SAINT LAURENT – 15/20

Saint LaurentRéalisé par Bertrand Bonello
Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier

Synopsis : 1967 – 1976. La rencontre de l’un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n’en sortira intact.

Avis : Neuf mois après la vision très scolaire et consensuelle de Jalil Lespert, sort sur nos écrans un nouveau biopic sur la vie du célèbre créateur. Il passe cette fois-ci par le prisme plus radical et audacieux de Bertrand Bonello, et surpasse son prédécesseur en tout point. L’ambition du projet prend enfin toute son ampleur. Au-delà du personnage iconique qu’est Yves Saint Laurent, c’est toute une époque et un univers que le réalisateur parvient à rendre réel et palpable. On est immergé dans les années 70, son insouciance et ses excès, à des années lumière de l’esprit documentaire, à la limite de l’hagiographie, du film de Lespert.

De superbes plans séquences particulièrement chiadés, comme chez Régine, haut lieu de la nuit parisienne à l’époque, des jeux de miroirs, quelques envolées oniriques, des splits screen bien pensés, Bonello prend clairement le parti de la fiction et de l’exigence formelle. Exigence que l’on retrouve dans la manière qu’a le réalisateur de magnifier les couleurs et les lumières, que ce soit à travers la chatoyance des costumes ou la précision des décors du film. Des couleurs vives et éclatantes qui contrastent avec l’humeur torve et sombre du héros. La musique de l’époque (et pas les plus vilains morceaux) jouée à plein volume, finit de nous projeter 40 ans en arrière.

Car une fois le cadre installé, il est temps de s’intéresser au mythe. Là aussi, impossible de ne pas comparer les deux interprètes qui l’ont incarné à quelques mois d’intervalle. Si Niney livrait une performance incroyable, son Saint Laurent apparaissait vulnérable, faible, mais séduisant et attachant. Ulliel, aidé par un scénario plus complexe, va plus loin et fouille les méandres d’un esprit génial mais clairement torturé, faisant apparaître plus clairement les démons qui hantaient le créateur. Egoïsme, autodestruction, addiction, tendance à la victimisation, ce Saint Laurent là est peu aimable. Charmeur malgré tout. Et doué, évidemment. La caméra de Bonnelo, habituée aux personnages et aux ambiances à la marge, à la limite du monstrueux, capte merveilleusement les nuances du jeu de Gaspard Ulliel, la manière dont il traduit la dichotomie du personnage, tiraillé entre l’homme et le créateur,la flamboyance et la morbidité. Il met également son amant / mentor, Pierre Bergé, en retrait, que ce soit à l’image ou dans la vie de Saint Laurent. Un pygmalion qui ne peut rien contre la passion qui dévore Saint Laurent lorsqu’il rencontre Jacques de Basher, dandy vampirique qui va profondément modifier le cours de sa vie et le pousser lentement à côtoyer la folie. On ne peut qu’apprécier le fait que Pierre Bergé n’ait pas apporter son soutien à ce projet, laissant au réalisateur une plus grande liberté pour évoquer ce destin hors du commun, avec sans doute autant d’exactitudes que de fantasmes.

Dommage que la dernière partie traîne sérieusement en longueur, Bonello se perdant dans des allers retours dans le temps superflus et confus.
Malgré ce petit écueil très pardonnable, il parvient à transcender l’exercice du biopic et livre un film où l’élégance rivalise avec la cruauté, la grandeur avec la mesquinerie, le génie avec la faiblesse humaine… Le portrait d’un homme que le talent aura isolé, que la passion aura détruit , mais qui aura sans conteste transformé la mode et l’image de la femme.

ELLE L’ADORE – 14/20

Elle l'adoreRéalisé par Jeanne Herry
Avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Pascal Demolon

Synopsis : Muriel est esthéticienne. Elle est bavarde, un peu menteuse, elle aime raconter des histoires souvent farfelues. Depuis 20 ans, Muriel estaussi la première fan du chanteur à succès Vincent Lacroix. Avec ses chansons et ses concerts, il occupe presque toute sa vie.
Lorsqu’une nuit Vincent, son idole, sonne à la porte de Muriel, sa vie bascule. Elle est entrainée dans une histoire qu’elle n’aurait pas osé inventer.

Avis : Quelle étrangeté que ce « Elle l’adore », film hybride et singulier qui tangue constamment entre thriller et comédie, sans jamais vraiment vouloir choisir son camp, mais sans pour autant perdre le fil de l’intrigue. L’exercice est périlleux, mais réussi et diablement efficace. On est tout autant entrainé par un scénario habile et ses faux semblants que séduit pas l’humour subtil qui le parcourt. Elle l’adore est une bizarrerie parce que basé sur un postulat improbable, mais que la performance de Sandrine Kiberlain et une écriture très sûre rendent parfaitement crédible. Le film « de fan » est une gageure, il est très difficile de ne pas tomber dans l’hystérie ou l’excès. Avec ce personnage de groupie mythomane, l’actrice apporte tout son sens de la réplique et son intelligence de jeu pour donner un peu de légèreté à une intrigue qui aurait pu être tout à fait pesante. Son interrogatoire est à ce titre un modèle de précision, de justesse et de drôlerie, fantasque mais sans cynisme. Si 9 mois ferme l’avait déjà consacrée comme l’une des plus réjouissantes actrices de comédie en France, Elle l’adore la couronne reine du genre. C’est d’autant plus vrai dans ce dernier film que tous les ressorts comiques reposent sur elle, en contrepoids du sérieux des autres personnages (tous parfaitement interprétés, avec une mention spéciale pour le couple de flic Pascal Demolon/Olivia Côte).
Prenant, amusant, innovant, Elle l’adore choisit de ne pas choisir entre comédie à suspense ou thriller comique et parvient un peu par miracle à trouver un équilibre étonnant. Pas impossible que ce miracle s’appelle Sandrine Kiberlain d’ailleurs…

PRIDE – 14/20

PrideRéalisé par Matthew Warchus
Avec Bill Nighy, Andrew Scott, Dominic West

Synopsis : Eté 1984 – Alors que Margaret Thatcher est au pouvoir, le Syndicat National des Mineurs vote la grève. Lors de la Gay Pride à Londres, un groupe d’activistes gay et lesbien décide de récolter de l’argent pour venir en aide aux familles des mineurs en grève. Mais l’Union Nationale des Mineurs semble embarrassée de recevoir leur aide. Le groupe d’activistes ne se décourage pas. Après avoir repéré un village minier au fin fond du pays de Galles, ils embarquent à bord d’un minibus pour aller remettre l’argent aux ouvriers en mains propres. Ainsi débute l’histoire extraordinaire de deux communautés que tout oppose qui s’unissent pour défendre la même cause.

Avis : L’alliance de deux mondes que tout oppose pour mener un combat commun est un excellent point de départ pour une comédie. Pride en est la parfaite illustration. En relatant cette étonnante histoire de solidarité dépassant les clivages et les préjugés, le film de Matthew Warchus s’inscrit dans la lignée des comédies sociales britanniques comme Full Monty ou Good Morning England qui ne sacrifient jamais le fond à la forme. Pride peut-être encore moins que les autres. Car s’il est entraînant, très drôle et même souvent émouvant, le contexte politique et social dans lequel il se déroule fait qu’il ne se départit jamais d’une certaine gravité. La politique traumatisante de Thatcher à l’encontre des classes ouvrières et des mineurs en particulier et l’apparition du sida dans la communauté homosexuelle au début des années 80 pèsent fortement sur le ton général du film. La formidable vitalité et l’énergie galvanisante qui le parcourent s’expriment clairement en réaction à la violence inouïe qui pèse sur les deux communautés. L’humour et le rire apparaissent alors comme un moyen de défier la fatalité et dédramatiser les situations les plus brutales.
Pride est un film résolument positif, définitivement attachant, et ses personnages forcent l’admiration. Certes, certains n’échappent pas aux clichés, mais peu importe, on est emportés par leur fougue et leur détermination. Comme toujours dans le cinéma anglais, les acteurs sont irréprochables, des révélations Georges Mackay et Ben Schnetzer à la géniale Imelda Staunton. Pour les amateurs de séries TV, on découvre avec amusement le couple que forment le McNulty de The Wire (Dominic West) et le Moriarty de Sherlock (Andrew Scott). Et on ne boude par notre plaisir coupable à écouter la playlist so eighties qui les accompagne…
Feel good movie pre-automnal idéal, Pride galvanise et réchauffe le cœur sans jamais nier la noirceur de son propos. Et en nous présentant l’épatant combat qu’ont livré les homos et les mineurs au début des années 80, il nous renvoie forcément un peu aussi à la question de nos propres luttes actuelles. Avec humour et légèreté certes, mais aussi conscience et pertinence.

WINTER SLEEP – 16,5/20

Winter SleepRéalisé par Nuri Bilge Ceylan
Avec Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbağ

Synopsis : Aydin, comédien à la retraite, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge mais aussi le théâtre de leurs déchirements…

Avis : Les deux qualitatifs qui reviennent le plus fréquemment au sujet de la Palme d’or 2014 sont beau et long. Alors ?
Alors oui, Winter Sleep est la plupart du temps d’une beauté sidérante. Et non, il n’était sans doute pas nécessaire de faire durer le plaisir 3h16.
Mais le film de Nuri Bilge Ceylan est évidemment bien plus que cela. Outre l’esthétisme racé qu’impose le réalisateur turc, aussi bien à travers de superbes plans capturant l’Anatolie dans toute sa majestuosité, que lors de scènes en intérieur magnifiquement éclairées, Winter Sleep fascine surtout pas ses longs dialogues captivants, d’une violence et d’une cruauté souvent terribles. Une scène de près d’une demi-heure entre Aydin et sa sœur en est la parfaite illustration. Dans la pénombre d’un bureau, la discussion au départ anodine vire en règlement de compte, passionnant, d’une précision et d’une acuité imparable, si bien qu’il est impossible de décrocher de cet affrontement ouaté et acerbe. Tout le film est à l’avenant. Sans dire qu’on ne voit pas les 3h16 passer, on se laisse rapidement happer par cette le quotidien de Aydin et de ceux qui l’entourent pour ne plus en sortir qu’au générique de fin.
On découvre le caractère de l’homme par petites touches, surtout par le prisme de sa sœur et de sa femme qui vivent avec lui dans son hôtel. Alors qu’il semble en apparence généreux et altruiste, il se révèle cynique et manipulateur, étouffant, usant de son érudition pour se faire donneur de leçon et rabaisser les autres. La relation qu’il entretien avec sa jeune épouse est à ce titre éclairante, fascinante et bouleversante.
La qualité d’interprétation est à ce titre impressionnante de justesse et de retenue. Les acteurs donnent littéralement vie à ses dialogues brûlants, incarnant royalement ce conte crépusculaire.
L’évidence d’une Palme d’Or.

UN HOMME TRES RECHERCHE – 13/20

Un Homme très recherchéRéalisé par Anton Corbijn
Avec Philip Seymour Hoffman, Rachel McAdams

Synopsis : Plus de dix ans après les attentats du 11 Septembre 2001, la ville de Hambourg a du mal à se remettre d’avoir abrité une importante cellule terroriste à l’origine des attaques contre le World Trade Center. Lorsqu’un immigré d’origine russo-tchétchène, ayant subi de terribles sévices, débarque dans la communauté musulmane de Hambourg pour récupérer la fortune mal acquise de son père, les services secrets allemands et américains sont en alerte. Une course contre la montre s’engage alors pour identifier cet homme très recherché : s’agit-il d’une victime ou d’un extrémiste aux intentions destructrices ?

Avis : Thriller d’espionnage anti-spectaculaire mais passionnant (comme quoi), Un homme très recherché offre une lecture brute et assez décourageante des enjeux de la lutte anti-terroriste 10 ans après les attentats du 11 septembre qui ont profondément bouleversés les enjeux géopolitiques. L’action se déroule à Hambourg, un cadre peu attrayant, un environnement triste et sombre, mais que Corbijn parvient à rendre très cinématographique grâce à une photographie chaude et un grain saturé qui sied parfaitement à l’inconfort dans lequel s’agitent les différents personnages.
Trahisons, jeux de dupes, pressions, le réalisateur se sert du matériel complexe du roman de LeCarré pour livrer un récit finalement assez lisible, efficace, sans esbroufe et surtout couvert d’ambiguïté et dépourvu de manichéisme. Il a le souci de ne pas se livrer au sensationnel, préserve son spectateur de tout twist improbable pour le plonger dans un thriller à hauteur d’homme, haletant mais toujours crédible, qui s’achève dans un final captivant et déchirant. La figure chancelante et massive de Philip Seymour Hoffman, son charisme rêche parcourent Un homme très recherché qui restera profondément marqué par sa présence monstrueuse, dans tous les sens du terme. Il domine une distribution remarquable, qui traduit admirablement les dilemmes des acteurs du drame et rend audible la complexité et les luttes d’influence du combat anti-terroriste sur la scène internationale (quel excellent choix que Robin Wright en émissaire US).
Un homme très recherché, précis, intelligent, dense, humain et mélancolique, au délà du fait d’être un très bon film d’espionnage, est à l’image de sa figure principale, et fait prendre conscience, s’il était besoin, de l’acteur immense qui s’en est allé.

HIPPOCRATE – 13,5/20

HippocrateRéalisé par Thomas Lilti
Avec Vincent Lacoste, Reda Kateb

Synopsis : Benjamin va devenir un grand médecin, il en est certain. Mais pour son premier stage d’interne dans le service de son père, rien ne se passe comme prévu. La pratique se révèle plus rude que la théorie. La responsabilité est écrasante, son père est aux abonnés absents et son co-interne, Abdel, est un médecin étranger plus expérimenté que lui. Benjamin va se confronter brutalement à ses limites, à ses peurs, celles de ses patients, des familles, des médecins, et du personnel. Son initiation commence.

Avis : Thomas Lilti, atypique médecin-réalisateur, offre pour son deuxième long une plongée qu’on devine très réaliste dans le milieu hospitalier. Sur un sujet sensible, il parvient à convaincre en cernant parfaitement les enjeux et en évitant toute digression superflue. Si Hippocrate reste une fiction, il va droit au but et aborde les problèmes de face, pose les bonnes questions, interroge à juste titre. A travers ses deux protagonistes principaux, il dresse un tableau assez alarmant de la situation des hôpitaux (manque de moyens, de personnel, pression administrative), tout en ayant à cœur de raconter une histoire. Celle de Benjamin et Abdel, l’un jeune novice dont les idéaux vont vite voler en éclats face à la réalité du quotidien, l’autre médecin algérien obligé d’endosser le statut d’interne pour pouvoir travailler en France. Deux personnages forts, miroir des difficultés croissantes du secteur, deux caractères qui s’affrontent, s’encouragent, se réconfortent. Portés par deux formidables acteurs, le faussement désinvolte (mais génial) Vincent Lacoste, et le très concerné Reda Kateb, ils confèrent à Hippocrate une indéniable dimension humaine. Ils sont entourés de comédiens tous très justes, même dans les scènes les plus violentes, apportant une épatante authenticité au projet (si on exclu les 10 dernières minutes, assez ratées, mais qui n’affectent pas le rendu global). Sur la forme, si la caméra à l’épaule n’était pas forcément nécessaire pour traduire l’urgence, Lilti fait preuve d’une belle maitrise lorsqu’il filme ses acteurs, jouant d’un montage vif et nerveux et soutenu par des bien jolies chansons.
Hippocrate sensibilise donc intelligemment sur la crise de l’hôpital dans notre pays, tout en n’oubliant pas d’être une fiction très recommandable emmenée par d’excellents acteurs.

22 JUMP STREET – 14/20

22 Jump StreetRéalisé par Phil Lord, Christopher Miller
Avec Channing Tatum, Jonah Hill, Peter Stormare

Synopsis : Les deux policiers Schmidt et Jenko, après être retournés au lycée pour mettre à découvert un nouveau réseau de trafiquants, retournent cette fois-ci à la fac pour démanteler un trafic de drogues.

Avis : En prenant le parti d’assumer (et même de revendiquer) le principe et les codes du sequel, Phil Lord et Christopher Miler s’autorisent à s’en amuser et jouent habilement d’un second degré assez irrésistible. Une suite, c’est deux fois plus (de budget, de cachets, d’explosion) pour deux fois moins (d’idées, de recettes) ? Le scénario prend clairement cet angle pour se démarquer avec ironie de son prédécesseur et appuie assez ostensiblement sur les stratégies opportunistes (et rarement payantes) des studios pour rentabiliser leurs licences. Conséquence ? 22 Jump Street évite la plupart des pièges de la suite produite en hâte pour surfer sur un succès surprise. Si la trame est identique, 22 échappe au sentiment de redite grâce à une intrigue resserrée et plus efficace, un montage plus concis, et une écriture d’une drôlerie imparable.
Le duo étant cette fois-ci infiltré à l’Université, le récit joue sur l’imagerie des fraternités, très porteuse, mais ne s’y éternise. Elle va droit au but. L’enquête tient la route, mais c’est bel et bien le couple Jenko/Schmidt y qui occupe tout l’espace.
Si le premier opus ne se cachait pas pour donner une dimension crypto-gay à la relation entre les deux flics, sa suite en fait clairement le principal moteur comique du film. Ça pourrait être pesant, mais ça fonctionne divinement bien, essentiellement grâce à l’énergie de Channing Tatum et Jonah Hill, leur complicité et à l’autodérision dont ils font preuve. L’alchimie entre les deux acteurs est flagrante et électrise l’écran. Ils prennent un plaisir évident (et communicatif) à développer la bromance ultime, passant au crible tout le champ lexical de la relation amoureuse. Savoureux et pas si prévisible que ça, 22 Jump Street est avant tout une remarquable comédie d’action, à l’humour certes régressif, mais terriblement efficace, confirmant au passage l’audace et le sens du rythme de Lord et Miler, déjà coupable de 21 et du formidable Lego, Le film. Leur capacité à marier nostalgie et modernité leur confère un style bien à eux et particulièrement réjouissant

22 Jump Street et son épatant duo ne se prend jamais au sérieux, mais le fait drôlement bien.
Something Cool… définitivement.

PARTY GIRL – 12,5

Party GirlRéalisé par Marie Amachoukeli, Claire Burger, Samuel Theis
Avec Angélique Litzenburger, Joseph Bour, Mario Theis

Synopsis : Angélique a soixante ans. Elle aime encore la fête, elle aime encore les hommes. La nuit, pour gagner sa vie, elle les fait boire dans un cabaret à la frontière allemande. Avec le temps, les clients se font plus rares. Mais Michel, son habitué, est toujours amoureux d’elle. Un jour, il lui propose de l’épouser.

Avis : Premier film étrange que ce Party Girl, regard à la fois tendre et critique d’un fils sur une mère hors norme, furieusement indépendante et égocentrique. Samuel Theis et ses deux co-réalisatrices naviguent entre fiction et documentaire pour dresser un portait certainement impudique mais courageux d’Angélique, qui joue son propre rôle, conférant au film une ambiguïté qui aurait pu virer au voyeurisme. Mais leur mise en scène à la fois naturaliste et travaillée (la BO est de très bon goût) évite l’écueil en proposant en fond la peinture d’une région populaire qu’on voit plus souvent dans les émissions de télévision vérité qu’au cinéma.
Theis la filme avec le recul que son exil parisien autorise. Son apparition à l’écran marque une claire démarcation avec le reste de sa famille, lui le citadin, le parisien. C’est sans doute la limite du film. Le projet n’est possible que parce qu’il s’est éloigné des siens et de ses origines populaires depuis suffisamment longtemps pour l’envisager avec distance et porter sur sa mère une regard bienveillant, presque paternel, sans pour autant gommer ses aspérités et ses mauvais côtés. Le portait, entre misère (affective, matérielle), et soif de vivre, est inégal mais vise clairement l’empathie, et on devine une sincère affection du fils envers sa mère, mêlée d’une sorte d’incompréhension et de détachement. Angélique prend toute la place, son besoin permanent de liberté biaise toutes ses décisions, la prive de toute lucidité. Même si elle souhaiterait bien faire les choses, elle en est incapable, n’ayant jamais appris à réellement penser à autre chose qu’à son bon plaisir. Party Girl ne la condamne pas, met au contraire en avant sa bonne volonté, mais révèle surtout une immaturité flagrante, comme lorsqu’elle confie à son fils son rêve de l’accompagner à Paris.
Party Girl n’échappe pas à des moments mièvres à la limite de la condescendance, mais offres des scènes empruntes d’une vrai sincérité et d’une émotion authentique
Atypique, mélange bancal de réel et de fiction, Party Girl porte en lui une originalité qui lui est propre, avec ses fulgurances et ses maladresses. Mais s’avère profondément touchant.