Séries | THE LAST OF US S01 – 15/20 | SHRINKING S01 – 14/20 | SERVANT S04 – 13/20

THE LAST OF US S01 (HBO) – 15/20

Une adaptation plus que réussie du jeu vidéo culte par les créateurs de l’excellent Tchernobyl. Si la série suit à la lettre la trame principale du jeu, en particulier la relation entre Ellie et Joel, elle développe également les histoires et les personnages annexes à travers des mini-récits solides et parfois déchirants. Ces pas de côtés apportent une plus-value par rapport au matériel original, tout en en gardant l’essence. Une histoire post-apocalyptique effrayante et passionnante appuyée par une mise en scène puissante qui prolonge efficacement la hype de la franchise.


SHRINKING S01 (AppleTV) – 14/20

Shrinking met un peu de temps à trouver son rythme de croisière (3/4 épisodes) mais finit par convaincre par son humour et sa bienveillance. C’est une dramédie mais qui a le bon goût de ne pas trop s’appesantir sur le pathos. Si on peut regretter qu’elle délaisse rapidement son idée de départ (un psy qui dit ce qu’il pense réellement à ses patients), c’est pour mieux développer des personnages attachants, drôles et touchants, qui font pencher la série vers la lumière plus que le sordide et tant mieux. Les acteurs sont parfaits (Segel, Ford ) mais ce sont les actrices qui brillent le plus : Christia Miller et surtout Jessica Williams sont irrésistibles.


SERVANT S04 (AppleTV) – 13/20

Depuis une bonne saison, Servant avait un peu tendance à tourner autour du pot, il était donc temps que ça se décante vraiment. Dans son dernier chapitre, la série renforce son pan surnaturel et ésotérique. Elle est aussi plus frontalement effrayante. Comme pour se films, Shyamalan n’essaie plus de surprendre par des twists incroyables, mais cherche à installer une ambiance, à amener son spectateur à se questionner, quitte à ne pas tout expliquer. Une série lui en donne le temps. Même si on est un peu déçu de ne pas recevoir une claque à la Sixième sens, Servant et son cast très solide nous auront bien tenu en haleine sur 4 saisons.

Cinéma | TOUTE LA BEAUTÉ ET LE SANG VERSÉ – 16,5/20

De Laura Poitras

Chronique : Toute la beauté et le sang versé est un documentaire d’une densité impressionnante, une plongée passionnante dans la vie tumultueuse, l’œuvre foisonnante et les combats de l’artiste Nan Goldin.
Un contenu qui se décline sur deux temporalités, deux histoires dont la photographe est l’héroïnes et qui finiront par se répondre. En fil rouge, on suit le quotidien de Nan Goldin la lanceuse d’alerte, victime de la crise des opioïdes dont elle s’est miraculeusement sortie. Elle traque sans relâche la famille milliardaire Sackler, dont l’entreprise pharmaceutique a introduit l’oxycontin sur le marché américain en cachant sa nocivité, un anti-douleur ultra addictif désormais à l’origine de plus de 100 000 décès par an. En parallèle, Toute la beauté… retrace le parcours de Nan Goldin l’artiste, dont on réalise progressivement à quel point il aura nourri sa lutte actuelle. Le film fait des allers-retours entre ses actions pour tenter de retirer le nom Sackler des murs des musées qu’ils ont subventionnés (Met, Louvres, Guggenheim) et son parcours cabossé mais prolifique de femme et d’artiste. A travers de nombreuses images d’archive, le documentaire retrace son enfance meurtrie par le suicide de sa sœur et la distance de ses parents, puis évoque sa vie de jeune femme dans un New-York underground au cœur d’une communauté queer et drag qui commence à émerger et à revendiquer une visibilité jusque-là interdite, ou encore ses brèves années en tant que travailleuse du sexe. Sa vie se confond avec son art, ses photos sont autant de témoignages qui auront d’autant plus de poids et de sens lorsque l’épidémie du sida viendra décimer son cercle d’amis. Son œuvre prendra alors un tour réellement militant et sa proximité avec le mouvement AIDS l’aura sans doute encouragé à mener son combat contre les Sackler.
Toute la beauté est remarquablement bien construit. Le montage est simple, mais parvient très intelligemment à montrer à quel point le parcours artistique de Nan Goldin éclaire son activisme récent. En point d’orgue, une confrontation par écrans interposés entre les victimes de l’oxy et des membres de la famille Sackler. Edifiant. En cela, le film complète parfaitement l’excellente série Dopesick, qui décrit avec puissance et vérité les ravages de l’oxycontin et l’hécatombe que son introduction a provoqué aux USA tout en affichant clairement la responsabilité des Sackler, qui ont sciemment menti sur la dangerosité de leur produit par cupidité.
Liant l’intime et le politique, Toute la beauté et le sang versé choque, passionne et fascine. Un combat à la David contre Goliath que vient nourrir le récit d’une vie d’artiste intransigeante et les stigmas d’un drame familial. Un Lion d’or à Venise amplement mérité.

Synopsis : Nan Goldin a révolutionné l’art de la photographie et réinventé la notion du genre et les définitions de la normalité. Immense artiste, Nan Goldin est aussi une activiste infatigable, qui, depuis des années, se bat contre la famille Sackler, responsable de la crise des opiacés aux États Unis et dans le monde. Toute la beauté et le sang versé nous mène au cœur de ses combats artistiques et politiques, mus par l’amitié, l’humanisme et l’émotion.

Cinéma | EMPIRE OF LIGHT – 13/20

De Sam Mendes
Avec Olivia Colman, Micheal Ward, Colin Firth

Chronique : Sam Mendes (American Beauty, Les Noces Rebelles, 1917…) a peu d’équivalent pour sonder l’âme humaine sur grand écran et capturer sur le visage de ses comédiens les émotions qui les traversent, belles ou douloureuses.
Il le prouve une nouvelle fois avec Empire of Light, qui vient s’ajouter à longue liste des films récents déclarant leur amour au 7ème art et à ceux qui le font. Il s’intéresse ici au triste destin de Hilary, responsable d’un cinéma dans l’Angleterre Thatchérienne et dont le quotidien morne va peu à peu s’éclairer au contact de Stephen, un nouvel employé curieux et plein de vie.
Le film traite ainsi d’une multitude de problématiques, le scénario aborde autant le racisme que le sexisme, pointe du doigt la misogynie et l’âgisme tout en alertant sur la détresse causée par les maladies mentales. Ça fait beaucoup et sans doute un peu trop, le réalisateur ne peut que rester en surface sans vraiment aller au bout des choses. Il laisse ainsi beaucoup de questions en suspens sur le passé de Hilary, des ellipses qu’on devine plus forcées par le manque de temps que motivées par une réelle envie de rester mystérieux.
Le cœur de l’histoire reste la romance entre Stephen et Hilary. Même si on a du mal à y croire tout à fait, la finesse des dialogues, la subtilité de la mise en scène permettent à Mendes de dégager une réelle puissance émotionnelle. Il peut s’appuyer sur la photographie exceptionnelle de Roger Deakins pour dessiner des plans splendides, de magnifiques tableaux. La précisions de la reconstitution fait qu’on se croirait à l’Empire, on entend le son de la caisse enregistreuse, on sent l’odeur du pop-corn.
Mais surtout, il y a Olivia Colman. Egale à elle-même, elle irradie et bouleverse en femme solitaire luttant avec sa santé mentale fragile. Elle s’érige en parfait porte-parole de Sam Mendes pour transmettre sa reconnaissance aux salles de cinéma, lieu de rêve et d’émerveillement uniques et universels.

Synopsis : Hilary est responsable d’un cinéma dans une ville balnéaire anglaise et tente de préserver sa santé mentale fragile. Stephen est un nouvel employé qui n’aspire qu’à quitter cette petite ville de province où chaque jour peut vite se transformer en épreuve. En se rapprochant l’un de l’autre, ils vont apprendre à soigner leurs blessures grâce à la musique, au cinéma et au sentiment d’appartenance à un groupe…

Séries | LA NUIT OÙ LAURIER GAUDREAULT S’EST RÉVEILLÉ – 16/20 | EXTRAORDINARY S01 – 14/20 | LOCKWOOD & CO S01 – 13/20

LA NUIT OÙ LAURIER GAUDREAULT S’EST RÉVEILLÉ (Canal+) – 16/20

Tout ce qui fait le cinéma de Xavier Dolan se retrouve dans sa première série. On aurait pu craindre que la singularité de son style soit diluée dans ce format allongé, mais au contraire, il lui donne plus d’ampleur.
La sophistication de sa mise en scène s’avère particulièrement bien adaptée à ce thriller familial intense, narré sur deux époques. Dolan s’est beaucoup construit sur les histoires de famille, les rapports de force au sein de celles-ci. Il trouve avec l’adaptation de cette pièce de Michel Marc Bouchard (déjà auteur de Tom à la Ferme) un parfait terrain de jeu pour nous y entrainer et nous perdre.
Les deux histoires sont brillamment articulées, se répondant sans cesse tout en entretenant savamment le mystère sur ce qui s’est passé en 90.
Gérant habillement les cliffhangers de fin d’épisodes et les rebondissements, Dolan s’adapte tout en restant fidèle à ses préceptes, un soin particulier apportés à ses personnages, complexes, secrets, et une mise en scène pop inventive. Il traduit comme personne les drames familiaux, les tensions, les affrontements et les rancœurs. Ça sonne juste. L’intensité va crescendo, la tension grimpe.
Si l’accent québécois est toujours un peu perturbant au début, on adhère rapidement aux performances de Julie Le Breton et Patrick Hivon, qu’on découvre intenses et formidables de nuances. La musique de Hans Zimmer (rien que ça) entretient savamment le mystère et suggère l’émotion.
Dolan confirme ses dires comme quoi il serait peut-être plus un showrunner qu’un réalisateur. En tout cas, le format sériel lui va très bien ! Une réussite.


EXTRAORDINARY S01 (Disney+) – 14/20

Un concept vraiment amusant (un monde où tout le monde a un super pouvoir sauf notre héroïne) qui se fond parfaitement dans l’humour anglais. Une espèce de croisement improbable entre Fleabag et the Boys. Extraordinary détourne les codes des films de super-héros pour composer une comédie british culottée et rythmé, avec peu de moyens mais beaucoup d’idées. Cette quête du super-pouvoir cache évidemment une recherche sur soi-même et s’appuie sur des personnages très bien écrits.


LOCKWOOD & CO S01 (Netflix) – 13/20

Si vous voulez une série teen qui fasse peur, pas dénuée d’humour (elle est anglaise), avec un univers travaillé et singulier, de vrais personnages, oubliez Mercredi et préférez Lockwood & Co
Sans être un grand fan des histoires de fantôme, l’uchronie s’avère intéressante et intrigante. Quel est ce Problème qui a infesté le monde de spectres et de Fantômes ?
Les jeunes acteurs sont convaincants, en particulier la jeune Ruby Stokes, aux faux airs de Florence Pugh, et c’est un compliment. Si l’intrigue tourne un peu en rond sur les derniers épisodes, Lockwood est une série Netflix plus originale qu’à l’ordinaire. »

Cinéma | MON CRIME – 13,5/20

De François Ozon
Avec Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Isabelle Huppert

Chronique : Un Ozon en costumes bon cru, ambitieux et tenu. S’il avait tâtonné avec 8 Femmes (unpopular opinion, j’avais trouvé qu’il s’était fait bouffer par ses actrices qu’il regardait plus avec de yeux de fans que de metteur en scène), il avait convaincu avec le très drôle Potiche et confirme avec Mon Crime son talent pour faire dialoguer deux époques.
Il transpose en effet intelligemment le discours féministe et les préoccupations du mouvement #metoo dans la France des années 20 à travers une comédie rythmée au charme désuet et délicieusement amorale. Cette histoire de faux crime prend parfois des airs de Chicago. Même si on n’y chante pas (mais on peut faire chanter), Ozon impose à son film un tempo enlevé grâce à une mise en scène certes théâtrale mais dynamique, jouant malicieusement sur les apparences. La très jolie reconstitution du Paris de l’entre-deux guerre sert de décor à ce boulevard anti-patriarcal plus profond qu’il n’y parait. Les héroïnes sont solidement campées par les deux étoiles montantes du cinéma français Nadia Tereszkiewicz (les Amandiers) et Rebecca Marder (Simon), entourées d’un casting scintillant où brillent Dany Boon (oui) et Lucchini, mais surtout Isabelle Huppert, dont la partition savoureuse en actrice du cinéma muet déchue et sans le sou porte le dernier tiers du film.
Tout le monde s’amuse beaucoup dans Mon crime, les acteurs, Ozon lui-même et nous avec.

Synopsis : Dans les années 30 à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Aidée de sa meilleure amie Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense. Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour…

Cinéma | SCREAM VI – 13/20

De Matt Bettinelli-Olpin, Tyler Gillett
Avec Melissa Barrera, Courteney Cox, Jenna Ortega

Chronique : En quittant Woodsboro pour s’exiler à New York, la franchise horrifique injecte du sang frais à une recette franchement affadie par un opus précédent raté, englué dans un concept de requel qui singeait la saga par une accumulation de clichés plus qu’il ne lui rendait hommage, oubliant au passage de construire des personnages et pire, de faire peur.
Le duo de réalisateur revient avec de bien meilleures intentions, comme débarrassé du poids de l’héritage de Wes Craven et libre de se démarquer de l’imposant cahier des charges attaché à la saga. Ils peuvent réinventer les passages obligés de la franchise en faisant des films précédents un matériel avec lequel jouer, sans forcément les imiter.
Le changement de décor ramène l’inconfort et l’incertitude des premiers Scream. L’introduction déroutante, donc réussie, ouvre d’entrée de nouvelles perspectives. Et on se surprend de nouveau à être surpris grâce à une mise en scène brutale et plus directe. On retiendra particulièrement une scène dans le métro new-yorkais très efficace,
Si les incohérences et les décisions absurdes des protagonistes s’enfilent toujours comme des perles (on reste dans Scream), elles passent beaucoup mieux que dans le 5, d’une part parce qu’on s’interroge vraiment sur l’identité du tueur jusqu’au dénouement (alors qu’on en avait franchement rien à faire dans le précédent), les twists fonctionnent, mais surtout parce qu’on s’est attachés à des personnages bien mieux construits, conscient de leur statut, liés par un vécu et des sentiments qui sonnent justes cette fois-ci et qui donnent plus de relief aux attaques de Ghostface. Neve Campbell absente, Melissa Barrera et Jenna Ortega ont sans doute plus de place pour exister. Elles campent désormais ses dignes héritières et se révèlent être d’excellentes final girls.
En rabattant les cartes et en redéfinissant les règles du slasher le plus prolifique d’Hollywood, Scream VI redonne de la saveur à une licence qui commençait à manquer sacrément de personnalité.
Alors qu’on allait se mettre en mode avion, on est prêt à décrocher son téléphone pour un 7eme coup de fil.

Synopsis : Après avoir frappé à trois reprises à Woodsboro, après avoir terrorisé le campus de Windsor et les studios d’Hollywood, Ghostface a décidé de sévir dans Big Apple, mais dans une ville aussi grande que New-York personne ne vous entendra crier…

Cinéma | THE FABELMANS – 15/20

De Steven Spielberg
Avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano

Chronique : The Fabelmans est un film d’apprentissage aussi émouvant qu’instructif, faisant répondre au récit familial la naissance d’une vocation. Et pas n’importe quelle vocation, puisqu’il s’agit de celle d’un des plus grands cinéastes actuels, Steven Spielberg, qui n’avait jamais livré un film aussi frontalement autobiographique.
Car Sam est évidemment l’avatar du réalisateur, jeune lycéen juif dans l’Amérique des années 50, ballotté entre l’Ohio, l’Arizona et la Californie au grès des difficultés auxquelles sont confrontés ses parents.
Couvée par une mère artiste fantasque et fragile psychologiquement qui l’encourage dans sa passion, incompris par un père aimant mais trop terre à terre pour voir autre chose qu’un hobby dans la passion de Sam et pour se résoudre à voir les problèmes de son couple, le garçon se réfugie dans le cinéma qu’il a découvert, traumatisé, lors d’une projection du film Sous le plus grand chapiteau du monde. Une expérience qui virera à l’obsession et ne sera digérée que lorsqu’il aura su reproduire avec ses trains électriques l’accident qu’il a vu à l’écran. Une épiphanie qui marque la naissance d’un cinéaste et se révèle fascinant. Les projets suivants, films de famille, western avec ses camarades de classe, documentaire sur la fête de fin d’année du lycée, représentent autant de mises en abimes étourdissantes, la caméra de Steven Spielberg captant ses débuts, suggérant son perfectionnisme et posant les bases de son futur de réalisateur, avec nostalgie mais sans complaisance ni nombrilisme. Il le fait dans une mise en scène évidemment brillante qui raconte par elle-même le chemin parcouru. Tout est pensé pour fluidifier la narration, délivrer des plans sublimes et/ou émouvant. Les dialogues, fins et subtiles appuient un montage intelligent, alternant les moments doux, parfois drôles et les passages plus douloureux. Le jeu de miroir entre le présent et le passé traduit l’essence du cinéma de Spielberg : la force de l’image, la puissance de l’émotion et le pouvoir de la suggestion. Le cinéma a tout autant le pouvoir de capter la vérité que de tordre la réalité.
Steven Spielberg parvient habilement à conjuguer la chronique familiale (où brille Michelle Williams, exceptionnelle) et l’éveil artistique de son alter ego. En filmant The Fabelmans, le réalisateur star rend hommage aux siens et à son métier. En faisant ce qu’il fait de mieux, un grand film.

Synopsis : Portrait profondément intime d’une enfance américaine au XXème siècle, The Fabelmans de Steven Spielberg nous plonge dans l’histoire familiale du cinéaste qui a façonné sa vie personnelle et professionnelle. À partir du récit initiatique d’un jeune homme solitaire qui aspire à réaliser ses rêves, le film explore les relations amoureuses, l’ambition artistique, le sacrifice et les moments de lucidité qui nous permettent d’avoir un regard sincère et tendre sur nous-mêmes et nos parents.