Série | IT’S A SIN (Minisérie myCanal) – 17/20

Créateur de séries majeures comme le cultissime Queer as Folk ou plus récemment l’implacable Years and Years, Russel T Davies se confronte enfin à un sujet qu’il avait jusque là évité d’aborder frontalement, l’arrivée du Sida dans les années 80 et l’effroyable hécatombe provoquée par l’épidémie dans une communauté gay livrée à elle-même.
Peut-être avait-il besoin de murir ce projet, toujours est-il qu’il livre son œuvre la plus bouleversante, un récit poignant se déroulant sur dix années qui allie la puissance émotionnelle de la fiction à la force de la nécessité documentaire. Une œuvre aussi essentielle que Philadelphia, Angels in America ou 120 Battements.
It’s a Sin raconte l’histoire d’un groupe d’amis qui se rencontrent et se lient dans le milieu gay londonien encore confidentiel et secret. Ayant chacun fuit un environnement familial peut propice au coming-out, ils sont bien décidés à vivre leur vie librement et profiter avec exaltation de leur jeunesse. Lorsque les premiers articles sur une mystérieuse maladie décimant la communauté gay à NY commencent à sortir, l’insouciance se voile d’inquiétude. Mais le peu de relai dans les médias traditionnels, le silence assourdissant des institutions politiques et médicales laissent s’installer l’incrédulité et le scepticisme dans la communauté, voir le déni. Jusqu’à ce que la maladie les percute de plein fouet. Les premiers cas, d’abord lointains et incertains. Puis des amis qui ne donnent plus de nouvelles, avant que l’on comprenne. Les téléphones qui sonnent comme des couperets. La peur. Et alors que le virus se propage, la suspicion, l’ostracisation, la mise au ban de la société de gamins qui meurent seuls en pestiférés, la honte au corps. Et un monde qui détourne le regard.
Russel T Davies raconte cette histoire en s’appuyant des personnages beaux et forts, immédiatement attachants. Sa mise en scène qu’il veut pudique mais suffisamment suggestive pour marquer durablement les esprits alternent avec beaucoup de dignité pulsion de vie et souffle de mort. Elle pétille de plein d’idées emballantes autant qu’elle sidère par l’horreur du drame qui se déroule devant nos yeux. Que son sujet mortifère soit quasi constamment adouci par une légèreté indestructible est le plus beau des hommages fait à ces garçons fauchés au début de leur vie.
It’s a Sin rappelle à quel point il est nécessaire de raconter l’histoire de cette génération et ce que les suivantes lui doivent. Chacun pourra retrouver un peu de sa jeunesse en Ritchie, Jill, Ash, Roscoe et Colin, c’est ce qui rend It’s a sin si pertinent. Vous ne sortirez pas indemnes de ces 5 épisodes, ces gamins ne vous lâcheront pas de si tôt. Absolument brillant, définitivement essentielle et nécessaire. Là !

Séries | THE STAND S01 – 14/20 | THE SERVANT S01&02 – 13/20

THE STAND S01 (Starzplay) – 14/20

Nouvelle déclinaison de l’œuvre prolifique de Stephen King, The Stand débarque avec la réputation d’une œuvre dense et inadaptable. C’est donc un pari ambitieux auquel se frotte John Boone, et le résultat est plus qu’honnête. La série parvient à trouver une cohérence globale, une narration fluide et prenante tout en donnant à ses personnages suffisamment d’épaisseur et de complexité pour qu’on ait envie de les suivre dans ce monde post-apocalyptique.
Tout commence par une pandémie. On ne peut pas dire que ça nous change beaucoup les idées, au mieux peut-on se rassurer en se disant que ça aurait pu être pire ! Car le virus en question est à la fois très contagieux et terriblement létale. Amusant de voir dans les premiers épisodes les similitudes avec la période que l’on traverse. Les confinements, les théories complotistes, les décisions politiques… Heureusement, la comparaison s’arrête là. The Stand part ensuite dans une direction plus fantastique tout en continuant d’étudier comment les différents groupes de survivants se sont adaptés à la pandémie, traçant une limite pas si marquée entre le bien et le mal. Les passages à New Vegas sont en ce sens assez fous.
La réalisation très graphique (certaines scènes sont très dures à regarder) est à la hauteur de l’ambition du projet, tout comme le casting, très solide, même pour de petits rôles. Le scénario s’épaissit au fil des épisodes, tirant différents fils narratifs mais restant lisible malgré sa densité. Figure du mal au cœur du récit, Alexander Skarsgard incarne un Randal Flagg énigmatique et terrifiant.

THE SERVANT S01&02 (Apple TV+ ) – 13/20

Tout le savoir-faire de Shyamalan en série, dans tout ce qu’il peut proposer de plus génial et de plus horripilant. Ce qui fonctionne parfaitement, surtout dans la saison 1, c’est l’installation d’une ambiance creepy as hell, la manière dont on fait connaissance avec des personnages immédiatement forts (quel bonheur de retrouver Lauren Ambrose, qu’on avait un peu perdu de vue depuis de Six Feet Under), et évidemment les scare jump et les moments d’angoisse qui parsèment le récit. Le fait d’avoir le temps joue plutôt en faveur du réalisateur, étrangement. La saison 1 est minutieusement travaillée et se révèle petit à petit, sans trop en révéler mais avançant suffisamment franchement pour qu’on ait envie d’en savoir un peu plus que ce que Shyamalan nous donne. Elle navigue entre mystère et ésotérisme, tout en interrogeant sur le rapport au deuil et à la parentalité et c’est la force de cette saison 1. La saison 2, et c’est le côté agaçant de Shyamalan, semble maintenir son mystère un peu plus artificiellement, moins ancrée dans le réel, nous éloignant de ses personnages en leur prêtant des réactions moins compréhensibles. Comme certains de ses films où on se demande s’ils ne se moque pas un peu de nous. Au moins 2 saisons sont encore prévues par Apple, on espère donc qu’il sait où il va, car The Servant est le genre de série qui sera jugée sur sa conclusion autant que sur le chemin qui y mène.

Série | WANDAVISION (Disney+) – 15/20

Aussi surprenante qu’enthousiasmante, la première série des studios Marvel pour Disney+ impose d’emblée des standards très élevés pour leurs prochaines productions. Bien plus qu’une simple déclinaison des canons filmiques du MCU, Wandavision exploite brillamment le format sériel pour poser puis tordre son concept et approfondir la relation de ce couple atypique seulement survolée dans la saga Avengers. Un concept épatant, aussi audacieux que malin, qui rend un hommage déférent aux sitcoms ayant marqués la TV US depuis les années 50, chaque épisode reprenant les codes d’un show culte d’une décennie (entre autres I love Lucy, Ma sorcière bien aimée, La fête à la maison, Malcom, The Office, Modern Family…)
La réalisation se plie à ces références, fait évoluer son esthétique avec le style de chaque sitcom, mais voit de plus en plus d’interférences rudoyer cette jolie mise en scène… pour finir par installer un climat paranoïaque se raccrochant progressivement au passé de ses personnages. On pense souvent à The Truman Show, avec cependant une question qui reste longtemps en suspense, la victime est-elle elle-même à l’origine de l’illusion de cette petite vie de famille parfaite ?
Wandavision permet aussi à Elizabeth Olsen d’exprimer un talent mis en sourdine par le vacarme et la profusion du MCU (on n’oublie pas Martha Marcy May Marlene) et révèle au monde la fabuleuse Kathryn Hahn. Ceux qui ont suivi Transparent ou Mrs. Fletcher savent.
Si le grand final peut s’avérer frustrant par rapport aux théories des fans (mais on n’est pas obligé de les écouter), il s’affirme comme l’émouvante et solide conclusion d’une parabole sur le deuil, la solitude et la dépression passée au prisme Marvel.
Si on n’attend pas grand-chose de Falcon et Le Soldat de l’Hiver qui lui emboite le pas (si ce n’est de la bonne grosse baston), le degré d’excitation est à son comble pour Loki, qui se focalisera sur le personnage le plus torve et le plus intéressant introduit dans le MCU jusqu’à là.
De quoi confirmer l’indéniable réussite Wandavision.

Séries | PARIS POLICE 1900 – 11/20 | YOUR HONOR – 12/20

YOUR HONOR S01 (myCanal) – 12/20
C’est toujours avec excitation que l’on retrouve Bryan Cranston, même dans un rôle proche de son mythique Walter White. Comme dans Breaking Bad, son personnage est un homme sans histoire qui se retrouve confronté à un dilemme moral qui va le voir renier tous ses principes. Juge honnête et impartial, il va devoir franchir la ligne rouge pour protéger son fils coupable d’avoir accidentellement tué le fils du boss de la mafia locale. L’acteur livre un nouvelle masterclass, dans un rôle cependant moins instinctif, plus raisonné. Plus aimable en somme.
En revanche, la série est à des années-lumière de Breaking Bad en termes d’écriture. Elle manque de consistance, abusant d’effets faciles et perd la plupart du temps en crédibilité ce qu’elle gagne en suspense. Deux épisodes forts et traumatisants (le premier et le dernier), et au milieu une intrigue mollassonne, plombée par le personnage du fils, totalement raté (même si l’interprétation est irréprochable). You Honor avance de manière linéaire jusqu’à son dénouement avec ses gros sabots.
Suffisamment accrocheur pour maintenir l’intérêt, mais dénué du trouble et de l’ambiguïté qui rendait un Defending Jacob (assez proche dans la thématique) si singulier.

PARIS POLICE 1900 S01 (myCanal) – 11/20
Série historique et policière française très ambitieuse, Paris Police 1900 lorgne du côté de Peaky Blinders, Boardwalk Empire ou de The Knick. La reconstitution y est soignée et rigoureuse historiquement, l’ambiance sombre, dure et poisseuse, et le récit s’articule autour de jeux de pouvoir, de coups montés et de conspiration dans un contexte social et politique rendu explosif et délétère par l’affaire Dreyfus.
De quoi constituer une grande fresque d’époque tout en nous agrippant avec son histoire sordide de femmes retrouvées en morceau dans des valises.
Malheureusement la multiplication des arcs narratifs, les personnages nombreux et difficiles à identifier rendent le tout peu lisible et Paris Police peine un peu à trouver une cohérence globale.
Au-delà de ça, beaucoup de comédiens usent d’un jeu très théâtral, désormais beaucoup trop daté pour la télévision. On peut même dire que c’est souvent mal joué… Et comme la musique est tout aussi peu moderne, la série, malgré d’indéniables qualités, sent en peu la naphtaline