SPOTLIGHT – 15/20

Spotlight : AfficheDe Tom McCarthy
Avec Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams

Avis : Film d’investigation à l’ancienne, saisissant et passionnant, Spotlight nous plonge au cœur de ce petit groupe de journalistes du Boston Globes ayant secrètement travaillé à la révélation d’un des plus grands scandales pédophiles perpétré par des prêtres catholiques. Leur dévouement et la noblesse de leur engagement n’a d’égal que le dégoût et l’horreur qu’inspirent l’omerta de l’Eglise sur les agissements criminels d’une partie de ses membre pendant des dizaines d’années.
Captivant, effarant, Spotlight privilégie le rythme aux effets sensationnels. Le film ne tombe jamais dans le graveleux ou le voyeurisme et introduit avec tact le calvaire des victimes, suggère leurs vies broyées. Au fil des rencontres et des témoignages, alors qu’apparaissent des chiffres qui donnent le vertige et la nausée (le nombre d’affaires enterrées, de victimes survivantes ou non), la détermination des journalistes se renforce tout comme l’empathie que l’on ressent pour eux. La mise en scène se fait discrète pour leur laisser tout l’écran, donner à leur mission d’information, de condamnation, d’indignation, toute sa place. De fil en aiguille, ils dévoilent la systématisation de l’entreprise d’étouffement des scandales par le clergé. On partage leur sidération et leur colère, en se rappelant que la position réactionnaire de l’Eglise n’a pas beaucoup évolué depuis ces révélations, et qu’elle ne semble pas prête à faire son autocritique sur des sujets comme le célibat des prêtres, la reconnaissance des homosexuels ou encore le port du préservatif. A ce titre, les informations divulguées par l’ancien curé devenu responsable des « centres de réhabilitation » des prêtres fautifs sont édifiantes, et mériteraient à elles seules une autre enquête sur l’état psychologique de ces représentants de Dieu…
Pour incarner cette équipe commando dévouée corps et âme à leur sujet, le réalisateur peut compter des comédiens exigeants, complémentaires et crédibles, suscitant immédiatement l’empathie. En castant Keaton, Mc Adams, Ruffalo ou encore Slattery, il ne prenait pas beaucoup de risque, mais l’alchimie prend, et leur énergie nous porte et nous captive tout au long du film
S’inspirant des polars politiques des années 80, sans fioritures mais directs, francs et efficaces, Spotlight est un thriller journalistique brillant et enlevé, aussi éclairant que nécessaire. Une vraie réussite qu’on attendra forcément pour les remises des statuettes dorées. Il en mérite quelques-unes.

Synopsis : Adapté de faits réels, Spotlight retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Eglise Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée Spotlight, a enquêté pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde. L’enquête révèlera que L’Eglise Catholique a protégé pendant des décennies les personnalités religieuses, juridiques et politiques les plus en vue de Boston, et déclenchera par la suite une vague de révélations dans le monde entier.

LES HUIT SALOPARDS – 10/20

Les Huit salopards : AfficheDe Quentin Tarantino
Avec Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh

Avis : Après l’acclamé Django Unchained (à juste titre), Tarantino réinvestit le genre, troquant les étendues arides du Texas pour les plateaux enneigés du Wyoming. Malheureusement, il est très loin d’égaler le quasi-sans faute et l’alchimie miraculeuse de son western spaghettis. La faute à un scénario bavard, très bavard, et peu emballant. Ce n’est pas tant que proposer de longues scènes dialoguées soit rédhibitoire en soi, c’est même un des points forts du cinéma de QT, mais pour le coup ces Huit salopards ne semblent pas l’avoir beaucoup inspiré. Les dialogues manquent cruellement d’esprit, de mordant et de second degré, si bien qu’on devine parfois une recherche du bon mot un poil forcée. Le film rencontre un peu le même problème avec la violence, comme d’habitude gore et cartoonesque, mais qui semble rugir (tardivement) à l’écran principalement pour respecter un cahier des charges Tarantinesque.
D’une manière générale, le film souffre de dépendre d’enjeux trop limités et d’un propos trop quelconque et de ne pas proposer de background sur lequel conjecturer. Le réalisateur n’a en fait pas quand chose à raconter. Mais il prend malgré tout largement le temps de raconter ce pas grand-chose…
Résultat l’intrigue se traîne, les twists sont laborieux et peu convaincants (le Whodunit en partie 4 tombe comme un cheveu sur la soupe) et les personnages apparaissent très déséquilibrés pour un film choral. Seuls Samuel L.Jackson, Jennifer Jason Lee et à la limite le « shérif » peuvent s’estimer bien servis et monopolisent les meilleurs répliques. Quand on a dans son cast Tim Roth, Kurt Russel, Micheal Madsen ou Bruce Dern, cela donne un léger sentiment de gâchis.
En revanche, on ne pourra jamais enlever à Tarantino qu’il sait filmer. La première partie de son western où une diligence devance le blizzard sur les routes enneigées du Wyoming est superbe, les paysages sont majestueux, sublimés par la formidable partition de Ennio Morricone. Dommage que le film s’enferme ensuite dans un huis-clos stérile moins propice à célébrer la noblesse de dame nature. S’il n’est jamais trop embêté avec une caméra à la main et s’il maitrise parfaitement son sujet lorsqu’il s’agit de passer à l’action, on sent Tarantino plus contraint lorsqu’il s’agit de s’occuper de tout ce petit monde sur un si petit espace.
On se croirait par moment devant du théâtre filmé. Le réalisateur oublie rapidement ses personnages lorsqu’ils ne sont plus au cœur de l’action, pour les retrouver un peu perdus ensuite. On en revient toujours au même problème, une intrigue trop légère et pas bien passionnante. Et ce n’est pas la tentative de flash-back pour créer un semblant de suspense sur la fin, pas bien convaincant non plus, qui changera la donne…
Les 8 Salopards n’est formellement pas un mauvais film, mais le fond est trop quelconque pour en faire un bon. Tarantino use et surjoue de ses tics de mise en scène (longs dialogues, violence gore et pour le coup un peu gratuite ici, omniprésence de le musique), pour compenser des enjeux modestes. Alors que tout coulait de source et se justifiait dans Django, à qui on ne peut s’empêcher de le comparer, Les Huit Salopards force constamment le trait.
C’est un peu raté… Mais c’est pas bien grave finalement, il lui reste deux films avant la retraite, il reprendra bien le large.

Synopsis : Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie…

THE DANISH GIRL – 11/20

De Tom Hooper
Avec Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Ben Whishaw

Avis : Lissant les aspérités et la dimension sociétale de son sujet, The Danish Girl est d’un classicisme certes raffiné mais bien trop superficiel pour véritablement saisir la portée historique du destin de Einar Wegener, devenu Lili Elbe. L’académisme de Tom Hooper qui avait fait merveille dans Le Discours d’un Roi, peine ici à être à la hauteur des enjeux qu’il présente.
Appuyant trop manifestement sur le tragique, sa mise en scène passe à côté du cheminement psychologique de Lili, première transsexuelle à avoir été opérée (ce qui n’est pas rien). Les révolutions médicales, scientifiques, sociologiques que cette opération a entrainé sont totalement occultées. Il est par exemple très regrettable que The Danish Girl ne s’attarde pas plus sur le parcours du médecin ayant accompagné l’héroïne dans sa transformation, son histoire devait être tout aussi passionnante que celle du couple qui concentre toute l’attention du réalisateur. Tom Hooper échoue ainsi à donner une dimension supérieure à son film, à lui conférer le poids d’un témoignage important, à en faire une œuvre qui compte. Il se contente de livrer un joli mélo bien enveloppé sur l’histoire d’amour entre Gerda et Einar/Lili, et plus particulièrement le dévouement absolue de cette femme pour l’homme qu’elle aime et qu’elle accepte de voir disparaître. L’interprétation d’Alicia Vikander est l’atout principal de The Danish Girl. Elle y est aussi bouleversante qu’Eddie Redmayne est exaspérant de manière et de minauderie. Ses regards fuyants, sa façon de chercher à placer ses mains deviennent rapidement agaçants et traduisent une recherche de la performance à tout prix peu discrète. Ça avait marché pour Une merveilleuse histoire du temps alors pourquoi ne pas retentez le coup…
The Danish Girl ressemble à un véritable acte manqué. Malgré la délicatesse de la mise en scène de Tom Hooper, la puissance du destin de Lili Elbe, les répercussions de sa décision sur la société, le symbole qu’elle représentait ne sont qu’effleurés. Les enjeux étaient forts, la déception est palpable.

Synopsis : The Danish Girl retrace la remarquable histoire d’amour de Gerda Wegener et Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue comme la première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle en 1930. Le mariage et le travail de Lili et Gerda évoluent alors qu’ils s’embarquent sur les territoires encore inconnus du transgenre.

CREED – 15/20

De Ryan Coogler
Avec Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tessa Thompson

Avis : On va finir par croire que le recyclage des vieux succès hollywoodiens n’est pas une si mauvaise idée ! Le come-back de Rocky à travers le destin du fils de son meilleur ennemi Appolo Creed est en effet une excellente surprise.
Parce que Creed est très intelligemment construit, centré sur le personnage d’Adonis et les liens quasi filiaux qu’il va progressivement tisser avec le mythe Balboa. Et si cela fonctionne si bien, c’est que le film évite d’accumuler les clichés du genre tout en jouant sur nos émotions primaires.
Adonis n’est pas la petite frappe rongée par la rage qu’un vieux monsieur renfrogné et asocial va finir par dompter après une ou deux engueulades. Non, on sent d’emblée un respect et une profonde admiration entre le jeune homme et la légende dans leur projet commun. Il n’y a pas de fausse pudeur, mais une compréhension mutuelle et profondément touchante.
Certes, le récit n’échappe pas aux passages obligés du film de sport, de la décision d’en découdre au grand combat final en passant par l’entraînement et la glorification du dépassement de soi. Mais sans effet appuyé et avec un soin particulier apporté à l’approfondissement des personnages, à leurs parcours et leurs désirs, ce qui démarque assez notoirement Creed d’une banale success story.
Surtout, il transpire du film une sincérité et une humilité qui force l’admiration et suscite une puissante émotion. La mise en scène de Ryan Coogler percutante et virtuose lorsqu’il s’agit de filmer les combats, permet à Creed de se draper d’une certaine noblesse. Un style énergique célébré avec Fruitvale Station, premier film uppercut dans lequel il dirigeait déjà Michael B. Jordan. En filmant le sport le plus cinégénique qui soit, Coogler gagne en maturité, faisant preuve d’une maitrise très intéressante des plans séquences et d’une solide gestion des climax émotionnels qu’il accompagne d’une musique iconique donnant le frisson. Le dernier combat, haletant, électrisant, en est une brillante illustration, faisant la part belle au charisme de ses deux acteurs principaux. Michael B. Jordan traduit à la fois l’intensité et la fragilité qui habitent Adonis, tout en exprimant une frustration presque enfantine, mue non pas par un esprit de revanche mais simplement par la volonté d’exister par lui-même. Quant à Stallone, il est loin du cliché de la vielle gloire acariâtre et asocial, il se dégage au contraire de son Rocky vieillissant une bonté étonnante et particulièrement touchante. Son émouvante interprétation donne corps aux thèmes porteurs de Creed, la transmission et l’héritage, la filiation et la fidélité.
Il livre un magnifique chant du cygne et la bienveillance qui entoure cette belle histoire de passage de témoin fait de Creed un formidable, surprenant et emballant feel good movie.

Synopsis : Adonis Johnson n’a jamais connu son père, le célèbre champion du monde poids lourd Apollo Creed décédé avant sa naissance. Pourtant, il a la boxe dans le sang et décide d’être entraîné par le meilleur de sa catégorie. À Philadelphie, il retrouve la trace de Rocky Balboa, que son père avait affronté autrefois, et lui demande de devenir son entraîneur. D’abord réticent, l’ancien champion décèle une force inébranlable chez Adonis et finit par accepter…

CAROL – 14/20

De Todd Haynes
Avec Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler

Avis : Avec la délicatesse et l’élégance qui le caractérisent, Todd Haynes épure le genre mélo et offre avec Carol un drame retro aérien et d’une pudeur inouïe. Veillant à toujours garder une certaine distance par rapport à ses personnages, le réalisateur tisse avec minutie les liens qui se nouent entre les deux femmes, fait croitre l’attirance mutuelle, exprime toute la frustration d’une relation impossible.
S’il devait y avoir une limite à Carol, se serait peut-être que l’on ressent peu le poids du conservatisme américain de l’époque sur cette romance scandaleuse. Mais c’est parce que Haynes préfère la relayer au second plan, et que le moralisme s’exerce finalement plus cyniquement que frontalement. Carol est aussi et surtout un subtil et raffiné portrait de femmes, majestueusement croquées dans des décors sublimes, filmées avec une classe folle et toujours avec beaucoup de retenue. Carole et Therese sont souvent vues de loin, derrière une vitre, une fenêtre, un pare-brise, comme pour conserver une intimité qui ne sera que légèrement dévoilée lors d’une très belle scène d’amour. Une idylle sublimée par des plans presque anachroniques empruntés aux grands classiques du milieu du siècle. Et on y croit. Cate Blanchet confère une présence impressionnante (au sens propre) à Carol. Sa voix grave, ses gestes maitrisées, son regard perçant, elle est à la fois prédatrice et vibrante amoureuse, déterminée et fragile, menant son combat contre la société en même temps que contre elle-même et une vie qui ne lui ressemble pas. En face d’elle, Rooney Mara confirme son statut d’actrice caméléon, passant aisément de la hackeuse tatouée Lisbeth Salander à Therese, troublante réincarnation d’Audrey Hepburn, gracile et complexe.
Formellement splendide, figé dans une époque maintenant révolue et pourtant intemporelle, Carol est un écrin magnifique au cœur duquel évoluent deux actrices royales faisant tonner l’âme de cette puissante histoire d’amour.

Synopsis : Dans le New York des années 1950, Therese, jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d’un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle.

AU COEUR DE L’OCEAN – 12,5/20

Au coeur de l'OcéanRéalisé par Ron Howard
Avec Chris Hemsworth, Benjamin Walker, Cillian Murphy

Avis : Fresque épique et survival en pleine mer, Au cœur de l’Océan se pare de très beaux atours, une jolie reconstitution de l’Angleterre victorienne et surtout un affrontement magistral entre les marins et le monstrueux cachalot. La mise en scène ample et spectaculaire de Ron Howard donne au combat mythique qui inspira Moby Dick à Melville un saisissant réalisme. Malheureusement, ces moments de tension extrême et de grand cinéma à l’ancienne n’occupent qu’un temps limité à l’écran, le scénario se concentrant plus largement sur la dimension humaine de l’aventure maritime qui conduira ces hommes à aller au bout d’eux-mêmes et même au-delà. Malgré la louable intention de vouloir évoquer la nature humaine, son avidité dans la première partie avec un écho évident à nos sociétés modernes et la surexploitation des ressources de dame nature, et son instinct de survie dans la seconde partie, le récit a tendance à se répéter et à faiblir lorsque la bête est loin du navire, pas aidé par des personnages un poil archétypaux et auxquels on s’attache peu. D’autant plus que la confession du dernier survivant de l’Essex à Melville occupe également une large place dans le scénario alors que son intérêt reste très limité. Le film aurait sans doute gagné en force et en intensité en se concentrant seulement sur l’épopée tragique du baleinier.
Au cœur de l’océan reste malgré tout, de par la maîtrise formelle de Ron Howard et la mythologie de son sujet, un bel objet de cinéma, dont le classicisme et la portée épique finissent par susciter l’adhésion.

Synopsis : Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l’embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…