Cinéma | SPIDER-MAN : ACROSS THE SPIDER-VERSE – 17/20

De Joaquim Dos Santos, Kemp Powers, Justin Thompson
Avec Oscar Isaac, Issa Rae, Shameik Moore, Hailee Steinfeld

Chronique : Lauréat d’un Oscar mérité, Spider-man : New Generation (Into The Spider-verse en VO) avait révolutionné les codes de l »animation populaire il y 5 ans, imposant un traitement graphique inédit et démontrant qu’il y avait une alternative à la recherche de l’ultra-réalisme 3D d’un Pixar ou d’un Dreamworks. Un bijou d’inventivité d’une richesse visuelle inouïe qui a pris tout le monde par surprise et dont on se demandait bien comment il pouvait être surpassé.
Spider-man : Across The Spider-verse (SMATSV) y répond magistralement. Le film sublime le matériel originel et offre une expérience sensorielle sidérante. C’est un émerveillement constant à l’ambition artistique vertigineuse qui repousse encore plus loin les limites créatives de l’animation. On y traverse, subjugués, les mondes des différents Spider-héros que Miles côtoie, chacun héritant de sa propre direction artistique, une esthétique unique parfois radicale. La prouesse tient aussi au fait que chacun garde son style graphique quand il est plongé dans un monde différent, et qu’à l’image, ça fonctionne. Et mieux que bien. Ça commence dès les premières minutes avec un Vautour débarquant de la Renaissance dans le monde pastel de Gwen, avec un graphisme proche des esquisses de De Vinci. Fascinant et bluffant.
Chacune des « Terres » sont sublimement dessinées, on pourrait faire un arrêt sur image à n’importe quel moment et obtenir un tableau à accrocher dans son salon. Le métrage est si foisonnant de détails que dix visionnages ne suffiraient pas à tout voir.
L’animation est tout aussi affolante, offrant des combats à couper le souffle et des scènes d’action étourdissantes, toujours motivée par l’exigence de lisibilité et de cohérence d’ensemble.
Mais cette virtuosité technique serait vaine si le scénario et les personnages n’étaient pas à sa hauteur. Encore une fois, SMATSV se hisse à un niveau d’excellence rarement vu dans un film de super-héros. La notion d’univers parallèles ou multi-verse, n’a jamais été traitée avec autant de clarté et de rigueur. Le récit est solide et compréhensible, rythmé par des twists narratifs réussis, l’un d’eux établissant une connexion inattendue avec New Generation, renforçant l’empathie entourant Miles. Car c’est bien son histoire qui est le cœur de SMATSV, le destin touchant et sincère d’un ado qui cherche sa voix. D’une manière générale, l’ensemble des personnages sont fouillés, construits avec la même exigence de singularité malgré leur nombre. L’écriture est à la fois drôle, bien plus que dans le précédent, tragique et s’appuie sur un scénario dense, mais aussi complexe que lisible et évident. Il est question de prédestination et de libre arbitre, de famille(s), d’éveil amoureux et évidemment de responsabilité. Il intègre naturellement les bases de la mythologie Spider-man avec déférence et respect, et amuse avec une foule de références au comics et aux précédents films. Mais ce fan-service ne parasite en rien l’histoire, il parvient même à avoir une vertu pédagogique sur le fonctionnement du Spider-verse.
Across the Spider-verse est un film d’animation total, passionnant, haletant de bout en bout, porté par une bande-son euphorisante. Un chef d’œuvre techniquement impressionnant, épique narrativement et émotionnellement très abouti. Il s’achève sur un final tonitruant et un clifhanger très bien amené, qui décuple (si c’est encore possible) l’impatience de découvrir Beyond the Spiderverse l’année prochaine. On a bien reçu la claque annoncée et on a très envie de la recevoir à nouveau.

Synopsis : Après avoir retrouvé Gwen Stacy, Spider-Man, le sympathique héros originaire de Brooklyn, est catapulté à travers le Multivers, où il rencontre une équipe de Spider-Héros chargée d’en protéger l’existence. Mais lorsque les héros s’opposent sur la façon de gérer une nouvelle menace, Miles se retrouve confronté à eux et doit redéfinir ce que signifie être un héros afin de sauver les personnes qu’il aime le plus.

Séries | SWEET TOOTH S02 – 14/20 | LA DIPLOMATE – 13/20 | B.R.I – 12,5/20

SWEET TOOTH S02 (Netflix) – 14/20 : Cette deuxième saison maintient tout l’intérêt et la singularité de Sweet Tooth, qui repose beaucoup sur l’équilibre réussi entre la mignonnerie des enfants hybrides et l’horreur des sévices qu’ils subissent. Le futur apocalyptique qu’elle décrit est cohérent et visuellement convaincant. Le scénario se développe à bon rythme dévoiler son lot de révélation tout en maintenant suffisamment de mystère sur l’origine du virus. Mais surtout le récit a du cœur, beaucoup de cœur, ce qui rend la série vraiment attachante et contraste avec la brutalité parfois choquante qui la traverse.


B.R.I S01 (Canal+) – 12,5/20 : Dans la lignée ultra réaliste des séries policières de Canal (Braco, Engrenages) BRI s’appuie autant sur les enquêtes que sur flics qui les mènent. C’est ce focus sur les personnages qui fait que l’on accroche, alors que l’intrigue est elle parfois confuse. A part l’accent approximatif de Vincent Elbaz au point qu’on ne sait pas trop ce qu’il veut jouer, le reste du casting tient vraiment la route, en particulier l’équipe de flics. La série doit trouver un équilibre entre ses missions de Recherche et d’Interventions (en gros entre planques et action), car il y a beaucoup de « filoches » qui nuisent un peu au rythme général. On est encore loin du niveau d’Engrenages niveau intensité et complexité, mais une première saison prometteuse.


LA DIPLOMATE S01 (Netflix) – 13/20 : Série étonnante que La Diplomate. Elle est verbeuse, peu spectaculaire (elle se passe quasi exclusivement dans les salons du pouvoir) et nous bombarde sans cesse de termes techniques à la limite de la caricature (mieux vaut éloigner son téléphone). Le pitch est également hautement improbable mais au final ça fonctionne grâce à talent de son casting, une pointe d’humour et le charisme rayonnant de Kerri Russel. Surtout on devine un potentiel exponentiel pour la suite.

Cinéma | MISANTHROPE – 12,5/20

De Damián Szifron
Avec Shailene Woodley, Ben Mendelsohn, Jovan Adepo

Chronique : Il est de plus en plus rare de retrouver sur grand écran le plaisir de se faire surprendre par un bon thriller tendu et efficace. Misanthrope est de cette trempe. Un mass killer insaisissable, des flics cabossés par la vie, une enquête qui piétine, des fausses pistes, autant d’ingrédients que le film de Damián Szifron associe dans une mise en scène inspirée. Enlevée et nerveuse, elle tire le meilleur de l’ambiance crépusculaire qui règne à Baltimore et compose des plans larges construits avec soin. Le jeune réalisateur argentin nous plonge directement dans le bain avec une première scène choquante se déroulant lors du passage à la nouvelle annnée, où l’on voit des fêtards se faire dégommer par un sniper de manière totalement aléatoire.
Misanthrope est porté par des personnages solides, notamment celui interprété par Shailene Woodley, excellente, aux faux-airs de Clarice Sterling. Le sous texte également est intéressant, le film faisant en fond la critique d’une société américaine post-pandémique de plus en plus individualiste et nombriliste, où l’affrontement radical de points de vue irréconciliables crée un sentiment de peur et d’insécurité permanent que l’on sent bien dans le film.
Dommage que le dénouement, bavard et longuet, ne soit pas forcément à la hauteur de ce qui précède. Mais le plaisir est réel.

Synopsis : Eleanor, une jeune enquêtrice au lourd passé, est appelée sur les lieux d’un crime de masse terrible. La police et le FBI lancent une chasse à l’homme sans précédent, mais face au mode opératoire constamment imprévisible de l’assassin, l’enquête piétine. Eleanor, quant à elle se trouve de plus en plus impliquée dans l’affaire et se rend compte que ses propres démons intérieurs peuvent l’aider à cerner l’esprit de ce tueur si singulier…

Cinéma | JEANNE DU BARRY – 13/20

De Maïwenn
Avec Maïwenn, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe

Chronique : Maïwenn filme le destin de la Du Barry, roturière, courtisane et dernière favorite de Louis XV. De son enfance modeste à son ascension sociale par et grâce aux hommes, la réalisatrice raconte comment elle conquit Versailles en séduisant le roi. Mais, et la réalisatrice ne s’en cache pas, c’est autant une œuvre biographique qu’un autoportrait qu’elle livre ici. À travers la vie de la comtesse, Maïwenn prend la parole pour parler de son propre parcours, de ses propres combats, et en particulier de son rapport contrarié au féminisme. Le choix de Johnny Depp est clairement une provocation et il y a dans sa manière de décrire la réussite de la Du Berry l’idée que les femmes ont besoin des hommes, qu’ils sont un outil qui, bien utilisé, doit leur permettre de parvenir à leurs fins. Elle défend un féminisme à l’ancienne, solitaire, séducteur, admire la force des femmes qui ont réussi seules et « malgré », quitte à laisser passer les abuseurs car au fond, ce ne sont que des hommes (le personnage de Pierre Richard est en cela symptomatique). Elle fracasse en passant la notion de sororité. Les principales ennemies sont les femmes, des pestes ou des figures autoritaires et liberticides dont il faut se méfier. Maïwenn tient cependant à dépasser le statut d’arriviste de son héroïne pour en faire la protagoniste d’une histoire d’amour qu’elle décrit authentique. Mais quoi de plus toxique que l’amour d’un roi ?
Le fond du film n’est donc pas forcément dans l’air du temps et apparaît problématique d’autant qu’il n’offre pas de contradiction, le point de vue n’est jamais relativisé ou mis en perspective. Sur la forme en revanche, c’est une réussite. La mise en scène est bien plus élaborée que dans ses précédents films qui capitalisaient (et fort bien) sur l’énergie qui émanait des interactions électriques entre comédiens. Son Versailles est crédible, sophistiqué et lui offre la possibilité de créer de très beaux plans. A l’écran cohabitent son goût des dialogues piquants et inspirations inédites de cadrage pour donner de très jolies scènes, qu’élèvent de superbes costumes et maquillages. La réalisatrice met de côté pour un moment le bordel organisé caractéristique de son cinéma où tout le monde parle en même temps, comme pour souligner la solitude de la comtesse. Ce qui ne l’empêche pas d’exceller encore une fois dans sa direction d’acteur, même si le personnage de La Borde incarné par Benjamin Lavernhe, gracieux et humain se démarque nettement. Et si les filles du roi sont des caricatures dignes de Javotte et Anastasie, reconnaissons qu’elles sont amusantes, donnant des airs de conte de fées au portait très personnel que fait Maïwenn de Jeanne du Barry.

Synopsis : Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.

Cinéma | LES GARDIENS DE LA GALAXIE 3 – 13,5/20

De James Gunn
Avec Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista

Chronique : Après la surenchère un peu stérile du Volume 2, la saga galactique de Marvel retrouve les fondamentaux qui avait fait du premier la carton surprise (et mérité) que l’on connait. Loin des obligations narratives du MCU et en se recentrant sur ses personnages et les dynamiques qui les lient, James Gunn offre à ses gardiens une sortie pleine de panache avant d’aller s’occuper du DC-verse chez Warner.
La relation entre Quill et la « nouvelle » Gamora est bien construite, mais c’est surtout l’arc narratif autour de Rocket qui est au cœur du film. D’abord parce que l’intrigue s’articule autour de la mission pour le sauver et d’autre part parce qu’on découvre d’où vient le raton-laveur et pourquoi il parle à travers de déchirants flash-back. Son origin story est l’une des plus inventive et touchante du MCU et suffit à elle seule à justifier ce nouvel opus. Mais ce Gardiens de la Galaxie 3 a d’autres atouts, comme une vraie mise en scène qui, même si on est de moins en moins exigeant, se démarque des réalisations médiocres et stéréotypées des dernies Marvel (Shang-Chi Thor, Ant-man). Même le bad guy est plutôt réussi. C’est drôle sans être lourd (contrairement au volume 2), et James Gunn peut s’appuyer sur l’alchimie entre les acteurs et l’esprit de bande évident qui émane des personnages. Il peut aussi s’appuyer sur la (très bonne) bande son qu’il utilise à bon escient, et non pas comme un simple gimmick. En revanche, c’est encore une fois beaucoup, beaucoup, trop long. Le scénario souffre de passages à vide et assène quelques scènes répétitives qu’on a l’impression d’avoir déjà vu 100 fois. Heureusement, l’énergie, la bonne humeur et l’émotion l’emportent la plupart du temps. Car c’est bel et bien un adieu poignant qu’orchestre le réalisateur pour ses gardiens, balançant entre rires et larmes. Une sortie qui sonne de manière assez définitive… mais sait-on jamais avec Marvel…

Synopsis : Notre bande de marginaux favorite a quelque peu changé. Peter Quill, qui pleure toujours la perte de Gamora, doit rassembler son équipe pour défendre l’univers et protéger l’un des siens. En cas d’échec, cette mission pourrait bien marquer la fin des Gardiens tels que nous les connaissons.

Séries | SALADE GRECQUE – 14/20 | EXTRAPOLATIONS – 14/20 | VISITORS – 13/20

SALADE GRECQUE S01 (Amazon) – 14/20

Une réussite, en grande partie grâce aux deux interprètes de Tom et Mia, et en particulier Aliocha Sneider, très drôle, désarmant de candeur et de naturel. Mais également parce que Klapish a eu l’intelligence de s’entourer de scénaristes vingtenaires pour raconter la jeunesse d’aujourd’hui et non celle de l’Auberge Espagnole. L’insouciance de Barcelone est bien loin, la nouvelle génération est plus engagée, concernée et consciente. Les thèmes de la série tranchent donc avec le film original tout en jetant des coups d’yeux amusés dans rétro. Ils sont plus graves, moins joyeux sans que l’ensemble ne soit pesant pour autant.
Salade Grecque capte l’inquiétude de l’époque mais selon différents points de vue, parvenant en cela à garder l’ingrédient principal de la saga initiée par Cédric Klapish il y a 20 ans, l’esprit de bande.


EXTRAPOLATIONS (AppleTV+) – 14/20

Série d’anticipation ultra ambitieuse, portée par de gros moyens et un énorme cast, Extrapolations a autant pour mission de divertir que d’alerter sur les conséquences du réchauffement climatique. Et franchement ça fonctionne, la série est brillamment anxiogène… Pour coller au plus près du réel, elle refuse le spectaculaire et impose un ton singulier auquel on s’habitue. S’il y a un fil conducteur à cette saison (incarné par le personnage de Kit Harrigton), chaque épisode peut être vu indépendamment, traitant d’un sujet bien précis et adoptant un style narratif différent (drame, thriller, polar, SF pure). Voir évoluer ce casting royal est un vrai plaisir, mention pour le trio Maguire Whitaker Cotillard de l’épisode 7.
Fascinant et un poil déprimant.


VISITORS S01 (Pass Warner) – 13/20

Simon Astier propose une amusante série fantastique visuellement aboutie, inspirée des années 80/90. Une série un peu fauchée mais maline et qui déborde de sincérité. Une comédie certes, mais qui respecte ses références et oui, qui fait même un peu peur. Rythmée et exploitant très bien le format 26’, Visitors propose même quelques très bonnes idées de mise en scène comme cet épisode remontant le temps et alternant les point de vue après une soirée arrosée. Avec peu de moyens, Astier parvient à faire rire et à nous tenir solidement en haleine.

Cinéma | BURNING DAYS – 15/20

De Emin Alper
Avec Selahattin Paşalı, Ekin Koç, Erol Babaoğlu

Chronique : Situant son récit dans une petite ville de province turque, le réalisateur Emin Alper y dénoncent les travers actuels de la société turque sous couvert d’un thriller politique paranoïaque à taille humaine mais diablement efficace.
On y suit Emre, un jeune procureur idéaliste, naïf et un poil arrogant, convaincu qu’il parviendra à faire respecter le droit et la loi malgré l’opposition parfois sournoise des notables de la ville prêts à tout pour défendre leurs privilèges.
La structure du scénario construit autour d’enquête entrecoupée de flash-back hallucinés est habile et permet de faire monter progressivement la tension autour de Emre. Se heurtant d’abord aux habitants sur des sujets mineurs (comme la chasse au sangliers), il va vite s’apercevoir des disfonctionnements systémiques de la ville, alerté sur un potentiel scandale autour de son approvisionnement en eau. Il va alors subir menaces à peine voilées et intimidations avant de se trouver lui-même au cœur d’une affaire de mœurs.
Alors que l’intensité des menaces sur Emre s’amplifie et que son rapprochement avec un journaliste de l’opposition au maire en place fait de plus en plus jaser, il tarde à saisir tout à fait le piège qui se referme sur lui.
A travers le combat un peu désespéré de son personnage principal, Alper brosse un portrait féroce de la Turquie d’Erdogan et de ce qui la gangrène, corruption, populisme, clientélisme, misogynie ou encore homophobie.
Sa mise en scène brillante et surtendue, donne de l’ampleur et du nerf à son récit, sublimé par une photographie puissante, exploitant au maximum ses décors arides et le dédale des rues de la ville. Alper délivre des plans d’une tension extrême, jouant aussi bien des codes du thriller, du western que de l’horreur.
Porté par des acteurs exceptionnels (en particulier Selahattin Paşalı qui incarne Emre) Burning Days va crescendo pour nous emmener vers un final irrespirable et un dernier plan sidérant.

Synopsis : Emre, un jeune procureur déterminé et inflexible, vient d’être nommé dans une petite ville reculée de Turquie. À peine arrivé, il se heurte aux notables locaux bien décidés à défendre leurs privilèges par tous les moyens, même les plus extrêmes.