AMANDA – 16/20

Amanda : AfficheDe Mikhaël Hers
Avec Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin

Chronique : Drame à la fois tragique et étrangement lumineux, Amanda bouleverse par sa simplicité et son pragmatisme teinté d’une infinie pudeur.
Mikhaël Hers met en scène le deuil et la résilience avec discrétion. À aucun moment le moindre pathos ne vient alourdir un propos qu’il énonce avec hauteur et distance. Il livre la douleur, brute et brutale, souligne la perte et pose les bases d’une possible reconstruction.
Le réalisateur prend d’ailleurs le temps d’installer son récit et ses personnages avant que le drame ne survienne, permettant ainsi d’observer les conséquences de la tragédie sur un environnement déjà familier.
Si Amanda traite évidemment indirectement des attentats du 13 novembre 2015 et de leurs répercussions sur Paris et les parisiens, le film ne se prend jamais les pieds dans le tapis du sensationnel. Il s’approprie le drame avec respect, mais sans déférence, n’élevant jamais le cas particulier de David et de sa sœur en généralité, encore moins en exemple. Il ne donne surtout pas de leçons sur comment survivre à un traumatisme comme celui-ci. Mais un éclairage, qui vaut autant qu’un autre.
Le rapprochement aussi forcé que naturel entre David et Amanda est à ce titre aussi réconfortant que déchirant, balançant une boule chaude d’humain dans ce contexte cruellement douloureux. Une relation pure, qui choisit de ne pas laisser la colère les envahir et qui s’exprime dans le regard étonnement expressif de la jeune actrice, sensationnelle. Vincent Lacoste livre une grande performance, son visage espiègle et sa légèreté laissant la place à une profonde gravité et une intériorité bouleversante. On l’a beaucoup vu cette année sur nos écrans (Plaire, Aimer et courir Vite, Première Année), mais là ou d’autres acteurs agaceraient ou lasseraient, lui fascine et intrigue, comme si on assistait à sa mue (très réussie) vers l’acteur accompli, plein de nuances et de maturité qu’il est devenu. Amanda en est si ce n’est l’aboutissement, du moins une étape importante.

Synopsis : Paris, de nos jours. David, 24 ans, vit au présent. Il jongle entre différents petits boulots et recule, pour un temps encore, l’heure des choix plus engageants. Le cours tranquille des choses vole en éclats quand sa sœur aînée meurt brutalement. Il se retrouve alors en charge de sa nièce de 7 ans, Amanda.

LES CHATOUILLES – 15,5/20

Les Chatouilles : AfficheDe Andréa Bescond,  Eric Métayer
Avec Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac

Chronique : Adaptation d’un seul en scène à succès, Les Chatouilles réussit son passage sur grand écran avec éclat, vitalité et panache. La dureté du sujet, la pédophilie, est abordée frontalement, ses traumatismes irréversibles sont clairement exposés mais ses effets mortifères sont contrebalancés par des élans de rage, de vie qui font des Chatouilles une œuvre à la fois lumineuse et indispensable pour ce qu’elle raconte. La mise en scène conserve une expression très théâtrale mais en prenant en compte les codes du cinéma avec une épatante maturité pour un premier film. Elle allie ingéniosité et liberté, fait évoluer ses personnages, en particulier Odette et sa psy, dans différentes temporalités, différents lieux, elles sont successivement actrices ou spectatrices. La façon dont Odette entraine, un peu de force au début, sa thérapeute dans son histoire donne lieu à de passionnants échanges, parfois drôles, parfois dévastateurs. Leurs incursions dans le passé d’Odette, ses souvenirs, ses rêves parfois fantasmés sont mis en scène avec créativité et fluidité. On y retrouve l’énergie et l’inventivité de Eric Metayer, co-réalisateur du film et compagnon de Andréa Bescond qui avait notamment proposé les 39 marches au théâtre, en multipliant habilement les changements de décors. Les nombreuses chorégraphies viennent souvent illustrer l’état d’esprit de la jeune femme. La danse comme premier catharsis, avant que la parole et le verbe ne prennent le relais et se révèlent le seul chemin vers une possible libération.
C’est dans cette étonnante et convaincante narration que Les Chatouilles trouve un parfait équilibre pour parler sans plomber d’un sujet aussi dramatique.
L’interprétation de Andréa Bescond est parfois excessive, sa rage et son énergie débordent un peu trop de l’écran, mais elle est compensée par sa sincérité et tempérée par les performances plus maitrisées des comédiens qui l’accompagnent, tous d’une imparable justesse. Pierre Deladonchamps est glaçant en monstre ordinaire, mais ce sont surtout les parents de la petite fille (formidable Cyrille Mairesse) qui épatent le plus. Cornillac est bouleversant en père bienveillant et Karin Viard exceptionnelle dans un rôle d’une effroyable dureté, qu’elle n’essaie jamais d’adoucir, celui d’une mère refusant d’admettre l’impensable, s’enfermant dans un déni destructeur.
En se teintant d’un onirisme cruellement pragmatique, Les Chatouilles peut dénoncer les plus affreuses vérités tout en montrant un chemin vers la résilience, même long, même parsemé d’embuches. Un film au cœur battant, mais surtout d’une puissante et indispensable valeur testimoniale.

Synopsis : Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles » ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie…

UN AMOUR IMPOSSIBLE – 14/20

Un Amour impossible : AfficheDe Catherine Corsini
Avec Virginie Efira, Niels Schneider, Jehnny Beth

Chronique : C’est l’histoire d’un amour… Ou de quelque chose qui y ressemble. C’est l’histoire d’une « rencontre inévitable », de liens qui se nouent et se distendent entre un homme et une femme, c’est l’histoire de l’affection contrariée d’une fille pour sa mère, c’est l’inattendue retour du père absent.
Mais c’est avant tout une fresque romanesque et tragique, qui suit le destin d’une femme, Rachel, déchirée entre l’irrépressible attraction qu’elle portera toute sa vie pour un homme qu’elle ne connaîtra jamais vraiment et ses envies d’émancipation qui en feront malgré elle une héroïne féministe.
Catherine Corsini filme admirablement bien l’absence, la place que cet homme indéchiffrable prend dans la vie de Rachel, l’omniprésence de ce vide, comme un fantôme hantant le quotidien de Rachel et Chantal, de plus en plus flou, loin, insaisissable. Et quelque part dangereux.
Sa mise en scène est sobre mais pas sans personnalité, s’appuyant sur une solide reconstitution d’époque, comme elle avait déjà si bien su le faire dans sa Belle Saison. La voix off donne un cachet légèrement daté mais cohérent, sorte d’écho aux films de la nouvelle vague, et contraste avec le jeu très naturel des acteurs. On pourra reprocher au film une fin un peu trop didactique, qui s’étire inutilement, un retour brutal et violent à notre époque, comme si la modernité lui seyait bien mal.
Mais cela n’enlève pas grand-chose à la force du récit et la puissance du destin de Rachel.
Surtout, Un Amour Impossible met à nouveau la lumière sur Virginie Efira, sublime, subtile, bouleversante. Indispensable.

Synopsis : À la fin des années 50 à Châteauroux, Rachel, modeste employée de bureau, rencontre Philippe, brillant jeune homme issu d’une famille bourgeoise. De cette liaison passionnelle mais brève naîtra une petite fille, Chantal. Philippe refuse de se marier en dehors de sa classe sociale. Rachel devra élever sa fille seule. Peu importe, pour elle Chantal est son grand bonheur, c’est pourquoi elle se bat pour qu’à défaut de l’élever, Philippe lui donne son nom. Une bataille de plus de dix ans qui finira par briser sa vie et celle de sa fille.

MILLENIUM : CE QUI NE ME TUE PAS – 10/20

Millenium : Ce qui ne me tue pas : AfficheDe Fede Alvarez
Avec Claire Foy, Sverrir Gudnason, Sylvia Hoeks

Chronique : A la lecture du roman, il était évident que ce quatrième opus de la série Millenium (le premier qui ne soit pas écrit par Stieg Larsson) avait été écrit pour le cinéma. Plus direct et moins cérébral que les 3 premiers tomes, Ce Qui Ne Me Tue Pas relève du thriller on ne peut plus classique, avec son lot de scènes d’action et un suspense assez efficacement amené (plus dans le livre que dans le film ceci dit).
Malheureusement, l’adaptation est laborieuse et pêche dans la restitution d’une intrigue réduite à sa plus simple expression, éliminant ou simplifiant tous les arcs un tant soit peu excitant (cybercrime, investigation journalistique, réseaux mafieux…) pour ne faire de ce nouveau Millenium qu’un vulgaire vigilante movie entièrement dédié à une héroïne. Une Lisbeth Salander qui perd énormément en complexité. Le scénario prend de trop nombreux raccourcis et souffre de trop d’incohérences pour ne pas plomber la réalisation maîtrisée de Fede Alvarez (l’excellent Don’t Breathe) et la performance de Claire Foy, crédible mais moins intense que Rooney Mara. D’un autre côté, l’actrice anglaise n’est pas forcément très bien servie par des dialogues plats et un personnage beaucoup moins riche à défendre. Quant au personnage de Blomkvist, il est littéralement sacrifié.
On est à des années lumières de l’intransigeance et la maestria de David Fincher pour The Dragon Tatoo. Surtout, ce genre de thriller très balisé souffre de la comparaison avec des séries de plus en plus exigeantes et documentées, qui peuvent se permettre de développer des intrigues criminelles ou géo-politiques sur la durée et de construire des interactions fortes et crédibles entre ses protagonistes.
Si bien que Ce Qui Ne Me Tue Pas semble provenir d’un autre temps et apparaît terriblement daté.

Synopsis : Frans Balder, éminent chercheur suédois en intelligence artificielle fait appel à Lisbeth Salander afin de récupérer un logiciel qu’il a créé et permettant de prendre le contrôle d’armes nucéaires. Mais la NSA ainsi qu’un groupe de terroristes mené par Jan Holster sont également sur la piste du logiciel. Traquée, Lisbeth va faire appel à son ami le journaliste Mikael Blomkvist qu’elle n’a pas vu depuis 3 ans.

BOHEMIAN RHAPOSDY – 12/20

Bohemian Rhapsody : AfficheDe Bryan Singer
Avec Rami Malek, Gwilym Lee, Lucy Boynton

Chronique : Attendu avec autant d’appréhension et de fébrilité que d’excitation par le fan de Queen que je suis, Bohemian Rhapsody allait-il être à la hauteur du génie absolu que fut sa Majesté Freddy Mercury ?
La réponse est clairement non, c’est une réelle et douloureuse déception.
Ce biopic s’avère désespérément sage, souvent fade, bien trop lisse pour traduire la complexité et la richesse de la carrière d’un groupe qui révolutionna le rock anglais, perpétuellement dans le renouvellement et l’inventivité. Précurseurs dans sa manière d’appréhender la création musicale (le titre Bohemian Rhapsody en étant le plus éclatante démonstration), Queen le fut aussi dans la manière de transmettre sa musique et de toucher son public, à travers le gigantisme de ses tournées, mais aussi en étant dans les premiers à s’appuyer sur le média télévisuel et les clips pour ajouter une dimension visuelle et souvent audacieuse à sa musique. En se concentrant sur la vie sentimentale de son chanteur, aussi légendaire fut-il, le film rate le principal et ne parvient jamais à capter l’essence du groupe. Mal fagoté et mal écrit, Bohemian Rhapsody se contente d’un récit consensuel, linéaire et sans génie, d’une mise en scène basique, et d’un scénario qui reste toujours en surface au lieu d’explorer les zones d’ombre du groupe et de son leader. Queen enchaîne les tubes et les idées musicales de génies avec une facilité déconcertante (on imagine pourtant mal que toutes ses chansons culte leur soient toutes venues en deux minutes) et si l’histoire de Mercury fait bien référence à son homosexualité et sa séropositivité, c’est encore une fois de manière très superficielle, très factuelle, et sans chercher à approfondir l’impact sur le reste du groupe et sur sa vie personnelle de ce qui fut toujours considéré comme un tabou et longtemps vécu comme un profond mal-être par le chanteur.
MAIS, car il y a un gros MAIS, deux éléments viennent sauver Bohemian Rhapsody de la plantade. Il ne faut que 10 minutes à Rami Malek pour que l’on oublie (presque) ses fausses dents et ses postiches et qu’il nous convainque en Freddy. C’était une gageure, et c’est une performance. Peut-être pas suffisant pour les Oscars au regard des faiblesses du film, mais sans hésitation son atout principal après… ces putain de chansons ! Dès que les premières notes d’un des hits parmi la centaine qui ont jalonné la carrière de Queen se mettent à jouer, les poils commencent à se dresser, les frissons à parcourir la nuque. Killer Queen, Love of my Life, Radio Gaga, Another one bite the dust, pour n’en citer que quelques-uns sur lesquels le film met l’accent, autant d’instants électrisants et galvanisants pour tout fan du groupe. Le point culminant restant la reconstitution quasiment à l’identique des mythiques vingt minutes qu’a donné le groupe à Wembley à l’occasion du concert caritatif Live Aid en 1985, auxquelles on assiste une larmichette au coin des yeux. « A kind of magic moment » qui ravive chez moi le regret éternel de ne jamais avoir l’occasion de voir Queen et Mercury sur scène dans ma vie…
Projet compliqué ayant connu de nombreux déboires dans sa production (changement de casting, réalisateur viré, main mise artistique des membres historiques du groupe), Bohemian Rhapsody s’est construit dans la douleur pour un résultat par moment euphorisant, mais surtout extrêmement frustrant…

Synopsis : Bohemian Rhapsody retrace le destin extraordinaire du groupe Queen et de leur chanteur emblématique Freddie Mercury, qui a défié les stéréotypes, brisé les conventions et révolutionné la musique. Du succès fulgurant de Freddie Mercury à ses excès, risquant la quasi-implosion du groupe, jusqu’à son retour triomphal sur scène lors du concert Live Aid, alors qu’il était frappé par la maladie, découvrez la vie exceptionnelle d’un homme qui continue d’inspirer les outsiders, les rêveurs et tous ceux qui aiment la musique.

LE GRAND BAIN – 12,5/20

Le Grand Bain : AfficheDe Gilles Lellouche
Avec Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde

Chronique : Présenté à juste titre comme un Full Monty à la française, Le Grand Bain, malgré ses atouts indéniables, est loin d’égaler son illustre modèle.
Il aurait fallu pour cela une mise en scène moins prévisible, un rythme plus soutenu, une bande-son moins ringarde, mais surtout d’un peu plus de finesse lorsqu’il s’agit d’aborder le registre très sensible de la comédie sociale. La bande de pieds-nickelés qui composent l’improbable équipe de natation synchronisée masculine repose sur des clichés bien trop appuyés pour donner au Grand Bain ce supplément d’âme qui peut sublimer le genre. Gilles Lellouche n’y est pas allé avec le dos de la cuillère dans la caractérisation de ses personnages tous construit sur un modèle assez similaire et avec peu de nuances. Une bande de quadra/quinquas dépressifs, de ratés aigris et agressifs qu’on n’a au départ pas vraiment envie d’accompagner. Heureusement, le Grand Bain s’adoucit au fur et à mesure que son intrigue avance, et il finit par délivrer ce qu’on peut attendre d’une comédie « crowd pleasure »
Car s’il enfonce les portes ouvertes, on rit quand même souvent, et franchement, souvent au détriment des apprentis nageurs, parfois avec eux. Les punchlines se font de plus en plus efficaces, les situations gagnent en profondeur et les trajectoires personnelles de chacun, assez plombant et malaisant, laisse progressivement la place au destin collectif qui emporte finalement l’adhésion.
Surtout, et c’est la qualité première du Grand Bain, Lellouche tire le meilleur d’un casting hétéroclite et finalement complémentaire. Philippe Katerine est exceptionnel, touchant et hilarant, Canet, Poelvoorde et Anglade jouent des partitions qu’ils maitrisent parfaitement, mais ce sont sans doute les personnages gravitant autour de l’équipe qui sont les plus marquants, en particulier les rôles féminins. L’arc narratif autour des anciennes partenaires qui coacheront tour à tour l’équipe (Virginie Efira, Leila Bekhti) est le plus construit et le plus fort. Et il n’est pas étonnant que le film décolle vraiment lorsque Leila Bekhti apparaît à l’écran.
Par ailleurs Lellouche réussit clairement son final, qui valide sur le fil au Grand Bain son statut de Feel Good Movie.
Si on n’est pas obligés d’être emballés, on peut aussi difficilement nier sa bienveillance et son côté réconfortant. Après Le Jeu et En Liberté! tous sortis à quelques jours d’intervalle, Le Grand Bain démontre qu’il y a une vie possible pour la comédie française en dehors d’Alad’2 et Epouse-moi mon pote. Rien que pour ça, on est reconnaissant.

Synopsis : C’est dans les couloirs de leur piscine municipale que Bertrand, Marcus, Simon, Laurent, Thierry et les autres s’entraînent sous l’autorité toute relative de Delphine, ancienne gloire des bassins. Ensemble, ils se sentent libres et utiles. Ils vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la gent féminine : la natation synchronisée. Alors, oui c’est une idée plutôt bizarre, mais ce défi leur permettra de trouver un sens à leur vie…