SCANDALE – 13/20

Scandale : AfficheDe Jay Roach
Avec Charlize Theron, Nicole Kidman, Margot Robbie

Chronique : Premier film post #metoo « tiré d’une histoire vraie », Scandale ne se démarque pas par sa subtilité mais a le grand mérite d’exposer très clairement, presque pédagogiquement, la culture du harcèlement et de l’intimidation instaurée par les patrons de grands groupes de l’entertainment et l’impunité que leur position leur confère.
Jay Roach raconte la chute du tout puissant président de Fox News, mais on comprend que son idée est de pointer du doigt un mode opératoire qui prévalait (prévaut?) chez tous ces prédateurs surpuissants s’estimant intouchables.
Ce qui est intéressant dans le cas Fox News, c’est qu’il peut aussi évoquer la collusion entre politique et médias, dans la mesure où Scandale couvre la campagne pour l’investiture républicaine qui a vu Trump triompher. C’est assez éloquent sur le climat politique partisan et médiatique aux Etats-Unis, même si cette intrigue se déroule au second plan.
Sa mise en scène vivante et enlevée rappelle son Dalton Trumbo, dans lequel il abordait le Maccarthysme et l’ingérence de la politique sur le cinéma.
Sa réalisation mise sur quelques effets (jeu avec le 4ème mur, voix off, incrustations…) mais les abandonne assez rapidement, vite rattrapée par la densité de son sujet et la nécessité d’aller droit au but.
Le combat est mené par un trio d’actrices parfaites d’investissement. Le charisme de Kidman et Theron, ce qu’elles représentent, sert indéniablement le film. Quand à Margot Robbie, sa sensibilité et sa candeur crèvent l’écran. Elles incarnent avec justesse et nuance ces parcours heurtés, complexes, racontent les doutes premiers sur la légitimité de leur colère puis la nécessaire solidarité entre victimes. Dans la peau du monstre libidineux Roger Aisle, John Lightgow en impose sous son maquillage et domine un casting de rôles secondaires dense et talentueux venu principalement des séries TV (Atypical, AHS, Santa Clarita Diet, Morning Show, Catastrophe, Transparent….) très à propos.
Moins puissant, moins fin que peut l’être la série The Morning Show qui dispose de plus de temps pour creuser les mécanismes de la culture du harcèlement, Scandale pose néanmoins un premier jalon important sur grand écran pour illustrer la libération de la parole des femmes. Avant de voir probablement rapidement débarquer l’affaire Weinstein, qu’on imagine mal être longtemps ignorée par Hollywood…

Synopsis : Inspiré de faits réels, SCANDALE nous plonge dans les coulisses d’une chaîne de télévision aussi puissante que controversée. Des premières étincelles à l’explosion médiatique, découvrez comment des femmes journalistes ont réussi à briser la loi du silence pour dénoncer l’inacceptable.

1917 – 16/20

1917 : AfficheDe Sam Mendes
Avec George MacKay, Dean-Charles Chapman, Mark Strong

Chronique : Oui, 1917 est une prouesse technique éblouissante et un geste de réalisateur aussi maîtrisé que virtuose. Sam Mendes y filme en quasi temps réel une mission de sauvetage dans le camp anglais au cœur du bourbier de la première guerre mondiale. Le résultat est impressionnant, indéniablement immersif et haletant.
Tout juste peut-on remarquer une coupe visible le temps d’un évanouissement du héros pour laisser passer la nuit. Ce sera le seul moment du film où l’on ne suit pas minute par minute le personnage principal. Cette petite pirouette permet surtout à Mendes d’enchainer les plans entre le crépuscule et l’aube alors que Schofield traverse un village éventré par la férocité des combats, un squelette urbain flamboyant éclairé à la flamme des canons et par de brasiers fumants.
Une scène qui symbolise l’accord parfait entre la mise en scène de Mendes et la splendide photographie de Roger Deakins (Blade Runner 2046, Sicario, Skyfall …), qui élève le travail du réalisateur, tout comme l’imposante bande originale de Thomas Newman.
La mise en scène de Mendes se caractérise par cette volonté permanente de capter l’urgence de cette mission, la menace létale des combats et les conséquences dramatiques de son échec potentiel à travers un seul et unique plan séquence apparent. Peu importe qu’il triche un peu, ça ne se voit pas et l’effet est sidérant. La caméra ne lâche par conséquent jamais Schofield et nous non plus, tenus en haleine et plongés dans l’horreur crasse de la guerre et le chaos comme rarement (jamais) depuis Il faut sauver le soldat Ryan.
On aurait pu penser que la forme écraserait le fond, mais ce serait mal connaître Mendes.
C’est certes viscéral, ultra réaliste mais le cinéaste ne dévie pas de sa réputation de fin observateur de l’humain. Bien aidé par l’interprétation fiévreuse et le regard terrifié de George MacKay, jeune acteur peu connu mais déjà brillant dans Pride ou Captain Fantastic, il introduit du cœur au milieu de la monstruosité de la première guerre mondial.
Un chef d’œuvre formelle, une œuvre brillante dans sa réalisation et touchante dans ce qu’elle dit sur la survie, la fraternité et le courage. Le film à voir de ce début d’année.

Synopsis : Pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies.

SELFIE – 12,5/20

Selfie : AfficheDe Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet …
Avec Manu Payet, Blanche Gardin, Elsa Zylberstein

Chronique : Film à sketchs qui brocarde nos petites addictions technophiles, Selfie est aussi amusant qu’anecdotique. Comme souvent avec un tel format, les différents segments sont assez inégaux et le film peine à trouver une réelle homogénéité, mais ils sont suffisamment bien écrits et incarnés pour susciter quelques rires francs. Et l’on rie souvent de nous-même tant Selfie a l’effet d’un miroir grossissant vis-à-vis de nos envahissantes et parfois effrayantes habitudes numériques.
Il est cependant dommage qu’il se termine par la partie la plus laborieuse et cet interminable mariage, dégradant un peu la très bonne impression laissée par les premières histoires, en particulier celle mettant en scène Elsa Zylberstein en prof de français succombant au charme d’un YouTubeur peu à cheval sur l’orthographe. Le segment mené par Blanche Gardin (on l’aime tant), naturellement le plus cynique sert de fil rouge au film. S’il s’avère d’abord assez désopilant, sa redondance finit par lasser, d’autant plus qu’il s’égare vers un humour noir de moins en moins maîtrisé.
Malgré son humour vivifiant et ses références toujours assez bien vues, on aurait aimé plus de fond, que les personnages et les situations soient plus creusés, que les scénarii permettent plus de croisements entre les histoires. Sans doute un format court en série anthologique eut été plus adapté, mais la satire assez inoffensive de Selfie garantit un agréable moment, drôle et piquant malgré une dernière partie compliquée. On clique sur le pouce vert levé.

Synopsis : Dans un monde où la technologie numérique a envahi nos vies, certains d’entre nous finissent par craquer.
Addict ou technophobe, en famille ou à l’école, au travail ou dans les relations amoureuses, Selfie raconte les destins comiques et sauvages d’Homo Numericus au bord de la crise de nerfs…

PLAY – 13,5/20

Play : AfficheDe Anthony Marciano
Avec Max Boublil, Alice Isaaz, Malik Zidi

Chronique :Malgré son côté expérimental, Play ne se laisse jamais dépasser par son concept : une comédie romantique en found footage dans laquelle le héros Max se lance dans le montage du film de sa vie en rassemblant toutes les vidéos qu’il a tournées (quasi) sans discontinuer depuis ses 13 ans. Des vidéos de lui, de sa famille, de sa bande pote… Le risque valait le coup car Play tient formidablement bien la route. L’artifice narratif grâce auquel le spectateur découvre le film fictif de Max en même temps que ce dernier le crée marche parfaitement. Il permet à Play d’assumer pleinement son statut de comédie romantique en faisant de la relation entre Max et Emma son fil rouge.
Il permet aussi et surtout de revisiter les années 90 comme si on y était. Play sera vécu différemment selon l’âge que vous avez, mais pour un quadra comme moi né à peu près la même année que le héros, il résonne forcément avec une nostalgie bienveillante.
Des films entre potes avec le premier caméscope familial dans lesquels on se faisait disparaître grâce à un montage « à la main », aux tubes FM de l’époque en passant par l’évènement majeur qui aura conclu notre adolescence, la Coupe du monde 98, Anthony Marciano parvient à saisir l’essence de ces moments-là. Les fringues, le grain des images, les bugs techniques, l’effet est très réussi et les faux rushs sont plus vrais que nature. Mais si ça fonctionne si bien, c’est aussi que l’histoire qui se déroule devant nous amuse et émeut. Cette bande des 4 est particulièrement attachante, et les acteurs qui les interprètent sont très à l’aise pour traduire le détachement des instants volés ou l’anxiété que peut provoquer une caméra pointée sur soi.
Par moment, rares et maîtrisés, Play joue la carte du mélo, mais encore une fois avec pas mal de tact. Son concept lui permet d’évoquer avec distanciation le temps qui passe, les amis qui s’éloignent on ne sait pas trop pourquoi, les proches qui disparaissent…
Certes, certains passages paraissent un peu forcés et le film accuse parfois des sérieuses baisses de rythme mais il est globalement très bien tenu, cohérent sur son concept, et déploie un mélange de douce nostalgie et de tendresse. Une tendresse d’ailleurs plus orientée vers ses personnages que sur l’époque dans laquelle ils ont évoluée. L’audace formelle n’empêche donc pas un fond solide.
Il est dommage que Play n’ait pas trouvé son public, car il s’inscrit parfaitement dans le renouveau de la comédie française actuel, qui mise en premier lieu sur la qualité de son écriture et des histoires qu’elle veut raconter (Mon Inconnue, La Belle Epoque, Le Jeu, Papa ou maman…).
Play fait parti de cette famille-là.

Synopsis : En 1993, Max a 13 ans quand on lui offre sa première caméra. Pendant 25 ans il ne s’arrêtera pas de filmer. La bande de potes, les amours, les succès, les échecs. Des années 90 aux années 2010, c’est le portrait de toute une génération qui se dessine à travers son objectif.