X-MEN : DAYS OF FUTURE PAST – 15/20

X Men: Days of Future PastRéalisé par Bryan Singer
Avec Hugh Jackman, James McAvoy, Michael Fassbender

Synopsis : Les X-Men envoient Wolverine dans le passé pour changer un événement historique majeur, qui pourrait impacter mondialement humains et mutants.

Avis : Après avoir passé la main pour un X-men 3 catastrophique et un reboot honnête mais pas très finaud (X-men – le commencement), Bryan Singer reprend les commandes de SA saga et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça change tout.
Avec son réalisateur originel derrière la caméra, la série retrouve la densité et la maîtrise narrative qu’elle avait indéniablement perdue avec Ratner et Vaughn et réinvestit des thèmes d’une profondeur peu commune pour un blockbuster de cette ampleur.
Dans la lignée de X Men 2, sans doute le film de l’univers Marvel le plus abouti, Days of Future Past dépasse son statut de films de super-héros pour se poser en grand film de science-fiction, cohérent et réfléchi, divertissant et intelligent.
En revenant aux sources de ce qui différenciait la mythologie mutante, Singer lui redonne un éclat qu’on n’espérait plus, accordant au fond au moins autant d’importance qu’à la forme. La question de l’ostracisation des communautés marginales est plus que jamais au cœur du récit, avec en fil rouge la menace d’un génocide. En débouche inévitablement des réflexions sur la radicalisation ou non de la lutte, la réponse par la diplomatie comme le défend Xavier ou par la force tel que le préconise Erik.
Plus que les prouesses visuelles et technologiques de ce nouvel épisode, c’est son propos général qui force l’admiration. Où plutôt comment Singer parvient grâce à une mise en scène à la fois inventive et efficace à mettre l’imposant budget à sa disposition au service de son histoire. Bien sûr, certaines scènes nous laissent bouche-bée (l’introduction, la formidable démonstration de Quicksilver), et malgré son côté très sombre le film n’oublie pas d’être fondamentalement cool et fun, mais jamais au détriment de ce que veut raconter son réalisateur. Il réussit notamment bien mieux que son prédécesseur à retranscrire l’esprit seventies, à coups de clins d’oeil et de jolies trouvailles.
En croisant les générations de mutants et en basant son scénario sur le voyage dans le temps, Singer prenait le risque de perdre son spectateur dans un récit trop tortueux. Mais malgré cette complexité, Days of Future Past conserve une grande fluidité narrative et nous donne constamment les clés pour le comprendre. Il se démarque des blockbusters lamda aussi et principalement par le soin porté aux personnages, des caractères forts, habités par des conflits intérieurs qui peuvent abriter aussi bien une sourde mélancolie qu’une rage de moins en moins contenue. Tout en aspérités et en contradictions, ils apportent au film la dimension dramatique qui fait si souvent défaut à ses semblables. Ils nous permettent d’appréhender le monde des mutants comme le voit Singer, c’est-à-dire évidemment un miroir du notre. Mais si le message est si audible, c’est aussi parce qu’il s’entoure d’acteurs tous remarquables, de l’impressionnant et émouvant James McAvoy au charismatique Fassbender, en passant par la révélation Evan Peters (génial dans la série American Horror Story) en Quicksilver ou évidemment Jennifer Lawrence qui parvient à donner à Mystique une dimension à la fois charnelle et sensible.

En revenant à l’esprit des débuts de la saga, Singer opère un magistral tour de force narratif tout en assurant un très grand spectacle. Impressionnant et rassurant sur la capacité des studios à délivrer à nouveau des blockbusters construits et dense qui n’insulteraient pas notre intelligence.

MAPS TO THE STARS – 12,5/20

Réalisé par David Cronenberg
Maps To The StarsAvec Julianne Moore, Mia Wasikowska , Olivia Williams

Synopsis : A Hollywood, la ville des rêves, se télescopent les étoiles : Benjie, 13 ans et déjà star; son père, Sanford Weiss, auteur à succès et coach des célébrités; sa cliente, la belle Havana Segrand, qu’il aide à se réaliser en tant que femme et actrice.

Avis : Satire féroce et assez jubilatoire d’Hollywood, de ses excès et de ses névroses, Maps of the stars donne l’occasion à Cronenberg de laisser libre cours à un cynisme assez inédit mais non feint pour dégommer le mythe de l’usine à rêves. Des dialogues incisifs et une réalisation efficace à défaut d’être inventive mettent en valeur le principal atout du film, une distribution stellaire au cœur de laquelle brille une Julianne Moore exaltée, iconisant l’excentricité de son personnage de comédienne vieillissante. Elle n’hésite pas à jouer avec son image, à l’écorner radicalement et à s’exposer crûment (allant même jusqu’au scato, mouais..). Pas forcément sa prestation le plus subtile ou la plus nuancée, mais qui se prête parfaitement à l’outrance de son personnage de vieille gloire sur le déclin qu’on imagine parfaitement errer sur les collines d’Hollywood (Ceci dit, on n’aurait pas crié au scandale si Cotillard lui avait ravi le prix d’interprétation à Cannes, loin de là…). Aux côté de Moore, John Cusack opère un come back surprenant et réussi, Mia Wasikowska entretient son image de poupée de porcelaine ambigüe et malsaine déjà remarquablement éprouvée dans Stocker et même Robert Pattinson s’avère plutôt convaincant en chauffeur de limousine wanabee acteur.
Toute cette première partie dominée par une peinture peu glorieuse, déglamourisée et même repoussante du star system intrigue, amuse et est au final assez enthousiasmante.
Malheureusement, Cronenberg perd tout sens de l’humour dans une deuxième partie bien trop sérieuse. Invoquant les figures mythologiques et un surnaturel jamais vraiment assumé, il s’embourbe en tentant de démêler les nœuds qui unissent cette famille dysfonctionnelle. Les morts réapparaissent en songe on ne sait trop pourquoi et le poids de l’inceste, qui semble être le fil rouge de la tragédie qui se déroule devant nous, devient bien vite embarrassant d’un point de vue narratif. On voit bien que le réalisateur lutte pour lui donner du fond, du sens, mais échoue dans sa tentative. Sa mise en scène s’alourdit, les scènes s’étirent maladroitement et les personnages s’affadissent.
C’est d’autant plus regrettable que la première partie laissait augurer un jeu de massacre réjouissant en bon et due forme.
Pas inintéressant mais inégal donc.

DEUX JOURS, UNE NUIT – 16,5/20

Deux jours, une nuitRéalisé par Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Avec Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Pili Groyne

Synopsis : Sandra, aidée par son mari, n’a qu’un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime pour qu’elle puisse garder son travail.

Avis : Le cinéma des frères Dardenne est à la fois âpre et habité, simple et dense, socialement percutant et profondément humain. Rosetta, L’Enfant, les deux (premières ?) palmes du duo Belge en sont la plus parfaite illustration, plongeant leurs personnages dans une réalité sociale effrayante, parfois avilissante, captant les détails de leur lutte pour garder un semblant de dignité.
Deux jours, une nuit est bien dans cette veine. Mais semble porté par un élan, si ce n’est optimiste, du moins plus moteur. C’est l’histoire d’un redressement, d’un combat perdu d’avance dont l’issue apparait tout d’un coup incertaine. C’est l’histoire de Sandra, une femme qui sort de dépression et à qui on annonce qu’elle va perdre son travail si ses collègues refusent de ne pas toucher leur prime.
Rarement le terme thriller social aura aussi bien porté son nom. Deux jours, une nuit nous embarque dans le sillon de Sandra, ne nous en éloigne jamais, nous scotche littéralement à sa mission (son travail, lapsus révélateur) et gagne imparablement en tension à chacune de ses visites. Elle navigue entre espoirs et désillusions, petites victoires et profonds découragements. Et nous avec. Si l’on pourrait craindre le côté répétitif de ses rencontres (« Avec Juliette, on a vu Dumont… »), il n’en est rien, car chaque réaction différe, cristallisant avec une incroyable acuité le contexte économique qui pèse sur les collègues de Sandra et la façon dont il les impacte. La caméra des Dardenne saisit leur désarroi face au dilemme monstrueux qu’ils doivent affronter, aider Sandra à conserver son travail ou renoncer à une prime dont ils peuvent difficilement se passer. Chacun y répond à sa façon, la honte, la violence, le doute, le silence. Des personnages (des personnes) riches et d’une vérité saisissante, complétés par l’ombre menaçante du fameux Jean-Marc, qu’on ne découvrira qu’à la fin mais qui se pose en miroir déformant de Sandra, agissant caché et sournoisement. Cette ritournelle entêtante, cette boucle qui se rejoue sans jamais se répéter tout à fait, donne une formidable densité au récit, nous conduit progressivement à un dénouement qu’on devine de plus en plus incertain, mais qu’on espère pas obligatoirement tragique.
Entre deux visites, la caméra des Dardenne prend des respirations et s’attarde sur le visage de Sandra, tantôt rentré, tantôt lumineux, délivrant d’inattendues bourrasques d’émotions qui soulèvent le cœur. Et suit en fil rouge l’histoire vibrante d’un couple qui semble se demander s’il pourra survivre à cette nouvelle épreuve mais qui veut y croire, de toutes ses forces.
Un cinéma du réel, oui. Mais il ne suffit pas de traiter un sujet réaliste et dramatique pour saisir et projeter le réel. Les Dardenne y parviennent en fuyant tout misérabilisme, tout effet superflu, en se concentrant sur leurs personnages et en ne déviant jamais de l’histoire qu’ils veulent raconter. Ils filment avec une concision inouïe de longs plan-séquences dont chaque seconde est utile et participe à donner au récit une densité croissante et finalement assez affolante quand on pense à la simplicité du sujet initial. Ils sont constamment dans le vrai et drapent Sandra des habits d’héroïne du quotidien qu’on pourrait croiser tous les jours dans la rue. Une héroïne fragile, qu’on a peur de voir tomber au premier coup de vent, qui tente de relever la tête timidement, presque honteusement. Un personnage assez éloigné de ceux qu’incarne habituellement Marion Cotillard, mais qu’elle habite instantanément. On oublie la Môme et l’icône Dior dès la première minute, on oublie même la Stéphanie au caractère buté d’Audiard pour ne voir que Sandra, sa démarche hésitante, son souffle erratique, sa détermination contrariée et parfois ce sourire solaire qu’elle lâche comme une courte parenthèse. Il est rare d’atteindre une telle justesse dans un rôle de composition, d’oublier l’actrice pour ne voir que le personnage. Cotillard rappelle la fraîcheur et le naturel des actrices alors inconnues des premiers Dardenne, qu’elle renforce par une précision d’orfèvre qui permet à son interprétation de conférer à la perfection. Solaire, habitée, nuancée, elle façonne Sandra de manière assez épatante, nous donne les clefs pour la comprendre, exprime par son regard, sa bouche, son corps, toutes les émotions qui la parcoure, sans effort apparent mais avec une conscience évidente de qui est le personnage qu’elle incarne.
Et rappelle au passage qu’elle est sans aucun doute la plus grande actrice française, et peut-être à l’international. Irais-je jusqu’à la qualifier, comme Cate Blanchet, de génie ? Elle a cette intelligence de jeu sensitive et émotionnelle hors norme qui incite à l’affirmer, oui.
Deux jours, une nuit est un grand film. La rencontre étonnante entre le cinéma aride et humain des frères Dardenne et la souplesse d’interprétation de Marion Cotillard donne naissance à une œuvre d’une maîtrise et d’une justesse totale, où le chaos et la rage sociale se mêle à des destins bouleversants. Indéniablement marquant.

GODZILLA – 10/20

GodzillaRéalisé par Gareth Edwards (II)
Avec Aaron Taylor-Johnson, Bryan Cranston, Ken Watanabe

Synopsis : Godzilla tente de rétablir la paix sur Terre, tandis que les forces de la nature se déchaînent et que l’humanité semble impuissante…

Avis : Dans la série reboot, je demande la grosse bestiole radioactive. Godzilla donc. La bande annonce qui annonçait cette relecture du monstre laissait présager un blockbuster massif, conscient et anxiogène, d’autant plus que le projet est mené par Gareth Edwards, auteur d’un premier film malin et efficace, Monsters, qui compensait un manque de moyen évident par une utilisation intelligente du hors champ et une trame narrative solide aussi bien politique qu’émotionnelle.
Malheureusement, la mise à disposition de moyens monstrueux par Warner et la pression qui va avec ont semblé agir comme une anesthésiant sur la créativité et l’ingéniosité du jeune réalisateur. Si Godzilla remplit honorablement ses obligations de gros film d’action (le cahier des charges moderne voulant qu’il ne reste plus un immeuble debout à la fin est respecté), il pêche franchement dans le storytelling et manque clairement d’une vision personnelle forte. Pourtant les premières minutes sont encourageantes. Un générique superbe fait de fausses images d’archive, une introduction intéressante… et puis quasiment plus rien si ce n’est un nouveau film de monstres basique et ennuyeux, une série B visuellement impressionnante (mais on commence à être habitués), mais qui abandonne très rapidement ses personnages (certains laissaient pourtant entrevoir de jolis potentiels – quel gâchis à la vue du casting). Godzilla se résume alors à un film de guerre lambda, sans âme et sans relief, où l’on suit assez indifférents la traque par l’armée des grosses bébêtes dont la genèse reste confuse et si elle respecte les bases du mythe (l’origine nucléaire), ne l’a transcende jamais. Si l’inspiration de Gareths est comme il l’affirme le cinéma de de Spielberg, il ne parvient pas ne serait-ce qu’à s’en approcher. A aucun moment on ne ressent la peur, l’angoisse. Parce qu’on n’a aucun personnage à qui s’identifier, parce que le réalisateur échoue à distiller un climat de mystère, à installer une menace latente (on est bien loin des Dents la mer ou de Jurassic Park). Si on découvre effectivement Godzilla sur le tard, l’effet est plombé par l’omniprésence des autres créatures, et leur affrontement à San Francisco, déshumanisé (les civils sont totalement oubliés), fait perdre toute dimension dramatique au film.
Si Godzilla n’est pas aussi idiot que Pacific Rim dans le genre film de monstres, il n’en est pas forcément plus intéressant.