Réalisé par Joachim Lafosse
Avec Niels Arestrup, Tahar Rahim, Emilie Dequenne
Synopsis : Murielle et Mounir s’aiment passionnément. Depuis son enfance, le jeune homme vit chez le Docteur Pinget, qui lui assure une vie matérielle aisée. Quand Mounir et Murielle décident de se marier et d’avoir des enfants, la dépendance du couple envers le médecin devient excessive. Murielle se retrouve alors enfermée dans un climat affectif irrespirable, ce qui mène insidieusement la famille vers une issue tragique.
Avis : La première scène de A perdre la Raison annonce clairement la couleur. Sombre, dure, glaciale. En dévoilant d’emblée le dénouement du drame, Lafosse prend le risque d’atténuer la force de son récit. Il n’en est rien. Le réalisateur belge maintient tout au long de son film une tension terrible qui captive autant qu’elle bouleverse. Sa mise en scène sobre et clinique joue parfaitement des ellipses et nous immerge complétement dans cette histoire sordide, quitte à parfois dégager une atmosphère étouffante. Elle saisit brillamment le temps qui passe et rend compte du piège qui se referme, de l’environnement malsain qui devient de plus en plus irrespirable, de la lente plongée dans la folie de Murielle, jusqu’à cet acte inimaginable, impensable.
La dérive psychologique de cette mère de famille désemparée est magistralement portée par Emilie Dequenne, intense et juste de bout en bout, crédible jusque dans sa transformation physique. Face à elle, Tahar Rahim s’affirme en père de famille dépassé et faible, tiraillé entre sa volonté d’émancipation et le poids de la dette morale qu’il a implicitement contractée avec son père adoptif. Celui-ci est incarné avec toute la perversité qu’il est capable de montrer par Niels Arestrup, comme d’habitude parfait dans le registre de l’ambiguïté et de la manipulation.
On ressort sous le choc, encore sonné par la puissance d’un dernier plan glaçant.