LA GRANDE AVENTURE LEGO – 14/20

La Grande Aventure LegoRéalisé par Phil Lord, Chris Miller
Avec Chris Pratt, Will Ferrell, Elizabeth Banks, Morgan Freeman…

Synopsis : Emmet est un petit personnage banal et conventionnel que l’on prend par erreur pour un être extraordinaire, capable de sauver le monde. Il se retrouve entraîné, parmi d’autres, dans un périple des plus mouvementés, dans le but de mettre hors d’état de nuire un redoutable despote. Mais le pauvre Emmet n’est absolument pas prêt à relever un tel défi !

Avis : Fun, cool, explosif, surprenant et surtout hautement divertissant, La Grande Aventure Lego dérouille franchement les zygomatiques en proposant une comédie animée à l’humour décomplexé, déconnant et clairement « What the Fuck ??!! » (les auteurs sont aussi coupables du délirant et très bon 21 Jump Street)
Jouant habilement du concept film-jouet, les réalisateurs sont à la fois inventifs dans la mise en scène et réussissent à créer des univers foisonnants à la richesse visuelle jubilatoire, délivrant une idée à la minute. Ils font preuve d’un souci du détail remarquable et nul doute que plusieurs visionnages seront nécessaires pour appréhender tout ce qui peut se passer à l’arrière plan !.
L’humour vif, alerte et quasiment non stop passe aussi bien par un comique de situation très visuel jouant à fond sur la condition même d’un lego (des pinces pour mains, des coiffures interchangeable, des mouvements bien limités), que sur une écriture enlevée et vivante n’hésitant pas à faire appel à des gimmicks franchement irrésistibles (Spaceship ! Spaceship !!)
L’histoire elle-même reste tout à fait lisible, ne se prenant pas au sérieux sans jamais laisser le spectateur sur la touche. Le film reste toujours très lucide sur ce qu’il est, un film avec des Légos, quoi.
Il bénéficie également d’un atout imparable, un casting de voix proprement hallucinant (La Vo s’impose). Impossible d’énumérer tous les acteurs ayant participé au doublage, mais comment ne pas s’incliner devant la performance de Morgan Freeman, insolent de drôlerie. Dans le plastique du héros, Chris Pratt est plus que convaincant renforçant la curiosité autour des Gardiens de la Galaxie de Marvel dont il sera la vedette.
Seul bémol, le final live qui appuie bien trop cyniquement la dimension pubesque de l’entreprise. On est à deux doigts de franchir la ligne rouge…

Mais si La Grande Aventure Lego se trouve être un spot d’1h30 pour une marque de jouet, c’est la pub la plus fun, la plus cool, la plus drôle qu’il nous ait été donné de voir su grand écran. On excusera donc le petit dérapage final.
Parce que… ♪ The Lego Movie is awesome ♫

LULU, FEMME NUE – 13/20

Lulu femme nueRéalisé par Solveig Anspach
Avec Karin Viard, Bouli Lanners, Claude Gensac

Synopsis : À la suite d’un entretien d’embauche qui se passe mal, Lulu décide de ne pas rentrer chez elle et part en laissant son mari et ses trois enfants. Elle n’a rien prémédité, ça se passe très simplement. Elle s’octroie quelques jours de liberté, seule, sur la côte, sans autre projet que d’en profiter pleinement et sans culpabilité. En chemin, elle va croiser des gens qui sont, eux aussi, au bord du monde : un drôle d’oiseau couvé par ses frères, une vieille qui s’ennuie à mourir et une employée harcelée par sa patronne… Trois rencontres décisives qui vont aider Lulu à retrouver une ancienne connaissance qu’elle a perdu de vue : elle-même.

Avis : Il y a une quinzaine d’années Solveigh Anspach avait révélé Karin Viard en lui offrant le rôle principal de Haut les cœurs dans lequel elle crevait l’écran. Avec Lulu, Femme nue, la réalisatrice fait à nouveau cadeau à son actrice d’un rôle en or. Certes, le sujet est éculé et a déjà été maintes fois traité dans le cinéma français. L’histoire d’une femme étouffant dans un quotidien étriqué, sans diplôme, dépendante d’un mari qu’elle n’aime plus (l’a-t-elle jamais aimé ?) et coincée par des enfants qu’elle adore mais qui la brident. Et qui un jour dit stop.
Plutôt que d’en faire un road movie violent, et désespéré, Soveigh Anspach préfère présenter la fuite de Lulu avec légèreté et propose un traitement aérien, parfois décalé.
Pas de crise de larmes, ni de rage, mais une sérénité qui gagne progressivement son héroïne. Karin Viard apporte toute la subtilité de son jeu, sa prestance très terrienne et une justesse d’interprétation sans faille à ce personnage simple dont la fragilité va progressivement se transformer en solide détermination au gré des rencontres. Celles avec les personnages de Charles (Bouli Lanners touchant) et Marthe (Claude Gensac, étonnante et émouvante vieille dame) seront déterminantes.
Malgré quelques trous d’airs dans le rythme et quelques longueurs, la réalisatrice alterne efficacement entre le voyage libérateur de Lulu et quelques moments burlesques la plupart portées par les frères de Charles.
Et d’assister, pour notre part à une très jolie résurrection.

LES TROIS FRÈRES, LE RETOUR – 7/20

Les Trois frères, le retourRéalisé par Didier Bourdon, Bernard Campan, Pascal Légitimus
Avec Didier Bourdon, Bernard Campan, Pascal Légitimus

Synopsis : Ils sont trois, ils sont frères, ils sont de retour.
15 ans après, Didier, Bernard et Pascal sont enfin réunis… par leur mère…
Cette fois sera peut-être la bonne.

Avis : La madeleine était un peu rance… Et Dieu ce que j’aurais aimé aimer ! Mais mon petit cœur de fan nostalgique a souffert devant ce retour laborieux et sans idée des Inconnus. Si le plaisir qu’on les trois acteurs à se retrouver est évident, il ne comble pas les manques flagrants de cette redite lourdaude des Trois Frères. Pas de rythme, peu de gags, aucune réplique qui ne fasse mouche et une très mauvaise idée, remplacer le fils de l’original par une fille, grossière caricature déjà datée d’une caillera des banlieues. Rien ne semble vraiment fonctionner. Peut-être le trio a-t-il eu peur de se réinventer ? Sans doute, mais le résultat est douloureux. Seules quelques fulgurances dans le jeu de Bourdon nous décrochent-ils quelques sourires, parfois même très francs, mais c’est peu, bien trop peu. Et pourtant leurs sketches ne vieillissent pas. Allez savoir…

IDA – 12/20

IdaRéalisé par Pawel Pawlikowski
Avec Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska, Dawid Ogrodnik

Synopsis : Dans la Pologne des années 60, avant de prononcer ses voeux, Anna, jeune orpheline élevée au couvent, part à la rencontre de sa tante, seul membre de sa famille encore en vie. Elle découvre alors un sombre secret de famille datant de l’occupation nazie.

Avis : D’une beauté formelle par instants renversante, Ida se regarde comme autant de tableaux parfois austères, parfois lumineux, mais qui interpellent toujours. Le réalisateur polonais offre une vision singulière du cinéma en déstructurant le cadre de son film, ses personnages se retrouvant souvent isolés au cœur de paysages ou de décors immobiles imposants. Il propose de longs plans fixes, à travers lesquels la caméra capte partiellement les acteurs, généralement à partir du haut du buste, pour les intégrer à la marge d’une peinture plus vaste, un peu écrasante.
Ida se meut donc dans cet univers, modeste et fragile mais déterminée. Dommage que le scénario ne soit pas à la hauteur de l’esthétisme du film, déroulant un récit un peu convenu et des d’étonnantes invraisemblances. Le risque encouru (et que j’ai personnellement expérimenté) est de décrocher de l’histoire, ces incohérences alourdissant considérablement le récit et pouvant irrémédiablement causer l’ennui.
Malgré tout, Ida délivre son lot de moments saisissants, incarnés en grande partie par le personnage de Wanda, la tante exubérante de la douce Ida.

MEA CULPA – 13,5/20

Mea CulpaRéalisé par Fred Cavayé
Avec Vincent Lindon, Gilles Lellouche, Nadine Labaki

Synopsis : Flics sur Toulon, Simon et Franck fêtent la fin d’une mission. De retour vers chez eux, ils percutent une voiture. Bilan : deux victimes dont un enfant. Franck est indemne. Simon, qui était au volant et alcoolisé, sort grièvement blessé . Il va tout perdre. Sa vie de famille. Son job de flic. Six ans plus tard, divorcé de sa femme Alice, Simon est devenu convoyeur de fonds et peine à tenir son rôle de père auprès de son fils Théo qui a désormais 9 ans. Franck, toujours flic, veille à distance sur lui. Lors d’une corrida, le petit Théo va être malgré lui le témoin d’un règlement de compte mafieux. Très vite, il fera l’objet de menaces. Simon va tout faire pour protéger son fils et retrouver ses poursuivants. Le duo avec Franck va au même moment se recomposer. Mais ce sera aussi pour eux l’occasion de revenir sur les zones d’ombre de leur passé commun.

Avis : A partir d’un scénario pourtant pas très épais, Cavayé livre un thriller d’une redoutable efficacité. La parfaite maîtrise des scènes d’action et la rapide mise en place d’un suspense constant confirme que le réalisateur n’a pas d’égal en France dans le genre peu couru du polar âpre, viril et violent. Sans doute un peu en dessous De Pour elle mais mieux foutu que A bout portant, ce Mea Culpa reste parfaitement digne d’intérêt, malgré des invraisemblances  finalement pas si gênantes si tant est qu’on soit pris au jeu (et tout est –bien – fait pour qu’on le soit).
Cavayé a la bonne idée de ne pas rester bloqué sur le concept du gamin qui en a trop vu et de faire rapidement évoluer le récit vers une vendetta, certes pas très subtile, mais largement rehaussée par le duo Lindon-Lellouche. Ils donnent corps et humanisent considérablement des personnages qui pourraient facilement verser dans la caricature. Et comme les rôles secondaires, de l’enfant traqué à la femme désemparée (superbe Nadine Labaki) sont très solides, le polar se pose définitivement en divertissement haut de gamme.

Mea Culpa n’a pas la prétention de beaucoup donner dans la psychologie, ni d’adresser un quelconque message. Il se contente de ne pas prendre ses spectateurs pour des idiots et d’être farouchement populaire et spectaculaire, au bon sens du terme. C’est déjà beaucoup.

JACKY AU ROYAUME DES FILLES – 11/20

Jacky au royaume des fillesRéalisé par Riad Sattouf
Avec Vincent Lacoste, Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon

Synopsis : En république démocratique et populaire de Bubunne, les femmes ont le pouvoir, commandent et font la guerre, et les hommes portent le voile et s’occupent de leur foyer. Parmi eux, Jacky, un garçon de vingt ans, a le même fantasme inaccessible que tous les célibataires de son pays : épouser la Colonelle, fille de la dictatrice, et avoir plein de petites filles avec elle. Mais quand la Générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky : maltraité par sa belle-famille, il voit son rêve peu à peu lui échapper…

Avis : Une bonne idée ne fait pas forcément un bon film. Jacky est en la malheureuse illustration. Riad Sattouf a visiblement été dépassé par l’ambition avec laquelle il a abordé le successeur du formidable Les Beaux Gosses.
Sorte d’ofni (objet filmique non identifié) déroutant, Jacky intrigue et amuse pourtant dans sa phase d’exposition, en présentant l’étonnante République démocratique et populaire de bubulle et son langage si singulier. Alors pourquoi ça ne prend pas ? Parce que Sattouf se prend les pieds dans le tapis avec les thèmes très forts que son film veut traiter. Le totalitarisme, le féminisme (ici l’hommisme donc), sont clairement sous-jacents, mais jamais traités frontalement, ou très maladroitement. On ne voit finalement pas vraiment où le réalisateur veut en venir. Quelques très bonnes idées sont trop vite abandonnées et pas assez approfondies. Surtout, un manque de rythme flagrant plombe considérablement le film, les ressorts comiques et dramatiques sont laborieux et l’intrigue avance avec peine, comme si le scénario ne savait pas comment mettre en relation l’histoire de Jacky avec les messages qu’il veut faire passer. Forcément, malgré des dialogues parfois bien sentis, l’humour en pâtit, d’autant plus que la réalisation est aussi poussive, comme dépassée par son (ses) sujet(s). Heureusement, on peut savourer les performances d’un casting au poil, mené par le génial Vincent Lacoste. Anémone, Bourdon, Gainsbourg : oui oui oui.
Jacky au Royaume des filles, réinterprétation barrée de Cendrillon, manque donc sa cible et échoue dans sa tentative de se poser en fable satirico-philosophique moderne. Dommage.

AMERICAN BLUFF – 13/20

American BluffRéalisé par David O. Russell
Avec Christian Bale, Bradley Cooper, Amy Adams, Jennifer Lawrence

Synopsis : Entre fiction et réalité, AMERICAN BLUFF nous plonge dans l’univers fascinant de l’un des plus extraordinaires scandales qui ait secoué l’Amérique dans les années 70.
Un escroc particulièrement brillant, Irving Rosenfeld, et sa belle complice, Sydney Prosser, se retrouvent obligés par un agent du FBI, Richie DiMaso, de nager dans les eaux troubles de la mafia et du pouvoir pour piéger un homme politique corrompu, Carmine Polito. Le piège est risqué, d’autant que l’imprévisible épouse d’Irving, Rosalyn, pourrait bien tous les conduire à leur perte…

Avis : Sortez les pattes d’eph, gonflez les brushings et alignez les rouflaquettes, David O. Russel vous ramène à la fin des années 70 et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y va franchement. Peu concerné par le scandale politico-financier qui sert de cadre à son American Bluff, il s’en sert ostensiblement de prétexte pour faire interagir une galerie d’antihéros bigger than life et reflets d’une certaine Amérique.
Le scénario est foutraque, l’intrigue parfois incompréhensible, c’est un peu trop long, mais au final American Bluff est pleinement réjouissant. Pourquoi ?
Parce que la nouvelle coqueluche d’Hollywood (voir l’accueil exagérément enthousiaste réservé au sympathique Happiness Therapy) assume totalement le parti pris burlesque et l’esbroufe de son film. Cette histoire de coup fourré est parcouru d’une énergie folle et se trouve être un parfait terrain de jeu pour donner libre cours au cabotinage d’acteurs épatants d’aisance et remarquablement bien dirigés. Si Bale, Cooper et Renner s’en donnent à cœur joie, ce sont surtout ces dames qui tirent leur épingle du jeu pour livrer des performances mémorables. Amy Adams y acquiert une remarquable épaisseur en maîtresse aguicheuse dissimulant sa tristesse et sa peur d’être abandonnée par des postures provocantes et Jennifer Lawrence continue d’étonner de film en film. Elle irradie comme personne et prouve une nouvelle fois sa malléabilité et capacité à tout jouer. On notera également un caméo particulièrement savoureux…
Malgré l’outrance des postiches et le mauvais goût assumé des accoutrements, Russel parvient à atteindre une certaine émotion, preuve que ce ballet de personnages extravagants n’est pas vain et sert une sincère étude de caractères bien menée. Il emballe le tout dans une réalisation maline et ludique et l’agrémente d’une bande son au poil et tout à fait a propos.
Kitsch is fun.

DALLAS BUYERS CLUB – 15/20

Dallas Buyers ClubRéalisé par Jean-Marc Vallée
Avec Matthew McConaughey, Jennifer Garner, Jared Leto

Synopsis : 1986, Dallas, Texas, une histoire vraie. Ron Woodroof a 35 ans, des bottes, un Stetson, c’est un cow-boy, un vrai. Sa vie : sexe, drogue et rodéo. Tout bascule quand, diagnostiqué séropositif, il lui reste 30 jours à vivre. Révolté par l’impuissance du corps médical, il recourt à des traitements alternatifs non officiels. Au fil du temps, il rassemble d’autres malades en quête de guérison : le Dallas Buyers Club est né. Mais son succès gêne, Ron doit s’engager dans une bataille contre les laboratoires et les autorités fédérales. C’est son combat pour une nouvelle cause… et pour sa propre vie.

Avis : Auteur d’un de mes films préférés, l’euphorisant et poétique CRAZY, le Québécois Jean-Marc Vallée passe une nouvelle fois brillamment d’un style à l’autre avec un aplomb remarquable. Déroutant avec son Café de Flore qui jouait mystérieusement sur deux histoires séparées dans le temps mais qui finissaient pas se répondre, il revient avec Dallas Buyers Club à une storyline plus classique, plus linéaire en faisant confiance à son histoire, ses personnages et ses interprètes pour porter son histoire. Point d’effets superflus, très peu de musique (qui était un élément central de ses deux précédents films), un traitement âpre, dur et d’une sobriété remarquable.
Mais s’il devait y avoir un point commun avec ses deux autres réalisations, c’est la sincérité avec laquelle le sujet est traité et le relief apporté à ses personnages.
En choisissant d’aborder l’arrivée du Sida aux Etats-Unis à travers l’histoire d’un macho misogyne et homophobe, Vallée opte pour un angle audacieux mais au final terriblement efficace pour évoquer le désarroi des premiers malades, leur impuissance devant ce fléau incompréhensible et fondamentalement injuste et surtout leur ostracisation et la mise au ban de la société. Sa mise en scène sèche, simplement filmé avec une image granuleuse qui ancre le film dans les années 80, rend compte de la passionnante et effarante histoire du Dallas Buyer Club. Au-delà du drame humain, il agit aussi comme un révélateur des peurs d’une société réactionnaire et du cynisme des premières dérives du capitalisme sous Reagan, symbolisées par les enjeux financiers liés à l’industrie pharmaceutique.
Le récit d’une effroyable violence n’empêche pas un humour désespéré incarné par les deux protagonistes principaux, Ron et Rayon, magistralement campés par Matthew McConaughey et Jared Leto. Au-delà de leur impressionnante transformation physique, ils livrent tous les deux une performance inoubliable, frontale et sans filtre, s’oubliant totalement à leur personnage.
Dallas Buyers Club est tout autant l’histoire d’un combat que d’une rédemption mais qui se refuse à céder au pathos ou aux poncifs du genre. En s’effaçant presque pour laisser le spectateur recevoir le choc adressé par ses deux acteurs, Vallée atteint paradoxalement un juste équilibre et une vérité que la dureté du sujet rendait peu évidente au départ. Une gageure. Et une indéniable réussite.