Cinéma | THE FATHER – 15/20

De Florian Zeller
Avec Anthony Hopkins, Olivia Colman

Chronique : Florian Zeller adapte en anglais sa pièce de théâtre et parvient à transcender son matériel original pour faire de son film un thriller psychologique haletant et bouleversant, bien qu’on en connaisse la fin et son bad guy impitoyable (la maladie)
Le scénario reflète la confusion de plus en plus grande qui affecte le vieillard. The Father est une plongée labyrinthique dans son cerveau abîmé par la démence sénile. Qui est vraiment qui ? où est-on ? que nous a-t-on dit ? Le réalisateur nous perd pour mieux nous toucher et ça marche foutrement bien, d’autant plus qu’il ne cède jamais à l’émotion facile.
Sa mise en scène exploite au mieux le huis-clos, construisant de longs plans élégants qu’il va répéter avec des personnages différents (ou pas), des temporalités floues, des dialogues contradictoires, ce qui renforce progressivement l’impression de dérive, la détresse grandissante d’Anthony et l’impuissance de ses proches, en particulier sa fille (formidable Olivia Colman).
Anthony Hopkins est sorti de sa retraite pour incarner ce vieil homme portant le même prénom que lui. A 83 ans, il livre la performance d’une vie, magistrale, terrassante. Ne la ratez pas.

Synopsis : The Father raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans, Anthony, dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux. Mais c’est aussi l’histoire d’Anne, sa fille, qui tente de l’accompagner dans un labyrinthe de questions sans réponses.

Cinéma | ADIEU LES CONS – 13/20

De Albert Dupontel
Avec Virginie Efira, Albert Dupontel, Nicolas Marié

Chronique : Pas grand fan de Dupontel, c’est un peu en traînant des pieds que je me suis décidé à découvrir le César 2020 du meilleur film. En revanche j’aime beaucoup Virginie Efira… Je me suis donc laissé convaincre. Avec deux confirmations à la clé : Albert Dupontel est décidemment un acteur limité (il faut vraiment qu’il arrête de se donner les premiers rôles quand il ne leur correspond pas) mais un réalisateur inspiré.
Sa mise en scène est à la fois singulière et séduisante. Dupontel nous plonge dans un monde sépia, l’enrobe de couleurs chaudes et affiche beaucoup de maitrise et d’originalité dans ses mouvements de caméra. Ses plans sont toujours très beaux, fluides, riches d’une imagerie cartoonesque qui fourmille d’idées.
Même si les films de Dupontel ont toujours un fond politique (pour le coup ici pas très subtil), le réalisateur privilégie l’humain et construit un univers chaleureux pour contrebalancer la solitude et la détresse de ses personnages, il les entoure d’une certaine bienveillance et fait poindre des lueurs d’espoir.
Cette dualité entre légèreté et tragique se retrouve dans les dialogues, très bien écrits, drôle et parfois emprunts d’une poésie toujours à propos.
Efira s’en sort remarquablement bien, même quand le scénario flirte avec la guimauve, elle reste digne et porte le film. Elle allie fraicheur, humour et émotion, bien épaulée par son hilarant sidekick M. Blin, trouvaille formidable. Nicolas Maré est exceptionnel. Si l’un des César d’Adieu les cons est mérité, c’est bien celui du meilleur second rôle. Car pour celui du meilleur film, c’est beaucoup moins évident.
En dépit de sa réussite formelle évidente et de son écriture solide, son scénario est parfois plombé par une naïveté excessive et une pointe de démagogie.
Une jolie fable, vraiment, un peu maladroite dans son engagement mais définitivement touchante.

Synopsis : Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB, quinquagénaire en plein burn out, et M. Blin, archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable.

Cinéma | L’Etreinte – 13/20

De Ludovic Bergery
Avec Emmanuelle Béart, Vincent Dedienne

Chronique : L’Etreinte vaut surtout pour le plaisir de retrouver Emmanuelle Béart sur grand écran. De toutes les scènes, elle incarne fiévreusement Margaux, veuve à l’aube de sa cinquantaine, une cinquantaine assumée et vibrante.
C’est le portrait d’une femme en réapprentissage que dépeint L’Etreinte. Si le récit est volontairement mystérieux sur son passé hormis la mort de son mari il y a 6 mois, il la confronte à une solitude nouvelle, au besoin de séduire à nouveau, nous montre son combat intime et parfois maladroit pour retrouver une confiance qu’on devine envolée.
On assiste à cette difficile réinvention, cette bascule entre un passé révolu et un avenir incertain.
Filmé caméra à l’épaule, au plus prés des visages et des corps, L’Etreinte offre une mise en scène charnelle, scrutant et exposant le désir et les frustrations.
Emmanuelle Béart embrasse pleinement, sensuellement et magnifiquement ce rôle qui vampirise le film. C’est un peu sa limite, dans la mesure où les personnages qui gravitent autour d’elle sont peu développés (malgré une jolie complicité avec Vincent Dedienne, impeccable), donnant au scénario une dimension un peu monolithique. Mais ces retrouvailles sont à la hauteur de la sensibilité et du talent de l’actrice.

Synopsis : Margaux a perdu son mari et commence une nouvelle vie. Elle s’installe chez sa sœur et s’inscrit à l’université pour reprendre des études de littérature. Mais rapidement, elle ressent le besoin d’autres émotions. Elle part en quête d’amour, au risque de s’y perdre…

Cinéma | MANDIBULES – 12,5/20

Mandibules

De Quentin Dupieux
Avec David Marsais, Grégoire Ludig, Adèle Exarchopoulos

Chronique : Deux potes bas du front recueillent une mouche géante et décident de la dresser. C’est un pitch absurde, mais c’est un film de Quentin Dupieux, on est donc presque dans le pléonasme.
Le scénario se déroule en revanche de façon assez linéaire, avec des enjeux assez clairs, ce qui en fait sans doute son film le plus abordable, même si la théâtralité décalée vue dans Au Poste ! était plus marquante.
Mandibules associe l’univers barré de son auteur à la bêtise assumée et irrésistible du Palmashow. Tantôt laborieux (les 20 premières minutes) tantôt savoureux, le film trouve progressivement son rythme de croisière où l’on sourit plus qu’on ne rit franchement (mais on sourit beaucoup). Surtout il bénéficie de deux atouts imparables, l’extraordinaire complicité entre Ludig et Marsais et le virage comique d’Adèle Exarchopoulos, exceptionnelle de drôlerie.
La mise en scène exploite au mieux ses décors minimalistes et son casting réduit, assumant un tempo lent mais sans doute mieux adapté à l’humour du Palmashow qu’à Dujardin (je n’étais pas un grand fan du Daim).
Avec sa morale naïve mais réconfortante, Mandibules est une ode à l’amitié aussi absurde que burlesque. On était curieux de voir comment les mondes de Dupieux et du Palmashow se marieraient, la cérémonie est plutôt réussie.

Synopsis : Jean-Gab et Manu, deux amis simples d’esprit, trouvent une mouche géante coincée dans le coffre d’une voiture et se mettent en tête de la dresser pour gagner de l’argent avec.

Série | LE SERPENT – 14/20 | INVINCIBLE S01 – 13,5/20

LE SERPENT (Minisérie Netflix) – 14/20

Dans une mise en scène sophistiquée et à travers une reconstitution visuelle et graphique des années 80 convaincante, Tahar Rahim incarne magistralement le tueur en série Charles Sobhraj (qui sous le nom d’Alain Gautier dépouillait, tuait et prenait l’identité de jeunes touristes en Inde). Son interprétation froide et glaçante confirme un charisme déjà largement révélé par une filmo très dense. Il construit pas à pas ce personnage mystérieux, évidemment dangereux mais aussi instable, avide et égotique en opposition avec le diplomate néerlandais, pivot moral de la série, pour qui la traque de Sobhraj va devenir une obsession. La série est construite en aller/retour entre différentes époques et se dévoile par touche. Si cette narration en puzzle met bien deux épisodes à réellement se mettre en place, elle s’avère redoutablement efficace, rejouant des scènes selon différents points de vue qui nous donnent de nouvelles perspectives à chaque épisode. Le Serpent devient vraiment captivant à partir de l’épisode 3 et s’avère un vrai bon thriller.

INVINCIBLE S01 (Prime Vidéo) – 13,5/20

Totalement étranger au comic original, c’est d’abord avec circonspection que j’ai découvert la série Invincible. Elle commence de manière assez lambda comme un banal dessin animé. En gros une histoire de super héros assez basique, reprenant les codes de DC et Marvel (on retrouve des « contrefaçons » de Batman, Flash, Superman…). Et puis elle devient graphique, mais genre TRES graphique, déployant une violence inouïe qui va crescendo, parfois jusqu’à l’écœurement. Une sorte de petite sœur pour The Boys, mais en moins cynique. Et le fond prend également de l’épaisseur au fil des épisodes, creusant la relation père/fils qui lie Omni-man et Invicible, tout en parvenant à exprimer à l’écran la sensation d’accomplissement et de pouvoir que peuvent ressentir les super-héros (enfin on imagine !) et en réservant son lot de surprises.
A noter un excellent casting voix, avec Steven Yeun, Sandra Oh (Killing Eve) et J.K. Simmons.
A suivre.

Cinéma | LES MITCHELL CONTRE LES MACHINES – 15/20 | JUDAS AND THE BLACK MESSIAH – 11/20

LES MITCHELL CONTRE LES MACHINES (Dispo sur Netflix) – 15/20

Après l’Oscar du sensationnel Spider-man : New Generation. Lord et Miller propose leur nouvelle pépite sur Netflix (because la pandémie, tout ça…), ce qui s’avère être un sacré crève-cœur tant elle dégouline de qualités d’un peu partout.
Les Mitchell contre les Machines est une comédie d’aventure SF aussi barrée que maitrisée, à la direction artistique originale et décapante. Derrière un propos dans l’air du temps (la menace du tout connecté et notre dépendance aux nouvelles technologies), le film vante avec habilité, sans aucune lourdeur, les vertus du dialogue entre les générations, naviguant constamment entre humour loufoque et émotion. Diablement futé, il fourmille d’idées géniales et de références méta hilarantes, chargeant ses seconds plans de détails à tomber. Inutile de préciser que l’animation est d’une inventivité folle, mêlant dessins au crayon et effets numériques, et jouant intelligemment avec les incrustations pour appuyer la narration en voix off.
Le combat final est une merveille, aussi beau que fluide et d’une recherche visuelle inouïe.
Mais surtout, Les Mitchell est tellement, mais tellement fun, drôle et malin (ce cabot, ce Mochi, quelle trouvaille !) et bardé d’un cœur gros comme ça.
La définition même du film pour toute, mais vraiment toute la famille.
On est emballé. Ça se voit ? 😉

JUDAS AND THE BLACK MESSIAH (Dispo sur Canal) – 11/20

Judas and the Black Messiah relate le combat des Black Panther pour l’égalité des droits à travers le destin foudroyé du jeune leader Fred Hampton, assassiné par FBI de Hoover alors qu’il tentait de rallier à sa cause les différents groupuscules révolutionnaires (black, mais aussi latino et plus étonnamment suprémacistes) dans un contexte proche de la guerre civile.
Plus spécifiquement, c’est autour de l’histoire de William O’Neal, informateur du FBI qui déclenchera l’assassinat de Hampton que The Black Messiah est construit. Cela a le mérite d’ajouter à la dimension politique et documentaire une vision humaine, abordant les notions de trahison, de culpabilité, mais sans parvenir à apporter une réelle émotion ou à insuffler un souffle romanesque à ces destins croisés.
Car malheureusement le film s’attarde sur de trop nombreux personnages pas forcément aussi passionnants que Hampton et O’Neal, qui se retrouvent du coup insuffisamment développés et assez monolithiques dans leur construction.
Si The Black Messiah est évidemment intéressant et éclairant, en particulier au regard de l’actualité dramatique de ces dernières années, il manque trop de tension et de rythme, d’approfondissement des personnages pour dépasser son statut de film testimonial.