Cinéma | SHE SAID – 14/20

De Maria Schrader
Avec Carey Mulligan, Zoe Kazan, Patricia Clarkson

Chronique : Film d’investigation de facture classique mais remarquablement exécuté et minutieusement documenté, She Said s’empare de l’enquête derrière l’article à l’origine du mouvement #metoo qui s’attaqua aux comportements brutaux et abusifs de Harvey Weistein et plus généralement à l’omerta d’Hollywood sur les violences sexistes.
Dans une mise en scène sobre, évitant tout sensationnalisme, Maria Shrader déroule pas à pas les avancées des journalistes du New York Times, Megan Twohey et Jodi Kantor dans leur enquête. Coups de fils, rendez-vous clandestins, email, visite en personne à l’autre bout du monde… Elle décortique les mécanismes qui vont progressivement libérer la parole des victimes, et les amener à dépasser la peur et leurs traumas. Mais c’est surtout le nombre qui va inciter les victimes à parler. S’il y a peu de témoignages, ils sont puissants, à l’image de celui livré par Zelda Perkins (joué par Samantha Morton), dont l’apparition est brève mais saisissante. Les faits eux-mêmes sont suggérés par de fugaces flash-backs. Une chambre d’hôtel mal rangée, une jeune femme en larmes dans un couloir, une autre qui court dépareillée en sanglot dans la rue… Autant d’instantanés chocs qui rappellent la violence et la répétition des faits que tentent de divulguer les journalistes. L’émotion des victimes est déchirante mais contrebalancée par la rigueur professionnelle de la rédaction du NY Times, la nécessité de vérifier et valider les sources, de dépassionner l’enquête malgré la rage provoquée par les témoignages, de résister aux pressions financières et politiques, et d’offrir un nécessaire droit de réponse. En un mot, respecter une éthique journalistique sans faille, ce que le film de Maria Shrader traduit parfaitement bien. Et cela n’empêche ni le suspense, ni l’incarnation. L’interprétation est d’ailleurs irréprochable, en particulier de la part du duo Carey Mulligan / Zoe Kazan qui rendent à l’écran tout l’investissement et l’abnégation des journalistes, qui doivent conjuguer une vie professionnelle qui les expose avec leur vie de famille.
She Said n’est pas Spotlight, il n’en a pas la force et la complexité, mais c’est un solide film d’investigation qui, au-delà du sujet qu’il traite et des faits qu’il dénonce, rend autant hommage à la résilience des victimes qu’au travail des journalistes, la noblesse et la nécessité de leur démarche.

Synopsis : Deux journalistes du New York Times, Megan Twohey et Jodi Kantor, ont de concert mis en lumière un des scandales les plus importants de leur génération. À l’origine du mouvement #Metoo leur investigation a brisé des décennies de silence autour du problème des agressions sexuelles dans le milieu du cinéma hollywoodien, changeant à jamais la société américaine et le monde de la culture.

Séries | THE CROWN S05 – 15/20 | THE MIDNIGHT CLUB S01 – 13/20 | AMERICAN HOROR STORY S11 – 11/20

Chroniques :

THE CROWN S05 (Netflix) – 15/20

La série royale de Netflix évolue chaque saison en même temps qu’elle saute des décennies. La dimension historique cède forcément un peu de terrain au sensationnel, d’autant que son public est de plus en plus nombreux à avoir vécu ce qui est raconté à l’écran et s’est forcément forgé sa propre opinion. The Crown s’identifie de plus en plus clairement comme un soap, et assume enfin la fictionnalisation de la vie de la famille royale.
Cette décennie, les années 90, est évidement principalement marquée par la séparation et les frasques de Charles et Diana, matériel éminemment croustillant et romanesque. Mais la série s’en écarte fréquemment pour revenir aux marqueurs politiques de l’époque et offrir quelques digressions toujours fascinantes, comme l’épisode consacré au valet de Mohamed Al-Fayed.
En outre sa production value reste inégalable, on s’émerveille de ses décors et de ses costumes somptueux, la reconstitution est toujours aussi rigoureuse et la mise en scène d’une grande élégance. Bref, The Crown brille toujours autant, portée par une interprétation stellaire. Sur ce dernier point, Dominic West fait sans doute un Charles un peu trop charismatique, mais Imelda Staunton incarne parfaitement l’autorité pincée d’une reine un peu dépassée par l’évolution de la société et les désordres au sein de sa propre famille. Mais c’est surtout Elizabeth Debicki qui impressionne en Lady Di. Le mimétisme vocal et corporel est fascinant, perturbant même parfois. Elle rend la Princesse de Galles terriblement humaine, fragile et déterminée. Une masterclass es-biopic.
A une saison de la fin de la série, The Crown reste l’un des plus beaux joyaux dans la vitrine Netflix.

THE MIDNIGHT CLUB (Netflix) – 13/20

Mike Flanagan a toujours abordé les relations interpersonnelles dans ses séries via le prisme de l’horreur, que ce soit au sein d’une famille ou d’un village isolé. Ou plutôt l’inverse, le genre horrifique lui sert de média métaphorique pour étudier les dynamiques de groupe. Pour Midnight Club, il s’intéresse à des ados atteints de maladies incurables qui viennent passer leurs derniers mois dans un centre de soins palliatifs, un lieu renfermant ses propres secrets. Ils se retrouvent tous les soirs dans la bibliothèque et raconte à tour de rôle une histoire effrayante pour conjurer le sort. Comme pour Hill House, Bly Manor ou Sermons de minuit, l’esthétique horrifique est très sûre, la réalisation léchée et propice à susciter la peur. La série est cependant moins forte que ses prédécesseurs, émotionnellement et narrativement, va moins loin dans les traumas de chacun. Les histoires inventées par les adolescents, inégales, nous détournent de l’intrigue principale même si elles aident à mieux les connaitre, chacun mettant un peu de lui dans son récit. Elle reste néanmoins une belle ode à l’amitié et une réflexion sur le temps compté. Mais contrairement aux autres séries de Flanagan, Midnight Club ne ferme pas la boucle à la fin de la série, ce qui est frustrant et explique aussi pourquoi on s’attarde tant sur les fables des ados.
Si elle reste une belle ode à l’amitié et une réflexion sur le temps compté, Midnight Club est une série mineure pour Flanagan.


AMERICAN HOROR STORY S11 (Canal) – 11/20

La série d’horreur anthologique revient pour une onzième (!) saison. Sulfureuse, ultra-violente et queer as hell, elle fait graviter ses personnages dans le milieu gay underground des années 80 à New York. Bars clandestins, saunas, Fire Island, la série embrasse tous les codes d’une communauté encore largement ostracisée et y introduit deux tueurs en séries qui vont la décimer. Une parabole, évidemment, pour raconter l’arrivée du sida.
La métaphore est intéressante et fonctionne bien par elle-même, on se demande donc pourquoi Ryan Murphy a voulu la doubler avec un arc narratif sur un virus bien réel, comme s’il pensait son spectateur incapable de la comprendre. En tentant maladroitement de faire se croiser les deux récits (le serial killer et le virus) pour qu’ils finissent par se recouper, il nous perd plus qu’autre chose et peine à faire passer son message, comme s’il était lui-même embarrassé par ce qu’il a construit.
L’esthétique est comme d’habitude irréprochable (dans la violence comme dans l’onirisme de ses derniers épisodes qui tendent vers Angels in America sans s’en approcher ne serait-ce qu’un peu), la bande-son est parfaite, mais on ne peut pas en dire autant de l’interprétation, au mieux inégal, au pire plombé par des erreurs de casting (le surjeu du journaliste Gino est franchement malaisant)
Au final une saison ambitieuse (peut-être trop) mais trop bordélique pour figurer parmi les plus réussies de AHS.

Cinéma | TROIS NUITS PAR SEMAINE – 13/20

De Florent Gouëlou
Avec Pablo Pauly, Romain Eck, Hafsia Herzi

Chronique : C’est une histoire de confusion des genres, une histoire vieille comme la littérature que nous raconte Trois Nuits par Semaine, mais que Florent Gouëlou traite avec style et modernité. Baptiste découvre le monde du drag lors d’un reportage photo censé documenter le travail de sa petite amie infirmière et tombe amoureux de Cookie, alias Quentin (sans maquillage ni faux cils). Il va devoir confronter son ordinaire à la complexité de ses sentiments pour ce garçon en talons hauts.
La romance n’est pas la partie la plus réussie du film. Elle est globalement attendue, un peu superficielle dans son écriture, et on y aurait volontiers ajouté un peu de folie. Les quelques longueurs du film, qui aurait mérité d’être plus condensé, viennent de là.
En revanche, l’immersion dans le milieu drag est une franche réussite. La mise en scène est sophistiquée et joue admirablement bien avec les lumières artificielles et la flamboyance des Queens, elle rend justice à leur art. Les scènes de fête, de performances, sont ainsi particulièrement bien rendues et le réalisateur joue parfaitement du contraste avec le quotidien diurne, forcément plus fade. Une belle maîtrise formelle pour un premier film, accompagné d’une très efficace direction d’acteurs, les interprètes brillant dans la nuance et l’émotion, Pablo Pauly en tête. Romain Eck endosse les tenues extravagantes de la charismatique Cookie, qu’il a crée dans la vraie vie, et joue sans maquillage son alter ego Quentin. Cela brouille un peu plus la limite entre fiction et réalité. Car Trois Nuits par Semaine a aussi une portée quasi documentaire. Il suit une Queen en pleine ascension sur la scène Drag (comme la vraie Cookie) et saisit quelque chose qui change dans la société. Si la haine et la peur menacent toujours, les regards évoluent et elles sont en train de troquer leur statut de créatures de la nuit pour celui d’artistes (que le phénomène Drag Race ne fait qu’accentuer).
Mais le film reste avant tout un comédie romantique atypique, avec ses défauts et ses maladresses mais aussi un message de tolérance et d’acceptation de soi pas si banal dans un cinéma mainstream. Une solide entrée en matière pour le néo-réalisateur.

Synopsis : Baptiste, 29 ans, est en couple avec Samia, quand il fait la rencontre de Cookie Kunty, une jeune drag queen de la nuit parisienne. Poussé par l’idée d’un projet photo avec elle, il s’immerge dans un univers dont il ignore tout, et découvre Quentin, le jeune homme derrière la drag queen.

Cinéma | LE LYCÉEN – 14/20

De Christophe Honoré
Avec Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste

Chronique : Le Lycéen est un beau film, fort et intime sur le deuil et la famille.
Un ado témoigne face caméra à la suite de la mort soudaine et brutale de son père.
La voix douce, posée et un peu heurtée du jeune Lucas, (Paul Kircher, charisme immédiatement évident, de faux airs d’un jeune Biolay) va nous accompagner en fil rouge. Elle évoque son désarroi, le vide irrationnel et la perte de sens. Elle narre son errance, ses excès et ses provocations. Elle raconte sa fuite sans vraiment l’expliquer.
La caméra d’Honoré illustre son récit, brusque, intrusive, forcément personnelle, le réalisateur dissimulant son propre vécu dans le drame fictionnel qui frappe Lucas. Sa mise en scène est brute, elle s’approche au plus près des corps, frôle les visages, prend parfois du recul pour laisser le temp passer. Christophe Honoré ne fait pas dans la joliesse mais dans l’émotion pure, cherchant une vérité qu’il atteint souvent, en particulier quand il explore la relation entre Lucas et son frère aîné (Vincent Lacoste, boule d’humanité) traitée dans toute sa complexité, entre amour, distance et incompréhensions, ou lorsqu’il capte le regard réconfortant d’une mère qui tente comme elle peut de ne pas sombrer (Binoche, criante de vérité comme toujours). Paradoxalement, même s’il s’appuie sur des dialogues très écrits dont certains frappent par leur poésie et leur pertinence, il parvient à rester dans le naturel et éviter l’artificialité. Ce qui explique qu’au cœur du drame émergent de très beaux moments de vie que l’utilisation parcimonieuse (une fois n’est pas coutume) mais toujours à bon escient de l’excellente bande-son renforce.
Le Lycéen pourrait paraître pesant, il l’est parfois, mais trouve toujours dans les yeux de ses acteurs une petite flamme qui redonne espoir.

Synopsis : Lucas a 17 ans quand soudain son adolescence vole en éclats. Avec l’aide de son frère, monté à Paris, et de sa mère, avec qui il vit désormais seul, il va devoir lutter pour apprendre à espérer et aimer de nouveau.

Cinéma | COULEURS DE L’INCENDIE – 13/20

De Clovis Cornillac
Avec Léa Drucker, Benoît Poelvoorde, Alice Isaaz

Chronique : Adaptation du très cinématographique roman de Pierre Lemaitre et suite assez lointaine de Au revoir La Haut, Couleur de l’Incendie ne surprend pas particulièrement par son audace formelle ni l’inventivité de sa mise en scène. Le film de Clovis Cornillac n’en demeure pas moins une très solide adaptation, fidèle et soignée, qui sans élever le (très bon) matériau original ne le trahit pas et lui rend justice.
L’intrigue est efficacement retranscrite sur grand écran, permettant au réalisateur de brosser un beau portrait de femme et le récit d’une émancipation nourrie par un impérieux esprit de revanche. Léa Drucker prend la suite de Emilie Duquenne dans le rôle de Madeleine Péricourt, elle lui apporte un joli classicisme et une farouche détermination. Elle est très convaincante mais c’est surtout Poolevorde, en salaud pathétique qui emporte le morceau.
Cornillac a peut-être moins de talent que Dupontel derrière la caméra, mais il a du cœur et sans doute moins d’ego (il a le bon goût de se donner un rôle qui lui convient). Son film est certes académique, mais à dessein, et il lui donne le souffle d’un cinéma populaire qu’il défend ardemment. Couleur de l’Incendie est au final aussi palpitant que le roman dont il est adapté, et c’est une réussite en soit.

Synopsis : Février 1927. Après le décès de Marcel Péricourt, sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière. Mais elle a un fils, Paul, qui d’un geste inattendu et tragique va la placer sur le chemin de la ruine et du déclassement. Face à l’adversité des hommes, à la corruption de son milieu et à l’ambition de son entourage, Madeleine devra mettre tout en œuvre pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d’autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l’incendie qui va ravager l’Europe.

Cinéma | ARMAGEDDON TIME – 12/20

De James Gray
Avec Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta

Chronique : Immense réalisateur souvent incompris (que ce soit à Cannes ou aux Oscars), James Gray a toujours insufflé à ses œuvres une dimension personnelle qu’il camoufle derrière du cinéma de genre. Il s’est ainsi confronté aux films de gangster et de mafieux (The Yards, La Nuit nous appartient), aux fresques historiques (The Immigrant), aux films d’aventure (The Lost City of Z) ou encore à la SF (Ad Astra). Mais à chaque fois la famille, et en particulier la figure paternelle, est au cœur du récit.
Armageddon Time est cette fois-ci plus frontalement autobiographique. Coming of age story mélancolique, le film raconte au début des années 80 la perte d’innocence du jeune Paul, garçon issu d’une famille juive du Queens, un peu rêveur et aspirant à un destin artistique. Il va se heurter aux incompréhensions de sa famille et de ses enseignants. C’est surtout vrai à la maison, où ses parents ont un mal fou à communiquer avec lui et mêlent les mots aux larmes et aux coups. Seul son grand-père semble le comprendre et lui apporter des perspectives moins sombres. Cette relation, touchante et réconfortante, est le nœud émotionnel du film qui sert de fil rouge à l’entrée de Paul dans le monde adulte.
Un monde dur et abrupte qu’il va appréhender d’une part à travers son amitié avec un jeune garçon noir et d’autre part à travers ses échecs scolaires, qui conduiront ses parents à le passer du public au privé. C’est l’année de l’arrivée de Reagan au pouvoir et du tournant néo-libéral pris par les Etats-Unis, avec comme symbole dans Armaggedon Time, la famille Trump mécène de la nouvelle école de Paul.
Entre déterminisme social et racisme systémique, le jeune homme découvre la rudesse de la société dans laquelle il va devoir évoluer tout en constatant la trahison des idéaux de justice de son pays.
Les acteurs, le jeune Banks Repeta en tête, sont excellents, vraiment. Ils jouent tous une partition d’une grande justesse que la mise en scène très travaillée et la photographie incomparable de Darius Khondji relèvent magnifiquement.
Mais malgré toutes ses qualités formelles et la précision de sa reconstitution, et contrairement à ses précédents films, je n’ai pas été touché par l’histoire et suis resté assez largement en dehors de l’émotion. Peut-être la pudeur apportée à ce récit plus directement autobiographique ? C’est possible, toujours est-il que je suis visiblement passé un peu à côté.

Synopsis : L’histoire très personnelle du passage à l’âge adulte d’un garçon du Queens dans les années 80, de la force de la famille et de la quête générationnelle du rêve américain.

Séries | L’OPÉRA S02 – 16/20 | THE HANDMAID’S TALE S05 – 15/20 | THE BEAR S01 – 15/20

L’OPÉRA S02 (OCS) – 16/20

Cette saison 2 confirme la réussite de la précédente et la surpasse. C’est toujours aussi beau et gracieux sur scène, passionnant en coulisses.
Les personnages maintenant bien installés, la série peut aller plus loin dans les arcs narratifs, les interactions entre eux et les manœuvres politiques qui se fomentent dans les couloirs.
Symbole de l’excellence de l’écriture de L’Opéra, la nouvelle maîtresse de ballet incarnée par Anne Alvaro (fabuleuse), ancienne étoile devenue chorégraphe, échappe à toute caricature, malgré un personnage excessif, castrateur et manipulateur. L’apparente douceur de l’actrice apporte au personnage autant de complexité, de contradiction que de crédibilité. On aime toujours détester un personnage dans une série, et celui-là… Elle est indéniablement la valeur ajoutée de cette saison et la fait passer dans une autre dimension. On en veut encore.

THE HANDMAID’S TALE S05 (OCS)- 15/20

Toujours aussi puissante et passionnante, la série se concentre quasi exclusivement sur l’affrontement June/Serena. Gilead reste omniprésent, mais son effrayante petite musique s’élève d’un peu plus loin, alors que le régime tente de s’acheter une fréquentabilité. La dystopie portée par Handsmaid’s Tale résonne fort, très fort, alors que les droits des femmes et des minorités sont de plus en plus menacés, en particulier dans l’Amérique trumpiste.
June tente de poursuivre son combat au milieu de cet échiquier politique mouvant où les puissants d’hier ne sont plus forcément ceux d’aujourd’hui. Devant l’injustice et l’horreur du totalitarisme, les aiguilles morales s’affolent de plus en plus. Le tout toujours accompagné d’une mise en scène toujours aussi sophistiquée et d’une musique surpuissante.
Et le dernier plan est…. prometteur pour la suite (et fin)!

THE BEAR S01 (Disney+) – 15/20

Une histoire New-yorkaise, réalisé comme un film indé, entre classes populaires et mafias locales, mais dont le cœur est The Beef, ce petit resto de sandwich dont le proprio vient de mourir et dont le frère, chef de renom, a récupéré l’exploitation… . et les emmerdes qui vont avec.
Ça va à 100 à l’heure, ça crie, ça vocifère, ça hurle du «  »chef » » à tout va, mais ce rythme effréné, parfois épuisant, n’empêche pas une écriture remarquable des personnages, dévoilant progressivement leurs failles et exposant les enjeux. L’effervescence dans les cuisines est plus vraie que nature, preuve est faite dans cet incroyable épisode 7 en plan séquence, suffoquant, soutenu par une musique rock étourdissante alors que tout va de travers. Et The Bear donne faim!

Cinéma | CLOSE – 14/20

De Lukas Dhont
Avec Eden Dambrine, Gustav De Waele, Emilie Dequenne

Chronique : Drame d’une grande délicatesse, Close raconte l’amitié entre deux jeunes garçons, une amitié forte donc suspecte, mise à mal par les injonctions à la « normalité » de la cour du collège, les brimades et les moqueries. Avec une formidable authenticité, Lukas Dhont raconte comment le harcèlement et les insinuations, même légers, conduisent Léo et Rémi à modifier leur comportement pour in fine s’éloigner l’un de l’autre. Le réalisateur saisit cruellement, par les silences et les regards, l’insécurité que des gamins de cet âge-là peuvent ressentir lorsqu’ils dénotent du reste de leur classe. Cela fait de Close une œuvre intime et sans doute très personnelle.
Sa mise en scène, toujours très proche de ses personnages et de leurs sentiments, baigne dans une belle lumière d’été, mettant en valeur ses extérieurs bucoliques et en particulier les très beaux champs de fleurs que cultive la famille de Léo.
Et si Close est si criant de vérité, c’est qu’il est porté par une infaillible direction d’acteurs. Le film révèle deux jeunes comédiens impressionnants et pouvait difficilement trouver mieux que Léa Drucker et Emilie Duquenne pour incarner la douceur et la douleur maternelle.
Peut-être que le scénario aurait mérité de creuser un peu plus longtemps la relation fusionnelle entre les garçons et la perception qu’en ont leurs proches plutôt que de rapidement passer dans l’après et la gestion de la culpabilité, mais Close se révèle être un mélodrame fort et émouvant. On comprend le prix du Jury obtenu à Cannes.

Synopsis : Léo et Rémi, 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu’à ce qu’un événement impensable les sépare. Léo se rapproche alors de Sophie, la mère de Rémi, pour essayer de comprendre…

Cinéma | LA CONSPIRATION DU CAIRE – 15/20

De Tarik Saleh
Avec Tawfeek Barhom, Fares Fares, Mohammad Bakri

Chronique : Un peu seul contre tous, je n’avais pas accroché plus que ça à Le Caire Confidentiel, trop dense et confus malgré ses indéniables qualités formelles. La Conspiration du Caire, nouveau thriller de Tarik Saleh, m’a autrement convaincu. Grâce à un récit fluide aux rebondissements nombreux mais maîtrisés, le réalisateur égyptien nous embarque dans un jeu d’infiltration et d’espionnage au cœur de l’élite de l’enseignement coranique.
S’il n’est pas toujours aisé de comprendre d’emblée les aspirations de chacun et les desseins qui se cachent derrière chaque coup joué, on finit par s’y retrouver. Une écriture au cordeau, sans temps mort, et un scénario jouant sur deux tableaux y contribuent grandement. Le film parvient ainsi à trouver un bel équilibre entre la conspiration politico-religieuse et le parcours intime d’un gamin qui perd son innocence en s’y trouvant mêlé malgré lui. La Conspiration du Caire offre une lecture sans concession d’une Egypte politique corrompue et de son rapport aux instances religieuses, doublée d’une histoire d’apprentissage trépidante au cœur d’une institution pas avare en hypocrites et faux dévots.
La réalisation est en outre sublime, la cinématographie ambitieuse, riche de plans aériens bluffants, très picturaux, se servant au mieux du superbe décor que constitue la secrète université religieuse al-Azhar.
Tarik Saleh signe avec La Conspiration du Caire un thriller politico-religieux complexe, courageux, beau et ambitieux.

Synopsis : Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays.