SUR LA ROUTE – 12,5/20

Sur la routeRéalisé par Walter Salles
Avec Garrett Hedlund, Sam Riley, Kristen Stewart

Synopsis : Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new-yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes.

Avis : Sur la Route a beaucoup (et légitimement) été jugé à l’aune du roman mythique de la Beat Generation qui l’a inspiré. La croisette lui a beaucoup reproché de ne pas retranscrire la fièvre, l’audace et la subversion de l’œuvre fondatrice de Kerouac. N’ayant pas lu (honte à moi, mais je vais me rattraper) l’œuvre en question, je me contenterais donc d’un simple avis sur le film de Salles en tant que tel.
Alors, subversif ? Pas vraiment. Révolutionnaire ? Sûrement pas. Libertaire ? Vaguement.
Le film du réalisateur brésilien est surtout extrêmement sage au regard du matériel de départ. Il est évidemment question de musique, de drogue et de sexe comme source d’inspiration, mais tout ou presque se passe hors champs, avec une pudeur excessive ne traduisant que partiellement l’état second de ces héros censés avoir changé en profondeur la littérature américaine.
Cependant, s’il n’est pas habité de la fièvre attendue, Sur la Route n’en est pas moins une œuvre intéressante, portée par l’esthétisme classique de son réalisateur. Son style nerveux, très proche de ses acteurs, donne la part belle aux interprètes, puissantes incarnations de ces personnages emblématiques de la culture US. Riley, Hedlund et Stewart (Sal, Dean et Marylou) forment un trio sexy et charismatique. Si le premier avait impressionné dans Control, les deux autres prouvent qu’ils existent en dehors des licences qui les ont révélées. Kristen Stewart l’avait déjà brillamment démontré dans Runaways et Welcome to the Rileys, mais Hedlund, tout droit sorti de Tron : l’héritage, est une vraie révélation (jolie présence et quelle voix !).
Road Movie linéaire et très axé sur les rapports entre les personnages principaux, Sur la Route n’a peut-être pas une très grande portée, mais touche par la sincérité du propos et le regard posé sur ces icônes finalement très humaines.

 

COSMOPOLIS – 4/20

CosmopolisRéalisé par David Cronenberg
Avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, Sarah Gadon

Synopsis : Dans un New York en ébullition, l’ère du capitalisme touche à sa fin. Eric Packer, golden boy de la haute finance, s’engouffre dans sa limousine blanche. Alors que la visite du président des Etats-Unis paralyse Manhattan, Eric Packer n’a qu’une seule obsession : une coupe de cheveux chez son coiffeur à l’autre bout de la ville. Au fur et à mesure de la journée, le chaos s’installe, et il assiste, impuissant, à l’effondrement de son empire. Il est aussi certain qu’on va l’assassiner. Quand ? Où ? Il s’apprête à vivre les 24 heures les plus importantes de sa vie.

Avis : La bande-annonce de Cosmopolis laissait entrevoir soit un brûlot furieusement trippant soit un objet dangereusement prétentieux et tape-à l’œil. Au final, rien de tout ça. Cronenberg nous entraine dans un road movie apocalyptique de 24h, dans lequel Robert Pattinson voit son monde s’écrouler à l’abri dans sa limousine et disserte de tout et de rien au gré de rencontres fortuites ou non jusqu’à ce qu’il arrive à destination.
Mais ce qu’on espère, c’est qu’il y a arrive le plus vite possible. Et qu’il se taise. Parce qu’on a beau essayer de s’accrocher à ses dialogues abscons ou futiles (ça dépend si son interlocuteur est un collaborateur ou son coiffeur), on finit par décrocher. On abandonne rapidement toute velléité de comprendre où Cronenberg veut bien en venir. Le film est plus que bavard, il est verbeux et assommant. S’il s’agit d’une diatribe anti-capitaliste, le réalisateur rate sa cible, et ce n’est pas le dernier et interminable dialogue, multipliant les poncifs et les caricatures, qui va convaincre qui que ce soit.
Mais surtout passer presque deux heures avec Robert Pattinson tient du supplice. Outre le mystère de l’incompréhensible folie R-Patz (mais là n’est pas le sujet, pas de considération physique, hein), l’acteur (?) a surtout le charisme d’une huitre, propose une expression et demi (je serre les dents en regardant ailleurs, je balance un demi sourire désabusé – ah, he oui, je verse 3 larmes) et empêche par conséquent à ce personnage pourtant riche d’acquérir toute amplitude et nuance. Il adopte dès le départ une posture poseuse qu’il ne quitte jamais. S’il pensait qu’elle lui permettrait de faire croire qu’il comprend ce qu’il débite, c’est raté.
Alors, oui, le film est formidablement mis en scène. Mais au service de quoi?

MOONRISE KINGDOM – 13/20

Moonrise KingdomRéalisé par Wes Anderson
Avec Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray

Synopsis : Sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, au cœur de l’été 1965, Suzy et Sam, douze ans, tombent amoureux, concluent un pacte secret et s’enfuient ensemble. Alors que chacun se mobilise pour les retrouver, une violente tempête s’approche des côtes et va bouleverser davantage encore la vie de la communauté.

Avis : Moonrise Kingdom est un film de Wes Anderson. Et ça se voit.
Du style retro-kitsch caractéristique au casting de fidèles, en passant par la virtuosité de sa mise en scène, tout y est.
Sans révolution, le réalisateur livre donc un film touchant, aussi inventif que coloré. Comme toujours, Anderson fait preuve d’une hallucinante maîtrise formelle. Il multiplie les plans séquences et travellings ingénieux, qu’il baigne dans un univers très pictural et minutieusement travaillé qu’on pourrait croire tout droit sorti d’une BD vintage. Un style racé et diablement personnel, brillamment supporté par une bande-son entêtante.
Le cadre de Moonrise Kingdom sied parfaitement aux thèmes chers au réalisateur, prégnance d’une époque visuellement très marquée, famille dysfonctionnelle, poids des communautés…
Le tout traité avec une certaine désinvolture qui est aussi une des ses marques de fabrique. Si cette approche fut souvent brillante, notamment grâce à des dialogues d’autant plus impactant qu’ils sont prononcés avec détachement, elle créée ici une sorte de faux rythme qui dessert le film. La faute sans doute à un manque d’enjeu assez flagrant comparé au très emballant Darjelling Limited, dernier opus en date du réalisateur, dont le propos était autrement plus ambitieux. On s’intéresse finalement assez peu à cette fugue d’adolescents amoureux…
L’autre faiblesse est d’avoir fait des deux pré-ados les personnages principaux du film. Ils ont certes une bonne bouille, mais leur jeu très limité ne tient pas la durée d’un long-métrage. C’est d’autant plus regrettable que la ribambelle d’acteurs plus talentueux les uns que les autres qui les entoure (Murray, Mc Dormand, Norton, Schwartzman, Willis) est largement sous-exploitée.
Une joyeuse,  jolie et assez anecdotique distraction en somme.

DE ROUILLE ET D’OS – 17/20

De rouille et d'osRéalisé par Jacques Audiard

Avec Marion Cotillard, Matthias Schoenaerts

Synopsis : Ça commence dans le Nord. Ali se retrouve avec Sam, 5 ans, sur les bras. C’est son fils, il le connaît à peine. Sans domicile, sans argent et sans amis, Ali trouve refuge chez sa sœur à Antibes. Là-bas, c’est tout de suite mieux, elle les héberge dans le garage de son pavillon, elle s’occupe du petit et il fait beau. A la suite d’une bagarre dans une boîte de nuit, son destin croise celui de Stéphanie. Il la ramène chez elle et lui laisse son téléphone. Il est pauvre ; elle est belle et pleine d’assurance. C’est une princesse. Tout les oppose. Stéphanie est dresseuse d’orques au Marineland. Il faudra que le spectacle tourne au drame pour qu’un coup de téléphone dans la nuit les réunisse à nouveau. Quand Ali la retrouve, la princesse est tassée dans un fauteuil roulant : elle a perdu ses jambes et pas mal d’illusions. Il va l’aider simplement, sans compassion, sans pitié. Elle va revivre.

Avis : Après deux chefs-d’œuvre fulgurants (De battre mon coeur s’est arrêté et Un prophète), Audiard continue de construire une filmographie d’une virtuosité insensé et insolente. Avec De rouille et d’os, il quitte l’univers du polar sombre pour revenir aux mécanismes du rapprochement des corps et des cœurs qu’il avait pu traiter dans Sur mes lèvres. Il y suit le destin brisé d’une dresseuse d’orques amputée des deux jambes et d’un père célibataire bourru et irresponsable.

Des êtres isolés, par choix, par honte, par haine de soi ou des autres. Leur rencontre va leur permettre de s’ouvrir ou de se réadapter au monde. Devant la caméra de Jacques Audiard, cette histoire qui avait tout du mélo larmoyant et indigeste devient un fascinant voyage initiatique vers un retour à la normalité, une bouleversante fable sur deux individus bousillés qui se rapprochent malgré eux, sans complaisance, jamais avec ce réalisateur, sans outrance, mais des regards, des mots soufflés, des silences qui en disent beaucoup plus.

Passionnant de bout en bout, saisissant à chaque scène, délivrant des uppercuts dont on met du temps à se relever, De rouille et d’os fascine dans se capacité à nous emmener toujours un peu plus loin que cette simple histoire d’amour. Le réalisateur nous positionne en empathie immédiate avec des personnages pourtant marginaux mais toujours dignes, nous offrant les clés pour les comprendre.

Des dialogues épatants de justesse et de simplicité, la force des situations, la beauté sidérante des plans, Audiard confirme qu’il est un orfèvre du son et de l’image. Et qu’il possède un sens du montage qui touche à la perfection. Chaque scène, chaque plan est travaillé avec une telle minutie et un tel esthétisme que le film y gagne une cohérence et une fluidité imparable. Audiard place toujours sa caméra où il faut, le temps qu’il faut.

De rouille et d’os et donc clairement un film de réalisateur et est constamment marqué du talent de son auteur, mais pas seulement. Il est aussi imprégné de son génie de directeur d’acteurs. Les deux interprètes principaux délivrent une performance monstrueuse, de celles qui marquent l’histoire du cinéma.  Pour ceux qui ne l’ont pas découvert dans Bullhead (une erreur), Matthias Schoenearts sera une révélation qui confine à l’évidence. Dans le rôle d’Ali, jeune homme rustre, massif, qui se satisfait d’une apparente simplicité, il bouffe littéralement l’écran.  Flanqué d’un gamin qu’il ne connaissait pas, Ali va prendre Stéphanie sous son aile, sans jamais la prendre en pitié, la bousculant, lui faisant reprendre vie… Schoenearts joue de son animalité brute et de son regard perçant pour laisser entrevoir une fêlure dramatique dans le passé de son personnage, donnant une piste pour expliquer son comportement axé principalement vers la satisfaction de ses besoins égoïstes, comportement qui va lentement, et malgré lui, évoluer au contact de son fils et de la jeune femme. En face, Cotillard joue une partition dépouillée, intense, âpre et poignante. Cette actrice bouleverse plus qu’aucune autre, saisit l’instant et l’émotion viscéralement, sans effet. Elle est la quintessence de l’incarnation, sans sophistication. Elle apporte  à ce personnage pourtant lourd en pathos, tout le naturel et la simplicité de son interprétation. Chaque geste, chaque mot sonne juste et touche instantanément. Audiard lui donne sans doute son plus beau rôle, mais lui-même n’aurait pu rêver d’une meilleure interprète. Je suis curieux de voir qui pourra subtiliser à ces deux acteurs le prix d’interprétation à Cannes…

En attendant, De rouille et d’os vous hantera bien au-delà du générique de fin, avec ce sentiment que vous avez vu un peu plus qu’un simple film. Ça doit être à ça qu’on reconnaît un chef-d’œuvre….

MEN IN BLACK 3 – 12,5/20

Men In Black IIIRéalisé par Barry Sonnenfeld

Avec Will Smith, Tommy Lee Jones, Josh Brolin

Synopsis : En quinze ans de carrière chez les Men in Black, l’agent J a vu beaucoup de phénomènes inexplicables… Mais rien, pas même le plus étrange des aliens, ne le laisse aussi perplexe que son partenaire, le sarcastique K. Lorsque la vie de K et le destin de la Terre sont menacés, l’agent J décide de remonter le temps pour remettre les choses en ordre. Il va alors découvrir qu’il existe certains secrets de l’univers que K ne lui a jamais révélés. Il est cette fois obligé de faire équipe avec l’agent K, plus jeune, pour sauver la vie de son partenaire, l’agence, et l’avenir même de l’humanité…

Avis : A t-on vraiment envie de revoir les hommes en noir, 10 ans après leurs dernières aventures? C’est la question que l’on peut légitiment se poser avant de découvrir Men in Black 3.

Franchement? He ben oui. Ce nouvel opus est fun, sans surprise certes, mais efficace. MIB3 remplit sa promesse de faire passer un moment cool avec d’anciens potes. Les vannes et références sont très bien portées par Will Smith, qui s’y déploie comme un poisson dans l’eau et Brolin, qui se fond admirablement dans l’univers de la licence. Le scénario, sans être transcendant d’originalité, tient la route.

On regrettera que Sonnenfeld ne joue pas à fond la carte seventies, qui reste assez peu inexploitée (à part dans la très réjouissante scène de la Fabrique) et du décalage temporel. Bon, on n’est pas dans Retour vers le futur non plus, et les scénaristes ont sans doute préféré se concentrer sur l’aspect comédie plutôt que sur les mécanisme d’un voyage dans le temps (malgré un joli twist final).

De joyeuses retrouvailles, loin d’être inoubliables mais sympathiques.

LE PRENOM – 6/20

Le PrénomRéalisé par Alexandre de La Patellière, Matthieu Delaporte
Avec Patrick Bruel, Valérie Benguigui, Charles Berling

Synopsis : Vincent, la quarantaine triomphante, va être père pour la première fois. Invité à dîner chez Élisabeth et Pierre, sa sœur et son beau-frère, il y retrouve Claude, un ami d’enfance.
En attendant l’arrivée d’Anna, sa jeune épouse éternellement en retard, on le presse de questions sur sa future paternité dans la bonne humeur générale… Mais quand on demande à Vincent s’il a déjà choisi un prénom pour l’enfant à naître, sa réponse plonge la famille dans le chaos.

Avis : Le passage au grand écran de la pièce à succès du même nom souffre clairement d’un défaut majeur et clairement rédhibitoire : une évidente paresse dans le processus d’adaptation.
La plupart du temps perdus dans cet espace trop étriqué et peu à l’aise pour y affronter la caméra, les acteurs ne trouvent jamais la juste mesure pour insuffler du naturel à ce huis clos qui se vautre dans les écueils du théâtre filmé.
Outrance, surjeu, vannes exagérément appuyées et souvent pas très fines, réalisation poussive et sans imagination, accumulation de clichés, le Prénom accumule les lourdeurs, s’enfonçant dans le cercle vicieux de la surenchère.
Mise à part deux ou trois passages réussis, en particulier l’arrivée de la femme de Vincent, l’ensemble est terriblement poussif.
Un peu moins certes lorsque Bruel est en retrait… En plus d’en faire des tonnes avec un air tout à fait satisfait (ce qui l’entraîne souvent dans des aigus particulièrement agaçants), son jeu tombe constamment à côté de l’intention attendue, dénué de toute nuance. Pénible oui…
L’adaptation d’une pièce à succès à l’écran, surtout quand elle fait appel aux mécanismes du boulevard, mérite un travail méticuleux d’adaptation tant au  niveau du scénario (il faut tout simplement en créer un, même – surtout – si le texte de départ est bon) que dans la direction d’acteur (que chacun prenne conscience qu’il est devant une caméra et plus sur scène).
Ajouter une voix off –par ailleurs insupportable – au début et à la fin du film en mode Amélie Poulain, ne suffit pas.
Les portent claquent moins bien au cinéma….

LA CABANE DANS LES BOIS – 8/20

La Cabane dans les boisRéalisé par Drew Goddard
Avec Kristen Connolly, Chris Hemsworth, Anna Hutchison

Synopsis : Cinq amis partent passer le week-end dans une cabane perdue au fond des bois. Ils n’ont aucune idée du cauchemar qui les y attend, ni de ce que cache vraiment la cabane dans les bois…

Avis : « Vous croyez connaître l’histoire ? ». Cette aguicheuse accroche sur l’affiche de la Cabane au fond des Bois est à prendre très au sérieux …
Car c’est vrai, le film broie tous les codes du slasher movie auquel le pitch pourrait nous faire croire. Pour mieux nous surprendre ? Surtout pour aller dans le grand n’importe quoi…
Pourtant, ce ne sont pas les bonnes idées qui manquent. Le côté Truman Show horrifique avec cette mystérieuse organisation qui joue au marionnettiste est intriguant. Le côté ludique et décalé interpelle, avant de disparaître pour laisser la place à une deuxième piste, elle aussi potentiellement riche, revisiter le bestiaire des monstres et des terreurs de notre enfance. On termine dans une hystérie pas forcément maitrisée, assez fun oui,  mais terriblement geek, qui laissera beaucoup (dont moi) sur la touche. Là, on en est au moins à du 1000ème degré. .. La révélation finale, même si on se doute qu’elle n’est pas la principale préoccupation des auteurs, est tellement absurde et déroutante, qu’on ne peut s’empêcher de lâcher un interdit « What the fuck » lorsque la lumière s’allume. D’autant plus que le film a un peu oublié de faire peur…
On sort donc tout à fait perplexes de cette cabane dans les bois… Mais c’était quoi ce film, en fait ?

MARGIN CALL – 14/20

Margin CallRéalisé par J. C. Chandor Avec Kevin Spacey, Paul Bettany, Jeremy Irons

Synopsis : Pour survivre à Wall Street, sois le premier, le meilleur ou triche. La dernière nuit d’une équipe de traders, avant le crash. Pour sauver leur peau, un seul moyen : ruiner les autres…

Avis : Thriller financier haletant, Margin Call se pose comme parfait complément fictionnel au terrifiant Inside Job, documentaire indispensable sur les origines de la crise actuelle. Dans cette tour en effervescence, règne le cynisme d’un système capitaliste orienté vers le profit immédiat d’une poignée d’individus peu scrupuleux. Des apprentis sorciers manipulant les chiffres pour accumuler les millions le plus rapidement possible, obnubilés par le profit et les bonus, peu importe les moyens pour y arriver. Évidemment, on perçoit en toile de fond de Margin Call le scandale des subprimes qui ruina des millions de citoyens américains et provoqua la crise financière dantesque avec laquelle on se débat toujours – et pour un moment  (encore une fois, Inside Job vous livrera une démonstration implacable).

Le film de Chandor se déroule sur une soirée, la nuit où est mise à jour par une jeune trader la dangerosité des produits que cette banque, dont le modèle est sans nul doute JP Morgan, construit, achète et vend. La première scène donne le ton. Des consultants viennent signifier sans ménagement à une majorité d’employés qu’ils sont virés et doivent débarrasser le plancher sur le champ.

Si le propos peut-être parfois un peu technique, on est emportés par la fièvre nocturne qui gagne la tour, on est captivés par les implications de cette révélation, qu’on découvre progressivement, au fur et à mesure que l’information monte les étages et la hiérarchie. Le jeune trader (Zachary Quinto), avertit son boss (Paul Bettany), qui informe le sien (Kevin Spacey) qui alerte son supérieur (Simon Baker), qui attend l’hélicoptère qui amène le grand patron (Jeremy Irons). Ajoutons Demi Moore et le jeune Penn Badgley, et vous aurez un idée de l’incroyable casting qui nous accompagne dans cette plongée dans l’enfer de Wall Street. Tous vont se rassembler pour définir la stratégie à adopter pour sauver leur boîte, mais plus sûrement leur peau. Et tant pis pour les conséquences…

Dommage que le film s’étire sur la fin en bavardages un peu superflus sur les états d’âmes de certains personnages. Mais une dernière réplique de Irons finit de marquer Margin Call au fer rouge du cynisme : Oui, il y aura certainement encore du fric à se faire avec ce merdier…

TYRANNOSAUR – 14,5/20

TyrannosaurRéalisé par Paddy Considine

Avec Peter Mullan, Olivia Colman, Eddie Marsan

Synopsis : Dans un quartier populaire de Glasgow, Joseph est en proie à de violents tourments à la suite de la disparition de sa femme. Un jour, il rencontre Hannah. Très croyante, elle tente de réconforter cet être sauvage. Mais derrière son apparente sérénité se cache un lourd fardeau : elle a sans doute autant besoin de lui, que lui d’elle.

Avis : Terreau inépuisable d’œuvres ancrées dans une réalité sociale parfois terriblement violente, le cinéma britannique offre avec Tyrannosaur un drame profondément humain porté par deux acteurs impressionnants. Des personnages cabossés par la vie jusqu’à en devenir violent et exécrable pour l’un et aveuglée par une dévotion religieuse excessive pour l’autre, des personnages qui vont peu à peu s’apprivoiser, leur rencontre faisant pour chacun l’effet d’un baume apaisant sur leurs blessures béantes. Mais un baume qui calme la douleur temporairement, sans la soigner tout à fait, et ils n’auront de cesse d’affronter leurs démons sans parvenir à les exorciser.

Cette lutte contre soi-même est magistralement incarnée d’une part par Peter Mullan, constamment rattrapé par une violence qu’il ne parvient jamais à contrôler, ou au prix d’efforts intenables, sorte de miroir à son alcoolisme, et Olivia Colman d’autre part, dont l’apparente fragilité dissimule une froide colère qui ne demande qu’à exploser. Leur rencontre à l’écran est de celles qui marquent…

La réalisation de Considine, claire et limpide, scrute ses anti-héros en permanence, usant de plans courts allant d’un acteur à l’autre, les filmant au plus près, à la limite de l’impudeur. En résulte une charge émotionnelle incontestable qui trouve son expression la plus forte en un climax assez bouleversant.