MIDNIGHT SPECIAL – 17/20

Midnight Special : AfficheDe Jeff Nichols
Avec Michael Shannon, Jaeden Lieberher, Joel Edgerton

Avis : Midnight Special est le film d’un brillant alchimiste, une fusion miraculeuse entre road movie, science-fiction, thriller et drame intimiste. D’une densité remarquable et menée avec une maîtrise sidérante, la cavale du jeune garçon et de son père profite autant des talents de conteurs de Jeff Nichols que de sa capacité à beaucoup montrer (ou suggérer) avec peu d’effets. Après Take Shelter et Mud, il confirme ses aptitudes à cerner les rapports père-fils et l’acuité de sa caméra pour saisir les émotions les plus revêches. Michael Shanon n’aura jamais véhiculé autant de douceur et de bonté que dans ce rôle de père qui doit se résoudre à abandonner son fils à ce qu’il est après l’avoir tant protégé.
Mais Midnight Special démontre aussi la pertinence du cinéma de Nichols lorsqu’il s’agit d’installer une tension qui va crescendo. Sans esbroufe, en allant au principal, il crée une urgence qui accompagne constamment les fugitifs et nous tient en haleine jusqu’au dénouement, auquel on assiste la gorge serrée. Avec une admirable et déconcertante facilité, il passe d’une scène d’action concise et captivante à un échange déchirant entre ses personnages qui nous terrasse d’émotions. La mise en scène porte le récit à des hauteurs rarement atteintes, délivrant des plans à la puissance folle, jouant de la symbolique de son décor purement américain et de l’importance du soleil sur la condition de Alton. Certaines scènes magnifiant l’antagonisme jour/nuit sont de toute beauté.
C’est un grand film populaire qu’offre Nichols avec Midnight Special, un mélange des genres exigeant, haletant, poétique, envoûtant, bouleversant.
Un film fantastique à bien des égards…

Synopsis : Fuyant d’abord des fanatiques religieux et des forces de police, Roy, père de famille et son fils Alton, se retrouvent bientôt les proies d’une chasse à l’homme à travers tout le pays, mobilisant même les plus hautes instances du gouvernement fédéral. En fin de compte, le père risque tout pour sauver son fils et lui permettre d’accomplir son destin. Un destin qui pourrait bien changer le monde pour toujours.

BATMAN V SUPERMAN : 10,5/20

Batman v Superman : L’Aube de la Justice : AfficheDe Zack Snyder
Avec Ben Affleck, Henry Cavill, Jesse Eisenberg

Chronique : Why so serious?
Cette réplique maintenant culte de Heath « The Joker » Ledger dans The Dark Knight pourrait parfaitement s’adresser au reboot de la chauve-souris par Snyder dans BatmanVSuperman.
Non qu’adopter une posture sombre et grave pour aborder le destin des super-héros soit une mauvaise chose en soi, The Dark Knight, polar sombre, personnel et brut, de loin le meilleur film sur Batman jusque-là, en est la preuve éclatante. Le problème avec BVS (on va l’appeler comme ça), c’est qu’il se prend trop au sérieux sans avoir véritablement la matière pour. Aucun recul, aucun humour, aucun glamour, le film est d’emblée peu aimable.
L’idée sur laquelle repose le scénario est pourtant bonne et soulève des thématiques fortes, comme la responsabilité d’un pouvoir exceptionnel, le danger d’un égo mal placé, la frontière entre armes préventives et armes de destructions massives. La première partie de BVS se tient d’ailleurs plutôt bien, exposant l’affrontement entre les deux héros dans un contexte de crise. Mais Snyder en perd rapidement le fil.
Le réalisateur confère à son blockbuster une grosse ambition symbolique, et multiplie les tableaux à forte portée iconique et religieuse, une imagerie puissante et pour le moins chargée (confère le dernier plan christique du combat final). Il a certes une vision, mais assez bordélique dans le fond. Son BatmanVSuperman rencontre très vite un gros problème de cohérence scénaristique et à beaucoup de mal à tenir les multiples arcs narratifs qu’il lance. On finit par ne plus comprendre grand-chose. Flash back, visions, rêves, on ne sait plus bien, viennent alourdir un ensemble déjà bien indigeste. Le récit rencontre aussi un problème au niveau de l’interaction des personnages, en particulier avec le rôle de Lex Luthor. Antagoniste historique de Superman, sa relation fonctionne mal avec Batman, qui semble un peu perdu loin de Gotham (pour le peu qu’on puisse deviner du le jeu de Ben Affleck). On a l’impression que Snyder ne sait pas trop quoi faire de ce personnage machiavélique, coincé entre les deux super héros. D’autant plus qu’en cabotinant comme jamais, Jesse Eisenberg en devient rapidement grotesque. Il est à l’image de la mise en scène de son réalisateur, too much en permanence, sans visiblement en avoir conscience. Mais Eisenberg n’est pas le seul à passer à côté de son personnage. Ben Affleck, la mâchoire serrée et le regard vide, incarne un Batman anti-charismatique (reconnaissons qu’il n’a pas beaucoup d’armes pour le défendre) et passablement énervant. Si Cavill tient bien son Superman mais perd toute les nuances que la « schizophrénie » de son personnage est sensé lui apporter (Clark Kent est clairement laissé de côté), c’est surtout Wonder Woman et sa superbe interprète Gal Gadot qui en sort grande gagnante. Immédiatement crédible, elle dépoussière et modernise l’héroïne amazone instantanément. Finalement, BVS s’apparente presque à une introduction royale de son personnage, dont on a évidemment envie d’apprendre plus (tout comme The Flash, qu’on aperçoit rapidement, mais ça, c’est parce que Ezra Miller est un acteur formidable)
Outre ses problèmes de structure, BVS souffre finalement tout simplement d’un manque d’intérêt. On ne passe pas forcément un mauvais moment, mais on s’en fout un peu…
Peut-être que s’il n’avait pas forcément cherché à nous en foutre plein la vue, Snyder aurait pu se concentrer sur l’essentiel, ce qu’il veut raconter. Sans doute le prendra-t-il en compte pour ses films Justice League, regroupement de tous les super-héros DC Comics. Mais en sera-t-il capable avec autant de personnages à traiter ?
A priori, le succès commercial de BVS devrait lui laisser l’opportunité de le prouver.

Synopsis : Craignant que Superman n’abuse de sa toute-puissance, le Chevalier noir décide de l’affronter : le monde a-t-il davantage besoin d’un super-héros aux pouvoirs sans limite ou d’un justicier à la force redoutable mais d’origine humaine ? Pendant ce temps-là, une terrible menace se profile à l’horizon…

10 CLOVERFIELD LANE – 14/20

10 Cloverfield Lane : AfficheDe Dan Trachtenberg
Avec Mary Elizabeth Winstead, John Goodman, John Gallagher Jr.

Avis : Cloverfield avait surpris son monde il y a huit ans (déjà oui…). Il s’imposait comme le premier film de found footage assumé et vraiment réussi, allant intelligemment au bout de son concept. 10, Cloverfield lane est son lointain cousin, partageant le même ADN de thriller SF, mais l’exprimant de manière totalement différente. Par opposition à la caméra subjective de son aîné, 10 Cloverfield Lane regarde ses protagonistes les yeux dans les yeux. L’œil du réalisateur est bien présent, malicieux. Il joue avec nous tout autant qu’avec ses personnages et le moins que l’on puisse dire c’est que Dan Trachtenberg connaît sacrément bien les règles du jeu pour un premier film !
On est happé dès les premières minutes et on ne relâche plus notre attention, ravis de se faire mener en bateau. Certes, le film connait quelques petits moments de flottement et on craint un moment qu’il ne devienne un poil bavard et puis non. Il avance au rythme de twists très bien sentis et voit la tension gonfler progressivement jusqu’à un final WTF mais tendu comme un string.
Avec sa mise en scène maline et simple, son art du contre-pied, son casting solide et une bande son très efficace, 10 Cloverfied Lane surgit de nul part et réussit son coup.
Très très bien foutu donc.

Synopsis : Une jeune femme se réveille dans une cave après un accident de voiture. Ne sachant pas comment elle a atterri dans cet endroit, elle pense tout d’abord avoir été kidnappée. Son gardien tente de la rassurer en lui disant qu’il lui a sauvé la vie après une attaque chimique d’envergure. En l’absence de certitude, elle décide de s’échapper…

BROOKLYN – 15,5/20

Brooklyn : AfficheDe John Crowley, Paul Tsan
Avec Saoirse Ronan, Domhnall Gleeson, Emory Cohen

Avis : Un coup asséné directement au cœur. C’est ce qu’on ressent en suivant le voyage d’Eilis, jeune irlandaise encouragée par sa famille à traverser l’atlantique à la recherche d’un avenir plus radieux que dans ses Highlands. C’est avec autant d’espoir que d’appréhension qu’elle débarque à New-York, impressionnée par un monde vaste, frénétique et diverses mais qui, elle s’en rendra vite compte, lui offrira de multiples opportunités de se réaliser. Elle devra ensuite se confronter au difficile choix d’un confortable retour au pays ou d’une plus aléatoire mais plus excitante vie d’immigrée au cœur de la grande communauté irlandaise de Brooklyn.
Le film traite avec une élégance rare et une finesse absolue de ce déchirement entre deux pays, de la douleur du déracinement et de la douceur de l’intégration. De la reconstitution très fidèle du New-York de l’après-guerre à une photographie particulièrement chiadée, Brooklyn est d’une grande réussite picturale (à l’image de son affiche magnifique). Certains tableaux suscitent un simple mais réel émerveillement, de ceux que l’on ressent dans des endroits étrangement familiers et particulièrement confortables. On est bien devant Brooklyn…
C’est bourré d’optimisme, ça parle d’amour avec naturel et évidence, sans guimauve. Le film de John Crowley touche à une sorte de pureté dans l’émotion. Il est surtout porté par une interprète lumineuse qui exprime toutes les nuances de son personnage avec fraicheur, tact et profondeur. Une certaine grâce miraculeuse accompagne le couple qu’elle compose avec Emory Cohen qui campe un jeune immigré italien au charme discret mais enjôleur. (Ils sont cro mignons tous les deux)
Le positivisme qui parcoure le film est peut-être sa limite, mais fait simplement un bien fou… Alors savourons.
Peut-être est-ce ainsi que l’on tombe amoureux d’un film ?

Synopsis : Dans les années 50, attirée par la promesse d’un avenir meilleur, la jeune Eilis Lacey quitte son Irlande natale et sa famille pour tenter sa chance de l’autre côté de l’Atlantique. À New York, sa rencontre avec un jeune homme lui fait vite oublier le mal du pays… Mais lorsque son passé vient troubler son nouveau bonheur, Eilis se retrouve écartelée entre deux pays… et entre deux hommes.

ROOM – 14,5/20

Room : AfficheDe Lenny Abrahamson
Avec Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen

Avis : Room est beaucoup de films en un seul. Thriller psychologique sur la captivité et les traumas qui suivent la libération, réflexion sur la maternité, variation moderne de l’allégorie de la caverne tout autant que du mythe de l’enfant sauvage, il est d’une grande richesse bien qu’arborant des atours très simples.
Grâce à une mise en scène maline et inspirée, Lenny Abrahamson magnifie une première partie confinée entre les quatre murs de la cabane où sont séquestrés Ma et Jack. Sa réalisation rythmée et limpide, appuyée par une bande son incisive, capte leur quotidien et parvient à transmettre l’abnégation de cette mère pour faire de la vie de son fils quelque chose qu’il se doit de considérer comme normal. L’intelligence du montage montre les rituels et la mécanique quotidienne qu’impose Ma à son fils pour qu’il pense vivre la meilleure vie possible. C’est fascinant, tout comme l’est sa prise de conscience qu’une évasion est inéluctable et la nécessité de faire prendre conscience à son fils qu’il y a un monde au dehors. Sans angélisme, avec maladresse et même brutalité parfois. La scène d’évasion est anxiogène au possible et sert de transition vers la deuxième partie du film, moins impressionnante mais pas moins intéressante. Il faut pour Ma à la fois retrouver une famille déchirée qui ne pensait jamais la revoir, affronter une pression médiatique aussi féroce que sa captivité était traumatisante et faire en sorte que Jack s’intègre le mieux possible à un monde dont il ne soupçonnait pas l’existence.
Mélange de détermination et de détresse, Brie Larson embrasse magnifiquement ce rôle de mère hors du commun en lui conférant toute sa complexité. D’une force extraordinaire lorsqu’elle doit veiller seule à l’équilibre de son fils et d’une bouleversante fragilité lorsqu’elle retrouve la liberté, l’actrice n’a pas volé son Oscar. Elle peut le partager avec Jacob Tremblay avec qui elle forme un couple de cinéma rare et puissant qui justifie amplement tous les superlatifs qui accompagnent leur performance. Le jeune garçon est impressionnant de maturité dans son jeu, traduisant à la fois l’innocence de son âge et le choc de la découverte d’un nouveau monde.
Certes, Room n’est pas sans défaut, le scénario prend parfois des raccourcis contestables, mais l’ensemble est assez saisissant, profondément humain et par moment éclairé d’une belle poésie. Sa brillante mise en scène lui permet surtout de rendre accessible un récit très dense et évident des enjeux psychologiques complexes. Un beau tour de force.

Synopsis : Jack, 5 ans, vit seul avec sa mère, Ma. Elle lui apprend à jouer, à rire et à comprendre le monde qui l’entoure. Un monde qui commence et s’arrête aux murs de leur chambre, où ils sont retenus prisonniers, le seul endroit que Jack ait jamais connu. L’amour de Ma pour Jack la pousse à tout risquer pour offrir à son fils une chance de s’échapper et de découvrir l’extérieur, une aventure à laquelle il n’était pas préparé.

PATTAYA – 12/20

Pattaya : AfficheDe Franck Gastambide
Avec Franck Gastambide, Malik Bentalha, Anouar Toubali

Avis : Après le surprenant et réussi les Kaira, Franck Gastambide récidive et livre une comédie régressive en mode Very Bad Trip qui assume volontiers son (très) mauvais goût. C’est fait avec un peu moins de talent (et de moyens) que des Deadpool ou Grimsby qui surfent  sur la même vague d’humour un peu crasse, mais c’est tout de même suffisamment singulier et poilant pour faire la blague. Si Pattaya ne tient pas forcément la longueur (c’est plus compliqué une fois que le trio est arrivé en Thaïlande) et se déclinerait plus facilement en format série, la naïveté pataude, la virilité contrariée et le langage fleuri et personnel de Franck Gastambide et Malik Bentahla font passer la majorité des vannes, même les plus douteuses (il y en a). Ils font preuve d’une maladresse désarmante qui joue beaucoup dans la perception globalement positive du film.
Ce n’est pas poli, ce n’est pas forcément très fin ni très malin, mais on ricane quand même vraiment beaucoup.

Synopsis : Franky et Krimo rêvent de quitter la grisaille de leur quartier pour partir en voyage dans la célèbre et sulfureuse station balnéaire thaïlandaise de PATTAYA. Pour pouvoir s’y rendre à moindre coût, les deux amis ont la folle idée d’inscrire à son insu le nain de leur quartier au championnat du monde de Boxe Thaï des Nains. Mais ce qui devait être pour eux des vacances de rêves va se transformer en l’aventure la plus dingue et périlleuse de leurs vies.

FREE LOVE – 11/20

Free Love : AfficheDe Peter Sollett
Avec Julianne Moore, Ellen Page, Steve Carell

Avis : L’histoire de Laurel Hester est bouleversante, le combat mené parfaitement admirable et le message que fait passer Free Love sur l’égalité pour tous porte bien au-delà de ce simple film. Alors non, Free Love n’est pas un grand film, loin de là, certaines productions télé sont formellement autrement plus ambitieuses. La mise en scène manque clairement de relief et ne rend pas justice à l’interprétation habitée et toute en nuance de Julianne Moore et Ellen Page, toutes deux vibrantes et impressionnantes. Mais Free Love touche au cœur et émeut lorsqu’il se concentre sur le couple et le drame humain. Le contraste est du coup saisissant avec la lourdeur de sa mise en scène. Le réalisateur passe complétement à côté du sujet sociétal et du combat politique en filmant platement des débats bien trop stéréotypés et en proposant une vision simpliste et besogneuse des luttes militantes pour l’égalité. Il lance Steve Carrel (par ailleurs amusant et convaincant en activiste juif pro-mariage gay), au milieu de l’arène en guise de caution, mais encore une fois la performance de l’interprète masque le manque de profondeur de l’argumentation et un cruel défaut d’ambition cinématographique.
Le combat de Laurel et Stacy méritait sans doute mieux.

Synopsis : Années 2000. Laurel, est une brillante inspecteur du New Jersey. Sa vie bascule le jour où elle rencontre la jeune Stacie. Leur nouvelle vie s’effondre quand Laurel découvre qu’elle est atteinte d’un cancer en phase terminale. Laurel a un dernier souhait : elle veut que sa pension revienne à la femme qu’elle aime, mais la hiérarchie policière refuse catégoriquement. Laurel et Stacie vont se battre jusqu’au bout pour faire triompher leurs droits