CONNASSE, PRINCESSE DES CŒURS – 13,5/20

Réalisé par Eloïse Lang, Noémie SaglioConnasse, Princesse des coeurs
Avec Camille Cottin

Synopsis : Camilla, 30 ans, Connasse née, se rend compte qu’elle n’a pas la vie qu’elle mérite et décide que le seul destin à sa hauteur est celui d’une altesse royale.

Avis : Si le pari de Connasse, Princesse des cœurs est réussi, c’est qu’il parvient à séduire au-delà des fans de la vignette humoristique de Canal. Même sans avoir jamais été totalement emballé par le programme court (trop provoc gratuite, parfois même un peu lâche dans le choix des proies et la gestion du danger, tendance à la facilité), le film en lui-même force le respect. Le passage sur grand écran conserve en effet ce qui faisait la force des pastilles TV en les intégrant dans une histoire bien écrite, au fil conducteur original, parcourue par de vrais personnages. Connasse n’est pas une succession de sketchs en caméra caché, mais un vrai long-métrage qui s’appuie sur le procédé pour construire sa narration. Le mérite en revient d’ailleurs aux réalisatrices, qui ont l’excellente idée d’utiliser également des caméras cachées pour des scènes de flash-back ou de rêves, comme dans une comédie classique. Contre toute attente cette mise en scène, associée au fait que l’action se passe en Angleterre, terrain de jeu vierge et plein de promesses pour notre Connasse, donne à Princesse des cœurs une amplitude que n’avait pas le programme court et confère une légitimité au projet. Car Connasse conserve bien heureusement toute son irrévérence et son humour couillu et malpoli, incarné magistralement par Camille Cottin, qui semble avoir gagné en assurance depuis ses passages sur Canal. Plus posée, plus directe, plus concises, ses saillies sont d’autant plus drôles et imparables qu’elle les assène avec un aplomb redoutable. Cette fille est décidément une bien étonnante actrice. On aime beaucoup.

BROADWAY THERAPY – 11/20

Broadway TherapyRéalisé par Peter Bogdanovich Avec Imogen Poots, Owen Wilson, Illeana Douglas

Synopsis : Lorsqu’Isabella rencontre Arnold, un charmant metteur en scène de Broadway, sa vie bascule. À travers les souvenirs – plus ou moins farfelus – qu’elle confie à une journaliste, l’ancienne escort girl de Brooklyn venue tenter sa chance à Hollywood, raconte comment ce « rendez-vous » lui a tout à coup apporté une fortune, et une chance qui ne se refuse pas…

Avis : Vaudeville allenien amusant mais un peu laborieux, Broadway Thérapie nous permet surtout de faire plus ample connaissance avec la pétillante Imogen Poots, au naturel assez emballant. Elle donne du peps à une comédie de mœurs peu originale sur les à côté de Broadway, avec tout ce que ça implique en terme d’ego, de névrose et d’hystérie pour ses acteurs. Malgré une certaine qualité d’écriture, enchaînement des rebondissements, des portes qui claquent, des amants dans le placard (ou plutôt des maîtresses dans la salle de bain), des quiproquos finit par lasser. L’exagération et l’accumulation des situations et l’insistance avec laquelle la mise en scène appuie sur les effets comiques donne un petit côté daté à Broadway Thérapie. Un manque de modernité qui n’empêche pas d’apprécier l’énergie du projet, mais le rend aussi relativement dispensable.

AVENGERS : L’ERE D’ULTRON – 13/20

Avengers : L'ère d'UltronRéalisé par Joss Whedon
Avec Robert Downey Jr., Chris Evans, Mark Ruffalo, Scarlett Johansson, Jeremy Renner, Aaron Taylor-Johnson, Elizabeth Olsen, Cobbie Smulders.

Synopsis : Alors que Tony Stark tente de relancer un programme de maintien de la paix jusque-là suspendu, les choses tournent mal et les super-héros Iron Man, Captain America, Thor, Hulk, Black Widow et Hawkeye vont devoir à nouveau unir leurs forces pour combattre le plus puissant de leurs adversaires : le terrible Ultron, un être technologique terrifiant qui s’est juré d’éradiquer l’espèce humaine.
Afin d’empêcher celui-ci d’accomplir ses sombres desseins, des alliances inattendues se scellent, les entraînant dans une incroyable aventure et une haletante course contre le temps…

Avis : Conclusion épique et démesurée de la phase 2 du Marvelverse, L’ère d’Ultron devait relever le défi d’être à la fois à la hauteur du premier Avengers tout en se renouvelant pour éviter toute impression de bégaiement et évacuer l’idée d’un possible essoufflement de la formule.
Le pari n’est au final que partiellement réussi. Difficile en effet de ne pas ressentir un sentiment de déjà vu après les 2h20 que dure le film. Sans doute Josh Whedon a-t-il dû céder aux pressions du studio pour livrer au spectateur une recette éprouvée et efficace, avec pour cahier des charge d’intensifier son côté spectaculaire, si tant est que ce soit possible.
On retrouve donc sans déplaisir ce qui avait fait le succès d’Avengers, mais en plus fort, plus bruyant, plus rapide, plus tout. La scène finale est en ce sens assez symptomatique, reprenant les mêmes codes que l’impressionnante bataille de New-York. Même si on ne peut nier l’extraordinaire savoir-faire du réalisateur pour mettre en scène d’impressionnantes chorégraphies pyrotechniques, l’effet est cette fois-ci plus abrutissant qu’euphorisant.
Heureusement Whedon excelle toujours autant à faire exister une foule de personnages dans un même espace, et a la bonne idée de donner plus de relief à des personnages jusque-là un peu négligés comme Hawkeye et la Veuve Noire, tout en présentant assez efficacement de nouveaux vengeurs (les jumeaux Maximoff). Ceci dit, on peut deviner qu’il aurait souhaité aller plus loin dans la caractérisation des personnages. Le scenario par ailleurs assez confus et inutilement compliqué ne laisse que peu de place au développement psychologique de cette galerie de freaks aux névroses pourtant fascinantes. Sans doute ce pan-là du Marvelverse est réservé aux aventures solo des héros, laissant aux films somme (Avengers donc) la simple mission d’en foutre plein la vue. Et d’amuser également. L’Ere d’Ultron nous gratifie aussi, il faut l’admettre, de quelques répliques savoureuses et de moments wtf (le levé de marteau est un bon gros morceau de fun).  Autre élément à mettre au crédit d’Avengers second du nom, le film semble assez conscient de ses limites et de ses incohérences, ce qui le rend difficilement attaquable (Gros passage méta lorsque Hawkeye disserte sur le fait qu’il les trouve sur un village volant attaqué par des robots surpuissants et qu’il n’a que son arc comme réponse, ça n’a pas de sens, mais il faut y aller. Avengers 2, c’est un peu ça. Ça n’a pas de sens, mais on y va).
On regrettera aussi l’absence d’un bad guy d’envergure et iconique. Les motivations d’Ultron sont vagues et aussi artificielles que lui. L’insistance avec laquelle on veut faire passer sa rage pour une réponse à son sentiment de mal-être, son anthropomorphise, passe difficilement. Rendez-nous Loki !
Avengers 2 n’est pas un mauvais film en soi, simplement il n’apporte pas grand-chose à ce qui a déjà été montré. Le modèle commencerait-il à atteindre ses limites narratives ? Plus sûrement, il semble arriver à la fin d’un cycle. Les arrivées de Ant-man, Black Panther, Miss Marvel et surtout Spider-man se devront d’apporter du sang neuf et une nouvelle orientation au Marvelverse, sous peine de le voir tourner en rond.

TAXI TÉHÉRAN – 13/20

Taxi TéhéranRéalisé par Jafar Panahi
Avec Jafar Panahi

Synopsis : Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion…

Avis : C’est souvent dans la contrainte que la création est la plus stimulée. Le dernier film Jafar Panahi en est l’évidente démonstration. Sous le coup d’une interdiction de travailler dans son pays, il a donc eu recours au procédé de la caméra cachée pour constuire sa dernière œuvre, par conséquent audacieuse et profondément politique. Il joue sur l’idée de film dans le film pour intriguer, brouillant délibérément la frontière entre ce qui est spontané et ce qui est joué, improvisé, entre personnages réels et fictifs, entre fiction et documentaire. Une mise en abîme assez savoureuse, notamment lorsque Panahi, jouant son propre rôle est questionné sur la pourquoi de ce travail de taxi. Ou lorsque l’un de ses clients dont on se demande s’il est lui-même acteur, le tance pour savoir si la personne qui vient de quitter le taxi jouait bien la comédie. Mais le côté ludique du procédé n’élude pas sa portée politique, au contraire. Les clients qui se succèdent dans le taxi sont autant de moyens pour le réalisateur d’affronter les problèmes de son pays, ses contradictions et toute sa complexité. Censure, droit des femmes, délinquance, répression, religion, tout ce qui est interdit dans une œuvre « convenable » en Iran est abordé par le prisme de cette caméra cachée.
Ces sujets brûlants sont traités avec parfois un peu de résignation, souvent avec humour, grâce à une galerie de personnages hauts en couleur. Du vendeur de films à la sauvette (formidable) à la nièce maline et bavarde, en passant par deux vieilles dames superstitieuses, ils donnent du relief au propos du réalisateur.
Mais le procédé n’est pas sans défaut, et si l’on salue l’adresse avec laquelle Panahi contourne les interdits, son film souffre d’un cruel manque de rythme et de véritable ambition formelle. Le montage est assez quelconque et pour le coup ne parvient pas offrir plus qu’une succession de vignettes. Un témoignage fort à la portée certaine, un acte de résistance magnifique, mais cinématographiquement limité.

CAKE – 12,5/20

CakeRéalisé par Daniel Barnz
Avec Jennifer Aniston, Adriana Barraza, Anna Kendrick

Synopsis : Claire Bennett va mal. Il n’y a qu’à voir ses cicatrices et ses grimaces de douleur dès qu’elle fait un geste pour comprendre qu’elle souffre physiquement. Son mari et ses amis ont pris leurs distances avec elle, et même son groupe de soutien l’a rejetée. Mais le suicide de Nina, qui faisait partie de son groupe de soutien, déclenche chez Claire une nouvelle fixation. Tout en s’intéressant à la disparition de cette femme qu’elle connaissait à peine, Claire en vient à s’interroger sur la frontière ténue entre vie et mort, abandon et souffrance, danger et salut. Tandis qu’elle se rapproche du mari de Nina (Sam Worthington) et de leur fils, Claire trouvera peut-être un peu de réconfort…

Avis : Drame indé de jolie facture mais sans réel génie, Cake a la très grande qualité de traiter avec un certain tact le thème du deuil et de la souffrance physique et psychique. Le film arbore une certaine humilité par rapport au sujet, en évitant tout pathos superflu et en jouant sobrement sur les ellipses.
Si le film souffre de maladresses au niveau de la mise en scène (les ‘visions’ de l’amie suicidée n’apporte pas grand-chose), celle-ci remplit le cahier des charges des réussites made in Sundance. Une belle image, un montage efficace, une lumière élégamment filtrée, une caméra parfois bringuebalante, on est un terrain connu. Ce qui l’est moins, c’est le rôle qu’endosse Jennifer Aniston. Enlaidie, bouffie, défigurée, Rachel Green est bien loin. Mais l’actrice confirme ce qu’elle laissait déjà entrevoir dans la sitcom, où son jeu se révélait le complet et le plus juste de la bande, ou plus encore dans le formidable The Good Girl sorti il y a 10 ans, qui n’a incompréhensiblement pas lancé sa carrière dramatique. En incarnant Claire, femme détruite dans tous les sens du terme mais refusant qu’on s’apitoie sur son sort, elle n’est jamais dans la démonstration et reste très juste de bout en bout, réussissant le difficile dosage entre humour cassant, second degré et réelle détresse. Il faut une sérieuse intelligence de jeu pour ne pas rendre le personnage insupportable, ce que réussit admirablement Aniston.
Si elle porte le film, elle est aussi très bien entourée, de la gouvernante latino drôle et touchante en passant par Sam Worthington, assez juste en veuf perdu et en colère.
Si on ne lui demande pas d’abandonner la comédie où elle a peu d’équivalent, on espère cependant revoir rapidement Jennifer Aniston dans un registre proche de celui de Cake. Parce qu’elle y est épatante.

SUITE FRANÇAISE – 11/20

Suite FrançaiseRéalisé par Saul Dibb
Avec Michelle Williams, Kristin Scott Thomas, Matthias Schoenaerts

Synopsis : Été 1940. France. Dans l’attente de nouvelles de son mari prisonnier de guerre, Lucile Angellier mène une existence soumise sous l’oeil inquisiteur de sa belle-mère. L’arrivée de l’armée allemande dans leur village contraint les deux femmes à loger chez elles le lieutenant Bruno von Falk. Lucile tente de l’éviter mais ne peut bientôt plus ignorer l’attirance qu’elle éprouve pour l’officier…

Avis : Drame historique d’un classicisme timide, Suite Française ne se démarque vraiment pas par son originalité. Sur un sujet vu et revu (mais qu’il est toujours bon – nécessaire – de se rappeler), Saul Dibb choisit le confort de la reconstitution juste et fidèle à défaut de trouver un angle plus novateur. Résultat, le film manque souvent d’une vision personnelle et d’un certain souffle romanesque. Et se complait dans une certaine tiédeur à ne pas vouloir prendre de risque. L’histoire de Lucille est touchante, mais elle aurait gagné à être moins lisse. La faute à des personnages et des situations peu approfondis. Le réalisateur n’aborde qu’en surface le côté sulfureux du roman et passe à côté du très délicat sujet du sort réservé aux femmes françaises ayant couché avec l’occupant allemand pendant la guerre. Il préfère s’attarder sur cette passion contrariée sans développer outre mesure ce que cette romance impliquait en termes d’interdits moraux et politiques.
Une adaptation très sage donc, même si la mise en scène fait preuve d’une belle élégance. Surtout, elle met en exergue le charisme de Matthias Shoenaerts, dont la présence animale et séductrice vampirise l’écran et crédibilise immédiatement l’attirance irrépressible de Lucille pour le lieutenant nazi. La fragilité de Michelle Williams, la cassante mais humaine autorité de Kristin Scott Thomas et l’excellence du reste du casting (Margot Robbie, Sam Riley, Ruth Wilson…) participent à faire de Suite Française un peu plus qu’un simple téléfilm. Mais pas beaucoup plus…