SPLIT – 12/20

Split : AfficheDe M. Night Shyamalan
Avec James McAvoy, Anya Taylor-Joy, Betty Buckley

Chronique : Si Split est malin, plutôt catchy et dans l’ensemble bien emballé, son principal intérêt réside malgré tout dans la performance schizo absolument géniale de James McAvoy. Sa souplesse de jeu et l’interprétation dantesque des multiples personnalités de Kevin impressionnent réellement. Il bouffe littéralement l’écran et éclipse un scénario qui fait un peu trop le beau par rapport à ce qu’il délivre au final.
Certes M. Night Shyamalan retrouve un peps et une énergie qu’on ne lui connaissait plus, mais on reste assez loin de ses chef d’œuvres d’antan (6ème sens, Incassable, Le Village), à l’atmosphère si singulière, aux récits labyrinthiques et aux twists (réellement) percutants.
Ici peu de surprise finalement, Split est efficace mais se positionne plus dans la lignée d’un 10, Cloverfield Lane, thriller claustrophobique flippant et bien foutu, mais qui ne tend pas vers un final qui s’avère mémorable (et incite mécaniquement à un deuxième visionnage).
C’est très bien, mais n’est pas totalement suffisant pour célébrer le grand retour de l’incroyable storyteller que fut Shyamalan.

Synopsis : Kevin a déjà révélé 23 personnalités, avec des attributs physiques différents pour chacune, à sa psychiatre dévouée, la docteure Fletcher, mais l’une d’elles reste enfouie au plus profond de lui. Elle va bientôt se manifester et prendre le pas sur toutes les autres. Poussé à kidnapper trois adolescentes, dont la jeune Casey, aussi déterminée que perspicace, Kevin devient dans son âme et sa chair, le foyer d’une guerre que se livrent ses multiples personnalités, alors que les divisions qui régnaient jusqu’alors dans son subconscient volent en éclats.

ROCK’N ROLL 13/20

Rock'n Roll : AfficheDe Guillaume Canet
Avec Guillaume Canet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche

Chronique : Mais qu’est-ce qui a bien pu lui passer par la tête ? Guillaume Canet signe avec Rock’n’Roll une comédie aussi barrée que foutraque, un ovni déconcertant, une entreprise d’autodérision aussi audacieuse que culottée, et en même temps déstabilisante.
Il est particulièrement troublant de voir comment Canet brouille la frontière entre fiction et réalité et utilise son image comme matériau de base à son film, sans qu’on sache vraiment jusqu’à quel point il s’y représente. C’est en tout cas très malin, tant l’aura de son couplet et l’imaginaire qu’il véhicule sont forts. Il joue à outrance de cette image publique, une image qu’il tord et concasse jusqu’au malaise.
Il semble en tout cas beaucoup s’en amuser. Et pendant les trois quart du film, nous avec. Car au-delà de son style atypique, Rock’n’roll est souvent très drôle, avec de très bonnes scènes de comédie portées par le réalisateur-comédien qui ne rechigne jamais à endosser le mauvais rôle et tout ce que ça implique (mauvaise foi, ridicule de situation, physique peu avantageux…). Il peut compter sur des complices très en forme, en tête desquels une Marion Cotillard qui prouve une nouvelle fois qu’elle peut aussi se moquer d’elle-même et de son image. Et que quand elle le fait, c’est avec un talent magistral. Elle y est exceptionnelle de drôlerie.
On a également droit à un passage particulièrement savoureux avec un Johnny proche de la sénilité.
Jusqu’à un twist majeur intervenant à une bonne demi-heure de son dénouement, Rock’n’rool est une franche réussite, à la fois iconoclaste, amusant, divertissant et en même temps pertinent dans la façon dont il aborde le temps qui passe et avec lui les peurs et angoisses qu’il charrie.
Malheureusement Canet rate son dernier quart en prenant le parti du grotesque, comme s’il n’assumait pas totalement son propos et qu’il tenait à bien faire passer le message qu’il ne s’agit que d’une fiction (et donc que bien sûr il n’a rien à voir avec le personnage qu’on a suivi pendant 90 minutes). Mais on ne lui en voudra pas, tant le culot qui anime son film apporte un vent de nouveauté et une liberté de ton trop rare dans la comédie populaire française. Déstabilisant, marrant et gonflé. Rock’n roll donc.

Synopsis : Guillaume Canet, 43 ans, est épanoui dans sa vie, il a tout pour être heureux.. Sur un tournage, une jolie comédienne de 20 ans va le stopper net dans son élan, en lui apprenant qu’il n’est pas très « Rock », qu’il ne l’a d’ailleurs jamais vraiment été, et pour l’achever, qu’il a beaucoup chuté dans la «liste» des acteurs qu’on aimerait bien se taper… Sa vie de famille avec Marion, son fils, sa maison de campagne, ses chevaux, lui donnent une image ringarde et plus vraiment sexy… Guillaume a compris qu’il y a urgence à tout changer. Et il va aller loin, très loin, sous le regard médusé et impuissant de son entourage.

LOVING – 14/20

Loving : AfficheDe Jeff Nichols
Avec Joel Edgerton, Ruth Negga

Chronique : Loving, c’est l’histoire d’un couple. Principalement et essentiellement.
Un couple discret, peu démonstratif dans l’affection mais complémentaire. Le film de Jeff Nichols est à l’image de ce couple. Sobre, délicat et élégant dans sa façon de protester.
Car Loving n’a rien du brûlot politique qu’il pourrait être. A aucun moment le propos n’est vindicatif alors qu’il aurait été facile pour les scénaristes d’offrir au spectateur quelqu’un à détester et contre qui se révolter. Loving n’est pas non plus un film de prétoire, un grand film de procès qui chercherait à créer un climax après une brillante plaidoirie à faire dresser les poils.
Non, Loving s’exprime à travers le regard doux mais décidé de Mildred et la mâchoire serrée de Richard, dans l’ordinaire d’un combat extraordinaire qui a changé la face des Etats-Unis. De par sa mise en scène fluide et subtile, Jeff Nichols rappelle qu’il est un formidable story-teller. Il trouve le rythme adéquat à son histoire notamment grâce à la musique et à une précision impeccable dans son montage.
Sans démonstration de force ni coup d’éclat militant, Loving envoie un message politique par sa simple évidence. Il est d’autant plus puissant qu’il n’appuie jamais un propos qui a forcément une résonnance tout particulière dans l’Amérique de Donald Trump.
Loving n’en est que plus essentiel.

Synopsis : Mildred et Richard Loving s’aiment et décident de se marier. Rien de plus naturel – sauf qu’il est blanc et qu’elle est noire dans l’Amérique ségrégationniste de 1958. L’État de Virginie où les Loving ont décidé de s’installer les poursuit en justice : le couple est condamné à une peine de prison, avec suspension de la sentence à condition qu’il quitte l’État. Considérant qu’il s’agit d’une violation de leurs droits civiques, Richard et Mildred portent leur affaire devant les tribunaux. Ils iront jusqu’à la Cour Suprême qui, en 1967, casse la décision de la Virginie. Désormais, l’arrêt « Loving v. Virginia » symbolise le droit de s’aimer pour tous, sans aucune distinction d’origine.

LEGO BATMAN – 11/20

Lego Batman, Le Film : AfficheDe Chris McKay

Chronique : Héritier opportuniste du formidable La Grande Aventure Lego, Lego Batman en a l’esprit, explosivité et le foisonnement visuel… jusqu’au trop plein.
Sa première partie va à 1000 à l’heure tout en capitalisant comme son aîné sur des ruptures de tons et un humour régressif très écrit, allant au bout de ses idées (il n’hésite ainsi pas à attendre avec Batman que son homard ait fini ses 2 minutes de cuisson).
Malheureusement, Lego Batman ne bénéficie plus du talent et du sens du rythme de Lord et Miller, ici uniquement producteurs, pour tenir la distance. Passé la longue introduction qui présente la double vie cachée de Batman, très réussie, le film tombe dans la surenchère, oubliant ce qui fait sa singularité, un comique de situation au cordeau et des répliques qui fusent en permanence. Il souffre alors paradoxalement des défauts du genre dont il se moque gentiment, le film de super-héros, j’entends une overdose d’action et d’effets numériques.
S’il était intéressant de cibler la pop culture à travers l’icône du justicier en ironisant sur son côté sombre et solitaire, Lego Batman multiplie les références et les clins d’yeux jusqu’à l’écœurement, perdant considérablement en cohérence.
C’est vraiment dommage, car certains passages sont d’un humour décalé assez irrésistible. Mais ces saillies drolatiques se perdent trop vite dans une bouillasse numérique hystérique pour tenir presque 2 heures sans nous perdre tout à fait.
Indépendamment de toute considération mercantile (sic) le film Lego aurait sans doute dû rester un one-shot réussi… Vœu pieux…

Synopsis : Il en rêvait depuis La Grande Aventure Lego : Batman est enfin le héros de son propre film ! Mais la situation a bien changé à Gotham – et s’il veut sauver la ville des griffes du Joker, il lui faudra arrêter de jouer au justicier masqué et découvrir le travail d’équipe ! Peut-être pourra-t-il alors se décoincer un peu…

T2 : TRAINSPOTTING – 13,50/20

T2 Trainspotting : AfficheDe Danny Boyle
Avec Ewan McGregor, Jonny Lee Miller, Ewen Bremner

Chronique : 1996 – Trainspotting sort sur les écrans et c’est un choc. Une claque qui résonne comme une révolution par son irrévérence, son culot, sa façon d’aborder la violence et la misère sociale frontalement. Un des films les plus importants que le cinéma britannique ait pondu parce que sa mise en scène hallucinée et sa bande-son instantanément culte en faisaient exploser les codes.
Avoir l’ambition de produire le même effet avec sa suite 20 ans plus tard n’aurait évidemment aucun sens. T2 : Trainspotting en est pleinement conscient, et ne cherche jamais à se mesurer à son ainé, encore moins à surenchérir.
Le film a pris 20 ans dans la tronche (même s’il a très bien vieilli), nous et la société aussi, les acteurs et leurs personnages également, autant d’éléments qu’intègre parfaitement T2, sans ironie, mais avec honnêteté et bienveillance.
Moins de violence, moins de drogue, moins de drame et de sang, mais plus d’humour et d’ironie, comme pour témoigner du temps qui passe et des passions qui s’abîment. Rent, Spud, Sick Boy Begbie sont des survivants, des quadras sans réel perspective d’avenir et qui ont perdu la rage de la jeunesse. T2 est donc parcouru d’une certaine mélancolie, mais surtout de quelques bouffées de nostalgie que la mise en scène ultra-référencée de Boyle ne manquera pas de provoquer chez les spectateurs qui se rappelleront du premier. Une mise en scène par ailleurs toujours brillante, inventive, parfois frénétique, qui joue des angles et des époques en n’hésitant pas à superposer les scènes des deux films. Important, la bande-son ne déçoit pas, ce qui n’est pas la moindre des réussites.
T2, c’est un peu comme retrouver de vieux amis qu’on avait perdus de vus, constater qu’on a tous bien changé, n’avoir plus grand choses à se dire tout en passant une bien agréable soirée, et en se rappelant le bon vieux temps le sourire aux lèvres.
Et c’est très bien.

Synopsis : D’abord, une bonne occasion s’est présentée. Puis vint la trahison.
Vingt ans plus tard, certaines choses ont changé, d’autres non.
Mark Renton revient au seul endroit qu’il ait jamais considéré comme son foyer.
Spud, Sick Boy et Begbie l’attendent.
Mais d’autres vieilles connaissances le guettent elles aussi : la tristesse, le deuil, la joie, la vengeance, la haine, l’amitié, le désir, la peur, les regrets, l’héroïne, l’autodestruction, le danger et la mort. Toutes sont là pour l’accueillir, prêtes à entrer dans la danse…

MOONLIGHT – 14/20

Moonlight : AfficheDe Barry Jenkins
Avec Alex R. Hibbert, Ashton Sanders, Trevante Rhodes

Chronique : Roman d’apprentissage et d’émancipation moderne et urbain, Moonlight s’articule autour du destin de Chiron, un jeune homme issu d’un ghetto de Miami où la drogue et la violence régissent la vie de ses habitants. Le film se découpe en trois segments équilibrés qui suivent le garçon à trois étapes de sa vie, l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.
Moonlight pourrait n’être qu’une nouveau film de gangster, pointant du doigt la fatalité qui ne manquera pas de frapper ce gamin orphelin de père, élevé par une mère droguée et recueilli par un dealer paternaliste. Vous avez dit cliché ? oui, sauf que Chiron est homosexuel. Et c’est tout sauf un cliché. Des brimades de ses camarades de classes, aux passages à tabac du lycée, Chiron doit à la fois mener un combat pour s’extirper d’un contexte social impossible et s’engager dans une douloureuse quête d’identité. Mais est-ce seulement possible ?
C’est la question que pose Barry Jenkins, sans angélisme, parfois avec un lyrisme un peu trop appuyé (notamment au niveau de la musique), mais aussi beaucoup de pudeur.
Sa mise en scène se situe au plus près de ses personnages. Il manie une caméra nerveuse qui leur tourne souvent autour comme pour exprimer l’insécurité et le trouble qui les saisissent.
Si l’écriture subtile et des dialogues juste permettent à Moonlight d’échapper à tout ridicule, la nouveauté du propos ne peut qu’interpeller son auditoire, salutairement.
Il faut également saluer la cohérence du casting, car si les 3 acteurs qui interprètent Chiron ne se ressemblent pas tant que ça physiquement, il se dégage de leur interprétation une homogénéité de jeu (et de regard) tout à fait remarquable. Il faut associer à ses compliments les très talentueux Mahershala Ali et Naomie Harris en mère junkie, tous deux parfaits.
Dans un sens, Moonlight m’a rappelé The Hours, le film de Stephen Daldry. Même s’il en est en apparence très éloigné et s’il n’en a pas la puissance émotionnelle, il traite mine de rien d’un même sentiment douloureux de passer à côté de sa vie, que ce soit à cause de la pression social, par manque de courage ou pour n’avoir pas su ou voulu regarder la vérité en face. Reste que les regards de lerus héros sont parcourus par une même indicible tristesse.

Si Moonlight n’est pas un film dont on sort ravagés par l’émotion, il résonne néanmoins longtemps dans l’inconscient, comme s’il était finalement plus puissant que l’air modeste qu’il se donne. L’avenir nous le dira sans doute.

Synopsis : Après avoir grandi dans un quartier difficile de Miami, Chiron, un jeune homme tente de trouver sa place dans le monde. Moonlight évoque son parcours, de l’enfance à l’âge adulte.

JACKIE – 12/20

Jackie : AfficheDe Pablo Larraín
Avec Natalie Portman, Peter Sarsgaard, Greta Gerwig

Chronique : Jackie est un biopic peu conventionnel, à la fois dans sa forme et son expression.
Dans sa forme, car même s’il ne couvre qu’une période courte d’une dizaine de jours, Pablo Larrain opte pour une structure narrative éclatée. D’une interview de Jackie ayant eu lieu quelques jours après l’assassinat de JFK, le récit fait des allers-retours dans le temps sur cette période ramassée, dans une logique plus émotionnelle que chronologique.
Peu conventionnel dans son expression également, car bien loin de chercher à plaire à tout prix, Jackie accepte d’être mal-aimable, parfois plombant du fait d’un contexte pesant que le réalisateur ne fait rien pour alléger, mais fascinant dans sa manière de saisir en si peu de temps la personnalité complexe de la première dame.
Au-delà de l’horreur qu’elle a vécu le 23 novembre 1963, on devine à ses réactions quel personnage Jackie Kennedy fut. Une femme toujours en contrôle, très, trop consciente de l’image qu’elle doit laisser paraitre. Si elle a perdu un mari ce jour-là à Dallas, c’est aussi tout ce à quoi ils ont travaillé, ce qu’elle a sacrifié, subi et accepté pour leur ambition commune qui lui échappe. Au-delà de la peine, du deuil, Jackie est mue par la volonté farouche de laisser une empreinte indélébile dans l’Histoire avec cet enterrement, que le mandat trop court de JFK n’aura pas rendu possible. Ces quelques jours doivent lui permettre de surmonter sa peine pour achever l’entreprise d’iconisation du couple présidentiel initiée quelques années auparavant.
Natalie Portman endosse le costume de first lady avec une aisance, une implication et une application remarquable traduisant aussi bien la douleur infinie d’une femme venant de perdre son mari, que l’ambiguïté d’une ambition envolée.
C’est donc un portrait plutôt austère et jouant très peu sur la séduction que nous offre Pablo Larrain. A défaut d’être très enthousiasmant, Jackie est une œuvre funèbre et dense, transcendée par une incarnation transcendante de son interprète principale.

Synopsis : 22 Novembre 1963 : John F. Kennedy, 35ème président des États-Unis, vient d’être assassiné à Dallas. Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tente d’en surmonter le traumatisme, décidée à mettre en lumière l’héritage politique du président et à célébrer l’homme qu’il fut.