Cinéma | SCANDALEUSEMENT VÔTRE – 12/20

De Thea Sharrock
Avec Olivia Colman, Jessie Buckley, Anjana Vasan

Chronique : Tiré d’un incroyable fait divers ayant passionné l’Angleterre dans les années 20, Scandaleusement Vôtre est une comédie old school à l’humour grinçant qui repose autant sur ses dialogues savoureux que sur le tempo imposé par ses comédiennes. Le tout est assez réjouissant, bien que le sujet s’avère un peu léger pour tenir tout un film. Il vaut malgré tout le détour pour l’exceptionnel abattage comique et la complémentarité de ses actrices. L’extraordinaire Olivia Colman est décidément à l’aise dans tous les genres. Elle est hilarante en veille fille pieuse et coincée et trouve en Jessie Buckley, formidable en mère célibataire à la gouaille haute et jurant comme un charretier, la camarade de jeu idéale. Elles sont entourées de seconds rôles féminins truculents qui ajoutent encore du piquant au récit.
Mais au-delà de la farce elle-même, Scandaleusement Vôtre livre une charge anti-patriarcale pas si anodine qui va liées ses héroïne en une étrange sororité tacite, et ce malgré tout ce qui a pu les opposer. A y regarder de plus près, il y a derrière les rires et les grossièretés un propos féministe construit et réfléchi qui fait mouche.

Synopsis : Littlehampton, 1920. Lorsque Edith Swan commence à recevoir des lettres anonymes truffées d’injures, Rose Gooding, sa voisine irlandaise à l’esprit libre et au langage fleuri, est rapidement accusée des crimes. Toute la petite ville, concernée par cette affaire, s’en mêle. L’officière de police Gladys Moss, rapidement suivie par les femmes de la ville, mène alors sa propre enquête : elles soupçonnent que quelque chose cloche et que Rose pourrait ne pas être la véritable coupable, victime des mœurs abusives de son époque…

Cinéma | DUNE : DEUXIÈME PARTIE – 16/20

De Denis Villeneuve
Avec Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson

Chronique : Avec cette Deuxième Partie, Denis Villeneuve offre à sa vision de Dune un prolongement impressionnant.
En extirpant et remodelant l’essence cinématographique du roman de Franck Herbert réputé inadaptable, le réalisateur canadien construit minutieusement une grande fresque fantastique, intelligente, riche et dense, aux enjeux complexes mais compréhensibles.
Visuellement splendide et fort d’une photographie à couper le souffle, son Dune éblouit et fascine, développant sa propre imagerie SF et un univers cohérent, singulier et unique comme on en n’a plus vu au cinéma depuis très longtemps (peut-être depuis Star Wars?)
Des décors grandioses, la musique vrombissante de Zimmer, une signature sonore unique, Dune est une expérience sensorielle magistrale portée par la mise en scène précise, ample et inventive de Villeneuve. Un peu moins contemplative que dans le premier volet, elle sublime des scènes de combats épiques, nous fait croire à des chevauchés à dos de vers des sables et nous plonge sans crier gare dans un magnifique noir et blanc le temps d’une scène de jeux du cirque qui révèle un nouveau personnage stupéfiant et terrifiant incarné par Austin Butler.
Le scénario soigne et renforce la mythologie introduite par Villeneuve dans la première partie. L’épopée messianique et vengeresse de Paul prend une autre ampleur alors que le personnage commence à rallier à sa cause certains Fremen et à effrayer ses ennemis qui le pensaient mort. Est-il l’élu, est-il Lisan al-gaîb, comme le répète frénétiquement Stilgar (Javier Bardem)?
La dimension religieuse et politique de Dune 2 est encore plus affirmée que dans la première partie. Paul refuse d’endosser le costume de Messie mais se sert de l’espoir qu’il suscite pour construire une armée qui renversera les Harkonnen. Finit-il aussi par y croire lui-même? Et quelle place cela laisse-t-il à l’amour?
La grande force de la mise en scène de Villeneuve est de parvenir à trouver l’équilibre entre ces sujets intimes et les époustouflantes scènes d’action. L’épatante précision de sa réalisation fait qu’il ne filme jamais rien d’inutile, ne fait jamais le plan de trop, offrant à son film une fluidité qui pouvait paraitre peu évidente au regard de la complexité du scénario.
Dune renforce en outre le star power un peu inattendu du frêle Timothée Chalamet, pas loin d’avoir constitué jusqu’ici une filmographie sans faute de goût entre blockbusters intelligents et cinéma indépendant.
Avec son diptyque, Denis Villeneuve crée le space opéra d’auteur, un grand divertissement populaire mais néanmoins exigeant. Après Blade Runner 2049 et Premier Contact (meilleur film SF du 21ème siècle, pour rappel), Denis Villeneuve s’affirme un peu plus comme le nouveau maître du cinéma fantastique. Dune : deuxième partie en est l’éclatante démonstration.

Synopsis : Dans DUNE : DEUXIÈME PARTIE, Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.

Séries | EXPATS S01 – 15/20 | LESSONS IN CHEMISTERY – 14/20 | DE GRÂCE – 13/20

EXPATS S01 (Prime Video) – 15/20

Expats est un grand mélo qui se déploie sur 6 épisodes intenses, jouant autant sur le suspense (que s’est-il passé avec Gus?) que sur le développement de personnages complexes tous excellement interprétés.
Les pièces du puzzle se mettent progressivement en place dans une mise en scène chaude et élégante sublimant les rues de Hong Kong. Elle impose un tempo lancinant et entêtant. Derrière (ou malgré) le drame, Expat pointe du doigts les privilèges des ultra-riches, tout en évitant tout manichéisme. Malgré son visage de plus en plus étrange, Kidman demeure la reine incontestée de la nuance et de l’incarnation dramatique.

LESSONS IN CHEMISTERY
(AppleTV) – 14/20

On avait presque oublié qu’elle n’était pas que Captain Marvel…. Brie Larson nous rappelle la grande actrice qu’elle est dans cette série au joli classicisme. Lessons in Chemistery raconte la success story d’une chimiste surdouée qui, pour se faire entendre, accepte la présentation d’une émission de télévision culinaire populaire. Un moyen détourné pour partager ses connaissances scientifiques et répondre aux préoccupations des femmes dans les années 50. Lessons in chemistery remonte le temps pour mieux porter un nouveau coup au patriarcat, pas le plus violent mais très audible. C’est un peu une preuve par l’absurde que déroule la série. La misogynie est là, partout, tout le temps, exaspérante. On ne peut qu’adhérer au féminisme porté sur 8 épisodes et qui nous rapproche naturellement du personnage incarné avec beaucoup de nuance par Brie Larson. Malgré son côté cartésien et parfois austère, on s’attache vraiment au destin tantôt dramatique tantôt joyeux d’Elizabeth . Une nouvelle série à l’impeccable direction artistique et au propos puissant pour AppleTV.

DE GRÂCE S01 (Arte) – 13/20

De Grâce prend pour décor les docks du Havre et leur longue et ancienne histoire de lutte syndicale désormais gangrénée par la corruption et le trafic de drogue.
Une saga familiale et mafieuse qui lorgne du côté de ses références américaines (Soprano, The Wire etc…) sans en avoir tout à fait l’étoffe. Elle réussit cependant à imposer sa singularité grâce à la peinture de cette congrégation unique et puissante et à des acteurs remarquables (Panayotis, Lottin, Gourmet évidemment).
Intelligemment construite autour de flash-backs, De Grâce opère une intense et violente montée en puissance sur les deux derniers épisodes où le thriller et le drame familial se mélangent dans un grand geste tragique. Malgré quelques maladresses et clichés, une série de haute tenue.

Cinéma | LA SALLE DES PROFS – 11/20

De İlker Çatak
Avec Leonie Benesch

Chronique : Film phénomène en Allemagne, La Salle des Profs est un thriller social construit comme un polar à suspense, imposant à son spectateur une tension constante et étouffante.
Le scénario prend comme point de départ un fait assez mineur (des vols dans un lycée) qui va prendre une ampleur démesurée et entrainer une professeure dans un engrenage délirant.
L’efficacité de la mise en scène est la principale qualité du long métrage. La musique, la caméra qui suit Carla de près, le format 4/3 qui ressert l’image, tout est fait pour ressentir la frustration et la colère de l’enseignante. L’interprétation habitée de Leonie Bech est l’autre atout du film, une performance majuscule qui traduit parfaitement le désarroi de son personnage quand elle passe du statut de victime à celui de coupable sans vraiment comprendre pourquoi.
Tout est orchestré pour que le spectateur entre en empathie avec cette professeure sur qui le sort s’acharne. Tellement tout, que c’en est trop. La suite d’événements contraires à la jeune femme est proche de l’invraisemblable et c’est une grosse limite du film. Le script use de bien trop de facilités pour faire progresser l’histoire et intensifier le suspense. Les moments clés du film sont d’ailleurs appuyés avec la finesse d’un éléphant. Sans trop dévoiler l’intrique, l’élément déclencheur qui va entrainer l’ostracisation de Clara est déjà peu crédible, mais à celui-ci s’ajoutent d’autres évènements qui vont engendrer des réactions bien trop simplistes. Car hormis Clara, les personnages sont très caricaturaux.
Cette vision binaire dessert le film. Ce qui est vraiment dommage parce que les sujets traités sont passionnants. En faisant de l’école le miroir de la société allemande, İlker Çatak a l’ambition de montrer comment l’opinion publique fluctue au grès de bruits de couloir et de rumeurs qui alimentent un tribunal populaire par essence subjectif.
Mais la manière dont La Salle des Profs est construit interdit les nuances. Il donne l’impression de manipuler son spectateur, de lui dicter quoi penser. Il se retrouve un peu pris en otage de ce qui est imposé à Clara, qui se retrouve seule contre tous, sans qu’on sache si elle a du soutien par ailleurs puisque le réalisateur choisit de ne montrer que ce qui se passe dans l’école. Il n’offre ainsi qu’une vision partielle, en plus de partiale, de son sujet.
Un film au sujet fort mais trop forceur pour être tout à fait convainquant

Synopsis : Alors qu’une série de vols a lieu en salle des profs, Carla Nowak mène l’enquête dans le collège où elle enseigne. Très vite, tout l’établissement est ébranlé par ses découvertes.