Cinéma | BABYLON – 17/20

De Damien Chazelle
Avec Brad Pitt, Margot Robbie, Diego Calva

Chronique : Damien Chazelle restitue avec une énergie électrisante et un appétit vorace l’envers du décor des tout débuts d’Hollywood. Le réalisateur des géniaux Whiplash, Lalaland ou First Man capture le tourbillon crasse de stupre, de drogue et de fête qui embrasait LA à l’époque, bien loin de l’image glamour véhiculée par l’usine à rêve. Il filme crûment la face cachée des premiers jours de l’industrie cinématographique, sans fard ni filtre. Il nous plonge dans la frénésie des tournages des films muets des années 20, ses dizaines de plateaux côte à côte dans le désert californien et ses figurants fangeux. Il nous guide dans l’hystérie des bacchanales des premières villas des Hills, où acteurs, producteurs, jeunes comédiennes et tous ceux que la lumière attire assument la décadence et la dépravation d’une corporation vivant (encore) sans règle ni limite. Chazelle nous offre quarante premières minutes ébouriffantes dont on ressort aussi lessivés qu’impressionnés.
Une affolante introduction donc, pour mieux poursuivre avec le récit de la fin d’une époque, celle du cinéma muet et de ceux qui le faisaient. Il résonne évidemment avec la période actuelle et la révolution des plateformes, mais l’angle de la mutation profonde d’un business est tout aussi pertinent pour raconter les personnages de Babylon et leurs destins brisés.
L’histoire de Nellie, Manny et Jack sert d’écrin à une mise en scène magistrale et étourdissante, éreintante même. Assénant une idée à la minute et un plan iconique tous les quarts d’heure, Chazelle ne pouvait pas rendre un plus bel hommage au 7ème art qu’en donnant naissance à un très grand film de cinéma, au montage sophistiqué et fluide, à l’image élégamment élaborée, aux couleurs chatoyantes et aux musiques entêtantes (parfois rebonds de celles de Lalaland). Il trouve dans son trio d’acteurs de formidables ambassadeurs. Margot Robbie fait du Margot Robbie, c’est limité mais excessif, donc parfaitement adapté à Nellie LaRoy. Brad Pitt prête à Jack son physique de quinqua bellâtre avec une douce ironie et un brin de nostalgie qui densifient sa performance, sans doute la plus émouvante de Babylon. Mais la vraie révélation est l‘inconnu Diego Calva, en jeune assistant immigré espagnol naïf, prêt à tout pour travailler dans le cinéma. Son Manny est le seul à avoir un minimum de recul pour voir le monde changer et évoluer lui-même.
Si le début du 3ème tiers est un peu moins réussi, le scénario s’égarant dans une intrigue secondaire trop éloignée de son sujet principal, la fin d’un monde et la mutation d’une industrie, Babylon n’ennuie jamais, surprend souvent, épate en permanence.
C’est une fresque grandiose qui déborde de cinéma et trimballe cette idée un peu naïve mais bien réel qu’il comme un Phoenix, renaissant constamment de ses cendres.
Avec Babylon, Damien Chazelle le fait vibrer intensément.

Synopsis : Los Angeles des années 1920. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, BABYLON retrace l’ascension et la chute de différents personnages lors de la création d’Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.

Cinéma | L’IMMENSITA – 13/20

De Emanuele Crialese
Avec Penélope Cruz, Vincenzo Amato, Luana Giuliani

Chronique : Dans l’Italie des années 70 religieuse et machiste, Adriana se bat avec son genre et veut qu’on l’appelle Andrea. Proche de sa mère qui semble la seule à pouvoir la comprendre, elle la regarde impuissante, avec ses frère et sœur, se perdre dans un mariage toxique et s’éteindre à force d’endurer la brutalité de son mari.
Emmanuele Crialese filme cette histoire d’apprentissage avec authenticité et une incontestable sincérité, l’histoire d’Adri/Andréa étant majoritairement autobiographique.
Peut-être est-ce dû à un excès de pudeur, mais L’Immensita donne parfois l’impression que son contenu est limité et manque de richesse malgré son sujet. Cela finit par se ressentir sur son rythme. En choisissant de ne pas choisir entre Adri et sa mère comme protagoniste principal de son film, Crialese reste en surface et peine à traiter tout à fait chacun d’entre eux.
Néanmoins, sa mise en scène est aussi élégante qu’inspirée. La superbe photographie du film sert aussi bien les plans serrés sur les visages de ses personnages que la fluidité des travelings extérieurs, superbement éclairés. Le réalisateur capture de beaux moments qu’il agrémente de fulgurances chantées et dansées emballantes, hommages à la variété italienne des années 60 qui subliment Penelope Cruz. L’actrice y est plus icône que jamais. A force de dire à chacun de ses rôles que c’est son meilleur, il va falloir admettre qu’elle est simplement l’une des actrices les plus fascinantes et inspirante de sa génération. Sa beauté va bien au-delà de sa plastique. Alliant exubérance et profondeur, association rare, elle compose dans L’Immensita une déchirante figure maternelle et est son principal atout.

Synopsis : Rome dans les années 1970. Dans la vague des changements sociaux et culturels, Clara et Felice Borghetti ne s’aiment plus mais sont incapables de se quitter. Désemparée, Clara trouve refuge dans la relation complice qu’elle entretient avec ses trois enfants, en particulier avec l’aînée née dans un corps qui ne lui correspond pas.
Faisant fi des jugements, Clara va insuffler de la fantaisie et leur transmettre le goût de la liberté, au détriment de l’équilibre familial…

Séries | OZARK – 16/20 | WILLOW S01- 11/20 | 3615 MONIQUE S02 – 08/20

OZARK Intégrale (Netflix) – 16/20

Petite sœur vacharde et malpolie de Breaking Bad, Ozark n’a certes pas la même virtuosité d’écriture et de mise en scène, mais elle entretient sur 4 saisons un suspense intense, haletant, quasi sans temps mort. La série est extrêmement addictive, surtout quand, comme moi, on la découvre sur le tard et qu’on peut la bing watcher. Elle frôle parfois avec le too much, sans franchir la ligne rouge pour autant. Ozark doit beaucoup à ses personnages, tantôt touchant, tantôt exaspérant, mais tous très bien écrits, avec relief et nuance, jusqu’à nous faire parfois honteusement oublier leur amoralité. Un conseil, ne vous attachez pas trop…. La principale réussite des scénaristes est d’avoir parfaitement traduit l’emprise tentaculaire et le caractère invasif du Cartel sur la famille Byrne et ceux qui les approchent. Un engrenage mortifère. Un must see de Netflix. Laura Linney est une reine (bitch queen).


WILLOW S01 (Disney+) – 11/20

Oh la Madeleine de Proust! Très fan du film original dans mon enfance, je retournais avec nostalgie dans l’univers de Willow, avec le souvenir ému de son humour et ses effets spéciaux d’un autre temps (dieu ce que ça a vieillit).
Cette suite se décline logiquement en série et modernise le ton qu’elle emploie pour répondre aux attentes des jeunes abonnés de Netflix et Disney+. La nouvelle épopée est visuellement ambitieuse, bien qu’un peu cache-misère par moment (mais ça rappelle l’original !) et parfois (souvent) répétitive. Pas toujours passionnante, elle remplit cependant le contrat d’une fantasy pour pré-ados qui cherchent à se faire gentiment peur. Pas certain cependant d’embarquer pour une deuxième saison.


3615 Monique S02 (OCS) – 08/20

Une deuxième saison complétement ratée dans laquelle tout va trop vite. Le scénario est brouillon, multipliant les ellipses accommodantes et perdant le spectateur au passage, le jeu des acteurs est approximatif, excessif et donne l’impression d’une grand improvisation. Enorme déception au regard de l’excellente première saison

LES CYCLADES – 13/20

De Marc Fitoussi
Avec Laure Calamy, Olivia Côte, Kristin Scott Thomas

Chronique : Les Cyclades est un amusant et dépaysant road-movie féminin au cœur des îles grecques. Il repose sur l’association improbable de deux femmes aux tempéraments diamétralement opposés ce qui constitue par essence un excellent moteur comique. Blandine et Magalie étaient inséparables à l’adolescence puis se sont perdues de vue, mais la vie (le fils de Blandine surtout) les amenera à enfin partager le voyage qu’elles rêvaient de faire 30 ans plus tôt (sur les traces du Grand Bleu).
Comédie très écrite et bien écrite, Les Cyclades délivre son lot des saillies bien senties et capitalise au maximum sur la nature et le talent de ses actrices, quitte à flirter parfois avec la caricature.
La pétillante Magalie et l’austère Blandine confrontent leurs caractères discordants, s’affrontent et se rabibochent. La tornade Laure Calamy insuffle toute son énergie, son culot et sa gouaille à ce personnage haut en couleur et plus complexe qu’il n’y parait, elle rayonne et continue d’étonner. Malgré ses trois films par mois, on ne s’en lasse pas encore ! Olivia Côte en miss Droopy est son négatif parfait, mais forcément moins en lumière. Deux personnages forts donc, mais qui ne parviennent pas tout à fait à donner un rythme au film, qui a tendance à ronronner. Les Cyclades se décante vraiment lorsqu’elles rejoignent Bijou, irrésistible Kristin Scott Thomas, sublime en sexagénaire cheveux blancs au vent, hippie éprise de liberté mais dont la vie n’est certainement pas aussi légère qu’elle veut bien le faire croire.
Les Cyclades s’avère être un beau film sur l’amitié, la sororité, les regrets et le temps qui passe, une comédie souvent drôle mais qui aurait mérité un peu plus de folie et d’ambition dans son exécution, on aurait aimé une prise de risque plus assumée. Il nous laisse avec l’impression d’être passé à côté de quelque chose de plus marquant.

Synopsis : Adolescentes, Blandine et Magalie étaient inséparables. Les années ont passé et elles se sont perdues de vue. Alors que leurs chemins se croisent de nouveau, elles décident de faire ensemble le voyage dont elles ont toujours rêvé. Direction la Grèce, son soleil, ses îles mais aussi ses galères car les deux anciennes meilleures amies ont désormais une approche très différente des vacances… et de la vie !

Cinéma | JOYLAND – 14/20

De Saim Sadiq
Avec Ali Junejo, Alina Khan, Sania Saeed

Chronique : C’est l’histoire d’un garçon qui n’est pas à sa place, mais qui fait comme si, jusqu’à ce que la passion bouleverse sa vie. Haider est marié à une femme qu’il respecte mais n’aime pas. Lorsqu’il trouve enfin un travail, danseur dans un cabaret « érotique », il tombe immédiatement sous le charme de Biba, une danseuse transgenre.
Pour sa première réalisation, Saim Sadiq filme la ville de Lahore (Pakistan), avec un style déjà très affirmé. Il joue des lumières et de la richesse des couleurs pour produire de très belles images et composer des plans inspirés, qui optimisent le format 4:3.
Si la forme convainc, le fond est également riche et complexe, à l’image de ses personnages très nuancés. Joyland questionne sur l’identité, de genre ou sexuelle, le désir ou encore la condition féminine dans une société patriarcale. Plus généralement le film interroge sur ce qu’il nous reste de liberté ou de libre arbitre lorsque les normes sociales réglementent nos vies.
Il est poignant de voir le peu d’issue, le peu de perspective qui s’offrent à Haider, Biba et Fayyaz, tout comme les frustrations que les carcans imposés par le conservatisme religieux génèrent.
Malgré son histoire de cabaret qui laisse présager un peu de lumière, un peu de légèreté, Joyland (le mal nommé) laisse ses personnages avec peu d’espoirs. On aurait pu penser qu’il y aurait un peu plus de lumière lorsque Haider touche du doigt ce qu’il est vraiment et ce qu’il aime, mais il est très vite renvoyé à ce qu’il se doit d’être.
Sans doute trop long d’une bonne quinzaine de minutes (certaines intrigues secondaires apparaissent superflues) Joyland délivre dans sa très jolie mise en scène un message fort mais un peu désabusé.

Synopsis : A Lahore, Haider et son épouse, cohabitent avec la famille de son frère au grand complet. Dans cette maison où chacun vit sous le regard des autres, Haider est prié de trouver un emploi et de devenir père. Le jour où il déniche un petit boulot dans un cabaret, il tombe sous le charme de Biba, danseuse sensuelle et magnétique. Alors que des sentiments naissent, Haider se retrouve écartelé entre les injonctions qui pèsent sur lui et l’irrésistible appel de la liberté.

Séries | SLOW HORSES S02 – 15/20 | PARIS POLICE 1905 – 14/20 | THE PATIENT – 12/20

Chroniques :

SLOW HORSES S02 (AppleTV+) – 15/20

Maintenant que les présentations sont faites, la série peut déployer ses ailes et prendre une autre ampleur. Toujours empreinte d’un humour noir très british, la série monte d’un cran au niveau des enjeux et les rend plus personnels. On retrouve avec plaisir les agents déclassés de l’étable dans une intrigue complexe qui réchauffe les inimitiés endormies de la guerre froide (c’est à la mode). La qualité de l’interprétation est aussi réjouissante que l’écriture est fine et si Jack Lowden en chien fou lead le show, les confrontations entre Gary Oldman et Kristin Scott Thomas sont toujours savoureuses. La série est déjà prolongée pour 2 autres saisons, une affaire qui roule.


PARIS POLICE 1905 (Canal+) – 14/20

Cette suite à Paris Police 1900 sur les débuts de la police scientifique s’accompagne d’une indéniable montée en gamme. PP 1905 épate par son ambition visuelle, la reconstitution est impressionnante et les intrigues aussi sordides que prenantes. Mieux écrite, mieux jouée, plus concise et cohérente que la saison précédente (même s’il y encore beaucoup de noms à retenir), elle mêle brigade des mœurs et épidémie de syphilis, misogynie et homophobie, corruption policière et politique sur fond de séparation de l’Église et de l’état. Dense et sombre. En passe de devenir une valeur sur des Créations Originales Canal.

THE PATIENT S01 (Disney +) – 12/20

Série courte en quasi-huis clos, The Patient repose en grande partie sur ses interprètes. Steve Carell est magistral en psy séquestré par son patient/serial-killer. C’est quand elle sonde son passé et sa psyché que la série est la plus intéressante. Paradoxalement, elle l’est moins quand elle s’intéresse au geôlier, le personnage étant moins solide. Car le postulat de départ rend parfois la série peu crédible, bien qu’elle s’efforce d’être accrocheuse grâce à des clifhangers réguliers. Un peu light pour tenir 10 épisodes.

Cinéma | TOP 20 – 2022

Incomplet, partiel et partial, forcément, le top 20 des films que j’ai préférés cette année.

(Cliquez pour lire la chronique)

01 – LA NUIT DU 12
02 – AS BESTAS
03 – THE INNOCENTS
04 – UN AUTRE MONDE
05 – ELVIS
06 – LA CONSPIRATION DU CAIRE
07 – MONEYBOYS
08 – LA VRAIE FAMILLE
09 – LES BONNES ÉTOILES
10 – THE CARD COUNTER
11 – NOVEMBRE
12 – LEILA ET SES FRERES
13 – NOPE
14 – DECISION DU LEAVE
15 – A PLEIN TEMPS
16 – OUISTREHAM
17 – L’INNOCENT
18 – EN CORPS
19 – SHE SAID
20 – IRREDUCTIBLE