AGENTS TRÈS SPÉCIAUX CODE UNCLE – 13/20

Agents très spéciaux - Code U.N.C.L.ERéalisé par Guy Ritchie
Avec Henry Cavill, Armie Hammer, Alicia Vikander

Avis : Guy Ritchie s’est visiblement beaucoup amusé à adapter et moderniser pour le grand écran  cette vieille série des années 60, avouons-le totalement oubliée. Mais sans laisser de côté le spectateur, puisque le résultat est tout à fait réjouissant.
Le réalisateur British fait appel à une imagerie vintage chiadée et convaincante pour marquer visuellement son récit. C’est chic et stylé, aussi bien dans le traitement de la photo que dans le travail remarquable sur les décors et les costumes. Et c’est un terrain de jeu parfait pour que Richie laisse libre court à sa mise en scène débridée et sophistiquée, sans pour autant verser dans les regrettables excès d’un Sherlock Holmes 2 par exemple (trop de ralenti tue le ralenti). Son film use d’une technique maîtrisée, limitant judicieusement le recours aux effets numériques pour donner corps à des courses poursuites et des fusillades à l’ancienne, un brin désuètes mais définitivement élégantes. Il joue habilement des vieux codes télévisuels de l’époque, des sous-titres à la typo improbable à une utilisation ad hoc du split screen pour dynamiser un scénario un poil trop conventionnel.
Il peut aussi se reposer sur un trio d’acteurs glamour à souhait, certes caricatural (mais n’est-ce pas le but recherché), et dont l’évidente alchimie séduit immédiatement. Avec classe, verve et humour, ils donnent du relief à des dialogues pince-sans-rire souvent pertinents (entre nous, s’il n’était Superman, Henry Cavill ferait un excellent Bond).
Agents Très Spéciaux remplit donc haut la main sa mission de divertissement décomplexé, conscient de ce qu’il est, un joli petit saut dans le temps récréatif aux clichés assumés, sans autre ambition que celle faire passer au spectateur un agréable moment. C’est réussi au point qu’on ne serait pas contre les retrouver sur une prochaine mission…

Synopsis : Au début des années 60, en pleine guerre froide, Agents très spéciaux – Code U.N.C.L.E. retrace l’histoire de l’agent de la CIA Solo et de l’agent du KGB Kuryakin. Contraints de laisser de côté leur antagonisme ancestral, les deux hommes s’engagent dans une mission conjointe : mettre hors d’état de nuire une organisation criminelle internationale déterminée à ébranler le fragile équilibre mondial, en favorisant la prolifération des armes et de la technologie nucléaires. Pour l’heure, Solo et Kuryakin n’ont qu’une piste : le contact de la fille d’un scientifique allemand porté disparu, le seul à même d’infiltrer l’organisation criminelle. Ils se lancent dans une course contre la montre pour retrouver sa trace et empêcher un cataclysme planétaire.

THE PROGRAM – 11/20

The ProgramRéalisé par Stephen Frears
Avec Ben Foster, Chris O’Dowd, Guillaume Canet

Avis : Qualifié de plus grand tricheur de l’histoire du sport moderne, Lance Amstrong fascine autant qu’il intrigue. Rare sont les personnages publics à être passés comme lui du statut d’idole quasi-mystique à celui de paria infréquentable. Il y a évidemment dans son parcours une dimension tragique et romanesque que le cinéma ne pouvait pas laisser longtemps inexploitée. Auteur de biopic très convaincants (The Queen, Philomena), Stephen Frears apparaissait comme le réalisateur idoine pour saisir toute la complexité de ce champion hors du commun ayant trompé le monde de sport pendant plus de 10 ans avec un aplomb déroutant. Si déroutant qu’on en vient même à se demander s’il n’était pas convaincu lui-même de ses mensonges.
Malheureusement, The Program se révèle bien trop linéaire et superficiel pour saisir ou éclairer la psychologie de l’athlète. A jouer à la fois sur la personnalité même d’Amstrong et la mise en place du Programme proprement dit, Frears ne traite finalement vraiment aucun des deux. On devine que l’idée du film est de mettre en avant la dualité du cycliste. Un champion jusqu’au boutiste dont le statut de survivant confère une aura de super-héros invulnérable. Une stature dont il usera aussi bien pour faire prospérer sa fondation en faveur des enfants cancéreux que pour semer la terreur sur le peloton. Dans quel mesure était-il lui-même conscient que ses mensonges, ses tricheries et au final sa vénalité dépassaient largement les bonnes intentions de Livestrong ? À quel point réalisait-il que la fin ne justifie pas de tels moyens ? C’est précisément là où The program peine à convaincre. Le film enchaîne les faits de manière un peu brutale, sans prendre le temps de s’attarder sur les motivations et la psychologie de son anti-héros. Le récit reste clinique et on en apprend finalement assez peu sur Amstrong lui-même, faute d’un réel parti pris. Sans doute parce que le biopic couvre une trop grande période, il échoue également à donner du relief aux personnages qui gravitaient autour de Amstrong, ceux qui le poussait dans la spirale du mensonge, ou ceux qui l’ont affrontés. En soi l’histoire du coureur est puissante, mais cette dimension n’est pas forcément perceptible.
Frears n’est pas beaucoup plus inspiré pour exposer les rouages de cet incroyable programme de dopage. Confus bien que visiblement simplifié, il ne rend pas totalement compte de la monstruosité du système. Le formidable documentaire Le mensonge Amstrong est autrement plus riche et éclairant sur le sujet. Un grand thriller pour le coup.
Reste le regard perçant et dérangeant de Ben Foster, incarnation terrifiante et réussie du coureur texan. Une performance remarquable, mais insuffisante pour ne pas faire de The Program une réelle déception.

Synopsis : Découvrez toute la vérité sur le plus grand scandale de l’Histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende. De la gloire à l’humiliation, The Program retrace le parcours de la star du Tour de France. Véritable thriller, le film nous plonge au cœur de la folle enquête qui a conduit à sa chute

MARGUERITE – 14,5/20

MargueriteRéalisé par Xavier Giannoli
Avec Catherine Frot, André Marcon, Michel Fau

Avis : Avec la finesse et l’élégance qui le caractérisent, Xavier Giannoli signe le portrait tragi-comique d’une naïve magnifique en transposant dans la France des années 20 le destin de cette incroyable cantatrice américaine qui chantait affreusement faux. Après avoir abordé avec un incontestable talent le thème de l’usurpation (l’impeccable A l’origine) ou celui de la célébrité (Quand j’étais chanteur), il n’est pas surprenant que le réalisateur se soit intéressé à la vie de cette effroyable chanteuse convaincue d’avoir une voix en or. S’il n’est pas vraiment question de mettre en doute la bonne foi de Marguerite sur sa conviction d’être une formidable interprète, Giannoli dissèque avec une remarquable acuité le mensonge par omission de son entourage. Parce que lui révéler la terrible vérité signifierait se couper de son argent pour son cercle de soi-disant amis, ou parce que la duperie ayant tellement duré qu’affronter la réalité lui serait fatal, estiment ses proches, et en particulier son mari. Mais contrairement aux nombreux personnages qui gravitent autour de Marguerite, on ne rit jamais à ses dépens. Certes, ses envolées lyriques sont indéniablement comiques et parfois irrésistibles, mais Giannoli la filme avec beaucoup de tendresse et n’en fait jamais un personnage grotesque. D’elle, il laisse transparaître une passion et une conviction profondément touchante. Pour la musique, évidemment, mais surtout pour son homme. Car Marguerite est aussi en creux le portrait d’une grande amoureuse.
La construction chapitrée de la narration, plutôt maline, nous permet de progressivement lever le voile sur la personnalité de Marguerite. D’abord présentée avec beaucoup de légèreté et une moquerie bienveillante, on la découvre ensuite s’investir avec beaucoup d’abnégation et de passion dans la préparation de son récital. C’est sans doute le segment le plus drôle du film, le maître de chant campé par Michel Fau, brillant et hilarant, formant un duo décapant avec la cantatrice. Mais derrière l’humour débonnaire commence à percer une pointe d’inquiétude qui va se muer en une réelle tension dans la dernière partie du film. La jovialité initiale de Marguerite va progressivement naviguer vers plus de complexité et de douleurs enfouies, et l’émotion qu’on sentait nous gagner au fil des chapitres va finir par exploser dans un final déchirant.
Giannoli s’appuie sur une reconstitution solide, stylée et colorée, ancrée subtilement dans l’après-guerre, offrant ainsi un décor sophistiqué à son histoire. Sa mise en scène minutieuse et gracieuse évite soigneusement les longueurs, que la succession de récitals et de cours de chant auraient pu faire craindre. En variant les plans (une main, un œil, une partie de la bouche de Marguerite) et utilisant le champ-contrechamp pour capter les réactions sont auditoire, il parvient à contourner l’effet de répétition.
Mais le réalisateur peut aussi compter sur une actrice en état de grâce. Catherine Frot trouve ici sans doute son meilleur rôle. Certes, elle a rarement été dirigée avec autant de justesse (quelle perfection dans son chanter-faux!), mais son interprétation toute en nuance donne aussi un relief et une profondeur insoupçonnée à cette cantatrice ingénue. Elle y est magistrale aussi bien dans l’excentricité que dans la confusion, désarmante de candeur, épatante de drôlerie et bouleversante de fragilité.

Synopsis : Le Paris des années 20. Marguerite Dumont est une femme fortunée passionnée de musique et d’opéra. Depuis des années elle chante régulièrement devant son cercle d’habitués. Mais Marguerite chante tragiquement faux et personne ne le lui a jamais dit. Son mari et ses proches l’ont toujours entretenue dans ses illusions. Tout se complique le jour où elle se met en tête de se produire devant un vrai public à l’Opéra.

DHEEPAN – 14,5/20

DheepanRéalisé par Jacques Audiard
Avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby

Avis : A force d’être pressenti pour la Palme d’Or à chaque film présenté à Cannes, il fallait bien que Jacques Audiard finisse par la décrocher. Même si Deephan n’atteint pas les sommets de Un Prophète, de De battre mon cœur ou de De rouille et d’os, il porte en lui suffisamment de virtuosité dans sa mise en scène et de rage maitrisée dans sa réalisation pour justifier cette récompense si convoitée.
Comme souvent chez le réalisateur, son film n’est pas tout à fait celui qu’on croit. L’histoire de cet ancien combattant Tamoul qui se fabrique une famille pour venir en France a tout du drame social sur l’immigration. Mais malgré un ancrage évident dans son temps, Dheepan se doit d’être d’abord abordé comme une fable dont le décor de banlieue en guise de no man’s land relève plus du fantasme que d’un véritable réalisme social.
Ce cadre urbain va surtout permettre au réalisateur de faire évoluer cette famille créée de toute pièce dans un environnement à priori très éloigné de l’enfer dont ils ont échappé. Mais la violence latente qui y règne va progressivement faire ressurgir les peurs et les démons qu’ils pensaient laisser derrière eux.
Deephan traite donc moins de l’intégration via un prisme sociétal que de la réinvention d’un socle familial. La manière dont Audiard nous fait découvrir la misère et la brutalité de cette banlieue à travers les yeux de Dheepan, Yallini et de leur « fille » Illayaal (acteurs amateurs époustouflants de charisme) est d’autant plus frappante qu’elle s’enrichit du décalage de perception que chacun d’entre eux a de la situation. Obligés de prétendre être une famille sans rien connaître les uns des autres, ils s’apprivoisent, se rejettent, s’affrontent sans avoir conscience de ce que l’autre a vécu et ce à quoi il aspire. Si Yallini ne pense qu’à partir pour l’Angleterre, Dheepan ne pense dans un premier temps qu’à s’intégrer au quartier, allant jusqu’à se persuader lui-même de la véracité de sa famille. Ces rapports complexes nourrissent une première partie d’une grande densité émotionnelle centrée sur le trio et l’histoire va progressivement s’élargir au reste du quartier pour en montrer toute l’hostilité. Cet environnement brutal et imprévisible va prendre de plus en plus de place au point d’en devenir insupportable et rappeler aux personnages l’enfer qu’ils ont fui. Le héros va sembler y trouver sa place malgré lui et le film va alors basculer dans une sorte de guérilla urbaine, sans doute moins convaincant scénaristiquement, mais propice à une impressionnante démonstration de mise en scène, enchaînant avec une précision de métronome les plans surpuissants et iconiques. Une nouvelle fois Audiard démontre la puissance sidérante de son art, où froid réalisme et onirisme cohabitent. Que ce soit pour saisir l’évolution des rapports humains, la situation psychologique de ses personnage où l’irruption d’une violence rageuse, il fait preuve d’une incomparable maîtrise formelle et narrative, rejetant l’effet de trop. Chaque plan tombe toujours juste et doit avoir un sens, rien n’est inutilement appuyé.
Avec Dheepan, Jacques Audiard confirme s’il était besoin sa place à part dans le cinéma français, auteur total dont chaque film porte la marque sans qu’aucun ne se ressemble vraiment. Une continuité dans l’excellence assez redoutable.

Synopsis : Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.

LA BELLE SAISON – 13,5/20

La Belle saisonRéalisé par Catherine Corsini
Avec Cécile de France, Izïa Higelin, Noémie Lvovsky

Avis : Catherine Corsini n’a pas son pareil pour mettre en scène la passion, l’éveil du désir, les sentiments contradictoires qui affleurent et ses dommages collatéraux douloureux. Le troublant La Répétition ou le puissant Partir en sont de beaux exemples. Avec La Belle Saison, elle offre un mélodrame sensible et sensuel. Dans un style épuré, la réalisatrice ancre son récit dans un contexte historique fort, les débuts du Mouvement de Libération de la Femme, largement évoqué dans la première partie de son film (dont l’amusante reconstitution d’une réunion du MLF à la Sorbone). Il passe un peu au second plan dès que la romance entre les deux femmes commence, pour laisser la place à une autre réalité, celle d’un monde rural devant faire face à une mutation qu’il ne voit pas forcément venir. Mais ce qu’on trouve en permanence au cœur de la Belle Saison, c’est l’idée chez ces femmes d’une prise de conscience, plus ou moins précoce, plus ou moins aisée, de la nécessité de se faire entendre. Symbole de ce combat, ces deux personnages bien loin des archétypes et des caricatures, interprétées avec un naturel formidable par Cécile de France et la surprenante Izïa Higelin. Si elles incarnent une partie de la révolution sociétale de la France des années 70, elles sont surtout le moteur d’une émouvante histoire d’amour contrariée, passionnelle et faite de compromis, de frustrations. Les deux actrices forment un couple criant de vérité, appuyé par la prestation épatante de Noémie Lvovsky dans le rôle de la mère de Delphine. Malgré quelques longueurs, Corsini parvient à saisir cet équilibre fragile entre le besoin viscéral de vivre pleinement cette passion et la réalité sociale et familiale de chacune pour donner corps à cette histoire d’amour impossible, électrisante et lumineuse.

Synopsis : 1971. Delphine, fille de paysans, monte à Paris pour s’émanciper du carcan familial et gagner son indépendance financière. Carole est parisienne. En couple avec Manuel, elle vit activement les débuts du féminisme. Lorsque Delphine et Carole se rencontrent, leur histoire d’amour fait basculer leurs vies.