Avis : Dans une mise en scène sobre et froide parfaitement adaptée au thème de son film, Corneau semble cependant à l’étroit pour présenter cette lutte de pouvoir au plus haut d’une multinationale. Par manque de temps sans doute (Crime d’amour, du moins la première partie, fait immanquablement penser à Damages, dont le format feuilletonnant permet une approche plus fine de l’affrontement), mais aussi parce que le scénario est construit en 2 parties inégales qu’il a du mal à enchaîner. La première, la plus réussie, décrit assez justement l’univers impitoyable des grandes sociétés, et le fascinant combat pervers entre les deux femmes. Malheureusement, la suivante, reposant sur le thriller, est plus convenue et laborieuse, portée par des flash-back démodés qui souffre la comparaison avec les séries qu’on peut voir à la télévision. D’autant plus que le principal atout du film a disparu de cette deuxième partie. En effet, elle commence au meurtre de Christine, or toute la tension, la perversion et le malaise créés au début du film repose sur la performance encore une fois impeccable de Kristin Scott Thomas, parfaite en gorgone sans scrupule ni pitié, uniquement intéressée par sa propre réussite.
D’autant plus juste qu’elle n’oublie pas d’apporter les nuances qui évitent le caricature (doute t-elle vraiment, aime-t-elle vraiment? L’humiliation mesquine infligée à Isabelle après ce qu’elle pense être une trahison laisse entrevoir les faiblesses du monstre)
La deuxième partie, trop prévisible, repose donc intégralement sur le personnage de Ludivine Sagnier, qui souffre douloureusement la comparaison avec Scott Thomas dans son rôle d’ingénue naïve se transformant en Machiavel en jupon. Surjouant les situations, elle perd toute crédibilité dans l’évolution de son personnage (pas forcément aidée par les raccourcies du scénario, certes), et de l’agneau devenant loup, on ne perçoit jamais l’ambigüité enfouie, la perversité sous-jacente qui expliquerait cette transformation. Surtout, on ne sent pas ce qui est censé être au cœur du film, l’amour blessé déclencheur du crime.
Si tout n’est pas à jeter dans ce Crime d’amour, loin de là, on ressort avec un sentiment d’inachevé. Dommage. Vraiment…