BLACKKKLANSMAN – 14,5/20

BlacKkKlansman - J'ai infiltré le Ku Klux Klan : AfficheDe Spike Lee
Avec John David Washington, Adam Driver, Topher Grace

Chronique : Avec Blackkklansman, Spike Lee frappe fort et délivre une comédie au message politique féroce. L’action a beau se dérouler dans les années 70, elle a une résonance considérable dans un Amérique Trumpiste plus divisée que jamais, et qui regarde incrédule la parole raciste et même suprématiste se libérer. L’actualité et la contemporanéité du propos sont indiscutables et composent l’un des nombreux ressorts comiques du film, bardés de référence piquantes à l’actuel président américain et à son électorat de base. Car Blackkklansman est drôle, vraiment, et s’appuie largement sur son pitch décalé, récit improbable mais vrai d’un flic noir infiltrant le Ku Klux Klan via un flic. L’humour avec lequel Spike Lee traite son histoire est un outil saillant aux coups imparables. Il fait rire autant qu’il dénonce, et inversement. La mise en scène rythmée, pop et inventive même si parfois peu subtile, confère une certaine coolitude au film (incarné magistralement par John David Washington (fils de), révélation), sans pour autant négliger l’action et le suspense qui finissent par prendre le pas. Son impact est d’autant plus fort lorsqu’une scène abordée sur un ton humoristique s’achève sur des situations ou des propos glaçants (le générique de fin illustre parfaitement cette dichotomie et fait froid dans le dos)
Blackkklansman offre une nouvelle représentation au cinéma de la recrudescence des conflits interraciaux aux Etats-Unis, de plus en plus violents et clivants. Il n’a pas la puissance métaphorique d’un Get Out, ni la précision d’une série comme Dear White People qui multiplie les points de vue, mais il va au combat avec ses armes, l’humour et l’énergie. Et il le fait très bien.

Synopsis : Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l’histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.

MISSION IMPOSSIBLE : FALLOUT – 15/20

Mission Impossible - Fallout : AfficheDe Christopher McQuarrie
Avec Tom Cruise, Henry Cavill, Rebecca Ferguson

Chronique : C’est une petite révolution en soi. En plus de conserver le réalisateur du (très réussi) Rogue Nation, Mission Impossible : Fallout en est la directe continuation, ce qui est inédit pour la saga qui renouvelait systématiquement le style et l’univers des aventures d’Ethan Hunt à chaque épisode.
Une seule chose ne change jamais, Tom Cruise, fascinant d’endurance, de prise de risque et d’implication. Les limites de son jeu d’acteur (tout de même assez lourdes) sont désormais nettement compensées par ses prouesses physiques et le gigantisme de la mise en scène déployée autour des exploits de son personnage dont il assure encore toutes les cascades.
Car Fallout est au moins un modèle, si ce n’est un aboutissement du genre. Rarement un film est allé aussi loin dans la précision, l’ambition et la profusion des scènes d’action. La mise en scène frénétique et virtuose de McQuarrie est une succession de ballets millimétrés, minutieux et haletants, si bien qu’on finit par ne plus compter les moments de bravoure, les poursuites épiques, les fusillades pétaradantes et les bastonnades à poings nus. On se prend au jeu. Dans la lignée des meilleurs James Bond d’antan, la technologie en plus, ce M:I révèle un petit goût old school, nous entraînant aux quatre coins du globe, nous surprenant avec d’étonnants gadgets et nous déroutant avec des twists souvent grossiers mais savoureux. Et puis les scènes dans Paris ont quand même une saveur toute particulière, jamais la capitale n’avait été filmée ainsi.
Ce Fallout est d’autant plus réussi que le casting est encore monté d’un cran niveau glamour. Si Cruise ne peut plus rivaliser avec un Henry Cavill modèle de virilité (j’ai essayé la même moustache, j’annonce que ça ne va pas à tout le monde), ce sont ces dames qui remportent la mise, chaque apparition de Rebecca Ferguson et Vanessa Kirby (The Crown) électrisant l’écran.
Le scénario est par conséquent assez accessoire, suffisamment solide dans son intrigue d’espionnage sans être trop complexe pour nous happer 2h30, mais surtout prétexte à un film d’action dantesque et total, que les états d’âmes et la fragilité nouvelle de son héros viennent à peine humaniser.
Spectaculaire, dense et intense, un pur plaisir de cinéma popcorn, scotchant et furieusement emballant.

Synopsis : Les meilleures intentions finissent souvent par se retourner contre vous…
Dans MISSION : IMPOSSIBLE – FALLOUT, Ethan Hunt accompagné de son équipe de l’IMF – Impossible Mission Force et de quelques fidèles alliées sont lancés dans une course contre la montre, suite au terrible échec d’une mission.

DOGMAN – 15/20

Dogman : AfficheDe Matteo Garrone
Avec Marcello Fonte, Edoardo Pesce, Alida Baldari Calabria

Chronique : Dans une banlieue italienne de bord de mer, abandonnée et délabrée, Marcello vivote de son métier de toiletteur pour chiens. Chétif, souriant et avenant, il est très apprécié de son voisinage et est un père divorcé aimant et dévoué pour sa petite fille. Alors pour quelles raisons se laisse-t-il soudain entrainer dans un engrenage qui le conduira à des actes d’une violence extrême ?
Toute la puissance de Dogman réside dans cet étude de personnage, ce petit bonhomme qui par peur ou naïve loyauté, la frontière est fine, se plie aux volontés d’un ami brutal et caractériel.
Marcello se laisse embrigader dans une série de larcins, du trafic de cocaïne aux cambriolages, pour satisfaire Simoncino, cet encombrant ami sortant de prison. Cette amitié toxique est au cœur du parcours intime de Marcello, on se demande en permanence la nature du lien qui les unit, et pourquoi Marcello s’entête à le protéger. Même lorsqu’il se sent trahit, la rage et la colère se dispute à l’affection dans le regard du toiletteur, sans qu’on sache vraiment jamais quel sentiment l’emporte. Jusqu’à ce que les humiliations soient trop lourdes à supporter, les trahisons impossibles à pardonner. Cette lente transformation en guise de prise de conscience (un peu tardive) s’exprime pleinement à travers la performance éblouissante de Marcello Fonte, follement expressif et étonnamment physique. Sublimée par la mise en scène naturaliste et brute de vérité de Matteo Garonne, la descente aux enfers de ce petit homme ordinaire aux aspirations difficiles à cerner va libérer une violence insoupçonnable. Miroir d’une société de plus en plus déshumanisée, Dogman fait de l’omniprésence canine la parfaite analogie d’une forme de bestialité qui reprendrait le dessus sur le genre humain. Qu’il s’ouvre sur la gueule d’un chien hurlant tous crocs dehors et se referme sur l’impressionnant regard hagard de Marcello est éloquent.
Qu’il ait été récompensé du Prix d’Interprétation masculine à Cannes est une évidence.

Synopsis : Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce…