Cinéma | LIMBO – 12/20

De Soi Cheang
Avec Ka Tung Lam, Yase Liu, Mason Lee

Chronique : Polar d’une noirceur crasse et moite, Limbo plonge son spectateur dans les bas-fonds fangeux de Hong-Kong où deux flics enquêtent sur une série de féminicides fétichistes d’une violence inouïe (le tueur collectionne les mains gauches de ses victimes).
Le film joue sur le vieux ressort du duo de flics peu assorti, le vieux briscard cabossé par la vie et le jeune loup ambitieux et idéaliste. La dynamique fonctionne à peu près même si on l’aurait aimée un peu plus développée. Le binôme navigue donc dans les ruelles insalubres de la ville, jonchées d’ordures et d’immondices. Hong-Kong ressemble sur l’écran à une décharge labyrinthique, un dédale putréfiant qui confère au film une atmosphère sale et poisseuse.
Ce décor contraste profondément avec le splendide noir et blanc dans lequel il est filmé. La photographie est d’une extrême sophistication et la mise en scène se révèle d’une beauté écrasante.
Soi Cheang produit notamment des plans saisissants de poursuites sous des pluies torrentielles. Un expressionnisme qui, associé à l’extrême violence du film, peut parfois flirter avec la complaisance. D’autant plus que le scénario est assez basique, sans grande complexité et s’avère paradoxalement un peu niais par moment. Il sert surtout de structure au déploiement de cette mise en scène foisonnante qui débouche sur un final visuellement sidérant, mais narrativement grandiloquent et émotionnellement raté. Il souffre surtout d’un non-sens difficilement explicable ni pardonnable…
On retiendra de Limbo une imposante démonstration de style qui transcende les faiblesses de son scénario.

Synopsis : A Hong-Kong, un flic vétéran et son jeune supérieur doivent faire équipe pour arrêter un tueur qui s’attaque aux femmes, laissant leur main coupée pour seule signature. Quand toutes leurs pistes s’essoufflent, ils décident d’utiliser une jeune délinquante comme appât.

Cinéma | BARBIE – 12/20

De Greta Gerwig
Avec Margot Robbie, Ryan Gosling, America Ferrera

Chronique : Malgré une promotion déversée jusqu’à la nausée, les premiers bons retours et l’ampleur du phénomène ont eu raison de mon scepticisme. A raison ? mmmhee
Barbie est un film sympathique, ni plus ni moins.
Barbieland, avec son esthétique rose bonbon et son univers pop est une indéniable réussite. La reproduction grandeur nature des jouets Barbie est visuellement accrocheuse et très amusante, tout comme les déclinaisons des différentes Barbie et des différents Ken qui y cohabitent tous en harmonie. Enfin tant que les Barbies occupent les postes à responsabilité et que les Kens restent leur faire-valoir…
Barbieland est une sorte d’utopie féministe, miroir grossissant et inversé du monde réel encore principalement régi par les principes du patriarcat.
C’est quand ces deux mondes s’affrontent que le film est le plus pertinent et intéressant. En particulier lorsque Ken découvre la patriarcat (et les chevaux) et souhaite le ramener avec lui à Barbieland
Greta Gerwig donne alors malicieusement un coup de projecteur sur des siècles de domination masculine. Le constat, bien qu’amené avec humour, est aussi clair que violent. Une impression qui sera renforcée par le discours de « l’humaine » interprétée par America Ferrara sur la difficulté pour les femmes d’exister dans un monde construit par et pour les hommes et d’y réussir sans être jugée.

Greta Gerwig jongle astucieusement entre légèreté et manifeste féministe, mais ne parvient pas à se soustraire de quelques gros défauts. Tout d’abord, les règles sur le fonctionnement de Barbieland dans le monde réel (et inversement) n’ont pas forcément de logique et si ça peut paraitre secondaire (après tout c’est un monde imaginaire), le manque de cohérence ou de réel canevas est déroutant, brouille le récit et amenuise sa portée. On est aussi un peu perplexe quand aux rôles des pontes de Mattel, la marque joue certes le jeu de l’autodérision mais sans aller trop loin non plus. Le Boy Club qui la représente est juste bon pour une bonne leçon. Et on se demande quand même si orchestrer une guerre des sexes pour savoir quel genre finira par dominer l’autre est vraiment le bon point de vue à adopter pour servir le message.
Le film est fun, bien sûr. Margot Robbie en fait comme d’habitude des tonnes, mais elle le fait très bien et cela correspond parfaitement au rôle. Ryan Gosling lui vole cependant la vedette, démontrant un extraordinaire tempo comique déjà aperçu dans Crazy Stupid Love et The Nice Guys. Les numéros musicaux sont également très entrainants et participent à donner au film un vrai côté feel good.
La dernière partie, un peu bordélique mais bon enfant confirme qu’on est loin d’être en présence du brulot féministe dont on avait pu entendre parler, mais bien d’une comédie rafraichissante et plutôt inoffensive, qui tente de rappeler avec malice monde dans lequel on vit et de dénoncer ce qu’elle est au fond elle-même, un produit marketing.
Gentiment cynique, Barbie hésite à pousser les curseurs à fond mais renonce à être vraiment transgressif pour finir par rentrer dans les clous. Mais l’intention est bonne et l’emballage est réussi.

Synopsis : A Barbie Land, vous êtes un être parfait dans un monde parfait. Sauf si vous êtes en crise existentielle, ou si vous êtes Ken.

Cinéma | OPPENHEIMER – 16/20

De Christopher Nolan
Avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon

Chronique : Oppenheimer est une œuvre ample, démesurée, bruyante et exigeante, une nouvelle démonstration que le cinéma de Nolan peut faire cohabiter grand spectacle et expérimentation formelle, divertissement et intransigeance narrative.
En faisant se répondre le destin intime du créateur de la bombe atomique et les répercussions de ses travaux sur l’ordre mondial, qu’il changera à jamais, Nolan nous offre un gros moment de cinéma, massif et exaltant.
Taiseux, le scénario est principalement construit autour d’échanges scientifiques, de confrontations et d’audiences. Mais la précision du montage et l’extrême concision de chaque scène rendent parfaitement digeste ces dialogues certes ardus, mais intelligibles.
Oppenheimer démontre surtout une nouvelle fois la virtuosité du réalisateur pour éclater son récit sans jamais nous perdre. Il mélange les temporalités avec des flash-back et des flash-forward pour mieux construire son argumentation et développer la portée dramatique de son histoire, dont la tension va aller crescendo pour emmener le spectateur vers un dénouement tendu et inattendu.
Mais Oppenheimer et aussi une expérience sensorielle assez incroyable, aussi bien visuelle que sonore. Le sound design est particulièrement impressionnant, conférant au film une dimension viscérale. La mise en scène, alternant couleur et noir & blanc, espaces clos et grands espaces, est évidemment d’une minutie d’orfèvre, d’une beauté saisissante, servant d’écrin précieux à l’histoire que Nolan nous raconte. L’histoire d’une course à l’arme de destruction ultime, du combat intérieur qui agite le cerveau du scientifique et des répercussions politoques que sa découverte va déclencher. Le spectateur pénètre littéralement l’âme complexe et torturée de Oppenheimer, incarné avec passion et un talent nucléaire par Cillian Murphy. L’intensité du regard, la gravité de la voix, tout chez l’acteur traduit le trouble du personnage et l’ambiguïté que soulève sa création : va-t-elle assurer la paix dans le monde ou entraîner sa destruction ?
L’acteur peut déjà faire un peu de place sur sa cheminée pour la statuette des Oscars.
Et il serait temps que Christopher Nolan remporte enfin la sienne. Oppenheimer ne pouvait être une plus belle occasion.

Synopsis : En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le « Projet Manhattan » destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé « le père de la bombe atomique ». C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…

Séries | PERRY MASON S02 – 16/20 | PLATONIC S01 – 13/20 | BLACK MIRROR S06 – 13/20

PERRY MASON S02 (Pass Warner) – 16/20

Perry Mason est une série qui mérite bien plus que le relatif anonymat qui entoure sa diffusion. Cette deuxième saison est aussi méticuleusement produite que la première, prenant toujours pour cadre la reconstitution splendide du Los Angeles des années 30. La mise en scène est d’une sophistication et d’une élégance qu’on voit de moins en moins sur le petit écran, si ce n’est sur HBO.
Certes, l’enquête policière et judiciaire est un peu complexe et le scénario ne ménage pas son spectateur, requérant sa totale attention, mais ça vaut absolument le coup de se laisser embarquer. Comme en saison 1, il prend le temps d’installer l’intrigue, sème des indices dont on ne comprendra l’intérêt que plus tard, mais finit toujours par retomber sur ses pieds. Les personnages, principaux comme secondaires, sont également solidement construits. Matthews Rhys est un Perry Mason parfait, abîmé mais passionné, formidablement encadré par Juliet Rylance, Shea Wigham et Chris Chalk.

PLATONIC S01 (AppleTV+) – 13/20

Série feel-good, assez inoffensive mais cool et marrante sur la crise de la quarantaine.
C’est un vrai plaisir de retrouver l’alchimie et le tempo comique du duo Byrne/Rogen après Nos Pires Voisins. Certes on voit tout arriver à des kilomètres, mais ça passe crème, on profite des excellents dialogues et des situations cocasses et décalés.


BLACK MIRROR S06 (Netflix) – 13/20

La série d’anthologie a perdu depuis longtemps la causticité et l’humour lugubre de ses années BBC. Son américanisation chez Netflix l’a un peu policée mais elle conserve une intacte capacité de surprendre et même de choquer. Plutôt que de se projeter dans l’avenir, cette saison prend le parti intéressant de regarder le présent (avec un peu d’autodérision de la part de Netflix, juste un peu) ou de revisiter le passer à travers des uchronies, des dystopies ou des faits divers, toujours par le biais fantastique. 5 épisodes plutôt consistants desquels émergent Loch Henry, pourtant l’un des moins connectés à la technologie. Les castings sont toujours très solides.

Cinéma | INDIANA JONES ET LE CADRAN DE LA DESTINÉE – 11/20

De James Mangold
Avec Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen

Chronique : Ces nouvelles aventures (qu’on n’était pas très sûr d’avoir envie de découvrir, avouons-le), commencent tambour battant, par une longue scène assez bluffante d’un Harrison Ford rajeuni de trente ans dégommant du nazi à la fin de la 2ème guerre mondiale. Une ouverture prometteuse qui nous replonge immédiatement dans l’univers de la franchise et donne l’occasion de présenter l’artefact de cet opus, le cadran de la destinée, qui permettrait d’identifier des failles temporelles.
30 ans plus tard, un professeur Jones tout juste retraité va devoir reprendre du service quand son intrépide filleule débarque chez lui à la recherche dudit cadran, fruit des recherches obsessionnelles de son défunt père, meilleur ami d’Indy. Et après ? Après, le film se poursuit en mode pilote automatique. Un bon film d’aventure, avec son lot de scènes épiques et de paysages exotiques, mais qui ne retrouve jamais la magie ou le rythme des 3 premiers. La quête archéologique n’est jamais aussi excitante et les énigmes qui en découlent jamais aussi ludique. N’est pas Spielberg qui veut. Mangold livre un divertissement d’honnête facture, cependant sa mise en scène manque un peu de personnalité pour marquer les esprits. Les scènes d’action sont bien exécutées mais banales, sans imagination ni inventivité. Mais la principale déception du Cadran de la Destinée est son manque d’humour, un acte manqué quand on sait ce que Phoebe Waller-Bridge est capable d’écrire (Fleabag, Killing Eve). Le scénario n’est lui non plus pas honteux mais n’a pas la capacité d’émerveillement de l’Arche Perdue ou de la Dernière croisade, il repose moins sur le contexte historique, est moins malin dans ses renversements de situations et ses twists, moins fluide dans sa narration qui nous conduit cahin-caha vers un final pour le moins… surprenant !
La dernière danse d’ Indy disserte joliment sur le temps qui passe entre deux bastons et une poursuite en Tuk-tuk, mais Le Cadran de la Destinée ne parvient pas tout à fait à retrouver la magie des premières aventure du Professeur Jones. Il l’accompagne néanmoins dignement vers la sortie.

Synopsis : 1969. Après avoir passé plus de dix ans à enseigner au Hunter College de New York, l’estimé docteur Jones, professeur d’archéologie, est sur le point de prendre sa retraite et de couler des jours paisibles.
Tout bascule après la visite surprise de sa filleule Helena Shaw, qui est à la recherche d’un artefact rare que son père a confié à Indy des années auparavant : le fameux cadran d’Archimède, une relique qui aurait le pouvoir de localiser les fissures temporelles. En arnaqueuse accomplie, Helena vole l’objet et quitte précipitamment le pays afin de le vendre au plus offrant. Indy n’a d’autre choix que de se lancer à sa poursuite. Il ressort son fedora et son blouson de cuir pour une dernière virée…

Cinéma | THE FLASH – 6/20

De Andy Muschietti
Avec Ezra Miller, Sasha Calle, Michael Shannon

Chronique : « Le meilleur film de super-héros de tous les temps ». Il en fallait de l’audace de la part de certains journalistes et des pontes de Warner (ou une bien grande fébrilité) pour oser une telle déclaration à quelques semaines de la sortie de leur blockbuster.
The Flash cumule tous les défauts qui détournent progressivement le public des films de super-héros. Paresse narrative, effets spéciaux bâclés, humour potache en total décalage avec les enjeux (quels enjeux ?), fan service opportuniste et contreproductif, autant de scories en elles même rédhibitoires. Alors c’est peu dire que la dernière chose dont le film avait besoin était un acteur principal violent et problématique. Ezra Miller s’est en effet plus illustré dernièrement dans les colonnes de faits-divers que sur les tapis rouges des cérémonies de récompenses. Si au moins sa double performance était convaincante (ce qui permettrait à certains de séparer la personne de l’artiste), mais elle est épuisante, le réalisateur n’opposant aucun garde-fou au cabotinage de son acteur. Toute l’attention d’un marketing outrancier s’est donc logiquement portée sur un Michael Keaton en Batman retraité, extirpé des films de Burton mais vidé du charisme qui l’habitait alors. Lui aussi se met au diapason potache du film, se demandant avec amusement ce qu’il fout là (son banquier moins). Et les autres personnages sont à l’avenant, insipides et inconséquents, se débattant au cœur d’immondes CGI criardes, et contre un scénario qui n’arrive jamais vraiment à composer avec le concept de réalités parallèles qu’il s’est lui-même imposé. Une purge.
Un constat, James Gunn a du boulot pour réinventer l’univers DC comics sur grand écran. Le casting de son Superman et (surtout) de sa Lois Lane (the Marvelous Rachel Brosnahan) donne quelques motifs d’espoir.

Synopsis : Les réalités s’affrontent dans THE FLASH lorsque Barry se sert de ses super-pouvoirs pour remonter le temps et modifier son passé. Mais ses efforts pour sauver sa famille ne sont pas sans conséquences sur l’avenir, et Barry se retrouve pris au piège d’une réalité où le général Zod est de retour, menaçant d’anéantir la planète, et où les super-héros ont disparu. À moins que Barry ne réussisse à tirer de sa retraite un Batman bien changé et à venir en aide à un Kryptonien incarcéré, qui n’est pas forcément celui qu’il recherche. Barry s’engage alors dans une terrible course contre la montre pour protéger le monde dans lequel il est et retrouver le futur qu’il connaît. Mais son sacrifice ultime suffira-t-il à sauver l’univers ?

Séries | SILO S01 – 16/20 | MES PREMIÈRES FOIS S04 – 14/2 | YELLOWJACKETS S02 – 11/20

SILO S01 (AppleTV+) – 16/20 Silo impose d’emblée une mythologie qu’on a hâte de creuser et déchiffrer. Après un premier épisode de mise en place, la série fantastique devient rapidement un thriller paranoïaque haletant et diablement efficace, d’autant plus accrocheur que les personnages sont finement construits. La réalisation et la direction artistique sont, comme toujours sur AppleTV+, irréprochables, et le casting porté par une Rebecca Ferguson intense est impeccable. Le show est largement à la hauteur de son ambition visuelle et narrative, nous laissant sur un cliffhanger plus que prometteur pour la suite. Une très belle série SF.


MES PREMIERES FOIS S04 (Netflix) – 14/20 Une des séries les plus sympathiques de Netflix, enlevée, drôle, jamais mièvre sur le quotidien d’une ado indo-américaine. Elle a le bon goût de s’arrêter avant de ne plus rien avoir à dire et c’est très bien comme ça. Son final est émouvant et réconfortant mais n’oublie pas d’être fun, à l’image de ce que Devi, ses amis et sa famille nous ont offert ces 4 saisons.


YELLOWJACKETS S02 (Canal+) – 11/20 Une deuxième saison qui tourne assez rapidement en rond. Elle tente bien de briser la monotonie ambiante à grands coups par des scènes provocatrices et choquantes mais ne parvient que trop rarement à maintenir un niveau d’intérêt constant comme en saison 1. On s’ennuie un peu pour tout dire, d’autant que la série rate le coche de la 3ème temporalité, rapidement introduite puis vite oubliée, dommage. On espère plus de tonus et de vraies avancées dans l’histoire en saison 3.