127 HEURES – 13,5/20

Réalisé par Danny Boyle
Avec James Franco

127 heures

Synopsis : Le 26 avril 2003, Aron Ralston, jeune homme de vingt-sept ans, se met en route pour une randonnée dans les gorges de l’Utah.
Il est seul et n’a prévenu personne de son excursion. Alpiniste expérimenté, il collectionne les plus beaux sommets de la région.
Pourtant, au fin fond d’un canyon reculé, l’impensable survient : au-dessus de lui un rocher se détache et emprisonne son bras dans le mur de rocaille. Le voilà pris au piège, menacé de déshydratation et d’hypothermie, en proie à des hallucinations…
Il parle à son ex petite amie, sa famille, et se demande si les deux filles qu’il a rencontrées dans le canyon juste avant son accident seront les dernières.
Cinq jours plus tard, comprenant que les secours n’arriveront pas, il va devoir prendre la plus grave décision de son existence…

Avis : Epuisant. Dany Boyle, pas forcément réputé pour le flegme de sa réalisation, nous entraîne très loin avec ses 127 heures. Et nous éreinte. Un début survitaminé, musique frénétique sur montage énergique à base de split screen  et d’images accélérées. Boyle n’a pas perdu la main, et prouve qu’il a conservé intact son talent de cinéaste bourré de style et d’idées.
Ce à quoi on ne s’attend pas forcément, c’est que cette amorce survoltée est la partie la plus reposante du film … Car c’est à partir du moment où James Franco (énorme) se retrouve bloqué sous le rocher que la tension et la nervosité nous gagnent, en même temps que l’épuisement et une sorte de folie gagne le héros. Si lui ne s’évanouit pas, on est nous à deux doigts de tomber dans les pommes… Malgré l’immobilité du héros, Boyle parvient à conserver une énergie folle à sa mise en scène, ce qui empêche presque toute longueur.
Presque, car  comme toujours avec Dany Boyle qui ne fait que des bons films (ou presque), mais jamais de grands films (ou presque, à un Trainspotting près), un petit quelque chose cloche. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est lorsqu’on quitte Aron bloqué dans son trou  et qu’on le retrouve dans ses fantasmes et/ou délires que le film perd en force. Les scènes de rêves sont confuses quand elles ne sont pas mièvres, et peinent à nous faire comprendre ses sentiments et la transformation spirituelle que lui impose son état. Ce qui devait rendre le personnage humain et attachant nous en éloigne au contraire.
Ceci dit, 127 heures est une jolie petite bombe speedée et un terrain de jeux idéal pour Boyle et son cinéma clinquant et inventif. Âmes sensibles s’abstenir tout de même…

BLACK SWAN – 17,5/20

Réalisé par Darren Aronofsky
Avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel

Black Swan

Synopsis : Rivalités dans la troupe du New York City Ballet. Nina est prête à tout pour obtenir le rôle principal du Lac des cygnes que dirige l’ambigu Thomas. Mais elle se trouve bientôt confrontée à la belle et sensuelle nouvelle recrue, Lily…

Avis : Une claque. Une grosse claque. De celles qui te font sortir groggy de la salle, incapable d’énoncer le moindre mot avant d’avoir pu prendre une grande bouffée d’air frais. Black Swan fait partie de ces films qui vous laissent une empreinte longtemps après le générique de fin, comme un bleu qui mettrait un sacré bout de temps à s’estomper (mais un joli bleu ceci dit, qu’on n’a pas tout à fait envie de voir disparaître).

Car le film d’Aronofsky  est la combinaison (l’alchimie même) de plusieurs talents.  Un grand réalisateur, une histoire tordue mais brillante, une musique dantesque et une actrice habitée par le rôle de sa vie.

Sans filet, le réalisateur se lance dans un récit à la limite du fantastique, mais plongeant tout à fait dans la psyché dérangée (et dérangeante) de son héroïne. Des névroses de plus en plus prégnantes au fur et à mesure que  Nina tente de s’éloigner du modèle de perfection auquel elle s’est toujours soustraite, pour visiter son côté sombre et devenir le cygne noir, son double maléfique.

Le moins que l’on puisse dire c’est que ce double-là finira par prendre de la place… Et il nous entraine dans un voyage particulièrement troublant et éprouvant au cœur d’une folie paranoïaque, narcissique et schizophrène.

La tension est permanente, la crispation constante, la fascination totale. La réalisation est un petit bijou de jeu sur le soi et l’image de soi, utilisant avec virtuosité les miroirs, et plus généralement toutes surfaces réfléchissantes pour installer une distance et une confusion avec à ce petit corps gracieux mais meurtri. La caméra d’Aronofsky ne perd de vue Nina que pour se perdre dans les reflets et y apercevoir sa part sombre. Portman est constamment à l’image, dans toute son ambiguïté. Comment ne pas évoquer sa performance monstrueuse, unique, d’une intensité effrayante. Elle bouffe l’écran comme jamais, rendant à la perfection le lâché prise mental de l’héroïne et son déchirement maladif entre ses rêves de gloire et ses principes, ses désirs et ses inhibitions. Le rôle d’une vie, certainement.

Evidemment, la musique du ballet de Tchaïkovski joue beaucoup dans la montée en puissance émotionnelle, jusqu’à la scène finale, fracassante, climax à la fois d’une beauté et d’une poésie bouleversante et d’une violence inouïe. C’est d’autant plus fort que le contraste entre l’âpreté de la réalisation caméra à l’épaule et la puissance lyrique du ballet fonctionne à merveille. Lorsque la dernière image s’efface, on reste complètement sonné. Avec malgré tout l’envie quasi-masochiste d’y retourner…

LE DISCOURS D’UN ROI – 14,5/20

Réalisé par Tom Hooper
Avec Colin Firth, Helena Bonham Carter, Derek Jacobi

Le Discours d'un roi
Synopsis : D’après l’histoire vraie et méconnue du père de l’actuelle Reine Elisabeth, qui va devenir, contraint et forcé, le Roi George VI (Colin Firth), suite à l’abdication de son frère Edouard VIII (Guy Pearce). D’apparence fragile, incapable de s’exprimer en public, considéré par certains comme inapte à la fonction, George VI tentera de surmonter son handicap grâce au soutien indéfectible de sa femme (Helena Bonham Carter) et d’affronter ses peurs avec l’aide d’un thérapeute du langage (Geoffrey Rush) aux méthodes peu conventionnelles. Il devra vaincre son bégaiement pour assumer pleinement son rôle, et faire de son empire le premier rempart contre l’Allemagne nazie.

 
Avis : Oui, Le discours d’un roi est un film de facture très classique. La mise en scène est classique, la narration est classique, la musique est classique, les décors sont classiques (ceci dit, le cabinet défraichi  de Lionel est un modèle de modernisme détourné)

Classique donc, mais très joliment classique. Et c’est ce qui fait toute la force de cet histoire de roi bègue étonnamment méconnue, pourtant potentiellement hautement dramatique.

Car le réalisateur nous prend doucement par la main et nous entraîne dans son récit sans nous forcer, aidé par des interprètes inspirés. Colin Firth, bien sûr, qui outre sa performance « à oscar » de monarque inapte à discourir, parvient surtout à traduire les peurs et frustrations de son personnage, tout comme son combat contre lui-même et ses inhibitions pour devenir un leader crédible. Sa prestation habitée lui vaudra sans  doute une statuette méritée. Mais à ses côtés, Geoffrey Rush, plus en nuance, livre une aussi interprétation mémorable, vive et émouvante,  en incarnant ce docteur atypique. Lui aussi a ses frustrations (il se rêve comédien, mais n’a visiblement aucun talent), mais il en fait une force pour avancer.  Enfin entre les deux hommes, Helen Bohan Carter campe une reine douce et compréhensive, trait d’union parfait (et souvent très drôle) entre les deux personnages masculins.

Le discours d’un roi nous conquiert donc par la simplicité du récit, mais aussi par une écriture remarquable et des dialogues raffinés, drôles et percutants. Il nous conduit jusqu’au point d’orgue, le discours d’entrée en guerre de Georges VI, dont l’émotion puissante et sincère envahit progressivement et naturellement l’écran, sans effets superflus.

Un bien bel ouvrage. Royal, serait-on tenté de dire….

CONTRE TOI – 10/20

Réalisé par Lola Doillon
Avec Kristin Scott Thomas, Pio Marma

Contre toi

Synopsis : Des sentiments naissent entre un jeune kidnappeur et sa victime, une femme chirurgien. Celui-ci veut se venger d’un accident médical qui l’empêche de vivre sereinement et décide d’enlever cette femme qu’il tient pour responsable. Lorsque cette dernière parviendra à s’échapper, elle n’aura de cesse de retrouver son geôlier, autant par amour que par vengeance.

Avis : Le sujet est ambitieux, pour ne pas dire carrément casse-gueule : raconter la naissance de sentiments contradictoires d’attraction et de répulsion entre un ravisseur et sa victime.
Un huis-clos donc, et seulement deux personnages qui se tournent autour, s’agressent (l’un contre l’autre) et s’attirent (l’un contre l’autre – oui le titre est pas mal trouvé) .
Le problème, c’ est que la structure de la mise en scène, par des scènes courtes et peu de dialogues, montées en un long flash back, ne prend pas. On ne sent pas la tension (nerveuse, amoureuse, sexuelle) monter, le tout manque de liant pour être totalement convainquant. Mais la principale faiblesse du film se trouve dans la pauvreté des rares dialogues, d’une platitude déroutante, parfois même ridicules.
Le sujet en lui-même (le syndrôme de Stockholm)  se prêterait sans doute plus à une pièce de théâtre qu’à un long métrage et Lola Doillon a du mal a rendre compte de cette tension censée peser comme une chape de plomb sur le film.
Reste un joli numéro d’acteurs,  l’affrontement entre la meilleure actrice française, Kristin Scott Thomas, qui balaie un prisme d’émotion impressionnant en moins d’une heure (peur, rage, attirance, manipulation) et l’un des espoirs les plus prometteurs du cinéma français, Pio Marmaï, touchant en ravisseur  dépassé par son geste, fébrile et maladroit. Mais ça ne suffit pas à faire un film…

LES CHEMINS DE LA LIBERTE – 12/20

Réalisé par Peter Weir
Avec Jim Sturgess, Ed Harris, Saoirse Ronan

Les Chemins de la liberté

Synopsis : En 1940, une petite troupe de prisonniers décide de s’évader d’un camp de travail sibérien.
Pour ces hommes venus de tous les horizons, s’échapper de cet enfer ne sera que le début de l’aventure…
Ensemble, ils vont parcourir plus de 10 000 kilomètres, à travers la toundra sibérienne glacée, traversant les plaines de Mongolie, les fournaises du désert de Gobi puis les sommets de l’Himalaya pour franchir la Grande Muraille de Chine.
Certains s’arrêteront en chemin, d’autres ne survivront pas aux épreuves. L’Inde – alors sous contrôle anglais – est le but ultime.
Mais la route est longue, les rencontres risquées, les conditions physiques épouvantables, et chacun a ses secrets…
Avis : C’est une histoire incroyable (au sens propre du terme) que nous raconte Peter Weir, et s’il ne s’agissait d’une histoire vrai, on avancerait vraisemblablement que ce récit ne tient pas debout. Et pourtant…
On suit donc, assez fascinés, le périple de ces hommes évadés d’un goulag en  Sibérie et qui rejoindront l’Himalaya après des milliers de kilomères parcourus, les corps abîmés, les esprits sans doutes tout autant ravagés, mais en vie.
Cette improbable fresque vaut surtout par la magnificence des paysages traversés, à couper le souffle, car le récit en manque un peu, de souffle. La faute sans doute à une narration un peu trop linéaire et des personnages manquant de relief (on sent peu le poids de leur histoire personnelles). La réalisation paraît aussi un peu trop discrète pour un tel sujet. On n’aurait pas été contre un peu plus de lyrisme et une pointe de tension dramatique en plus. La musique notamment est étonnamment discrète.
Maintenan, de part son sujet et ses superbes images, les chemins de la liberté restent un divertissement haut de gamme. Reste qu’il est sans doute passé à côté du statut de grand film.