LES GRANDS ESPRITS – 12/20

Les Grands Esprits : AfficheDe Olivier Ayache-Vidal
Avec Denis Podalydès, Léa Drucker, Zineb Triki

Critique : Sur le thème vu, revu et rabattu du choc des cultures (ici un professeur de grande école parisienne se retrouvant à gérer les élèves d’une classe de banlieue), Les Grands Esprits apporte, si ce n’est un œil neuf et critique, du moins une réelle sincérité et un certain optimisme. Le film se place clairement sur le créneau de la comédie plus que celui de l’étude sociologique de par son postulat de départ et une certaine naïveté assumée, mais il le fait avec humour et sensibilité.
Cela en fait un excellent Feel Good Movie, qui doit beaucoup à Denis Podalydes. L’acteur y apporte toute sa finesse et son humanité, permettant au film d’éviter les bons sentiments et les clichés trop appuyés. La narration reposant sur des ellipses fréquentes flirte un peu avec le docu-fiction mais reste fluide néanmoins et est cadencée par une excellente bande son R&B.

Anecdotique certes, mais plaisant et plutôt amusant.

Synopsis : François Foucault, la quarantaine est professeur agrégé de lettres au lycée Henri IV, à Paris. Une suite événements le force à accepter une mutation d’un an dans un collège de banlieue classé REP +. Il redoute le pire. A juste titre.

LE REDOUTABLE – 14/20

Le Redoutable : AfficheDe Michel Hazanavicius
Avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Bejo

Chronique : On a tendance à en minimiser l’audace, mais le cinéma de Serge Hazanavicius est fait de prise de risque et culot. S’ils furent des succès, les deux OSS et The Artist n’avaient rien de paris gagnés d’avance et le réalisateur a su défendre ses projets avec ténacité, intégrité et une certaine cohérence artistique. Après l’échec de The Search, le réalisateur aurait pu choisir de faire OSS 3, mais non, il décide de s’appuyer sur la biographie de l’ex-femme de Jean-Luc Godard pour raconter un an de vie d’un couple alors que Mai 68 transforme la France.
Hazanavicius fait de JLG un personnage burlesque et d’une grande drôlerie, choisissant un angle étonnant pour aborder ce biopic pour le moins irrévérencieux et au ton singulier. Son Redoutable joue sur les contradictions assumées ou supposées du réalisateur de la nouvelle vague, ainsi que sur sa (cinématographiquement géniale) mauvaise foi. La susceptibilité de l’artiste est un ressort comique quasi inépuisable, tout en étant le fil rouge de sa relation avec son actrice de femme. Car Le Redoutable, outre la chronique d’un artiste cherchant à se réinventer, est aussi le film d’un couple à l’épreuve d’une révolution sociale qui secoue aussi bien les rues que les chambres à coucher.
Godard n’est probablement pas tout à fait le personnage que l’on voit à l’écran, mais sans doute était-ce lui en parti. Peu importe finalement, car le résultat est drôle et enlevé, en grande partie grâce à Louis Garrel, exceptionnel dans la peau du cinéaste. A son charisme incontestable s’ajoute un sens comique épatant. Cette inclination à la comédie était perceptible dans Mon Roi, Le Redoutable ne fait que confirmer que la légèreté se marie très bien au talent.
Légèreté et talent qui siéent aussi bien à Hazanavicius qui offre une mise en scène pop et pleine d’idées pour illustrer une époque trouble et foisonnante. L’imagerie puissante relative aux événements de mai 68 et la petite musique inconsciente du cinéma de Godard (les voix off, les incrustations de citations, ce phrasé si particulier, les noir et blancs…) se mêlent avec gourmandise devant la caméra du réalisateur. Tout n’est pas toujours parfaitement à propos, mais son sens du plan et du mouvement, l’humour et la finesse avec lesquels ils redonnent vie à l’époque rendent souvent justice à ses effets de style.
Le Redoutable se révèle un surprenant portrait en faux, une digression ludique, drôle et sans prétention sur un artiste et une époque beaucoup fantasmés. Amusant, vraiment

Synopsis : Paris 1967. Jean-Luc Godard, le cinéaste le plus en vue de sa génération, tourne La Chinoise avec la femme qu’il aime, Anne Wiazemsky, de 20 ans sa cadette. Ils sont heureux, amoureux, séduisants, ils se marient. Mais la réception du film à sa sortie enclenche chez Jean-Luc une remise en question profonde.
Mai 68 va amplifier le processus, et la crise que traverse Jean-Luc va le transformer profondément passant de cinéaste star en artiste maoiste hors système aussi incompris qu’incompréhensible.

THE PARTY – 10/20

The Party : AfficheDe Sally Potter
Avec Kristin Scott Thomas, Timothy Spall, Patricia Clarkson

Chronique : Huis-Clos théâtral et poseur, The Party se veut une saillie sarcastique et vacharde des mœurs politiciennes, tout en orchestrant un jeu de massacre en bonne et due forme entre vieux amis. La mise en place du drame, la tension induite par ce noir et blanc anxiogène et ces jeux de caméra malaisant laissent augurer d’odieuses découvertes.
Malheureusement les révélations ne sont pas à la hauteur de l’attente suscitée et The Party penche plus du côté du boulevard bourgeois que de la comédie dramatique caustique et cruelle. C’est d’autant plus dommage que le film reste un excellent terrain de jeu pour un casting de tout premier choix, un rassemblement de classe et d’élégance. Queen Kristin (qui nous avait bien manqué), mais aussi Patricia Carlkson, le couple formé par Cherry Jones et Emily Mortimer ou encore Cillian Murphy et Timothy Spall, tous sont formidables d’implication et d’énergie, mais mal servis par des dialogues sur-écrits flirtant avec la prétention au regard de la faiblesse des enjeux. Une déception.

Synopsis : Janet vient d’être nommée ministre de la santé, l’aboutissement de toute une carrière. Elle réunit avec son époux Bill quelques amis proches. Mais la fête prend un tournant inattendu.

BARBARA – 14/20

Barbara : AfficheDe Mathieu Amalric
Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Vincent Peirani

Chronique : Étonnant, déroutant, bordélique (mais joyeusement), ce biopic qui n’en est pas un se savoure comme une jolie surprise, inattendue, ludique et romantique.
Mattieu Amalric joue de la mise en abîme avec folie et vertige, s’amusant de la confusion entre la chanteuse et son interprète (et l’interprète de son interprète), faisant régner le flou sur les intentions du réalisateur qu’il joue lui-même et sa relation à l’icône, dont l’évocation et l’incarnation par Brigitte le bouleverse visiblement.
Sa Barbara est une réflexion sur la création et l’obsession. Sur la création à double titre, puisque son film évoque aussi bien le répertoire de la Dame en noir et son processus d’écriture que le travail concerné de Brigitte pour l’incarner. Sur l’obsession, évidemment, car l’ombre sombre et lumineuse de la chanteuse plane sans cesse sur le projet. Son allure, sa voix, ses textes, elle est à la fois sujet et prétexte, elle se dévoile à peine, juste un peu. Amalric plutôt que de raconter Barbara reste dans l’évocation quitte à approfondit un mystère qu’il ne veut surtout pas abîmer. La fascination qu’elle inspire se lit sans cesse dans les yeux embués de Yves, le double fictif d’Amalric, lorsqu’il regarde son actrice ou se remémore Barbara.
En combinant image d’archives et fiction dans une troublante continuité, en faisant se confronter réalité et fantasme, le réalisateur brouille les pistes avec intelligence, dans une mise en scène souvent inspirée parcourue de fulgurances poétiques. Les jeux de miroirs et de projection mettant côte à côte Barbara et Balibar, les moments graciles de leurs deux voix qui se mêlent ont quelque chose qui tient de la magie. Jeanne Balibar est l’évidente évidence pour ce rôle gigogne, aussi exaltée qu’exaltante.
Barbara ne ressemble à rien de ce qui a pu être fait pour raconter une artiste. C’est un objet cinématographique beau et revêche. Unique. Comme son inspiratrice.

Synopsis : Une actrice va jouer Barbara, le tournage va commencer bientôt. Elle travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, les gestes, le tricot, les scènes à apprendre, ça va, ça avance, ça grandit, ça l’envahit même. Le réalisateur aussi travaille, par ses rencontres, par les archives, la musique, il se laisse submerger, envahir comme elle, par elle.

LES PROIES – 13/20

Les Proies : AfficheDe Sofia Coppola
Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Kirsten Dunst

Chronique : Cinéaste du spleen adolescent et de l’ennui glamour, Sofia Coppola a toujours imprégné ses films d’une langueur chic, une apparente désinvolture qui révèle habilement une vision toujours très juste des affres de la jeunesse.
Les Proies est la seconde incursion de la réalisatrice dans le film historique, après le très sous-estimé Marie-Antoinette. Mais elle ne pouvait pas plus s’éloigner de la légèreté et de l’énergie pop qui parcourait le biopic royal. Son nouveau film est bercé d’une douce mélancolie, se drape d’une photographie brumeuse et inquiétante. L’esthétique sombre et vaporeuse des Proies lui confère une atmosphère particulière, propre aux tensions anxiogènes et charnelles.
La musique planante, les jeux de lumières, que ce soit les rayons du soleil à travers les nuages ou les flammes d’une bougie autour d’un piano, tout de cette mise en scène chiadée et éthérée cherche à créer le trouble et à insuffler un désir latent chez ces femmes tourmentés par cette présence masculine inattendue.
Mais si les Proies se démarque des autres films de Coppola, c’est par le fait que la routine des jeunes femmes habitant la pension vole très rapidement en éclat avec l’arrivée du soldat yankee. Leur quotidien est bouleversé et leurs relations évoluent en conséquence, toutes se positionnant en fonction de l’intrus. Malheureusement, le scénario reste longtemps bien sage, se contentant de se reposer sur la très belle scénographie d’ensemble et quelques répliques bien senties, jouant sur l’ironie et le cynisme et pouvant même laisser affleurer un certain humour. Mais les enjeux, pourtant forts, sont affadis par une certaine apathie, du moins jusqu’à un événement déterminant qui va bousculer cet état un poil léthargique. Trop tard malheureusement.
Ceci dit, outre l’élégance et la minutie de la mise en scène, Les Proies peut compter sur des actrices étincelantes, Kidman et Fanning en tête. Elles sont chacune à leur manière une réponse fantasmée ou pragmatique à la présence du colonel blessé et leurs interactions sont le sel du récit. On regrette alors que la réalisatrice n’ait pas poussé plus loin ce jeu feutré.
Sans doute s’agit-il du film de Sofia Coppola le moins incarné, le moins sensible et on regrettera un traitement un peu superficiel, mais Les Proies s’avère être l’une de ses réalisations les plus abouties visuellement.

Synopsis : En pleine guerre de Sécession, dans le Sud profond, les pensionnaires d’un internat de jeunes filles recueillent un soldat blessé du camp adverse. Alors qu’elles lui offrent refuge et pansent ses plaies, l’atmosphère se charge de tensions sexuelles et de dangereuses rivalités éclatent. Jusqu’à ce que des événements inattendus ne fassent voler en éclats interdits et tabous.