennuie assez vite. Le réalisateur fait aussi l’erreur de noyer son film dans une musique omniprésente et finalement un poil agaçante.
D’autant plus que les personnages ne sont pas non plus très intéressants et assez caricaturaux. On imagine assez vite ce qui va leur arriver, donc on s’en désintéresse assez rapidement. En voulant prendre une certaine hauteur, Lowery laisse le spectateur hors du récit et manque de provoquer la moindre empathie. Qu’il s’agisse d’une histoire classique n’est pas un problème en soit, c’est plus le fait que l’angle choisi pour la raconter soit tout sauf original. Une semi-déception.

MA VIE AVEC LIBERACE – 14,5/20

Ma vie avec LiberaceRéalisé par Steven Soderbergh
Avec Michael Douglas, Matt Damon

Synopsis : Avant Elvis, Elton John et Madonna, il y a eu Liberace : pianiste virtuose, artiste exubérant, bête de scène et des plateaux télévisés. Liberace affectionnait la démesure et cultivait l’excès, sur scène et hors scène. Un jour de l’été 1977, le bel et jeune Scott Thorson pénétra dans sa loge et, malgré la différence d’âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. « Ma Vie avec Liberace » narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.

Avis : La télévision comme dernier bastion de l’audace créative? Indéniablement au regard de cette biopic follement excentrique de Liberace, personnage fascinant et extravagant. Un projet refusé par tous les distributeurs américains, trop gay, trop kitsh, trop risqué. Merci donc HBO d’avoir permis à ce film au budget médian (les plus difficiles à monter aujourd’hui) d’avoir pu voir le jour. Sans la mythique chaîne câblée, Soderbergh n’aurais pu, pour son dernier film avant la retraite, s’amuser à narrer le destin de ce couple improbable et ambiguë au cœur de l’exubérante Las Vegas. Il dépeint avec style les cinq années de leur rencontre à leur séparation en préférant le point de vue du jeune homme, miroir déformant des contradictions du pianiste star. Sans vraiment arbitrer sur la nature de leur relation. Histoire d’amour, de pouvoir, de filiation, simple fascination? En ne choisissant pas pour ses personnages, le réalisateur leur donne une belle épaisseur et les entoure d’un peu de mystère. Si quelques scènes peuvent rappeler qu’il s’agit d’un téléfilm, Ma Vie avec Liberace est dans l’ensemble extrêmement cinématographique. Soderbergh fait parler sa science du plan et une mise en scène inventive pour traduire d’une part l’ambiance hors du temps, l’outrance et la flamboyance de Liberace, ses décors too much, ses costumes à la vulgarité assumée et d’autre part la complexité et les aspérités de ce personnage fascinant.
Avec ces ingrédients, il livre une comédie dramatique au sens propre du terme. Intense quand il s’agit de traiter l’étrange relation qui unit Lee et Scott, très drôle quand il expose les excès et l’aspect so queer du film. Moment mémorable, la rencontre avec le personnage de chirurgien esthétique joué par Rob Low. Irrésistible.
Évidemment, Ma vie avec Liberace n’aurait pas la même force sans l’interprétation impeccable de Damon et Douglas, impressionnants. Douglas évite avec finesse une redite de la Cage aux folles, et donne à son Liberace la dose d’humanité nécessaire pour ne pas en faire une grande folle despotique et égoïste et laisser poindre une certaine solitude et une profonde mélancolie derrière la masque de la flamboyance.
Oui, merci HBO.

NO PAIN NO GAIN – 13,5/20

No Pain No GainRéalisé par Michael Bay
Avec Mark Wahlberg, Dwayne Johnson

Synopsis : À Miami, Daniel Lugo, coach sportif, ferait n’importe quoi pour vivre le « rêve américain » et profiter, comme sa clientèle fortunée, de ce que la vie offre de meilleur : maisons de luxe, voitures de course et filles de rêve… Pour se donner toutes les chances d’y arriver, il dresse un plan simple et (presque) parfait : enlever un de ses plus riches clients et… lui voler sa vie. Il embarque avec lui deux complices, Paul Doyle et Adrian Doorbal, aussi influençables qu’ambitieux.

Avis : Il y a quelque chose de savoureux à voir Michael Bay, chantre du blockbuster décérébré, démolir le mythe de l’american dream avec une évidente ironie et un plaisir non feint. Entre deux épisodes des Transformers, et sans doute en position de force par rapport au studio qui produit la lucrative saga robotique, le réalisateur s’offre un «petit» film sans effets spéciaux, cynique et subversif. Le résultat est étonnant et opère un massacre en règle de certains idéaux yankees. Sans neurone, l’American Way of life peut vite virer au cauchemar. Surtout celui qui glorifie le corps et l’apparence. Bay ne pouvait rêver mieux que ce fait divers absolument ahurissant pour déverser son poil à gratter sur sa patrie d’adoption. Il tient probablement là les escrocs les plus idiots de l’histoire du cinéma. Et ils ont existé… Il s’amuse clairement à raconter l’exécution de leur plan d’une bêtise affligeante et leur entêtement à le mener à bout malgré l’évidence qu’il soit dès le départ voué à l’échec.
Le pari du réalisateur est d’autant plus réussi que le bonhomme sait indéniablement filmer. Le rythme est soutenu, les plans souvent convaincants et la caméra habillement en mouvement. L’utilisation de la voix off contribue à donner de la personnalité au récit, dans la mesure où chaque personnage emprunte successivement le procédé. Elle appuie la fascinante et aveugle confiance en eux du stupide trio de culturistes. Dans la peau gonflée de ces pieds-nickelés du crime, Whalberg, Mackie et surtout l’exceptionnel Dwayne Johnson donnent du muscle et de leur personne et font surtout preuve d’une rafraîchissante auto dérision.
Si No Pain No Gain s’essouffle un peu sur la longueur et finit par épuiser légèrement les yeux, il n’en reste pas moins que Michael Bay opère un louable, drôle et jouissif contre-pied dans sa filmographie. On applaudit.

LE MAJORDOME – 13,5/20

Le MajordomeRéalisé par Lee Daniels
Avec Forest Whitaker, Oprah Winfrey

Synopsis : Le jeune Cecil Gaines, en quête d’un avenir meilleur, fuit, en 1926, le Sud des États-Unis, en proie à la tyrannie ségrégationniste. Tout en devenant un homme, il acquiert les compétences inestimables qui lui permettent d’atteindre une fonction très convoitée : majordome de la Maison-Blanche. C’est là que Cecil devient, durant sept présidences, un témoin privilégié de son temps et des tractations qui ont lieu au sein du Bureau Ovale.
À la maison, sa femme, Gloria, élève leurs deux fils, et la famille jouit d’une existence confortable grâce au poste de Cecil. Pourtant, son engagement suscite des tensions dans son couple : Gloria s’éloigne de lui et les disputes avec l’un de ses fils, particulièrement anticonformiste, sont incessantes.
À travers le regard de Cecil Gaines, le film retrace l’évolution de la vie politique américaine et des relations entre communautés. De l’assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des « Black Panthers », de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate, Cecil vit ces événements de l’intérieur, mais aussi en père de famille…

Avis : Depuis l’arrivée d’Obama à la Maison Blanche, Hollywood ne cesse de se retourner sur le sombre passé ségrégationniste de Etats-Unis. Lincoln, La couleur des sentiments, Django Unchained, bientôt 12 Years of Slave et donc ce Majordome. Il était temps oui.
Peut-être est-ce l’aspect très personnel et concernant du sujet, mais le réalisateur controversé de Precious et Paperboy oublie son style pompier et incendiaire et sa vulgarité volontairement provocatrice pour conter cette fresque avec un étonnant classicisme. Il faut dire qu’il dispose avec l’histoire vraie de Cecil Gaines d’un formidable matériel pour balayer 30 ans de lutte pour l’égalité des droits civiques. Biopic fluide et dense, Le Majordome rend justice à son héros et permet surtout à Lee Daniels de mettre en lumière les luttes du peuple noir pour l’égalité, avec tout ce que ça implique de sacrifice et d’appréhension. Il prend judicieusement comme prisme les relations difficiles entre Cecil et son fils, qui deviendra une figure du combat pour les droits civiques. S’affrontent sur l’écran la peur de Cecil de perdre le peu qu’il a déjà gagné par rapport à son statut d’esclave, et la ferme volonté de la génération suivante d’obtenir par tous les moyens une égalité civique totale et réelle. En résulte un récit précis, couvrant avec justesse un demi-siècle d’histoire américaine et offrant de beaux et forts moments d’émotion. Incarnation épatante de ce majordome ayant servi tous les présidents américains de Eisenhower à Reagan, Forest Whitaker livre une énorme performance. A ses côtés brille l’étonnante Oprah Winfrey, magnifique de nuances en épouse subissant la carrière de son mari. Anecdotique mais asse ludique, la valse de grands acteurs grimés pour quelques minutes en présidents américains est assez grisante (Robin Williams, John Cusack, James Marsden, Alan Rickman…)
Il est rare qu’un film se déroulant sur une aussi longue période réussisse à garder un propos fort tout du long et à allier la petite et la grande histoire. Victime de quelques baisses de régime et de rares fautes de goût, Le Majordome y parvient tout de même. Fort dans le portrait d’un homme au parcours fascinant, éclairant et puissant dans le message pour honorer le combat pour l’égalité des droits civiques, le Majordome réussit à atteindre ce difficile équilibre.

LE DERNIER PUB AVANT LA FIN DU MONDE – 11,5/20

Le Dernier pub avant la fin du mondeRéalisé par Edgar Wright
Avec Simon Pegg, Nick Frost, Paddy Considine

Synopsis : ’histoire débute le 22 juin 1990 dans la petite ville anglaise de Newton Haven : cinq adolescents au comble de l’âge ingrat fêtent la fin des cours en se lançant dans une tournée épique des pubs de la ville. Malgré leur enthousiasme, et avec l’absorption d’un nombre impressionnant de pintes de bière, ils ne parviennent pas à leur but, le dernier pub sur leur liste : The World’s End (La Fin du Monde). Une vingtaine d’années plus tard, nos cinq mousquetaires ont tous quitté leur ville natale et sont devenus des hommes avec femme, enfants et responsabilités, à l’alarmante exception de celui qui fut un temps leur meneur, Gary King. L’incorrigible Gary, souhaite coûte que coûte réitérer l’épreuve de leur marathon alcoolisé…

Avis : Après Shaun of the Dead et Hot Fuzz, Edgar Wright et Simon Pegg concluent leur Cornetto Trilogy en détournant les codes d’un autre genre Hollywoodien, le film d’Apocalypse et d’invasion extra-terrestre. Si le style est toujours alerte et empreint de cet humour british souvent ravageur, le duo peine cette fois-ci à trouver l’alchimie qui rendait leurs deux premiers opus irrésistibles.
L’investissement des acteurs n’est pas en cause, le quintet formé par les plus incroyables tronches de la comédie british est irréprochable. Seulement, la sauce ne prend plus vraiment, le scénario se trouvant trop souvent écartelé et par conséquent affaibli par le mélange des genres un peu indigeste qu’il opère. Comédie sociale, buddy movie, film de retrouvailles, SF d’invasion, action movie… on finit par s’y perdre, d’autant plus que le fil conducteur (l’invasion d’aliens) est un copier-coller assez grossier de Shaun of the Dead, les zombies ayant laissé leur place aux ETs. L’humour y est aussi plus poussif, comme engoncé dans un cadre trop chargé et trop étroit, et capitule totalement dans une dernière partie assez largement ratée.
Finalement, le versant le plus réussi du film est sans doute le touchant portrait de cette génération de quadras ayant laissé de côté leurs idéaux de jeunesse et se lançant dans une entreprise désespérée pour rattraper le temps perdu. Décevant mais néanmoins plaisant.

ALABAMA MONROE – 14,5/20

Alabama MonroeRéalisé par Felix Van Groeningen
Avec Johan Heldenbergh, Veerle Baetens, Nell Cattrysse

Synopsis : Didier et Élise vivent une histoire d’amour passionnée et rythmée par la musique. Lui, joue du banjo dans un groupe de Bluegrass Country et vénère l’Amérique. Elle, tient un salon de tatouage et chante dans le groupe de Didier. De leur union fusionnelle naît une fille, Maybelle…

Avis : Un couple fusionnel dont l’équilibre est bouleversé par la grave maladie de leur enfant unique, voilà qui fait forcément écho au formidable « La guerre est déclarée » de Valérie Donzelli
Mais là où la réalisatrice française enrobait subtilement son drame d’un onirisme soigné et d’un humour décalé pour éviter tout misérabilisme, le jeune cinéaste flamand Felix Van Groeningen préfère montrer le réalisme brutal d’une tragédie dévastatrice. Mais le résultat est tout aussi réussi et totalement bouleversant.
Le réalisateur belge choisit de casser la temporalité de son film et donne ainsi corps à un récit surprenant et déchirant. L’alternance de flashbacks et de flashforwards densifie considérablement la dramaturgie de l’histoire, sans jamais perdre le spectateur qui dispose de repaires fins et nets pour recomposer la chronologie du couple (rencontre, mariage, naissance de l’enfant, découverte de la maladie). Ce remarquable tour de force structurel s’accompagne d’un style très sûr, composé de plans courts proches des acteurs et très évocateurs. De temps en temps, une parenthèse musicale (le couple appartient à un groupe de country flamand – oui, ça passe bien) vient offrir une pause bienvenue à l’ambiance souvent un peu pesante du film ou délivre une décharge émotionnelle inattendue. L’interprétation puissante des deux acteurs principaux, et de Veerle Baetens en particulier, intense et nuancée, donne corps à ce combat contre la fatalité. Aidés par des dialogues qui sonnent justes, ils transmettent parfaitement la douleur qui parcourt leurs personnages, la colère, l’incompréhension, la lente désintégration des sentiments.
Poignant de vérité, tout sauf larmoyant, authentique et inspiré, Alabama Monroe est de ces drames qui frappent au cœur. Une découverte.

CONJURING : LES DOSSIERS WARREN – 12,5/20

Conjuring : Les dossiers WarrenRéalisé par James Wan
Avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Ron Livingston

Synopsis : Avant Amityville, il y avait Harrisville… Conjuring : Les dossiers Warren, raconte l’histoire horrible, mais vraie, d’Ed et Lorraine Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier, venus en aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur ferme isolée… Contraints d’affronter une créature démoniaque d’une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l’affaire la plus terrifiante de leur carrière…

Avis : De facture très classique, The Conjuring n’en est pas moins d’une redoutable efficacité. S’appropriant à merveille les codes du genre, James Wan (Saw) mène parfaitement son affaire pour créer un climat anxiogène au possible et nous foutre les jetons.
Si The Conjuring se distingue de la plupart des productions horrifiques actuelles, c’est qu’il s’agit également d’un vrai film de cinéma. Point de found footage ici, mais un style élégant et racé, fait de plans séquences ambitieux et de mouvements de caméra ingénieux. Il repose de plus sur des personnages forts et attachants, interprétés par des acteurs costauds (Vera Farmiga en tête), ce qui finit de crédibiliser le projet. James Wan use également astucieusement de l’ambiance brumeuse en clair-obscur de cette vieille demeure et de l’esprit 70’s qui entoure le film. S’en dégage une ambiance pesante et terrifiante très à propos.
Avec Conjuring, on joue donc à se faire (très) peur. Sa limite tient sans doute au fait qu’il se dise tiré d’une histoire vraie, en particulier lorsqu’on assiste au final très démonstratif… On peut avoir les chocottes, mais on n’est pas pour autant obligés d’y croire…